Skip to main content

Full text of "Memoires"

See other formats


This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 
to make the world's books discoverable online. 

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover. 

Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the 
publisher to a library and finally to y ou. 

Usage guidelines 

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to 
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying. 

We also ask that y ou: 

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for 
Personal, non-commercial purposes. 

+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine 
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. 

+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 

+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of 
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe. 

About Google Book Search 

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web 



at |http : //books . google . corn/ 




Digitized by 



Google 



HARVARD COLLEGE LIBRARY 




BOUGHT FROM THE INCOME OF THE FUND 

BEQUEATHED BV 

PETER PAUL FRANCIS DEGRAND 

U 787-1855) 

OF BOSTON 

FOR FRENCK WORKS AND PERJODIÇALS ON THÉ EXACT SCIENCES 

AND ON CHEMISTRV, ASTROSOMY AND OTHEtt SCIENCES 

APPUEÛ TO THE ARTS AND TO NAVIGATION 



Digitized by 



Google 



J 



y 






Digitized by 



Google 



1 



Digitized by 



Google 



ACADÉMIE 

DES SCIENCES, BELLES- LETTRES ET ARTS DE LYON 



MÉMOIRES 

DE LA CLASSE DES LETTRES 



c 






Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 



MÉMOIRES 



L'ACADÉMIE 

DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS 
DE LYON 



CLASSE DES LETTRES 



VOLUME VINGT ET UNIEME 




PARIS 

J.-B. BAILLIÊRE, libraire, rue Hautefeuille 

LYON 

Ch. PALUD, libraire, rue de la Bourse 

i885 
1 BEÏCaiiUfSl'ALT j 



Digitized by 



Google 



LSoc 1636.17 



HARVARD COLLEQE UBRARIT 
DE6RAN0FUN0 



Digitized by 



Google 



ACADÉMIE 

DES SCIENCES, BELLES-LETTRES^ET ARTS 
DE LYON 



État de rAcadémie au l*' janvier 1885 



MEMBRES ASSOCIÉS. 



MM. Jayr, ancien préfet du Rhône, à Ceyzériat (Ain) (1842). 
La Comtesse d'Aleskewitch (1842). 
Réveil (Edouard), ancien maire de Lyon (1848). 
Chevreul, de l'Institut, à Paris (i852). 
DuMONT, de r Institut, à Paris (1862). 
B0NNASSIEUX, de rinstitut, à Paris (1869). 
Meissonier, de Tlnstitut, à Paris (1873). 
Le Commandeur De Rossi, à Rome (1876). 
Pasteur, de l'Institut, à Paris (1877). 
Bertrand (Joseph), de l'Institut, à Paris (i883). 



Digitized by 



Google 



BUREAU POUR LES ANNÉES 1884 et i885. 

GUne dM Sdeicei. M«4«ttni«tArti. 

Présidents MM.Marmy ciDelocre, Mollière. 

Secrétaires généraux. . Bonnel, Heinrich. 

Secrétaires adjoints . . Allégret, E. Guimet. 

Trésorier H. Morin-Pons. 

Archiviste Saint-Lager. 



CLASSE DES SCIENCES. 



|0 MEMBRES TITULAIRES ÉMÉRITES. 



MM. Tisserand, à Mâcon (1876). 
Michel (Jules), à Paris (1878). 
Falsan, à Collonges-sur-Saône (1884). 



!• MEMBRES TITULAIRES. 



Mathématiques, Mécanique et Astronomie, 
Physique et Chimie. 

(Neuf Membres.) 

MM. Glénard(i857). 
Loir (1862). 
Aynard(i865). 
Lafon (1873). 
BoNNEL (1874). 
Delocre(i876). 
André (1878). 
Allégret (1879). 
Valson (1882). 



Digitized by 



Google 



SECTION II*. 

Sciences naturellesy Zoologie, Botanique, Minéralogie 
et Oéologie, Économie rurale. 

(Neuf Membrea.) 

MM. Jordan (Al.) (i85o). 
Berthaud(i873). 
Chauveau(i876). 
Lortet(i876). 
Marmy(i878). 
Chantre (1879). 
Locard(i879). 
Saint-Lager (1881). 
Delore(i884). 



SECTION ÎII*. 

Sciences médicales. 

(SixMmbrw.) 

MM. Bouchacourt(i863). 
Teissier (i863). 
Desgranges (1864). 
Berne (1869). 
Ollier(i876). 
Rollet(i876). 



3* MEMBRES CORRESPONDANTS. 



MM. De Montmeyan, à Aîx (1840). 

Itier, directeur des douanes, à Marseille (1843). 

Cara, directeur du Musée d'histoire naturelle, à Ca« 

gliari(i843). 
Bresson, à Paris (1844}. 
NoiROT, médecin, à Dijon (1846). 
Payan, médecin, à Aix (Bouches-du-Rhône) (1 847). 
ScHioEDTE, conservateur du Musée d'histoire naturelle, 

à Copenhague ( 1 849) . 



Digitized by 



Google 



MM. Richard Owen^ à Londres (i852). 

Larrey, membre dePAcadémie de médecine, à Paris(i852). 

DoHRN, président de la Société entomologique, à Stet- 
tin (i852). 

Girard de Cailleux, inspecteur général des établissements 
d'aliénés, à Paris (i852). 

Bouquet, membre de l'Institut, à Paris (i85*2). 

Renard, à Moscou (i853). 

Girardin, à Rouen (1854). 

De Beust, directeur général des mines de Saxe (i855). 

Leconte (John), de l'Académie de Philadelphie (i855). 

A. DE Candolle, à Genève (i856). 

Jordan (Alexandre), ingénieur en chef en retraite, à Paris 
(i856). 

Marschall (le comte), zoologiste, à Vienne (1857). 

Rondot (Natalis), à Paris (1859). 

Dareste (Camille), à Paris (1859). 

Damour, membre de la Société géologique, à Paris (1860). 

Perrey (Alexis), professeur honoraire, à Lorient (1862). 

NoGUÈs, à Paris (1862). 

Perier, ancien médecin en chef des Invalides (1864). 

Serpieri, à Urbino (1866). 

QuESNOY, médecin-principal en chef, à Versailles (1867). 

Frenet, à Périgueux (1867). 

Arcelin, à Saint-Sorlin (1871). 

Macario, médecin, à Nice (1872). 

Perey, médecin à Nantes (1874). 

Coppi, géologue, à Modène (1878). 

Collet, professeur à la Faculté des sciences de Gre- 
noble ([878). 

Chambrun de Rosemont, géologue, à Nice (1879). 

Max Simon, médecin en chef de l'hospice de Bron (1880). 

DucROST (l'abbé), curé à Solutré (1881). 

DucLAUx, professeur à la Sorbonne, à Paris (1882). 

MiLLiÈRE, à Cannes (1882). 

De Tribollet, à Neuchâtel (Suisse) (1882). 

Campardon, docteur en médecine, à Paris (i883). 

GuBiAN, inspecteur des Eaux thermales à Lamotte-les- 
Bains (i883). 



Digitized by 



Google 



CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. 



|0 MEMBRES TITULAIRES ÉMÉRITES. 



MM. Valentin-Smith, à Trévoux (1864). 
BouiLUER, de r Institut, à Paris (1864). 
De Boissieu, à Lyon (1870). 
Onofrio, à Paris (1875). 
Gaillard (Léopold de), à Paris (1876). 
SouLTRAiT (le vicomte de), à Besançon (1876). 
De Lagrevol, à Paris (1878). 



20 MEMBRES TITULAIRES. 



SECTION r*. 
Uttérature, Éloquence, Poésie, Philologie. 

(Sept Membres.) 

MM. Heinrich (1869). 
Hignard(i87o). 
Ferraz (187 i). 
L. Roux (1875). 
Soulary (1879). 
R. DE Cazenove (i883). 
H. Beaune(i884). 

SECTION II*. 

Histoire et antiquités. 

(Six Membree.) • 

MM. H. MoRiN-PoNS (1861). 
Pariset(i873). 

GUIGUE (1877). 

Perret de la Menue (1878). 

Belot(i882). 

Vachez(i883). 



Digitized by 



Google 



SECTION m*. 
PhiloBophiey Morale, JurispradencOy Économie politique. 

(Neuf Membres.) 

MM. A. MoLLièRE(i862). 

GUINAND (1870). 

P. Rougier(i872). 
A. Dumont(i873). 
Caillemer (1876). 
Valantin (1878). 
E. Charvériat (1879). 
Berlioux (1881). 
Perrin(i883). 

section IV*. 

Peinture, Soulpture, Architecture, Gravure, Musique. 

(Six Membres.) 

MM. Fabisch (1857). 
Reignier(i862). 
Danguin (i865). 
E. Guimet(i867). 
Bresson (187 i). 
Neyrat(i874). 



30 MEMBRES CORRESPONDANTS. 



MM. jAGER(rabbé)(i835). 

Knemlin, à Fribourg (1839). 
Canonge (Jules), à Nîmes (1840). 
Rossignol, archiviste (1841). 
Levol (Florimond), à Paris (1842). 
Lafarelle, ancien député, à Nîmes (1842). 
Desportes (Auguste), à Paris (1845). 
Remacle, ancien magistrat, à Arles (1846). 
De Puymaigre, à Thionville (1846). 



Digitized by 



Google 



MM. Chaix, président de Chambre honoraire, à Riez (Basses- 
Alpes) (1848). 
Baux, archiviste, à Bourg (1849). 
Du Boys (Albert), à Grenoble (i85o). 
Bertinaria, à Turin (i85i). 
MiGNARD, à Dijon (i852). 
Duc DE Caraman, à Paris (i852). 
Barrault-Roullon, à Paris (1854). 
M"« Sasserno (Sophie), à Nice (i855). 
Grandperret (Th.), à Paris (i856). 
Bacci de la Mirandole, à Modène (1857). 
Regnault(A.), ancien archiviste au Conseil d'État (i858). 
Chaverondier (Aug.), archiviste, à Saint- Etienne (1860). 
Desserteaux, conseiller à la Cour de Besançon (1862). 
Le Duc (Philibert), inspecteur des forêts, à Belley (1862). 
De Meaux (le vicomte) (i863). 
Cannât de Chizy (Marcel) (1864). 
De Flaux (i865). 
Le Prince Vlangali (i865). 
Negri (le commandeur Christophe), à Turin (i865). 
Carra de Vaulx (1866). 
Revoil, architecte, à Nîmes (1866). 
De Gerando (le baron) (1869). 
Chantelauze (Régis de) (1876). 
Baguenault de Puchesse (1876). 
Flouest, à Paris (1877). 

José da Cunha, homme de lettres, à Bombay (1877). 
Robert, professeur à la Faculté des lettres de Rennes (i 877). 
Lucas (Charles), architecte, à Paris (1881). 
Labatie (Gabriel), à Talissieu (Ain) (1881). 
Malo (Léon), à Pyrimont (Ain) (1882). 
RosTAiNG (Léon), à Vidalon-les-Annonay (i883). 



Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 



ETAT AU 1" JANVIER 1885 

DES 

PRIX mmm m vmmm 

DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS 
DE LYON 



Fondation baron Lombard de BufHères. — Cette fon- 
dation, qui date de Tannée 1882, a été créée par M. Lombard 
de BuflSères, ancien avocat à la Cour d'appel de Lyon et 
ancien Conseiller de Préfecture, en vue d'honorer et perpé- 
tuer la mémoire de son père, M. le baron Jean-Jacques-Louis 
Lombard de BuflSères, ancien député de T Isère. Elle consiste 
en un revenu annuel de 6,000 fr. environ, qui doit être em- 
ployé de façon à développer dans Tenfance le respect et 
l'observation de ses devoirs envers Dieu^ envers soi-même et 
envers le prochain^ et à encourager tout ce qui pourrait ten- 
dre à faciliter et accroître ce développement. 

L'Académie décernera, en i885, les revenus de cette fonda- 
tion, sous forme de récompenses et médailles, à « ceux qui 
se dévouent à r éducation de la jeunesse ». 

Prix Christin et de Ruolz. — Cette fondation date de 
1756. Elle est due à Christin, secrétaire perpétuel de l'Académie, 
et à ses héritiers De Ruolz. Le prix Christin consiste en une ou 
plusieurs médailles de la valeur de 3oo fr. chacune, que l'Aca- 
démie décerne, à des époques indéterminées, au meilleur tra- 
vail qui lui est offert sur une question choisie par elle dans les 
mathématiques, la physique ou les arts. 

Le jugement sur le concours est rendu par une Commission 
composée de cinq membres, nommée tous les quatre ans par 
l'Académie. 



Digitized by 



Google 



L'Académie a mis au concours, en 1884, le sujet suivant : 

« Étude historique sur les Sculpteurs lyonnais et leurs 
œuvres depuis Vannée iSoo jusqu'à nos jours. » 

Le prix décerné sera une médaille d'or de la valeur de 
900 fr. Les mémoires ne seront pas signés; ils porteront 
en tête une épigraphe, et seront accompagnés d'un pli séparé 
et cacheté, renfermant la même épigraphe, avec le nom et 
l'adresse de l'auteur. 

Tout envoi, pour ce concours, devra être parvenu à l'Aca- 
démie avant leSi mars 1886, terme de rigueur. 

Prix Lebrun. — Ce prix, fondé en 1804 par le prince 
Lebrun , associé honoraire de l'Académie , consiste en une 
médaille valant 3oo fr. — Il est distribué annuellement aux 
inventeurs de procédés utiles au perfectionnement des manu- 
factures lyonnaises. Une Commission permanente de cinq 
membres, désignée tous les quatre ans par l'Académie, est 
spécialement chargée de recueillir et de vérifier les découvertes 
qui intéressent l'industrie en général, et celle de la soie en 
particulier. 

Les concurrents ne sont assujettis à aucune condition d'âge, 
ni d'origine. Les inventions qui sont présentées après le 
3 1 mars de chaque année sont mises au concours de l'année 
suivante. 

Prix Ampère. — Le prix Ampère a été fondé, en 1866, par 
M. et M™' Cheuvreux, légataires universels de J.-J. Ampère. 

Ce prix est d'une somme annuelle de 1,800 fr. Il est décerné, 
tous les trois ans et pour trois années consécutives, à un jeune 
homme sans fortune, né à Lyon ou dans le département du 
Rhône, ayant donné des preuves d'aptitude pour les lettres, les 
sciences ou les beaux-arts, et il doit lui servir à perfectionner 
ses études ou à poursuivre le cours de ses travaux. Les candi- 
dats doivent avoir 17 ans au moins et 23 ans au plus. 

Le concours pour le prix Ampère est annoncé six mois à 
l'avance par les journaux du département et jugé par une Com- 
mission spéciale de six membres, dont le tiers est renouvelé 
chaque année. En aucun cas le prix ne peut être divisé. 

Le dernier titulaire du prix Ampère l'ayant obtenu en 
juillet i883, le concours est ouvert dès à présent pour Tan- 
née 1886. 



Digitized by 



Google 



Prix Dupasqufer. — Ce prix a été fondé, en 1873, par feu 
Louis Dupasquier, membre titulaire de l'Académie. Il consiste 
en une somme de 5oo fr. accordée annuellement et à tour de 
rôle à un architecte, un peintre, un sculpteur, un graveur lyon- 
naid. 

La Commission permanente chargée de juger le concours 
est composée de sept membres nommés tous les quatre ans par 
l'Académie. Les œuvres doivent être soumises à l'examen de 
la Commission avant le 3o juin de chaque année. 

Les candidats doivent ne pas avoir dépassé 28 ans, sauf les 
architectes, pour lesquels la limite d'âge est reculée à 35 ans. 

En i885, ce sera le tour de la gravure. 

Prix Herpln. — La fondation de ce prix est due à la libé- 
ralité de feu le docteur Herpin, membre correspondant de 
l'Académie. Ce prix, qui est entré dans les attributions de 
l'Académie en 1878, consiste en une somme de 1,200 fr. qui 
sera donnée, tous les quatre ans, aux auteurs de recherches ou 
de travaux scientifiques, particulièrement physico-chimiques, 
propres à développer ou à perfectionner l'une des branches de 
l'industrie lyonnaise. 

La Commission d'examen est composée de cinq membres, 
désignés pour quatre ans par l'Académie. 

Les candidats doivent être Français. 

Les titres à l'appui de toute candidature, pour le prochain 
concours, devront être adressés à l'Académie avant le 
3i mars 1886, terme de rigueur. 

Prix généraux. — Indépendamment des fondations qui 
précèdent, l'Académie reçoit, à toute époque, communication 
des découvertes scientifiques, des travaux d'érudition et des ou- 
vrages de l'esprit. S'il y a lieu, elle accorde volontiers, à titre 
d'encouragement, aux auteurs ou inventeurs, une somme pro- 
portionnée à l'importance de leur communication. 

L'Académie choisit aussi, chaque année, un ou plusieurs 
sujets se rapportant aux sciences, belles-lettres ou arts, qu'elle 
met au concours et qu'elle annonce dans l'une de ses séances 
publiques de juillet ou décembre, en même temps que les règles 
et conditions de ce concours. La somme affectée au concours 



Digitized by 



Google 



est variable. L'Académie en détermine le chiffre elle-même, 
d'après Tintérêt qu'elle attache à la question et suivant les 
ressources dont elle dispose. Le jugement est prononcé sur le 
rapport d'une Commission spéciale de cinq membres, renou- 
velée tous les ans. 
L'Académie n'a pas ouvert ce concours en i885. 



N.B. — Pour tout ce qui concerne les prix de rAcadémie des scien- 
ces, belles-lettres et arts, s'adresser au Secre'tariat général, Lyon, place 
des Terreaux (Palais Saint- Pierre). 



Digitized by 



Google 



L'ABBÉ NICAISE 

ET SA CORRESPONDANCE 



Au mois de novembre 1880, peu de jours après la mort de 
notre regretté confrère M. Mulsant, M. le Préfet du Rhône, 
alors Administrateur de la ville de Lyon, nous fit Thonneur 
de nous charger, en qualité de Président du Comité d'inspec- 
tion des Bibliothèques municipales, d'assister, avec les mem- 
bres de la famille de M. Mulsant, à un inventaire sommaire des 
documents, livres et papiers, existant dans le cabinet du con- 
servateur de la grande Bibliothèque, dite du Lycée. 

Pendant le cours de cette opération, nous trouvâmes, dans 
un carton, qui depuis longtemps n'avait pas été ouvert, un 
volume in-4% très simplement relié, sur lequel M. Monfalcon 
avait écrit : Lettres de Leibniti et de divers savants. 

Ces lettres, sauf une exception, étaient toutes adressées à 
Tabbé Claude Nicaise, chanoine très connu de la Sainte-Cha- 
pelle de Dijon, et elles avaient été réunies, au XVIII* siècle, 
par un autre Bourguignon, plus illustre encore, le Président 
Bouhier. C'est Bouhier qui a dressé, propria manu^ la table 
des pièces que contient le volume, et qui, en 1737, l'a classé, 
sous la cote C, 140, parmi les manuscrits de sa riche Biblio- 
thèque. 

D'après une note de M. Péricaud, ancien conservateur de 
la Bibliothèque, ce volume, numéroté 690 bis^ avait été 
donné à la Bibliothèque de Lyon, le 28 octobre i835. — Le 
nom du donateur n'était pas indiqué ; mais nous le trou- 

Aeadimit de Lyon, classe des Lettrés. l 



Digitized by 



Google 



2 L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

vâmes bientôt dans un catalogue inédit des manuscrits de la 
Bibliothèque de Lyon, par M. Monfalcon : « Le manuscrit 
690 bis a été donné à la Bibliothèque de la ville de Lyon 
par M. Prunelle, ancien maire de cette ville, le 28 octo- 
bre i835 .» 

Dès que Torigine du volume était si bien établie, il n'y 
avait plus qu'à appliquer les conclusions d'un mémoire rédigé, 
en 1879, sur la demande de l'Administration municipale, à 
l'occasion d'une revendication par l'État de sept manuscrits de 
la Bibliothèque du Palais-des-Arts (i). Ces conclusions, adop- 
tées par le Conseil municipal, sur un rapport de M. Edouard 
Aynard, dans les séances du 6 janvier et du 24 juin 1880, 
furent, en effet, reproduites dans un rapport de M. Edouard 
Vacheron, et, le i5 mars 188 1, le Conseil déclara, que, spon- 
tanément et sans attendre une nouvelle revendication, il of- 
frait à la Bibliothèque nationale le manuscrit par nous re- 
trouvé. 

A côté de l'histoire Libri, que tout le monde connaît main- 
tenant, grâce au retentissement qu'eut la poursuite suivie de 
la condamnation du trop fameux bibliophile, grâce aussi aux 
révélations qu'ont amenées récemment les enquêtes sur la 
formation delà Bibliothèque de lord Ashburnham, acquéreur 
de Tune des collections réunies par Libri, il y a d'autres his- 
toires, moins connues, que, de temps à autre, on est obligé 
d'exposer, pour justifier des décisions, à première vue, en con- 
tradiction avec cette maxime fameuse que, lorsqu'il s'agit de 
meubles, le possesseur de bonne foi est à l'abri de toute action. 

Le 2 août 1801, Chardon de la Rochette fut délégué par 
Chaptal, alors ministre de l'intérieur, pour choisir, dans les 
dépôts littéraires des départements, les manuscrits précieux, 
les éditions du XV* siècle, les livres rares et ceux qui sont 

(i) E. Caillemer, Les manuscrits Bouhier, Nicaise et PeiresCy de la 
Bibliothèque du Palais-des-Arts \ Lyon, 1880, in-80,48 pages. 



Digitized by 



Google 



l'abbé NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 3 

enrichis de notes desavants. Cétaitune lourde tâche, et, pour 
en faciliter Taccomplissement, le Ministre ne tarda pas à 
donner, comme auxiliaire, à Chardon de la Rochette, le doc- 
teur Prunelle. 

En 1804, les commissaires se rendirent à Troyes^ où était 
déposée la Bibliothèque de la grande abbaye de Clairvaux, 
devenue propriété nationale. Or, peu d'années avant la Révo- 
lution, cette Bibliothèque s'était enrichie d'une collection 
formée patiemment, du XVP au XVIIP siècle, par les re- 
présentants de la famille Bouhier, et notamment par Jean 
Bouhier, Président à mortier au Parlement de Bourgogne, 
magistrat austère, jurisconsulte éminent, philologue, poète, 
historien, que, malgré ses règlements sur la résidence, l'Aca- 
démie française donna pour successeur à Malézieu et pour 
prédécesseur à Voltaire. Au milieu de cette collection, les 
commissaires n'avaient que l'embarras du choix. Chardon de 
la Rochette mit en réserve 244 volumes imprimés, 147 ma- 
nuscrits, 25 cartons et une liasse ; Prunelle, 2,575 ouvrages 
imprimés et 328 manuscrits I Le récépissé donné au bibliothé- 
caire de la Bibliothèque centrale du département de l'Aube 
en fait foi. 

Malheureusement tous les articles ainsi dhoisis n'allèrent 
pas directement de Troyes à la Bibliothèque nationale. On 
en eut bientôt la preuve. 

A la mort de Chardon de la Rochette, en 18 14, on trouva 
chez lui vingt manuscrits ayant appartenu à la Bibliothèque 
de Troyes. Van Praet, l'un des conservateurs de la Biblio- 
thèque nationale, les réclama, et les héritiers de Chardon de 
la Rochette furent obligés de les restituer. 

En i83i. Prunelle, alors maire de Lyon, remit sponta- 
nément à la Bibliothèque nationale deux manuscrits, portant 
les n* 48 et 58 de la décharge donnée au Bibliothécaire de 
Troyes par Chardon de la Rochette ; il déposa, en même 



Digitized by 



Google 



4 l'abbé nicaise et sa correspondance. 

temps, treize cartons, contenant la correspondance inédite 
du Président Bouhier, et cinq volumes de lettres adressées à 
l'abbé Nicaise. 

Longtemps après, en 1 856, dans la bibliothèque de Parison, 
ami intime des deux commissaires, l'un et l'autre décédés, 
on trouva toute une série de pièces, venant du Président 
Bouhier et dont quelques-unes étaient nominativement dé- 
signées sur le récépissé de 1804. La Bibliothèque nationale 
les revendiqua et elles lui furent remises. 

N'étaît-il pas dès lors évident que les commissaires ne s'é- 
taient pas consciencieusement acquittés de leur mission ? Des 
pièces, détachées de la Bibliothèque centrale du départe- 
ment de l'Aube, pour augmenter le fonds de la Bibliothèque 
nationale, étaient restées entre leurs mains, et ils en avaient 
disposé. 

La Bibliothèque nationale trouva une occasion favorable à 
la reconnaissance judiciaire de ses droits et elle la mit à profit. 

En 1874, la librairie Bachelin-Deflorenne annonça la future 
adjudication d'un beau manuscrit de Gratien. En lisant la 
description de ce volume, les administrateurs de la Biblio- 
thèque nationale, qui ne perdent jamais de vue le récépissé 
donné à Troyes en 1804, reconnurent un manuscrit de la 
Bibliothèque de Bouhier, correspondant au n** i5 de la mise 
en réserve faite par Chardon delà Rochette. Ils introduisirent 
aussitôt une action en revendication, et, malgré toutes les 
résistances du libraire, qui argumentait de l'article 2279 du 
Code civil, ils obtinrent gain de cause. 

Le jugement rendu par le Tribunal de la Seine, le 22 dé- 
cembre 1875, déclare nettement que, à dater de la mise en 
réserve à Troyes, par les commissaires, et du dépôt, entre les 
mains du bibliothécaire de Troyes, du reçu descriptif, les 
ouvrages indiqués dans le reçu sont entrés dans le domaine 
de la Bibliothèque nationale. Une conservation abusive, un 



Digitized by 



Google 



l'abbé NIC aise et sa correspondance. 5 

emprunt indéfiniment prolongé ou un détournement, n*ont 
pu altérer le caractère de la propriété ainsi constituée, ni y 
porter atteinte, puisque les manuscrits qui appartiennent à 
rÉtat, et qu'il a réunis dans l'intérêt général, sont inaliénables 
et imprescriptibles comme dépendant du domaine public. 

C'est en s' appuyant sur ce jugement que M. le Ministre 
de l'Instruction publique vint dire à la ville de Lyon, en 1 879 : 
ce La Bibliothèque du Palais-des-Arts détient sept manuscrits, 
qui lui ont été légués par le docteur Prunelle, et qui provien- 
nent de la mission qui lui avait été confiée ainsi qu'à Char- 
don de la Rochette. L'un d'eux, le n® 691, est certainement 
celui qui figure sous le n® 142 du catalogue de prise en 
charge remis par Prunelle au bibliothécaire de Troyes. Un 
autre, le n® 4, est facilement reconnaissable sous le n® 55 de 
la mise en réserve signée par Chardon de la Rochette. Ces 
manuscrits appartiennent donc à l'État. Prunelle les a indû- 
ment conservés; ni lui, ni ses héritiers n'ont pu les donner va- 
lablement à la ville de Lyon. Le droit de propriété de l'État 
est intact et je les revendique pour la Bibliothèque nationale.» 

La ville de Lyon, par l'organe de ses représentants, s'in- 
clina devant cette réclamation, et, sur l'ordre de M. le Préfet 
du Rhône, le 9 septembre 1880, nous avons remis les sept 
manuscrits entre les mains de M. le Directeur de la Biblio- 
thèque nationale. 

La même argumentation était applicable au volume trouvé 
dans le cabinet de M. Mulsant et contenant des lettres à l'abbé 
Nicaise. Devait-on attendre une nouvelle revendication? Ne 
valait-il pas mieux reconnaître immédiatement les droits de 
l'État (i) ? 

Le Conseil municipal opta pour ce dernier parti. 

(i) E. Caillemer, Manuscrits de la Bibliothèque deLvotty provenant des 
collections de l'abbé Nicaise et du Président Bouhier; Lyon, 1881, in-8'> 
27 pages. 



Digitized by 



Google 



Ô LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

C'est alors que plusieurs membres de TAcadémie deman- 
dèrent que les lettres des correspondants de Tabbé Nicaise 
fussent imprimées, et TAcadémie, adoptant leur proposition, 
nous confia le rôle, pour lequel nous étions peu préparé, 
d'éditeur de cette correspondance. 



Lorsque Tabbé Claude Nicaise mourut, au mois d'octo- 
bre 1 701, un mauvais plaisant, qui pourrait être son excellent 
ami Bernard de La Monnoye, mit en circulation une épitaphe 
burlesque, dans laquelle, toute part faite à l'exagération, le 
principal mérite de l'abbé est dessiné en relief (i) : 

Ci-gît l'illustre abbé Nicaise, 

Qui, la plume en main, dans sa chaise, 

Mettait, lui seul, en mouvement 

Toscan, Français, Belge, Allemand, 

Non par discordes mutuelles. 

Mais par lettres continuelles, 

La plupart d'érudition, 

A gens de réputation. 

De tous côtés, à son adresse. 

Avis, journaux, venaient sans cesse, 

Gazettes, livres frais éclos. 

Soit en paquets, soit en ballots. 

Lui, toujours en nouvelles riche, 

De sa part n'en étoit pas chiche. 

Fallait-il écrire au bureau 

Sur un phénomène nouveau ? 

Annoncer l'heureuse trouvaille 

D'un manuscrit, d'une médaille ? 

S'ériger en solliciteur 

De louanges pour un auteur ? 



(i) Cette épitaphe est extraite des Nouvelles de la République des Let- 
tres^ avril 1702, p. 472. 



Digitized by 



Google 



LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 7 

D'Arnauld mort avertir la Trappe ? 

Féliciter un nouveau pape ? 

L'habile et fidèle écrivain 

N'avait pas la goutte à la main ; 

C'était le facteur du Parnasse. 

Or gît-il, et cette disgrâce 

Fait perdre aux Huet, aux Noris, 

Aux Toinard, Cuper et Leibniz, 

A Basnage le journaliste, 

A Bayle le vocabuliste, 

Aux commentateurs Grsevius, 

Kuhnius, Perizonius, 

Mainte curieuse riposte... 

Mais nul n'y perd tant que la poste ! 

En deux mots latins assez énergiques, Tiliustre évêque 
d'Avranches, dont le nom vient d'être cité dans i'épigramme, 
Daniel Huet, a formulé la même idée : « Nicasius epistolas 
corradebat undique et extundebat ex omnibus, quorum aliquod 
esset nomen in literis (i). » 

Ce sont ces relations épistolaires avec la plupart des savants 
de l'Europe qui ont préservé de l'oubli le nom de Tabbé 
Nicaise. La simplicité de sa vie, la pureté de ses mœurs, son 
culte pour les belles-lettres (2), quelques opuscules laborieuse- 
ment composés, tout cela eût été insuffisant pour perpétuer 
son souvenir. Mais, lié avec presque tous les hommes émi- 
nents de la fin du XVIV siècle, utile à tous par la tâche qu'il 
s'était imposée de donner aux uns des nouvelles des autres, 
toujours prêt à encourager et à faciliter les travaux des érudits, 
il arriva au but qu'il avait en vue ; « Se voir couché dans les 



(i) Lettres de Gisbert Cuper ^ p. 57a. 

(2) Huet écrivait à Cuper le 4 février 1702 (Lettres de Cuper ^ p, 571) : 
« Puto te accepisse Nicasium Divionensem, virum optimum et non illite- 
ratum, excessisse e vivis, magno amicorum dolore. Insigne fuit in eolite- 
rariîE rei promovendse studium, mores antiqui, amore digna simplicitas 
atque candor. » 



Digitized by 



Google 



8 l'abbé nicaise et sa correspondance. 

livres des savants avec éloge ; car c'est une belle chose que 
d'être loué par ceux qui méritent de Têtre : Laudari a lau- 
datis ! » 

Né à Dijon en i623, Claude Nicaise fit, dans sa ville natale, 
de bonnes études, qu'il compléta à Paris, où il obtint le 
diplôme de maître es arts (i). Il étudia ensuite la théologie 
dans le collège de Navarre et entra dans les ordres. Il était 
sous-diacre, lorsque, vers i655, il se décida à aller à Rome, 
avec un de ses amis, ancien secrétaire de M. de Longueville 
dans l'ambassade de Munster. Grâce à l'influence de cet ami 
qui voyageait pour les affaires de la maison de Longueville, il 
fut présenté à divers savants. 

Sur les conseils du P. Mariano Socini, parent du pape et 
supérieur des prêtres de l'Oratoire de l'Église Neuve, Nicaise 
prit à Rome le diaconat et se fit ordonner prêtre. L'examen 
qu'il dut subir avant son ordination, en présence du cardinal 
Ginetti, ne paraît pas avoir été bien sérieux ; on ne lui demanda 
même pas de prouver qu'il savait un peu de latin de bréviaire. 
Comme il était parent d'un général d'ordre, franc-comtois 
d'origine, dom Coquelin, on l'exempta des formalités habi- 
tuelles : a Basta, dit le cardinal Ginetti, que leisia parente del 
Padre générale ! » L'ordination eut lieu le 24 février, en même 
temps que celle de onze autres diacres. Chacun des douze or 
dinands était censé représenter l'un des douze apôtres, et le 
pauvre abbé Nicaise reçut, pour sa part, la place de Judas ! 

Les faits que Nicaise observa en Italie méritent à peine 
d'être mentionnés. Il fut, nous dit-il, témoin d'une visite faite 
à Saint-Pierre par Christine, reine de Suède, et, grâce à 

(i) Presque tous les détails qui suivent sont extraits d'une autobiogra- 
phie que Nicaise avait adressée à Tabbé Carrel, et qui parut, en octo- 
bre 1703, dans les Nouvelles de la République des Lettres, p. 3C3 à 406. 
Cette autobiographie, communiquée par Le Clerc à l'éditeur des Nou- 
velles, est consignée dans deux lettres, datées, la première d'Is-sur-Tille, 
22 septembre 1700, la seconde de Dijon, 3o janvier 1701. 



Digitized by 



Google 



L ABBÉ NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 9 

Benedetto Mellini, bibliothécaire de cette princesse, il eut 
rhonneur de pénétrer dans le palais des Riari, qu'elle 
habitait sur le Janicule. Ce fut chez elle qu'il connut le 
franc-comtois Henri-Thomas ChiflBet, qu'elle s'était attaché 
en qualité de chapelain et qui est estimé des érudits pour 
une dissertation de Othonibus œreis. 

Vers la même époque, il assista à la canonisation de l'illustre 
évêque de Genève, François de Sales (i), et, à l'en croire, il 
fit même <c une figure assez considérable » dans cette fête. 
<t M'I'Évêque d'Évreux, qui sollicitoit à Rome la canonisation 
de ce saint Évêque, de la part du Clergé de France, m'invita, de 
sa grâce, à vouloir me trouver à cette cérémonie avec trois ou 
quatre abbés français, qu'il destinoit à porter les dons qu'on a 
coutume de porter à l'offerte, comme le pain, le vin, les 
colombes, les tourterelles. Les colombes vinrent à mon par- 
tage. J'y en portois deux blanches dans un panier d'argent, 
après M"" le Cardinal Brancache, que j'offris à Sa Sainteté et 
dont elle fit un présent à la Reine de Suède. » 

Nicaise fut témoin des ravages de la terrible peste qui 
sévissait alors en Italie, peste que, suivant lui, les Espagnols 
auraient volontairement importée dans le royaume de Naples, 
pour empêcher une révolte imminente!.. Il nous apprend 
comment quelques officiers pontificaux faisaient respecter les 
quarantaines, et nous expose certaines conséquences, qu'il 
qualifie de plaisantes, de l'infraction des règlements sanitaires. 
En voici un échantillon : Un auditeur, reconnu coupable 
d'avoir spéculé sur l'abréviation des délais, fut décapité en 
état fort galant, c'est-à-dire en bas de soie verte, en culotte de 
velours cramoisi, en chemise de toile de Hollande, bien 
poudré, et ayant dans ses poches un petit livre intitulé Delicie 

(i) Nicaise pourrait bien avoir ici fait une confusion entre ses deux 
voyages en Italie, saint François de Sales ayant été canonisé le 
19 avril i665. 



Digitized by 



Google 



10 l'abbé nicaise et sa correspondance. 

del Contagio^ sur lequel il inscrivait les sommes par lui 
reçues... Spectacle vraiment bien plaisant que celui de l'exé- 
cution d'un Jeune homme ! 

Nicaise visita Naples, avec des Anglais fort amateurs de 
l'Antiquité, et le Latium, avec des Français qui ne leur res- 
semblaient guère. A Naples, en bon musicien, il crut devoir 
examiner attentivement certaine maison, « assez surprenante 
à son égard », ayant pour enseigne : « Qui si castrano i putti 
per la musica. » A Palestrina, où il connut le cardinal Antoine 
Barberini,le grand-vicaire. Monseigneur Bonini, « lui fit boire 
du vin grec sur l'autel de la Fortune... » Lors de sa visite 
classique à Tusculum (Frascati) et à Tibur (Tivoli), il faillit 
être assassiné par des bandits. 

Après un assez long séjour à Rome, il revint en France, par 
la voie de Venise, en compagnie du commandeur des Vieux, 
ancien ambassadeur de notre pays près la cour de Rome. 

Tous ces souvenirs de voyage ont, comme nous l'avons 
dit, peu d'intérêt pour nous. 

Quelques années plus tard, Nicaise éprouva le besoin de 
visiter de nouveau l'Italie. Ce second voyage se place vers la 
fin du pontificat d'Alexandre VII, c'est-à-dire vers i665 
et 1666 (i). 

Ce fut pendant ces deux séjours en Italie que Nicaise entra 
en relations avec les savants et les artistes les plus renommés 
de l'époque. Parmi ceux qui lui accordèrent la faveur de l'in- 
timité, nous citerons les cardinaux Antoine et François Bar- 
berini; — le cardinal Bona; — le cardinal Albani, qui est 
devenu pape sous le nom de Clément XI ; — le futur cardinal 
Gualter de Sluse, alors secrétaire des Brefs de Sa Sainteté ; — 
Monseigneur Barbarigo, évêque de Pergame,puis de Padoue, 
cardinal, qui faillit devenir pape ; ce fut lui qui, sur les ins- 

(i) Il quitta Rome en même temps que Tabbé de Rancé. Or le départ 
de Tabbé de Rancé eut lieu le 25 mars 1666. 



Digitized by 



Google 



L'ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. II 

tances de Nicaise (i), fit accorder à Charles Patin le titre de 
professeur de médecine à Padoue ; — Ézéchiel Spanheim ; 

— Isaac de La Peyrère, auteur des Prœadamitœ ; — le futur 
cardinal Michel-Ange Ricci ; — François Hallier, docteur en 
Sorbonne, évêque de Toul, puis de Cavaillon ; — le casuiste 
Antonino Diana ; — Tancien évêque de Vaison, Jean-Marie 
Suarez ; — les bibliophiles Léo AUatius et Luc Holstenius, etc.; 

Dans le monde des artistes, Nicolas Poussin, Pierre de Cor- 
tone, Salvator Rosa, Carlo Maratti, Pietro Santi-Bartoli, 
Bellori, le cavalier Bernin, etc., etc. ; 

Parmi les musiciens, Jean-Jacques Carissimi, maître de 
chapelle à Saint-Apollinaire ; — le bolonais Domenico Pele- 
grini, qui donna à Nicaise des leçons de théorbe ; — Antonio- 
Maria Abbatini, maître de chapelle à Sainte-Marie-Majeure ; 

— Horatio Beacarli, maître de la musique de Saint-Pierre ; 

— Domenico Rodemonte, etc., etc. 

En revenant de ce second voyage en Italie, retour qui eut 
lieu par Florence et par Gênes, Nicaise se lia étroitement avec 
Tabbé de Rancé, son compagnon de route jusqu'à Florence. 

Vingt ans plus tard, vers i685, Nicaise se rendit à Paris 
pour solliciter à l'occasion d'un procès qu'il avait devant le 
Grand-Conseil (2). Il y resta sept ans, et il y serait resté plus 
longtemps encore, si l'état de sa santé le lui eût permis, tant il 
était heureux de vivre au milieu des savants. 

Parmi les personnes qu'il fréquenta assidûment, il cite par- 
ticulièrement Nicole, « l'excellent M. Nicole, auprès duquel il 
apprenait toujours beaucoup de choses »; Baillet, <c qui est un 
répertoire vivant », Huet, Racine, Dodart, Bourdelot, etc., etc. 

En même temps, il entretenait une correspondance suivie 

(i) Nicaise nous dit qu'il fut sollicité par le lyonnais Spon de s'inté- 
resser à Charles Patin. 

(2) Les lettres de Nicaise et celles qui lui sont adressées, montrent qu'il 
a plusieurs fois séjourné à Paris, notamment en 1681 et 1682. 



Digitized by 



Google 



12 l'abbé nicaise et sa correspondance. 

avec tous les érudits de TEurope. On trouvera plus loin (i) 
une liste de ses correspondants, liste sur laquelle nous avons 
inscrit plus de cent-vingt noms. 

Si longue que soit Ténumération faite par Nicaise, dans ses 
lettres, dans son autobiographie et dans son Discours sur les 
Sirènes^ des personnes qu'il voyait habituellement à Paris, 
cette énumération est incomplète et il convient d'y ajouter un 
nom que Tabbé a passé sous silence, celui d'une religieuse 
carmélite bien connue, soeur Louise de la Miséricorde (2). 

(i) Voir, à la fin de ce volume, les pages 265 et suivantes. 

(2) Vers la fin de 1687, La Monnoye s'était exercé à traduire en vers 
français la Glose de sainte Thérèse. Sa traduction achevée, il l'envoya à 
Tabbé Nicaise en le priant de la montrer à l'illustre pénitente. L'abbé 
s'acquitta dé ce mandat ; les vers ne déplurent pas, ils furent même si bien 
accueillis que Nicaise engagea La Monnoye à les publier en les dédiant à 
sœur Louise. 

La Monnoye suivit ce conseil et rédigea aussitôt une dédicace. — Nous 
avons retrouvé, dans la correspondance de l'abbé Nicaise (i), cette pièce, 
écrite à la hâte, s'il faut en croire Fauteur, et avec de justes appréhen- 
sions que l'hommage ne fût pas accepté (2). En voici la reproduction : 
a Madame, 

« Vous me trouverez bien hardi de toute manière, et d'avoir osé en- 
treprendre cette traduction, et d'avoir osé vous la dédier. Ce sont 
deux téméritez néantmoins qu'il est aisé de justifier l'une par l'autre. 
On m'avouera, en effet, que, pour savoir si j'ai fidèlement représenté 
les pensées de sainte Térêse, je ne pouvois mieux m'adresser qu'à vous, 
Madame, qui représentez parfaitement ses vertus et qui estes animée 
de son esprit. Je puis dire aussi que, sans l'extrême envie de mettre cette 
version en état de n'estre pas toutàfait indigne de vous estre offerte, je ne 
me serois jamais senti capable d'en surmonter les difficultez. Une sem- 
blable vue aiant manqué au fameux M. Arnauld d'Andilly, on ne doit 
point s'étonner qu'avec toutes ses forces il n'ait pas eu le courage qu'elle 
m'a inspiré, malgré toute ma foiblesse. Vous savez. Madame, que cet 
habile traducteur, desespérant de pouvoir copier les manières vives et 
sublimes de la pièce Espagnole, n'a pas même voulu les traduire en prose. 
Il ne me faloit pas un moindre secours que celui que j'ai dit pour me 

(i) Volume 9359, cote 184. 

(2) Lettre de La Monnoye à Nicaise, Dijon, 5 janvier 1688 (vol. 93 5q, 
cote 1 59) : « Vos réponses m'ont fait connoître que les vers n'ont pas déplu 
et vous m'avez même inspiré de les dédier à la dame dont je viens de par- 
ler. La dédicace fut aussitôt preste, bien qu'avec de justes appréhensions 
de ma part qu'elle ne fust point acceptée...» 



Digitized by 



Google 



l'abbé nicaise et sa correspondance. i3 

De fréquentes indispositions obligèrent Nicaise à quitter 
Paris et à retourner dans son pays ; il s'efforça d'égayer sa 
solitude en multipliant ses relations épistolaires. 

Les dernières années de sa vie se passèrent à Dijon et à 
Villey-sur-Tille (i), où il mourut le 20 octobre 1701. 



Tout en avouant une grande inclination pour les belles- 
lettres, Nicaise, s'il faut l'en croire, ne désirait pas s'ériger en 
auteur et faire inscrire son nom sur un livre. Il n'était pas, 
nous dit-il, assez ambitieux pour vouloir paraître ce qu'il 

rassurer contre les raisons que j'avois de me défier de moi-même. Souffrez, 
Madame, puisque c'est la seule idée de votre mérite qui m'a soutenu dans 
cette occasion, que je vous présente un ouvrage à la production duquel 
vous avez eu tant de part, et que je vous en témoigne ici ma reconnois- 
sance en prenant la liberté de me dire publiquement, mais avec tout le 
respect possible, 

« Madame, 

a Votre trés-humble et trés-obéissant serviteur. » 

Cette dédicace ne fut pas agréée par Louise de la Vallière. Mais, en refu- 
sant rhommage de La Monnoye, elle sut ménager toutes les susceptibi- 
lités du poète. La Monnoye le reconnaît lui-même : 

« Peu de personnes, Monsieur, sauroient accepter d'aussi bonne grâce 
que Madame de la Vallière sait refuser. J'aurois grand tort de me plain- 
dre que ma dédicace n'ait pas été reçue ; on la rejette, il est vrai, mais 
c'est comme Platon a fait Homère, en la couronnant de fleurs. Je 
regarde cela comme une suite du bonheur qui est attaché à ma traduc- 
tion de la Glose de sainte Térèse... (i) » 

Quel que fût ce bonheur, le poète avoua bientôt qu'il n'y attachait pas 
beaucoup de prix ; il abandonna sans regrets les œuvres mystiques pour 
revenir aux Noéls et aux Contes. 

(i) Villey-sur-Tille est un village situé à trente kilomètres au nord de 
Dijon. D'après le Dictionnaire géographique de la France^ on y voit en- 
core, dans un lieu autrefois consacré à Apollon et à Minerve, une Cha- 
pelle dédiée à saint Hermès et à saint Augustin. C'est la Chapelle que 
Nicaise fit restaurer et décora de statues et d'inscriptions. Voir sa lettre ^ 
Santeul, dans les Mémoires de l'Académie de Dijon^ 1880, p. 10 à 18. 

(i) Lettre de Dijon, 22 janvier 1688; volume 9359, cote 188. 



Digitized by 



Google 



14 l'abbé NIC aise et sa correspondance. 

n'était pas. « Je sais mon peu de talent et quam sit mihi curta 
supellex... Je ne me suis pas pris à l'étude de la manière 
qu'il faut s'y prendre pour devenir savant. Je ne sais pas par- 
faitement la langue grecque ; ... je n'ai point mis le nez dans 
les poètes, ni dans aucun auteur ou historien de cette langue. 
J'ai même peu donné dans les Latins. Je n'ai fait qu'efiGieurer 
par-ci par-là les matières, plutôt par divertissement et par cu- 
riosité que de dessein prémédité... » 

Ce qui paraît certain, c'est qu'il avait dépassé la soixan- 
tième année lorsqu'il se décida à publier un opuscule. Il nous 
dit lui-même comment il fut amené à cette résolution. Pen- 
dant qu'il plaidait à Paris devant le Grand-Conseil, le 12 dé- 
cembre 1687, un de ses amis, Pierre Petit, docteur en méde- 
cine et homme de lettres, mourut (i), laissant un grand nom- 
bre d'ouvrages manuscrits. « Je fus invité, dit Nicaise, par 
tout ce qu'il y a de savants et de curieux dans Paris, à obte- 
nir de la veuve qu'elle me fît voir ces manuscrits pour en 
faire un catalogue et le donner au public. » Nicaise ne put ré- 
sister aux instances de tant d'honnêtes gens. En témoignage 
de reconnaissance, il ajouta au catalogue un petit ouvrage, 
intitulé Elogium et Tumulus Petiti^ qu'il dédia à Graevius, 
leur ami commun. 

Toutes les recherches que nous avons faites pour trouver 
cet Elogium et Tumulus ont été infructueuses. Nous en 
donnons seulement le titre d'après un compte rendu analyti- 
que publié dans V Histoire des ouvrages des savans {2) : « Elo- 

(i) « M. Petit, dit Nicaise, est inhumé dans Saint-Étienne-du-Mont, 
vis-à-vis de M. Descartes, qui est dans l'église voisine de Sainte-Gene- 
viève, qui n'est séparée que par un mur entre deux. Ce grand adversaire 
de Descartes ne pouvait être mieux placé qu'à l'opposite de ce philoso- 
phe. » 

. (2) Mai 1689, p. 193 à 2o3. Dans ce compte rendu, Basnage de Beau- 
val dit que Pierre Petit est mort le 6 décembre 1688; Moréri écrit le 
i3 décembre 1687; la Biographie générale et le Dictionnaire historique 
de la France^ que nous avons suivis, disent le 1 2 décembre 1 687. 



Digitized by 



Google 



l'abbé nicaise et sa correspondance. i5 

ffium et Tumiilus eximii viri Pétri Petiti, Doctoris Mer 
dici^ ad darissimum Grœpium^ sive Claudii Nicasii Epistola 
de obttu... Pétri Petiti^ philosophi et Doctoris Medici; Tra- 
jecti ad Rhenum, ex officina Rudolphi a Zill^ 1688 et i68j, 
in-8**. — Les lettres de Graevius, que nous éditons plus loin, 
contiennent beaucoup d'allusions à cet opuscule. 

Le second ouvrage que Nicaise donna au public est « Tex- 
plication d'un ancien tombeau ou monument de marbre, 
trouvé en Guienne, chargé d'une quantité de simboles fort cu- 
rieux, avec une inscription latine au milieu ». Ce monument 
<c fut envoyé à M. l'abbé de Dangeau par Monseigneur l'ar- 
chevêque d'Auch, pour le faire voir à ces Messieurs qui s'as- 
semblent chez lui dans la place Roiale (i), et en avoir leur 
sentiment. J'avais, dit Nicaise, l'honneur de m'y trouver; 
on me donna l'emploi d'y travailler, et je ne pus m'en defifen- 
dre, quoy qu'il y eut des gens beaucoup plus capables que 
moi de le faire. » La dissertation parut en 1689 ; elle se trouve 
à la Bibliothèque nationale , département des manuscrits , 
fonds français, n^ iSoyo, et a pour titre : Explication d'uîi 
ancien monument trouvé en Guienne dans le diocèse d'Ausch ; 
A Paris, chez Daniel Hortemels, rue Saint-Jacques, au Me- 
cenas, MDCLXXXIX ; in-4% 46 pages, sans compter l'épître 
et la préface. — « Un certain aumônier du Roi, peu initié aux 
antiquités, voulut trouver à redire à quelques endroits de cet 
ouvrage, par une lettre qu'il adressoit à Monseigneur l'arche- 
vêque d'Auch, que ce prélat m'envoia. J'y fis réponse sur le 
champ et je l'adressai à cet archevêque pour le divertir. Je 
n'ai point voulu la faire imprimer pour épargner la réputa- 
tion de cet aumônier. » 

Le troisième ouvrage de Nicaise est « une dissertation la- 
tine sur une médaille de l'empereur Adrien , qui porte au 

(i) Voir sur les assemblées qui avaient lieu, tous les mardis, chez 
l'abbé de Dangeau, les Sirènes de Nicaise, p. 12. 



Digitized by 



Google 



i6 l'abbé nicaise et sa correspondance. 

revers cet empereur , Sabine , sa femme, et Antinous, son 
favori, représentés sous les figures d'Osiris, d'Isis et d'Har- 
pocrate, élevées sur les ailes d'un aigle, comme déifiées ». — 
Nous avons, dans notre bibliothèque particulière, un exem- 
plaire de ce livre, publié à Lyon, en 1690(1). En voici le titre : 
De Nummo Pantheo Hadriani imperatoris, ad Ilh^^ Span- 
hemium Dissertation in qua^ prœter nonnulla de Consecra^ 
tionibus veterum illarumque origine^ peculiaris quœdam ins- 
iituitur comparatio inter Hadrianum et Alexandrum M. mul- 
taque illis communia demonstrantur ; Lugduni, apud Anis- 
sonios, Joan. Posuel, et Cl. Rigaud; M.DC.XC; Cum privile- 
gio Régis; in-4** de 73 pages, outre la dédicace et la préface; 
il y a un appendice de 7 pages et deux tables. 

L'année suivante, en 1691, parut la dissertation sur Les 
Sirènes ou Discours sur leur forme et figure; A Monseigneur 
le Chancelier; A Paris ^ chei Jean Anisson, Directeur de V Im- 
primerie royale^ rue Saint- Jacques ^ à la Fleur de Lys de FlO' 
rence ; M.DC.XCI; Avec privilège du Roy; In-4* de 78 pages, 
outre un avertissement et une table. Nous en avons un 
exemplaire dans notre bibliothèque personnelle (2). 

Les ouvrages de Nicaise dont il nous reste à parler (3) 
ont-ils été imprimés ? Nous ne le croyons pas. Ils étaient 
encore inédits en 1700, année qui précéda la mort de leur 
auteur, et il est peu vraisemblable que, au milieu de ses 
souffrances, le pauvre abbé ait eu le loisir de les faire impri- 
mer. — Voici leurs titres : 

(1) Ce volume se trouve également à la Bibliothèque nationale, Impri- 
més, J. 1208 (4). 

(2) La bibliothèque du Palais-des-Arts en avait un exemplaire prove- 
nant de la bibliothèque de Bouhier ; elle Ta remis à la Bibliothèque na- 
tionale en même temps que les manuscrits dont nous avons parlé plus 
haut. Cet exemplaire fait maintenant partie du Département des manus- 
crits, tonds latin, nouvelles acquisitions, n» 291, 

(3) Nous renvoyons à Papillon, Bibliothèque des auteurs de Bourgogne, 
1745, t. II, p. 109 a III, pour quelques articles sans importance. 



Digitized by 



Google 



L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XVII 

1" Discours sur la musique des anciens, dédié au chanoine 
Ouvrard ; 

2® Dissertât io de Minerpa Arnalya, una cum Mercurio^ 
illius ZYMBÛMÛ (i). Cette dissertation est relative à une « ins- 
cription ancienne, des plus belles et des plus singulières qui 
soient en France, et qui s'y conserve dans une chapelle du 
Tusculum où Nicaise passait la meilleure partie de sa vie ». 
Elle devait être dédiée au cardinal Noris. — Nous la connais- 
sons par une copie que le président Bouhier en avait fait faire 
sur le manuscrit original, ex autographe, copie qui était 
naguère à Lyon et qui est maintenant dans la Bibliothèque 
nationale, département des manuscrits, fonds latin, nouvelles 
acquisitions, n* 291. Seulement, au lieu d'être dédiée au cardi- 
nal Noris, elle est adressée Eruditissimo Antiquario Jacobo 
Sponio. Cette dissertation fut donc composée avant la mort 
de Spon, c'est-à-dire au plus tard en i685 ; après la mort de 
cet ami, Nicaise modifia la dédicace et substitua au nom du 
grand archéologue lyonnais le nom du cardinal Noris; 

3** Dissertatio de Mercurio Cissonio^ ad illustrissimum et 
eruditum J.-B. Boisât^ Sancti Vincentii Vesontini Abbatem 
dignissimum. Une copie de cette dissertation, faite pour le 
président Bouhier, est annexée à la précédente, volume 291, 
pages 70 et suivantes ; 

5" Dissertation et explication française^ tirée de l'italien de 
M. Bellori, des deux plus beaux et plus agréables tableaux de 
Raphaël d Urbin, peints au Vatican, V Échoie d'Athènes et le 
Parnasse; dédiée au Cardinal Albani, secrétaire des brefs de 
Sa Sainteté ; 

4** Dissertatio in Inscriptionem antiquam sive Aureliani^ 
sipe Tererentii [sic)^ Dipione olim extantem apudDom, Petrum 

(i) La lettre de Nicaise à Santeul, que M. Henri Beaune a publiée 
dans les Mémoires de V Académie de Dijon^ troisième série, t. VI, 1880, 
p. 10 à 18, se rapporte également à cette inscription. 

Académie dt Lfon, cloue des Lettres, l' 



Digitized by 



Google 



XVIII L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

du May, senatorem. Une copie de cette dissertation se trouve 
réunie aux dissertations sur Minerve et sur Mercure, p. 41 
et suivantes. 

Un savant bourguignon, M. Henri Beaune, donnait 
naguère à Nicaise les qualifications de « connaisseur délicat, 
d*érudit sagace, d'écrivain élégant, presque habile à l'égal de 
quelques-uns de ses correspondants et de ses modèles (i) ». 
Ce jugement si favorable est-il exempt de cette partialité dont 
les compatriotes d'un auteur subissent trop souvent l'in- 
fluence ? Sans aller jusqu'à contredire M. Beaune lorsqu'il 
affirme que les œuvres de Nicaise peuvent encore être con- 
sultées avec fruit par nos archéologues, nous serions bien 
surpris si les lecteurs des dissertations de Nicaise ne trou- 
vaient pas son style prétentieux et peu châtié, s'ils n'étaient 
pas péniblement impressionnés par le désordre des idées et 
par l'absence de méthode. 

Avec une modestie peut-être plus apparente que réelle, 
Nicaise a lui-même sollicité l'indulgence de ses contemporains 
pour les défauts de son style et de sa diction, pour ses digres- 
sions trop fréquentes et trop diffuses. Il suffit de parcourir 
rapidement Tune de ses dissertations pour se convaincre qu'il 
s'accusait justement. Rencontrant, à propos des sirènes, un 
texte dans lequel saint Jérôme a rapproché les sirènes des 
joueuses de flûte ou de lyre, Nicaise nous fera aussitôt remar- 
quer que les joueuses de flûte ou de lyre sont fort en usage 
sur les théâtres de Naples. Par une série de transitions natu- 
relles, l'auteur nous décrira le principal théâtre de Naples, 
puis il fera l'éloge de la ville tout entière, et, comme Giotto a 
peint un tableau satirique de cette ville et de son gouverne- 
ment, il nous parlera de Giotto. Cet artiste est, dit-on, l'au- 
teur de la mosaïque de Saint-Pierre, la Nave del San-Petro ; il 

(i) Mémoires de l'Académie de Dijon y troisième série, t. VI, 1880, p. 3. 



Digitized by 



Google 



L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XIX 

convient donc de parler des mosaïques, puis d'examiner si 
la Nave est bien l'œuvre de Giotto, etc., etc.. Le chant des 
sirènes est renommé; l'occasion est favorable pour nous entre- 
nir de Timothée, des Noctes solitariœ de Persona, de la 
Musurgia du Père Kircher, de V Histoire de la Musique du 
chanoine Ouvrard, des manuscrits de Peiresc possédés par 
l'intendant Bégon, des manuscrits du cardinal Bona..., tout 
en reconnaissant que ni dans ces livres, ni dans ces manus- 
crits, il n'est question des sirènes. Nicaise a exprimé quelque 
part la crainte que son œuvre ne soit comparée au babil d'une 
pie. L'expression est triviale, mais elle résume assez bien le 
sentiment que nous avons éprouvé (i). 



Le meilleur titre de l'abbé Nicaise à l'estime de la postérité 
est dans les immenses relations épistolaires qu'il entretint 
avec presque tous les hommes connus de son temps. On 
peut dire qu'il remplit à lui seul, dans le monde lettré de la fin 
du XVI P siècle, le rôle d'intermédiaire que remplissent 
aujourd'hui les journaux et les revues. Il s'acquitta de cette 
tâche avec un zèle admirable, auquel la plupart de ses con- 
temporains ont rendu hommage. Avec Daniel Huet, nous 
lui appliquerons les vers que Virgile a consacrés à la mé- 
moire du trompette Misène (2) : « Id videtur prœcipue 

(i) Un ami de Nicaise, qui était bon juge, a exprimé une opinion très 
voisine de la nôtre. Le 21 janvier 1703, Daniel Huet écrivait à Gisbert 
Cuper : « Scriptum est ad me Divione, ante menses aliquot, esse illic qui 
literariam Nicasii supellectilem recognoscat, et quidquid dignum visum 
erit luce publica, recolligat et editioni paret. Sane praeter epistolas, quas 
corradebat undique et extundebat ex omnibus quorum aliquod esset no- 
men in literis, perpauca illic extare puto, quibus carere multum intersit 
rei literariae... » Lettres de Gisbert Cuper, p. 572. 

(2) Enéide, VI, i65. 



Digitized by 



Google 



XX LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

habuisse propositum iEre ciere viros Martemque accendere 
cantu, non arma ipse tractare (i) ». 

On ne doit pas croire toutefois que ce rôle de <c facteur du 
Parnasse » soit complètement exempt d'incidents fâcheux. 
Pour devenir l'intermédiaire des savants, la bonne volonté, 
qui animait à un si haut degré Nicaise, ne suffisait pas. 
Il fallait que les savants l'acceptassent pour confident de toutes 
leurs bonnes nouvelles littéraires ou scientifiques, de celles au 
moins qu'ils désiraient faire arriver à leurs confrères en éru- 
dition. 

Nicaise fut obligé de solliciter humblement ces confi- 
dences. Il écrivit aux savants de l'Europe tout entière pour 
les prier de vouloir bien lui communiquer leurs découvertes. 
Beaucoup, et ce ne sont pas les moins illustrés, se déclarèrent 
fort honorés d'être ainsi mis à contribution par l'abbé. Mais 
d'autres, moins abordables ou plus défiants, accueillaient sans 
enthousiasme les requêtes et éconduisaient, plus ou moins 
galamment, le solliciteur. Écoutons cette réponse, spirituelle 
et moqueuse, d'un compatriote de Nicaise, qui évidemment 
ne se souciait pas d'être son correspondant habituel, et qui le 
fut pourtant bientôt, entraîné par le mouvement général. 

« A Paris, ce 3o octobre 1669. 

« Monsieur, 
« La charité que Je vous dois est de vous avertir que vous 
perdriez trop dans le commerce que vous m'offrez. Ce serait 
toujours a vous de fournir, comme a moy de recevoir. Quelque 
avantage qui m'en revînt, je ferois conscience de m'en pré- 
valoir et je ne crois pas qu'il y ayt d'Escobar qui pût me per- 
mettre de vous tromper ainsi de plus de la moitié de prix. Ce 

(i) Lettre de Huet à Cuper, datée de Paris, 21 février ijoS, et impri- 
mée dans le recueil des Lettres de critique écrites par Cuper ^ ï?^^, p. 572. 



Digitized by 



Google 



L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXI 

n'est pas que je craignisse de vous ruiner. Vous avez un fonds 
trop inépuisable de nouvelles et de curiositez ; mais, outre que 
je ne suis pas assez bien rente pour estre votre correspondant, 
c'est que je me vois engagé pour quelque temps dans certaines 
affaires pressantes, qui me feroient perdre le goust des meil- 
leures choses. Quand le torrent sera passé, je prendray la 
liberté de vous renouveller mes respects et de vous prier de 
croire que je seray toujours, 

ce Monsieur, 

« Votre très humble et très obéissant 
serviteur, 

« De la Monnoye (i). » 

L'abbé insistait-il et obtenait-il gain de cause, le corres- 
pondant lui faisait payer cher son succès. Au lieu de lui 
adresser ces lettres pleines d'une érudition dont Nicaise espé- 
rait être bientôt le généreux distributeur, l'émule de La Fon- 
taine, l'auteur des Noëls bourguignons, lui offrait la primeur 
de contes bien libres, au fond et en la forme, si libres que 
nous n'oserions vraiment pas les reproduire ici, même en 
essayant de dissimuler leurs hardiesses sous une de ces 
langues, qui, dit-on, bravent l'honnêteté. 

Blessé dans sa pudeur, le pauvre abbé se plaignait timi- 
dement. Ah ! répondait le facétieux conteur, vous dites que 
mes contes font scandale ! Eh bien ! <c faites voler mon Grifon 
devant les yeux des Ménages, des Toinards, des Graevius, des 
Bayles, des Auzouts. Vous verrez que cet oiseau, tout terrible 
qu'il paroit, ne leur plaira peut estre pas moins que le moi- 
neau de Catulle. Je m'assure même qu'il ne deplairoit pas à 
nos Dames, si La Fontaine prenoit soin de lui faire le bec (2) ». 

(i) Lettre conservée dans le volume 9359, cote 180. 

(2) Lettre de La Monnoye, du 4 octobre 1687 (Fr., 9359, 166-167). 



Digitized by 



Google 



XXII LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

Traduction libre, c'étaient les mots alors consacrés, Tabbé 
n'est qu'un pédant, un collet-monté, un vertugadin ! 
Nicaise, nous l'avons vu, aimait à 

S^ériger en solliciteur 

De louanges pour un auteur. 

Lorsqu'un de ses fidèles correspondants payait tribut à la 
mort, vite il s'occupait de lui élever un Tumulus^ en donnant 
à ce mot un sens immatériel et exclusivement poétique, et il 
demandait aux poètes des épigrammes. On le servait à souhait, 
avec cette réserve, toutefois, que les vers envoyés n'étaient pas 
seulement épigrammes à la façon des anciens. Que de mo- 
queries, que de traits piquants les pauvres défunts doivent à 
son intercession ! 

S'agit-il de Jean de Santeul, La Monnoye l'accable de vers 
grecs, de vers latins, de vers italiens, qui tous expriment la 
même idée : 

Santeul, qui loua tant les eaux, 

Ne but rien moins que de Teau claire, 

Et fît des cantiques fort beaux 

Pour des saints qu'il n'imita guère (i). 

S'agit-il du père Rapin, on écrit à Nicaise : « Bien que 
je ne connoisse le P. Rapin que par sa prose françoise, et 
que je n'aie jamais lu le moindre vers latin de sa façon, je ne 
laisse pas, sur sa réputation, de le croire un grand poète. Je 
me reserve à en juger plus sûrement lorsque la lecture m'aura 
mieux informé de son mérite. Cependant, Monsieur, comme 
les éloges poétiques ne tirent pas à conséquence, je ne fais 
nulle difficulté de vous envoler ces petits brins de fleurs, que 
vous jetterez, s'il vous plait, de ma part sur son tombeau : 



(i) Lettre de La Monnoye (Fr., 9359, i58). — Nous avons publié les 
vers grecs; voir plus loin, p. 287. 



Digitized by 



Google 



L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXIII 

ElysioSf oh ! quid lucos^ Rapine^ petisti ? 

Felicis ne legas ut nova serta loci ? 
Fallu te incautum spes credula ; non tôt amœnos 

Elysius flores, quot tuus, hortus habet. 

<c Moi, qui, grâce au Seigneur, ne tiens rang sur le Parnasse 
latin que de faiseur d'épigrammes et de petits contes, je me 
crois suffisamment quitte envers le défunt par la contribution 
à laquelle je viens de me taxer (i). » 

Parfois la plaisanterie devient si forte, la méchanceté si ac- 
centuée, que Nicaise se fâche. Jean-Baptiste Lantin, respec- 
table conseiller du Parlement de Dijon, qui demandait à la 
poésie, aux mathématiques, à l'histoire naturelle, une distrac- 
tion à ses préoccupations judiciaires, et qui mérita de devenir 
légataire des manuscrits du grand Saumaise, J.-B. Lantin 
venait de mourir, et Nicaise voulait perpétuer sa mémoire ; 
on trouvera plus loin (2) un exemple des éloges qu'il recueillit 
et une allusion à son juste mécontentement. 

Nicaise lui-même, malgré sa bonhomie, malgré cette amore 
digna simplicitas, cette candor^ dont parle Daniel Huet, 
n'échappait pas aux épigrammes personnelles. 

Un jour, il avait fait remarquer, en passant, qu'un livre 
récemment publié par un savant français ne lui avait pas été 
envoyé ex dono. — Est-il possible. Grands Dieux ! que tous 
les auteurs n'envoient pas leurs livres à l'abbé Nicaise ? « En 
qualité d'homme d'affaires de tous M" les Beaux esprits, vous 
estes en possession de prétendre d'eux ce tribut. Je ne doute 
pas que vous ne soyez bien surpris de vous voir ainsi frustré 
de votre droit. Quoi ! pendant que l'Alemagne, Tltalie, la 
Hollande et peut-estre l'Angleterre, s'acquittent envers vous 

(i) Lettre de La Monnoye, du 8 novembre 1687 (Fr., qSSq, lyS). — 
Nous avons cité quelques lignes de cette lettre ; voir plus loin, p. 187 et 
i38. 

(2) Page 25o, note i. 



Digitized by 



Google 



XXIV L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

de cet hommage, il se trouvera des François assez injustes pour 
vous le refuser ! En vérité ! cela est dur, et il devroît leur 
estre défendu tout au moins de faire mettre au bas du privi- 
lège que les exemplaires ont été fournis... (i). » 

Si amusante que puisse être parfois cette revue des malices 
expédiées, presque sur son invitation, au pauvre abbé 
Nicaise, nous ne la prolongerons pas indéfiniment; nous n'en 
citerons plus qu'un seul exemple, qui prouvera, nous le 
croyons, d'une manière péremptoire, la foi robuste que cer- 
tains correspondants avaient dans la candeur de leur ami. 

Nicaise avait fait hommage de l'un de ses livres à Bernard 
de La Monnoye. Le destinataire lui en accuse réception et 
ajoute : « Après avoir trouvé le savant Monsieur Nicaise dans 
un écrit françois tout nouveau, je viens de trouver Nicasi 
docttssime dans un écrit latin fait il y a près de deux cens ans. 
C'est, Monsieur, dans une epitre d'Érasme Nicasio Sacellano 
Cameracensi, datée de l'an 1499. Il n'est pas impossible que 
vous ne tiriez votre origine de cette famille, qui, étant de 
Cambrai, étoit par conséquent sujette des Ducs de Bourgo- 
gne. En tout cas, vous voiez que ce n'est pas d'aujourd'hui 
que Messieurs les Abbez Nicaises sont en possession d'estre 
traitez de doctes. Il y a un autre fameux Nicaise, dit de Voer- 
da (2), qui vivoit à peu près du même temps, et sujet aussi 
des mêmes Ducs, grand jurisconsulte et grand théologien, à 
qui, chose remarquable ! bien qu'il eust perdu la vue des l'âge 
de trois ans, le pape ne laissa pas de permettre de se faire 
prestre, si bien, Moiïsîeur, que voila trois savans Abbez de 
votre nom. Je mettrois volontiers dans cette liste Nicasius 
EUebodius Casletanus, dont nous avons une belle traduction 
latine du traité de Nemesius icepl (pjaswç ôvepwxou, qu'il a dédiée 

(i) Lettre de La Monnoye, du 28 février 1688 (Fr., gSSg, 160). 
(2) Voir Stintzing, Geschichte der populœren Literatur^ 1867, p. 182 
à i85. 



Digitized by 



Google 



LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXV 

par une épitre grecque fort élégante au cardinal Perrenot. 
Mais, comme, pour la rareté du fait, il faudroit qu'il eust été 
d'Église, et que je ne suis pas sûr qu'il en ait été, en attendant 
qu'on puisse lui déterrer la qualité d'abbé, je suis réduit a ne 
pouvoir l'appeler que le docte Nicaise. Enseignez-moi, s'il 
vous plait, les autres illustres de ce nom, afin que je puisse 
travailler aune Diatribe de Nicasiis^ pareille à celles qu'Allatius 
nous a données des Pselles, des Georges, des Philons et des 
Siméons... Meis verbis clarissimum Bayleum salutabis accu^ 
rate et tuo more^ hoc est, diligentissime, grattas âges. Ce sont 
les termes dont se sert Érasme dans sa lettre à l'abbé Nicaise 
de Cambrai, qui ne les a jamais sans doute si bien méritez que 
Monsieur l'Abbé Nicaise de Dijon (i). » 

D'autres correspondants tenaient à l'abbé Nicaise un lan- 
gage bien différent de celui que nous venons de citer, et peut- 
être ne lui était-il pas beaucoup plus agréable. 

Voici une très belle lettre que lui adressa, le 22 janvier lôgS, 
Jacques de La Cour, le futur successeur de l'abbé de Rancé 
dans la direction de la Trappe : 

« Je ne sçay. Monsieur, quelles avantures sont arrivées à 
vos Sirènes, ni ou elles se sont allé promener depuis que vous 
leur avez donné mission pour venir surgir à nos côtes. Mais 
ce n'est que d'hyer qu'elles y ont paru et qu'elles sont venues 
nous dire de vos nouvelles. Elles se louent fort de vous, 
Monsieur, et elles ne se peuvent taire des obligations qu'elles 
vous ont d'avoir autant de soin de les embellir, de les parer 
et de les produire dans le monde. Et moy je vous remercie de 
ce que vous avez bien voulu me donner l'honneur de leur 
connoissance. Votre lettre du 24 septembre a fait plus de dili- 
gence, car elle est arrivée en son tems, et, en remettant de 
jour en jour a vous rendre mes actions de grâces pour les 

(1) Lettré de La Monnoye, volume 9359, cote 179. 



Digitized by 



Google 



XXVI L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

éclaircissements que vous m'y donniez, je me trouve insensi- 
blement arrivé à une nouvelle année, que je vous souhaitte. 
Monsieur, très heureuse et très sainte. Et il faut qu'elle soit 
sainte pour estre heureuse. Et, pour estre sainte, elle doit estre 
employée d'une manière utile au salut, et qui puisse servir à 
glorifier Dieu. Permettez-moy, Monsieur, de ne vous point 
flatter sur ce chapitre et de vous dire franchement ce que je 
pense. Il y a deux hommes dans M. TAbbé Nicaise. L'un est 
rhonneste homme, l'autre l'homme chrétien. On ne peut estre 
plus content que je le suis du premier. On ne peut rien ajou- 
ter à son honnesté {sic). C'est un homme qui se connoist en 
toutes les belles choses et qui aime tout bien. C'est un ami 
franc, ouvert, obligeant, et qui embrasse chaudement toutes 
les occasions d'obliger ses amis. Enfin il est savant, il est poli, 
il possède toutes les belles-lettres et il en écrit tout à fait bien. 
Mais, de cet autre homme qui songeait si fort à la retraitte 
il y a quelque tems, entre nous, je n'en suis pas trop content, 
parceque je croy que Dieu n'en est pas content lui même. 
Ses infirmitez cependant l'avertissent qu'il est mortel et son 
âge lui fait assez entendre que la mort vient à grands pas, 
que nous la verrons à notre porte lorsque nous y penserons 
le moins, qu'il faudra rendre compte de tout à celui qui nous 
a tout donné et qu'il ne faudra pas paroitre devant lui les 
mains vuides. Mais quoy ? des inscriptions, des médailles, 
des sirènes, la vie d'un reprouvé (i) et les plus belles observa- 
tions sur ces sortes d'antiquailles seront-elles dignes d'estre 
offertes à Dieu ? Est-ce quelque chose qui soit propre à nous 
le rendre propice ? Je m'en rapporte à ce que vous pensez 
vous même quand vous l'envisagez des yeux de la foy. Toutes 

(i) Nicaise avait été chargé par TAssemblée, qui se réunissait le jeudi 
chez le président Bignon, d'écrire la vie de T Empereur Commode, pour 
donner plus d'éclat et de relief à la vie de Marc-Aurèle que Bignon se pro- 
posait de publier (Voir Les Sirènes ^ p. i3). 



Digitized by 



Google 



LABBE NICAISE ET SA. CORRESPONDANCE. XXVII 

Ces belles choses que les savans admirent tant sont des 
sirènes qui vous séduisent par la douceur trompeuse de leur 
voix. Ce sont ces chants tendres et languissans par lesquels 
les Ulysses, c'est-à-dire les voyageurs tels que nous sommes 
tous en ce monde, se laissent attirer , et ces promesses de 
grandes connaissances que les hommes curieux préfèrent à 
l* amour de la patrie céleste et aux douceurs qui les y atten^ 
dent (i). Je prie Dieu, Monsieur, qu'en vous détachant de la 
modulation mineure, il vous donne de Tamour et de Tattrait 
pour la modulation majeure et qu'il vous frappe de la sainte 
passion des choses vraiment sublimes^ des choses célestes, 
des biens invisibles, de cette science lumineuse qui nous 
fait connoistre Jesus-Christ... (2). » 

Dans une autre lettre du 27 février 1694, le même corres- 
pondant revient à la charge : « Sérieusement, Monsieur, si 
un homme ne songe, à soixante ou soixante dix ans, à se 
défaire de ces occupations vaines et inutiles, semblables à la 
science des syrenes et à l'explication d'un morceau de mar- 
bre, s'il ne se sépare de ces sortes de commerce qui ne sont 
bons qu'à nous faire perdre le tems que Dieu nous donne 
encore pour penser à l'éternité, il y a beaucoup à craindre... 
Au nom de Dieu, songez à vous sauver. » 

C'est encore Jacques de La Cour, qui, le samedi saint de 
l'année 1695, en réponse aux tristes confidences de l'abbé Ni- 
caise sur les infirmités qui désolent sa vieillesse, lui adresse 
sans ménagement, cette charitable consolation : 

<c Quand on voit un chrestien âgé de 60 à 70 ans se prépa- 
rer à aller paroitre devant Dieu et travailler de Jour en jour à 
réveiller sa foy, à se purifier des taches et de la poussière qui 

(i) Dans cette phrase et dans la suivante, Jacques de La Cour emploie 
les expressions mêmes dont Tabbé Nicaise s'était servi dans son discours 
sur Les Sirènes; voir p. 42. 

(2) Volume 9363, cote i55. 



Digitized by 



Google 



XXVIII LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

s'amassent, durant le cours d'une assez longue vie, par beau- 
coup de recherches inutiles et d'attachement aux créatures, 
quand, dis-je, un chrestien dans ces circonstances est visité de 
Dieu par une maladie douloureuse, longue et accompagnée de 
plusieurs incommoditez,... je ne puis m'empecher de dire que 
cette souffrance est bien placée, qu'elle vient à souhait par 
rapport au ciel et qu'il y a lieu d'en louer la miséricorde du 
souverain médecin, qui se sert du corps pour sauver Tàme, 
comme le diable s'en sert pour la perdre. » 



Nous avons de beaucoup dépassé la mesure que nous 
avions d'abord assignée à cette introduction, et cependant 
nous ne résistons pas au désir d'extraire quelques phrases de 
la correspondance de Nicaise avec un illustre Lyonnais, 
Jacob Spon (i). 

Cette correspondance a commencé le i*' janvier 1678 par 
la lettre suivante de l'abbé Nicaise (2), que nous reproduisons 
fidèlement, pour donner un spécimen du style et de l'ortho- 
graphe de l'abbé. 

(i) Voir le jugement porté sur les lettres de Spon à Nicaise par M. Ed- 
mond Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. I, p. 177 et 
suiv. 

(2) La Bibliothèque de Lyon a acheté, en 1845, lors de la vente des 
livres ayant appartenu à Hyacinthe Baron, doyen de l'ancienne Faculté 
de médecine de Paris, plusieurs centaines de lettres autographes adres- 
sées, par desérudits du XVII« siècle, à Charles Spon et à son fils Jacob 
Spon. Dans la collection des lettres à Jacob se trouvent quarante-trois 
lettres de Tabbé Nicaise ; celle que nous publions est cotée bj dans le 
volume 0,864, !•"" M. Monfalcon y a joint des copies des soixante-huit 
lettres de Spon à Nicaise, conservées à Paris (Bibliothèque nationale, 
fonds français, n» 9360). Ces copies ont été faites, à Lyon, sur les origi- 
naux, dont le déplacement avait été autorisé par arrêté ministériel du 
17 août 1857. 



Digitized by 



Google 



l'aBBE NICAISE et sa correspondance. XXIX 

A Monsieur 
Monsieur Spon, docteur 
en médecine, 
Lion. 

Dijon, le !•' de janvier 1678. 

Monsieur, 

Vous régalez le public avec tant de profusion en grec, et en 
latin, que bien que je n'aye pas l'honneur d'estre connu de 
vous, je me sents néanmoins oblige en mon particulier de 
vous en remercier en francois, autant. Monsieur, par ma pro- 
pre inclination, que par l'invitation que m'en faict monsieur 
D'Areste, nostre bon amy, qui me vient d'envoyer vos trois 
excellents volumes. Je n'attends pas. Monsieur, de lés avoir 
lus, pourm'acquitter de ce devoir; je suis assez scrupuleux 
pour craindre que l'année ne s'advancâ trop pour ne pas 
vous en féliciter dans son commencement. Je craindrois aussi 
en mesme temps d'encoUrir l'indignation des Dieux et des 
hommes mesme inconnus, que vous nous faîctes connoitre 
avec tant d'érudition (i). En vérité. Monsieur, Lion vous doibt 
tout au moins un autel, ou tous les amateurs de l'antiquité 
grecque et latine fassent tous les ans vostre panegirique a qui 
mieux mieux, sens que ceux qui n'y auront pas si bien réussi 
que les autres soint condamnés d'estre foiiettéz, ou d'estre 
iettéz dans le Rhosne, comme autrefois devant ce célèbre 

autel que vous scavez dont parle le poète satyrique Je 

laisse, Monsieur, a Monsieur d'Areste de suppléer au reste de 
mes civilités et de vous témoigner combien j'ay d'estime pour 



(1) Spon avait récemment publié le petit livre ayant pour titre : Igno* 
torum aique obscurorum quorumdam Deorum Arœ ; Lyon, 1676. 



Digitized by 



Google 



XXX L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

VOUS et que je suis, Monsieur, avec tout le respect que je 
doibs, 

Vostre très humble et très obéissant 
serviteur, Nicaise, chanoine de la 
S** Chapelle de 
Dijon. 

Spon ne tarda pas à répondre à Nicaise; sa réponse est du 
5 janvier 1678, et, au bout de quelques mois, il fut l'un des 
meilleurs clients de Tabbé. 

Les lettres de Spon, pleines de détails sur les inscriptions 
trouvées à Lyon et dans les environs, sont précieuses pour les 
archéologues ; elles intéressent aussi les historiens lyonnais 
à bien des titres ; les deux fragments qui suivent permet- 
tront d'en juger. 

Le i3 mai 1678, Spon écrit à Nicaise : ce Je receus, avec 
vostre dernière lettre, le livre de vostre docteur dont vous 
m'avez fait présent (i). Je l'appellerois volontiers, comme 
Rabelais, Chimœra bombinans in vaciio et comedens secundas 
intentiones, car je ne say ce qu'il veut dire et je ne say com- 
ment il a pu si bien réussir à ne rien dire qui vaille. Nous 
avons autrefois chassé de notre Collège Lazare Meysson- 
nier pour avoir fait des livres de cette nature, qui pourtant 
valoient bien mieux, et que quelques esprits aussi obscurs 
que lui admirent....» (2). 

Le 14 août 1682, Spon entretient Nicaise des bonnes dis- 

(i) Nicaise à Spon, Dijon, le 3 mai 1678 : « Je vous regale, Monsieur, 
d'un livre d'un de nos médecins de cette ville, qui s*est advisé a Taage 
de 8 1 ans de faire le philosophe et de faire des vers. La figure qui est 
au frontispice vous fera rire ; j'en regalê dimanche dernier, qui fût le 
jour qu'il parût, quelques mess*^ de l'Académie de Paris de nos amis 
pour les divertir... » 

(2) Fonds français, 9360, cote 1 15. — Lazare Meyssonnier, né à Mâcon 
en 1602, mort à Lyon en 1672, a laissé de nombreux ouvrages, notam- 
ment une Histoire de r Université de Lyon. 



Digitized by 



Google 



l'abbé NICAISE et sa correspondance. XXXI 

positions de rarchevêque Camille de Neuville-Villeroi et du 
nouvel intendant, André Le Fèvre d'Ormesson, relativement 
aux protestants : « Pour nous autres qui demeurons à Lyon, 
nous n'avons pas à nous plaindre. M. L'Archevesque est un 
homme qui aime la justice, et on dit qu'entendant dernière- 
ment de la bouche d'un gentilhomme catholique les violences 
qu'on avoit fait en Poitou à ceux de nostre Religion, il dit 
qu'il empescheroit bien qu'on n'en fist autant dans son gouver- 
nement. Nous avons aussi sujet d'espérer que Monsieur L'In- 
tendant, estant un homme intègre, ne permettra pas qu'on 
nous inquiète contre les intentions du Roy. Le premier jour 
qu'il a pris possession au Presidial, qui fut il y a quatre 
jours, il jugea une affaire d'un légat de cent francs à nos 
pauvres, qu'un homme de la Religion mourant avoit fait, la 
veuve, qui est catholique, le refusant. Les voix se trouvè- 
rent partagées ; celle de M. L'Intendant nous donna gain de 
cause » (i). 

Dans cette correspondance, Jacob Spon fait de son carac- 
tère une peinture bien séduisante: 

Le Père de La Chaize, qui avait prodigué à Spon les témoi- 
gnages d'estime et d'amitié, souhaitait qu'il abandonnât la 
religion protestante et se fît catholique ; il exhortait Nicaise à 
tenter cette conversion et s'efforçait d'y arriver par plus d'un 
moyen persuasif. — Le 5 avril 1680, Spon écrit à Nicaise : 
« Une Abbaye de vingt mille livres me tenteroit autant 
que les colifichets qu'Ulysse presentoit autrefois à Achille. 
Par la grâce de Dieu, tous les biens du monde ne me tou- 
chent point, et je ne crois point que cent millions de rente 
vaillent le privilège d'un ame en repos » (2). 

(1) 9360, cote 146. 

(2) Vol. 9360, cote i36. — Cette lettre du 5 avril i68o est précisément 
celle dont la mise en vente a été annoncée, en i883, sous le n» 199 (et 
non pas 189) du catalogue cité plus loin, p. 171, note 4. — Comme, en 



Digitized by 



Google 



XXXIl l'abbé NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

De ce privilège, il jouissait depuis longtemps. Dès le 9 sep- 
tembre 1678, il déclarait n'avoir ni « chagrin ni tristesse ; car, 
Dieu mercy ! j'ay mon ame dans une telle assiete qu'il 
ne me 'Semble pas seulement possible qu'il m'en puisse ve- 
nir... » (i). 

L'hémoptysie dont il fut bientôt atteint ne troubla pas sa 
quiétude. « Si je ne considerois que ma santé, écrit-il le 
14 octobre i683, je ne devrois que me divertir; mais il faut 
mourir le harnois sur le dos et s'aquitter avec honneur de 
la profession que nous exerçons. C'est un point de religion, 
aussi bien que celuy d'assister les pauvres et se garder de la 
souillure du monde... » (2). 

Bien loin de se désoler, il bénit en quelque sorte sa ma- 
ladie : <c Vous estes bien bon de me plaindre de ma légère in- 
disposition. Je remercie Dieu très souvent de ce que je suis 
un des plus heureux hommes du monde, sans passion, sans 
ambition, et sans crainte de la mort, quoyque ma toux et 
mon crachement de sang me disent à l'oreille : Hœret lateri 
lethalis arundo (3). C'est encore là un de mes bonheurs. Si 
j'avoîs esté d'une constitution robuste, j'aurois abusé de ma 
santé et peut estre fait pire que les autres. Mais, me voyant 
tout autre, je me tiens ad omnia paratus, et je remercie au- 
tant Dieu de la maladie que de la santé. Jugés donc si je suis 
à plaindre... (4). » — « Je m'accoutume au crachement de 
sang, qui vient peut estre de ce que j'en ay trop... (5) ». — 
« Je suis fort résolu de ne regarder cela que comme une in- 
octobre 1884, nous Tavons vue à la place qu'elle doit occuper dans le 
volume 9360, il faut se résigner à dire que l'auteur du catalogue a pris . 
pour un autographe un des fac-similé exécutés pour orner la nouvelle 
édition de la Recherche des antiquités de la ville de Lyon. 
(i) Vol. 9390, cote 114. 

(2) Vol. 936^ cote 1 54. 

(3) Virgile, Enéide, iv, 73. 

(4) II novembre i683; vol. 9360, cote i55. 

(5) 1.6 décembre i683 ; vol. 9360, cote 159. 



Digitized by 



Google 



l'abbé NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXXIII 

commodité que la nature s'est rendue nécessaire, et comme 
on regarde un cautère, qui, de soy mesme, est un petit ul- 
cère incommode, mais qui entretient le reste du corps en 
santé... (i). » 

La mort de son père, décédé à Lyon, le 21 février 1684, 
à trois heures de l'après-midi, n'ébranla pas sa fermeté (2). 

Pour rémouvoir, il fallut le spectacle des persécutions qui 
atteignaient ses coreligionnaires. Après avoir annoncé à Ni- 
caîse, 1/2 25 août i685, que son frère venait de mourir, il 
ajouta : « Nos malheurs généraux nous ont rendu les maux 
particuliers moins sensibles. Je croys qu'à la fin nous nousre- 
jouyrons de la mort de nos parens au lieu de nous en afli- 
ger (3). » 

Quatre mois plus tard, jour pour jour, le 25 décembre i685, 
chassé de son pays par la révocation de Tédit de Nantes, il 
s'éteignit tristement à Vevey, dans sa trente -neuvième 
année. 



Toutes les pièces que nous publions ne sont pas inédites. 
Les lettres de Gisbert Cuper ont été publiées, dès 1755, par 
un de ses neveux, qui avait eu communication des originaux 
appartenant au Président Bouhier. Les lettres de Leibniz, im- 
primées en i836 dans la Revue des deux Bourgognes^ ont été 
maintes fois rééditées dans les Fragments de philosophie mo- 
derne de Victor Cousin. Un érudit lyonnais, qui les croyait 
inédites, F.-Z. CoUombet, les a fait réimprimer, en i85o, avec 
quelques lettres de Galilée. Mais une publication nouvelle 
a encore son utilité. 

Lorsque de Beyer publia, en 1755, les lettres de son oncle, il 

(1) 13 septembre 1684; vol. gSôo, cote i65. 

(2) Vol. 9360, cote 160. 

(3) Vol. 9360, cote 170. 

Académie d* Lyon^ classe des Lettres. l** 



Digitized by 



Google 



XXXIV l'abbé nicaise et sa correspondance. 

en modifia souvent le texte pour le rendre conforme aux exi- 
gences de notre grammaire. Cuper avouait pourtant, sans 
fausse honte, que <r son jargon de françois ne passoit pas 
d'égal avec le stile de Balzac et de Voiture ». N'était-il pas 
bon de lui rendre sa naïveté primitive ? 

Quant aux lettres de Leibniz, non seulement elles ont été 
publiées sur des copies défectueuses, mais encore elles ont 
été bien mal traitées par leurs premiers éditeurs. Nous n'en 
citerons qu'un exemple. En lôgS, Leibniz envoya à Nicaise 
un distique sur l'Électrice de Brandebourg, Sophie-Charlotte, 
dont le père venait d'obtenir l'Électorat de Hanovre. S'adres- 
sant à la princesse, le poète lui dit : 

Eleci >ri5 eras conjuXy nunc filia fada es^ 
Vous étiez déjà fe jme d'Électeur, vous voilà maintenant fille d'Élec- 
teur; 

Sera^precor^fias ut soror atque parens^ 
Dieu veuille que vous soyez bien tard sœur et mère d'Électeur! 

C'est-à-dire : Que Dieu accorde de longs jours , à vous 
d'abord, à votre père et à votre mari ! Car vous ne serez sœur 
d'Électeur que lorsque votre frère Georges-Louis succédera 
à votre père; vous ne serez mère d'Électeur que lorsque 
votre fils Frédéric-Guillaume succédera à votre mari ! — Au 
lieu de Sera, precor^ ficis...^ Cousin a fait imprimer Sara, 
precor, fias...^ et ce n'est pas un lapsus, car une note nous 
rappelle que <c Sara était à la fois la sœur et l'épouse 
d'Abraham ». — N'en déplaise au grave philosophe, Abra- 
ham et Sara n'ont rien à faire ici. 

Collombet est, en général, plus exact. Il lui arrivera ce- 
pendant, là où Leibniz parle de l'évêque de Salisbury, l'his- 
torien anglais Gilbert Burnet, d'écrire l'évêque de Stras- 
bourg, Guillaume de Furstenberg (i),ce qui est très différent. 

(i) Collombet, Lettres inédites de Leibnij^ p. 57. 



Digitized by 



Google 



L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 



XXXV 



De plus, Touvrage n'a été tiré qu'à cent vingt-cinq exem- 
plaires ; il est devenu fort rare, si rare qu'on ne le trouve plus 
dans les bibliothèques publiques de Lyon, et que le chanoine 
Christophe, auteur d'une biographie de Collombet, ne le men- 
tionne pas dans l'énumération des œuvres de son ami ; nous 
n'avons réussi à nous le procurer qu'après de longues recher- 
ches. On peut dire du livre de Collombet qu'il est une curio- 
sioté bibliographique ; il n'est pas accessible à la majorité des 
lecteurs. 

Ce qui distinguera notre édition des éditions précédentes, 
c'est que, pour nous conformer au désir exprimé par l'Aca- 
démie, nous avons en quelque sorte photographié les lettres 
adressées à l'abbé Nicaise, ne nous permettant pas de chan- 
ger le texte, même pour rendre à un nom propre sa forme 
ordinaire, imprimant Joubert, Chabassut, Bénage, là où il faut 
lire Jobert, Cabassut, Basnage, nous bornant à avertir le lec- 
teur, soit dans les notes, soit dans la table (i). Notre volume 



(i) Les deux phrases qui suivent 
existent entre notre édition et les 
copie très défectueuse : 

Texte de notre édition. 

P. 32 : Nous avons quelquefois 
cherché le merveilleux et l'extraor- 
dinaire où il n'y en a point. Par 
exemple, lorsqu'il est dit que la 
femme de Loth, regardant derrière 
elle^fut changée en statue de sel, il 
fait voir, suivant la manière de 
parler figurée des Orientaux^ que 
cela ne veut dire autre chose, sinon 
que la femme de Lothy estant re- 
tournée pour sauver quelque chose 
de l'incendie, fut couverte du feu 
et de bitume. 

P. 40 : Georges, prince d'Anhalt.. . 
a dit bien de bonnes choses. M. Ve- 
jeliuSy à cette occasion, remarque 
bien des choses à la louange de l'É- 
glise de France. 



montrent assez quelles différences 
éditions anciennes, faites sur une 

Texte de Védition Cousin. 

Nous avons quelquefois cherché 
le merveilleux et l'extraordinaire ; 
par exemple, lorsqu'il dit que la 
femme de Loth, estant retournée 
pour sauver quelque chose de l'in- 
cendie, fut couverte de feu et de 
bitume. 



Georges, prince d'Anhalt... a dit 
bien de bonnes choses à la louange 
de l'Église de France. 



Digitized by 



Google 



XXXVI L*ABBÉ NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

n'a, en effet, d'autre mérite que de pouvoir remplacer, sur les 
tablettes de nos bibliothèques, notre ancien manuscrit 690 bis^ 
et ce mérite lui ferait défaut s'il n'était pas une reproduction 
aussi fidèle que possible des textes originaux (i). 

Aux soixante et onze lettres, que le Président Bouhier 
avait réunies en 1737, nous avons joint trois lettres, égale- 
ment adressées à l'abbé Nicaise par un savant religieux de 



(1) D'après la table que le Président Bouhier a lui-même dressée et 
insérée, en lySy, au commencement de son manuscrit C, 140, ce volume 
contenait des « Lettres de diverses personnes à M' l'abbé Nicaise, scavoir : 

I de M*" Suarès, évêque de Vaison, 

I de Lelio Colista, 

I de M^* de Mazaugues, 

I du Prieur Michel, 

I du P. Bonjour, 

I de M*- Galland, 

I de M' Nicolas de Besançon, 

I de M' de Saumaise le fils, 

I de M' Kuhnius, 

4 d'une personne inconnue, et datées de Rome, 

1 de George Hickès à Hans Sloane, 
14 de M' Graevius, 

14 de M' de Leibniz, 

4 de TAbbé de Gondi, 

2 de Jaques Perizonius, 
2 de J. de Witt, 

1 de M*" Basnage de Beauval, 

2 du P. Antoine Pagi, 

5 de M*" Ézéchiel Spanheim, 
2 de M' Pierre Bayle, 

8 de M' Bégon, intendant de Rochefort, 

7 de M' Gisbert Cuper. » 
Mais, lorsque le Recueil a été donné à la bibliothèque de Lyon, le 
28 octobre i835, M. Péricauda eu soin de constater et de mentionner sur 
la couverture qu'il ne renfermait plus toutes les lettres indiquées dans la 
table. « Il n'y en a que 12 et non 14 de Leibniz, une et non 2 de Bayle, 
cinq et non huit de Bégon. » — M. Péricaud aurait pu ajouter que, 
comme compensation, il y a seize et non pas seulement quatorze lettres 
de Graevius. 

Depuis 1 83 5, le volume n'a subi aucune mutilation; il répond exacte- 
ment à la description de M. Péricaud. 



Digitized by 



Google 



L*ABBÉ NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXXVII 

Tordre des Augustins, Henri Norîs, le futur cardinal Noris. 
Les originaux de ces trois lettres étaient, en 1880, mêlés à 
des pièces de tout genre et de toute origine (i), dans le carton 
poudreux où gisait le recueil formé par Bouhier. — Il est 
très possible que les lettres de Noris ne viennent pas de la 
bibliothèque du Président Bouhier et qu'elles n'aient pas été 
prises par les commissaires du Ministère de Tlntérieur dans 
la bibliothèque centrale du département de l'Aube. Bouhier 
en avait fait exécuter une copie, qu'il avait classée parmi ses 
manuscrits sous la cote D, 129; copie naguère conservée 
dans la bibliothèque du Palais-des-Arts, et que nous avons, 
en vertu d'une délibération du Conseil municipal du 24 juin 
1880, déposée entre les mains de M. le Directeur de la Biblio- 
thèque nationale. Si les originaux avaient appartenu à Bouhier, 
quelle eût été pour lui l'utilité de cette copie ? — Mais, comme 
la mission de Chardon de La Rochette et de Prunelle n'a pas 
été limitée à la bibliothèque de Troyes, comme ces deux sa- 
vants sont allés dans beaucoup d'autres villes, notamment à 
Dijon (2), et qu'ils ont, de leur propre aveu, recueilli beau- 



(1) Aucune de ces pièces n'était inventoriée. Indépendamment de celles 
qui sont énumérées dans notre Rapport de 1881, pages 11 à 20, nous 
avons remarqué des lettres de Louis-Joseph de Chateauneuf de Roche- 
bonne, de Perrichon, du Père Tournemine, etc., etc., et un grand nombre 
de lettres administratives, écrites, pendant la Restauration, pour indiquer 
aux représentants du Gouvernement la direction qu'il convenait de don- 
ner à l'opinion publique. 

(2) Dans une lettre du 25 septembre 1879, relative à la revendication 
des Lettres à Nicaise que possédait alors la bibliothèque du Palais-des-Arts 
(Voir notre Rapport de 1880, p. 44 et suiv.), M. Léopold Delisle écrivait: 
« Les Lettres à Nicaise viennent de Dijon, où les deux commissaires du 
Ministre de l'Intérieur allèrent en 1804 remplir la même mission qu'à 
Troyes. Dans la bibliothèque de Dijon, les commissaires choisirent, entre 
autres manuscrits, la collection des lettres adressées à l'abbé Nicaise. Le 
3i octobre 1804, ils en remirent k la Bibliothèque nationale une masse 
assez considérable.... Prunelle a gardé par devers lui un choix de ces let- 
tres, absolument comme il avait détenu une partie des papiers de Bouhier. » 



Digitized by 



Google 



XXXVIII LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 

coup de lettres adressées à Tabbé Nicaise, il y a toujours lieu 
de croire que les trois lettres de Norîs proviennent de leur 
mission et ont été retenues par Prunelle (i). — Quelle qu'en 
soit d'ailleurs l'origine, le Conseil municipal et l'Académie 
de Lyon les ayant assimilées aux pièces venant de la biblio- 
thèque de Bouhier, nous avons dû leur faire une place dans 
notre publication. 

Nous avons, enfin, pour faciliter la détermination de l'auteur 
inconnu des quatre lettres datées de Rome, publié deux autres 
lettres que cet auteur a écrites à Nicaise et que nous avons 
trouvées àParis dans le manuscrit français 9362. 

Transcrire fidèlement, afin de remettre à l'imprimeur des 
apographa presque exempts de fautes, comparer les épreu- 
ves, non pas aux copies, mais aux originaux, et réitérer jus- 
qu'à cinq ou six fois cette comparaison, voilà quelle a été 
notre tâche (2). Tâche ingrate, en vérité I et que nous avions 
songé à rendre plus attrayante, en y adjoignant la rédaction 
d'un commentaire perpétuel, analogue à celui dans lequel 
Victor Cousin a encadré les lettres de Leibniz. Il a fallu, 
pour ménager les finances de l'Académie, renoncer à ce 
projet et nous borner à quelques annotations très succinctes. 

Ainsi limité et exempt de difficultés sérieuses, le mandat 

(i) Dans son Histoire monumentale de la ville de Lyon^ r866, t. IV, 
p. 104, M. Monfalcon, après avoir rappelé les accusations qui furent for- 
mulées contre Prunelle en 1819, et qui motivèrent sa destitution des 
fonctions de bibliothécaire de la Faculté de Médecine de Montpellier, 
ajoute : « Prunelle était un parfait honnête homme, très loyal, très 
désintéressé, mais c'était un bibliophile, et on sait à quelles capitulations 
de conscience la passion conduit les collectionneurs d L'anecdote rap- 
portée en note, et que M. Monfalcon dit avoir apprise de Prunelle lui- 
même, montre combien l'ancien maire de Lyon était passionné pour les 
livres. 

(2) M. Léopold Delisle a bien voulu nous faciliter la correction des 
épreuves en nous autorisant à différer l'exécution de la délibération du 
1 5 mars 1881 ; les Lettres à Nicaise n'ont été déposées entre ses mains que 
le 6 mai 1884. 



Digitized by 



Google 



XXXIX l'abbé nicaise et sa correspondance. 

que rAcadémie nous a donné le 24 mai 1881, aurait pu être 
rapidement exécuté. Mais, d'une part, nos devoirs profes- 
sionnels, aggravés par deux longues absences pendant les- 
quelles notre temps a dû être consacré tout entier au jugement 
de concours pour l'agrégation des Facultés de Droit; d'autre 
part, l'obligation, pour notre imprimeur, de donner toujours 
la préférence aux mémoires ayant un caractère d'actualité et 
aux œuvres plus importantes, ttlltsqueleCartulaire Lyonnais 
de M. Guigue, ont retardé de près de quatre ans l'achèvement 
de ce volume. 

Si tardif que soit le paiement de la dette que l'Académie 
nous a imposée, nous espérons que nos confrères voudront 
bien l'accepter avec leur indulgence habituelle. Nous leur 
demandons, et nous demandons en même temps à tous les 
érudits que notre publication peut intéresser, de ne pas être 
trop sévères pour les fautes que nous avons commises. 

Lyon, le i««'mars i885. 

E. Caillemer. 



Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 



LETTRES 

ADRESSÉES A L'ABBÉ NICAISE 



PAR DIVERS SAVANTS 



S I. 

LETTRES DU PÈRE NORIS 



Henri Norit, ni à Vérone le a g août i6Sl, mort à Rome te 23 février 1^04' 
Religieux de tordre des Augustins, Norit fut tuece$iivement profeueur de philosophie à VUni" 
persité de Piee^ conservateur de la bibliothèque du Vatican et cardinal. 



I 

Air W^ Sig'^ Sig-. Prôn. mio Col"^^ 
il Sig. Abbate Claudio Nicasio. 

Parigi. 
Ill"»' Domine Prône Col"% 

Quod diutius responsum distuli, non pigritias fuit, sed quod 
juvenis, qui iter Parisios suscepturus erat, ultra mensem illud 
procrastinavit. 

Accepi epistolam Willelmi Loidi (i), quem Angli episcopum 
dicunt; quo tamen titulo eundem nequeo appellare, sacris 
legibus Vaticani vetantibus, quibus, vel officii gratia, refra- 
gari non licet. Lœtor virum eruditissimum adhuc superstitem 

(i) William Lloyd, évèque de Saint-Asaph, né le i8 août lôay à 
Tilshurst, mort le 3o août 1717 a Hartlebury. 

Académie de Lyon, classe de» Lettres. 2 



Digitized by 



Google 



l8 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

esse, ac tibi, Vir 111°*% gratias ago quod ejusdem epistolam ad 
me transmiseris. 

Hanc tamen lœtitiam tuae literae etiam atque etiam turbant, 
dum significas te in diuturniori lite, adversae partis potentia 
prœvalente, inferiores partes tulisse, totaqwe causa excidisse. 
Scimus Aristotelem divitias sive commoda rei privatae in 
summi boni parte inferiorî posuisse. Verum quod Apostoli 
verbis pro solatio tua in epistola uteris, intelligo te non Peri- 
pateticum, sed Christianum Philosophum agere, caque tantum 
bona aestimare quae intra te sunt ; cetera autem quae extrinse- 
cus adveniunt ac variis fortunae casibus subsunt, parvi facere, 
imo etiam despicere. Non quod amisisti, sed quam possides, 
eruditio, comitas, ac ad benefaciendum alacritas, te famae inse- 
ruerunt, tuumqwe nomen domi forisque cum laude personant. 
Itaque, fama intégra, decurtata tibi supellex est, aut agrorum 
portio, unaqwe simul diminutae curae familiares; unde promp- 
tior animus, minusque terrenis hisce distractus, ad sublimiora 
penetranda, felicius asque ac validius assurgat. 

Ipse librum de annis et epochis Syromacedonum absolvi, in 

quo duarum ac triginta urbium Syriae epochas expono. Stérile 

opus ac siccum nummis illustro, quos ex insignioribus Museis 

mihi comparavi. In frontispicio libri erit tabula geographica 

Syriae cum urbibus quarum Aéras laudo, cum figura Temporis 

desuper volitante, addito disticho : 

« Oppida dejeci, Syriosque a culmine muros ; 
« At Victor Syrio vinctus in aère trahor. » 

Primo autumno typis volumen committetur ; num Floren- 

tiœ an Bononiae, nondum deliberavi (i). 

(i) L'ouvrage auquel Noris fait allusion fut imprimé en 1689, à Flo- 
rence, sous ce titre : Annus et Epochce Syromacedonum, in vetustis urbium 
Syriœ nummis, prœsertim mediceis, expositce, — Le distique du frontis- 
pice diffère notablement de celui que Noris annonçait à Nicaise : 

H Oppida dejeci STriae, sed in JERE resur^nt ; 
« Cogor et in KUMMIS aerea yincla pati. » 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE NORIS. I9 

Vale, vir summe, meque tuos inter clientes serva. 
Florentiae, Kal. Juliis 1687. 
Ill»« V. D. 

Hutnillimus et addictiss. servus, 

F. Henricus Noris August. 



II 

Air ni"''' Sig'' Sig. Prôn. ColT'' 
Il Sig. Abbate Claudio Nicasio. 

Parigi. 
ni'»*' Dne Prône Col"»*. 

Recentissîmam abs te epistolam, eamque veterrimam accepi 
ab 111"** Witzîo ; siquidem illa cum delatore per universam Ita- 
liam peregrinata antea fuerat ad usque divîsam procelloso freto 
Trinacriam. Juvenis enim Antiquitatis cultor eximius, Poly- 
phemi antrum, Latomias Syracusanas, iEtnamqtte mugientem 
curiosissime perlustravit. Idem postea dîuturniores Neapoli ac 
Romae moras fecit, ubî veterum monumenta tu m stylo exarata, 
tum etiam scalpro incisa sibi plurima comparavit, suamqwe in 
Bataviam transmisit. Plurimum autem tibi debeo qui nobilis- 
simi ac splendissimi C^ic) juvenis gratiam mihi conciliasti. 

Acceperam antea aliam abs te epistolam, cum epigrammate 
meo volumini praefigendo, additis etiam carminibus celeber- 
rimi vatis Monetae conterranei tui (i), quae tamen in scrînio 

Deux ans plus tard, en 1691, Noris présenta au public le même ouvrage, 
en changeant le titre, en intercalant trois feuilles supplémentaires 
(p. 473 à 496) et en ajoutant deux dissertations De paschali Latinorum 
cyclo annorum LXXXIV, ac Ravennate annorum XCV, 

La Bibliothèque de Lyon possède l'ouvrage de Noris sous ces deux 
formes. 

(i) Bernard de La Monnoye, poète, né à Dijon le 1 5 juin 1641, membre 
de l'Académie française en 171 3, mort à Paris le i5 octobre 1728. Dans le 
manuscrit n» 9359 du fonds français, la Bibliothèque nationale conserve 



Digitized by 



Google 



20 LETTRES A L ABBE NIC AISE. 

inter secretîores schaedas occlusi, ne iterum mihi ruborem 
intenderent. Nae ipse proletarius scrîptor cum divinissimo vate 
eodemqwe historico Moyse comparandus veniam? Vulgo aiunt 
comparationes odiosas esse ; at illa mihi etiam foret pericu- 
losa ; neque enim Fidei censores ejus epigrammatis editionem 
permitterent. Magnus ille poeta numquam majora finxit. 
Itaque aliud epigramma V. C. Moneta minoribus tibiis ac te- 
nuiorî avena mihi concinat; nam licet ipsum magna dicere 
deceat, me tamen tam grandia audire nefas existimo (i). 

Jam vero quid agit eruditissimus Toinardus tuus (2), qui ab 
anno meus esse desiit ? Num ab archetypis pluteis ad nuptiales 
thalamos transiluit, a Pallade ad Venerem transfuga, vel, ut 
mitius loquar, explorator ? Num post matris obitum, familiam 
fulciturus, a libris ad liberos desiderium transtulit, post Hero- 
diadum genealogiam doctissimis ornatam scriptis, Toinardia- 
dum gentem factis aucturus ? Bono quidem meo fato factum 
est, ut ejusdem pientissima mater superstes fuerit quousqwe 
numismatum descriptiones mihi pernecessarias ab amicis, 
quos plurimos isthic habet, coUegisset, ac ad me transmisisset ; 
nam secus meum illud volumen abortum passum esset. 

Quod vero numismatum mentionem feci, tuam operam etiam 
atque etiam rogo, ut unius regii numismatis notitiam habeam 
a doctissimo Morellio (3), sive a V. C. Rainssantio (4), sive 

trente-quatre lettres de La Monnoye à Nicaise (cotes i58à 1 65, 167 à 
178, 178 bis^ 179 à 182, 184 à 192). Le poète bourguignon soumettait au 
jugement de l'abbé les contes les plus grivois, et manifestait ensuite quel- 
que surprise de ce que Tabbé ne les trouvait pas admirables. Voir no- 
tamment deux lettres du 16 novembre 1686 et du 20 novembre 1687. 

(i) La Monnoye composa, en effet, une nouvelle épigramme, et Noris 
la fit imprimer avec celles de Nicaise et de Vaillant. 

(2) Nicolas Toinard, archéologue, né à Orléans le 5 mars 1629, mort 
à Paris le 5 Janvier 1706. 

(3) Sur André Morell, voir la lettre suivante. 

(4) Pierre Rainssant, conservateur du cabinet royal des médailles, né à 
Reims vers 1640, mort à Versailles le 7 juin 1689. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE NORIS. 21 

quopiam alio, qui commode nummum ipsum inspicere possit 
et quidem oculis, ut cum Plauto loquar, emissititiis CsicJ. 

Legî in erudito opère lo. Harduini (i) inter nummos Ephe- 
siorum unum pagina extrema i6o inscriptum : e®. aixmokai 
AOTioAA ANeTHATû, quem ille, subintellecto verbo »i«««v, 
interpretatur : ^mocli Aviolœ Proconsuli Ephesii posuere. 
Est Neronis nummus in regio Cimeliarchio. NuUus dubito 
quin in priores vocesE®. aixmokah errores irrepserint. Nam, 
sub prioribus Caesaribus, viri consulares Asiam proconsules 
sortiebantur. Id verp temporis, consules e vetustis Romano- 
rum familiis creabantur. Hinc fictitium puto ^moclem^ neu- 
tiquam Romani nominis virum, Asiae proconsulem. Porro ex 
Aviolœ cognomine auguror illum fuisse qui in Fastis anno 
postremo imperatoris Claudii dicitur Manius Acilius Aviola^ 
cujus meminere Suetonius cap. 45. de vita Claudii, Tacitus lib. 
12, ac Seneca in Claudii ludo (2). Hinc suspicor eo in nummo 
legendum m an. a ri a m, etc., qui post consulatum, suo anno 
Asiam sortitus, administravit. 

Heri nuncium accepimus deditae Christianis Albae regalis 
urbis munitissimae (3). Ita, intra semestre spatium, duae 
urbes citra sanguinem, cogente famé, deditionem fecere, 
Agria (4) et Alba regia, quam alteram Dux Mercurii, Gallorum 
Ducum fortissimus, a. xpi 1601. difficili obsidione antea expu- 
gnaverat. 



(i) Jean Hardouin, savant jésuite, né à Quimper en 1646, mort le 
3 septembre 1729. Ses paradoxes sont fameux et la correspondance que 
nous publions y contient beaucoup d*allusions. 

(2) Voir Pauly, Real-Encyclopadie, t. I«', 2« édit., p. 1 1 1 . 

(3) Stuhlweissembourg, ville de Hongrie, dont les Turcs s'étaient empa- 
rés en 1 543, et que Philippe- Emmanuel de Lorraine, duc de Mercceur, 
général de Tarmée de l'empereur d'Allemagne Rodolphe II, reprit 
en 160 1. Elle retomba au pouvoir des Turcs, et leur lesta soumise jus 
qu'en 1688, date de notre lettre. 

(4) Erlau, autre ville de Hongrie. 



Digitized by 



Google 



22 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE. 

Vale, virorum optime, mtque tui nominis observantissimum 
ama. 

Illustrîssimum Spanhemium, ejusdemqwe genîi viros clarîs- 
simos Morellium ac Vaillantium a me plurima salute imperti. 

Florentiae, die 28 maii 1688. 

Ill~«Dom.V. 

Addictiss"» servus 

F. Henricus Noris Aug^. 

III 

Au Monsieur 
Monsieur Abbé Claude Nicaise, 
à Paris. 

111'°'' Dne Patrone Col"% 

Accepi typos numismatum Gabalensium, ac prœcipue mihi 
placuit Dronianus (i) Commodi cum Epocha tac, in quo cum 
Cotnmodus bene barbatus appareat, palam coUigitnus eam Epo- 
cham non esse Pompeianam deductam ab anno Urbis 
Romae 691, quo Pompeius in Syria fuit; alias annus ille 
TAC, 233, concurreret cum anno Urbis 924, quo anno Commo- 
dus imberbis puer annum vitœ decimum agebat. Barba qui- 
dem homines indicat senescentes; at eo in nummo Gabalen- 
sium Epocham juniorem ostendit. Nam uti Gabala M. P. XII 
tantum Laodicea distabant, ita eodem anno Urbis Romae 707 
novam cum Laodicenis Epocham innexere, qua de re fusius in 
libro de Epochis disputavi, ubi adverti Laodicenos annum pri- 
mum novae iErae ab autumno A. U. 706 coUegîsse. Hinc in 
laudato Gabalensi nummo annus ta G, 233, cœpit ab autumno 
A. U. 938, sexto imperii Commodi a morte M. Aurelii patris. 

(i) L*abbé Dron, numismate distingué, mort à Paris en 1703. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE NORIS. 23 

In typo alterius nummi legitur anterius ANta-... et retrorsus 
cum Jove sedente, etc., tabaieûn, et subtus eng, ut sit annus 
255. At Antoninus Caracalla îbi imberbis obsignatur. Hinc,se- 
cus ac in altero Commodi, genae nuUa barba asperatae nummum 
juniorem produnt; unde média nota numeralis non est N, 
sed M, videlicet EMC, 145 (i), qui iniit ab autumno A. U. gSo. 
Hœc poteris tuo commodo de eo Commodi nummo viro spec- 
tatiss^ humaniss^ ac candidissimo Dronio significare. 

Intérim totus rubore sufFundor, cum utraqwe manu tôt mihi 
dona transmittis, ut eisdem paene obruar; siquidem et deside- 
ratissimos nummorum typos mihi procurasti, ac tua quoque 
mittis volumina, quae magna arte ac industria, modo anceps, 
modo piscator contexuisti, ut dubium facias sisne hamo vel 
visco felicior (2). Non enim puto te retia adhibuisse ne viles 
quoque aviculas, minutosqwe pisces captares. Verum non mul- 
tiplicas praedam, sed minuis, dum captas aves in pisces sta- 
tim convertis. Scribis pudere te adeo siccum mihi convivium 
prseparare. At profecto ad hancce tuam mensam neutiquam, 
licet invitatus, accedam ; etenim vereor, ne tuas inter dapes 
maie cœnatus, vacuo inde ventre discessurus essem, coactus 
tuo in convivio esuriales ferias longiori coUo trahere. Nam 
cum initio statim apparatus, oculis prius quam dentibus, appo- 
sitas aves devorarem, tu ea, quam jactas, arte, avibus in pisces 
jussis commutari, a carnis privio in Jejunii diem me conjiceres, 

(i Nous n'avoiis pas voulu modifier le texte, mais il y a évidemment un 
lapsus calatni; Noris voulait écrire 245. 

(2) Pour comprendre ce qui suit, il faut se rappeler que Nicaise publia, 
en 169 1, un mémoire 5wr les Sirènes ou Discours sur leur /orme et figure. 
Dans ce mémoire, Nicaise soutenait que les sirènes étaient autrefois des 
oiseaux, et qu'elles devinrent des divinités marines à la suite d'un acte de 
désespoir motivé par leur défsiite dans un assaut de chant avec les Muses. 
A partir de ce moment elles reçurent quelques-uns des organes du pois- 
son. Les sirènes sont donc en partie oiseaux, en partie poissons. De là, la 
plaisanterie de Noris : L'abbé Nicaise est tout à la fois chasseur et pêcheur. 
Offre-t-il à ses convives un oiseau ou un poisson ? 



Digitized by 



Google 



24 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE. 

ac, palato jam excitato, insidias strueres, ludumque faceres. 
Sed ne ad pisces quidem manus eztenderem, timens ne ante- 
quam illos cultro divîderem, in aves iterum et quîdem pluma- 
tas conversi, procul a mensa volitantes, me horrore tantum ac 
stupore pascerent. Amo mensas opiparas, non quae solum sint 
miraculo. Sed jam satis lusi. Tu vota nuncupa, ne aves piscesque 
abs te capti, a Balearibus etiampiratis capîantur, qui toto pelago 
praedas agunt. Cum transmissa exemplaria pervenerint, omnia 
juxta descriptum symbolum distribuam. Adhuc tamen libros 
Ciceronis de Officiîs cum notis Graevianis expecto. Quod de epis- 
tola Mediobarbi (i) scribis, ambiguum est. Ego tuam ad illum 
epistolam mîsi; idem suam ipsius epistolam, qua tuae respon- 
debat, ad me transmîsit, quam tibi destinavi. Semel autem in 
quadam tua epistola nuUas a Mediobarbo te literas accepisse 
significabas. 

Abbas Fabrettus (2) a novo Pontifice successorem accepit 
Abbatem Fabronum, patricium Pistoriensem. Si nomina atten- 
das, majus est Fabronum Fabretto, et inter utrumque médius 
esset Pater Faber Jesuita, qui me vatiniano odio prosequeba- 
tur; cum tamen viri 111"* Fabretus et Fabronus sint mihi amicis- 
simi. Qui tamen nomine major est Fabronus, minor est aetate 
annorum 3o quam Fabretus, quod unum hic alteri invidet. 

Profecto in ore omnium est novi Pontîficis in ministris eli- 
gendis prudentia. Nam qui hactenus electi sunt, totius populi 
testimonio optimi prasdicantur, cum tamen Innocentius XII, 
prius Bononiœ legatus, dein episcopus Faventiae, ac denique 
aarchiep* Neapolitanus diutius Roma abfuerit, ut mirum sit 
tantam eidem inesse virorum in Urbe degentium notitiam, 
qua optimos a bonis etiam discemit. Est ille plane Melchise- 

(i) François Mezzabarba, numismate, né à Pavie en 1645, mort à 
Milan le 3i mars 1697. 

(a) Raphaël Fabretti, illustre archéologue, né à Urbin en 16x8, mort à 
Rome le 7 janvier 1700. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE NORÎS. 25 

dek, rex Salem, sine pâtre, sine matre, sine genealogia (i) 
superstite, in quam Ecclesiasticœ ditionis thesauri effundantur. 
Natus est Neapoli die i3 martii anno Christi vulgari i6i5, in 
familia quœ Mondruini principatum possidebat, cujus ipse 
unicus remansit; quamvis ex alio stîpite ex eodem trunco des- 
cendente, floreant nunc Pignatelli principes Montis Leonis in 
Calabria, quo in loco.nos monasterium habemus. Innocen- 
tius XI nihil nepoti Odescalco donavit, quod esset a censu 
Ecclesiae. Verum Nepos sua pecunia in agro Latino princi- 
patum émit, ac Roma, quamvis non ditavit, vidit tamen Pon- 
tificis nepotem principem. At in praesentia Urbs nec nepotem, 
nec pronepotem, nec consobrinum, nec uUos prorsus affines 
Pontificis videt. Unus solus ibi est Pignatellus. In gentis nobi- 
lissimae stemmate très ollae, Italis pignatte^ unde familiae 
nomen, visuntur. Scribunt Pontificem in monetis sub triplici 
corona oilam inverso ore pendentem scalpendam jussisse cum 
épigraphe : Nihil pro me, sive tresollas cum : Nihil pro nobis. 
Postquam Mars Gallicus, ita Louoium repentina morte 
subiatum Itali vocabant (2), ex Orbe egressus est, speramus 
V. G. Morellium (3) ex Bastitana arce egressurum, in qua 
diutius praesidiarium vir Helveticus egit ; non quod fuerit prae- 
sidio arcis, qui ibi in custodia detinebatur, sed quod mihi aliis- 
que nummariœ eruditionis studiosis ibidem quoque prœsidio 
fuit; cujus cum libertatem intellexero, grandiori sono Horatia- 
num versum canam : 

« O et praesidium et dulce decus meum 1 » 

(i) Noris emprunte ces mots à Tépître de saint Paul aux Hébreux, 
ch. VII, V. 1.3. 

(2) LouYois était mort subitement le 16 juillet 1691. 

(3) André Morell, numismate, né à Berne le 9 juin 1646, mort à Arn- 
stadt le 1 1 avril 1703. Il avait été enfermé dans la Bastille sur Tordre de 
LouTois, à la suite de doléances très-vives, motivées par le retard que Ton 
mettait à payer les honoraires qui lui étaient dus pour le classement des 
médailles du cabinet de Paris. 



Digitized by 



Google 



26 

Viros prœstantissimos Oudinetum (i), Dronium ac Vaillan- 
tium (2) salutes velim. 

111"'* Dn** Commendatori del René plurimas gratias debeo, 
qui vestras ad me epistolas deferendas curât. 
Vale, vireximie. 
Florentifie, die i3 Augusti 1691. 

Addictiss. servus 
F. Henricus NoRis Aug"». 



§ 2. 
LETTRES DE LEIBNIZ 

Godefroi'Guillaume Leibni\y nia Leipzig le 3 juillet 1646 , mort à Hanovre le 14 novembre 1716. 

IV 

A Morts. rAbbé Nicaise. 

Hanover 9/19 janvier 1693. 
Monsieur, 

Vous avés fait trop d'honneur à mes bagatelles de les mons- 
trer à Mons. d'Auranches (3) et moy-même je leur en ay trop 
fait, en les addressant à vous. 

Quelque personne qui m'est inconnue a répondu à ce que 

(i) Marc- Antoine Oudinet, numismate, né à Reims en 1643, mort dans 
la même ville le 12 janvier 1712. — Voir, dans le manuscrit français 
n® 9360, trois lettres de ce savant à Nicaise ; elles sont cotées 67, 69 et 70. 

(2) Jean- Foy Vaillant, numismate, né à Beauvais le 24 mai i632, mort 
à Paris le 23. octobre 1706. 

(3) Pierre-Daniel Huet, membre de l'Académie française, abbé d'Au- 
nay (Calvados), évêque de Soissons, puis d'Avranches, né à Caen le 8 fé- 
vrier i63o, mort à Paris le 25 janvier 1721. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 27 

j'avois allégué pour prouver que Tessence du corps ne consiste 
pas entièrement dans retendue, et j'y ay répliqué dernièrement. 
Mons. le président Cousin (i) ayant eu la bonté d'insérer ma 
réplique dans son janvier présent, cela servira de réponse en 
même temps à des objeaions d'une personne de considération 
qu'on m'avoit envoyées. 

J'avois fait quelques remarques sur la première et seconde 
partie des principes de M. des Cartes, qui comprennent la par- 
tie générale de sa philosophie (2), et je les ay envoyées en Hol- 
lande, pour estre vues avant l'impression, par des habiles gens 
tant cartésiens qu'autres, afin de profiter de leur avis. La dis- 
tance des lieux et difficulté des temp s m'a empêché de les en- 
voyer en France, où j'aurois voulu sur tout les sousmettre au 
jugement incomparable de Mons . d'Auranches, à qui je vous 
supplie de rendre témoignage de ma vénération, et des grâces 
très humbles de ma part, de la bonté qu'il a eue de se souvenir 
de moy. 

Mons. de Spanheim (3) a receu vostre lettre il y a long temps, 
comme il m'a marqué dans sa réponse. Je luy avois offert de 
vous envoyer celle qu'il m'adresseroit pour vous ; mais il vous 
aura peut estre écrit par une autre voye. Il juge aussi que le 
R. P. Hardouin s'est fort mépris dans son explication de la 
médaille de Césarée. Cependant, il y a une chose à l'égard de 
laquelle il n'est pas d'accord avec Mons. Vaillant, c'est tou- 
chant l'explication d'M, que M. Vaillant explique M«y«A>î, et 
M. Spanhem aimeroit mieux d'expliquer par ^firpémXiç, Il croit 
qu'effectivement cette Césarée a esté la métropole de la Pales- 

(i) Louis Cousin, président à la Cour des Monnaies, membre de T Aca- 
démie française, né à Paris le 12 août 1627, mort le 26 février 1707. 

(2) Leibniz fait sans doute allusion à ses Animadversiones ad Cariesii 
principia^ dont le manuscrit a été retrouvé de nos jours dans la Biblio- 
thèque de Hanovre. 

(3) On trouvera plus loin une notice sur Ezéchiel de Spanheim et cinq 
lettres adressées à l'abbé Nicaise par ce savant archéologue. 



Digitized by 



Google 



28 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

tîne payenne sous Néron et auparavant, quoyqwe cela ne se 
trouve marqué premièrement que dans des médailles greques 
sous Elagable. Car souvent cette qualité inconnue d'ailleurs se 
trouve par les médailles. Il croit que M«y«ii, n'est pas un épithète 
convenable n'y d'usage qu'à l'égard des villes qui Ta voient 
comme en nom propre ; que la qualité de Colonia prima n'est 
pas contraire à celle de Métropole comme M. Vaillant le paroist 
croire, puisque Nicomédie et autres villes prenoient en même 
temps la qualité de métropole et de w/>«t7ï. 

Comment ? Mons. d' Auranches a encore légué sa bibliothèqi/e 
aux jésuites? C'est un océan où je voy que bien des rivières se 
rendent. S'ils avoient tous jours des Frontons le Duc (i), des 
Sirmonds (2), et des Henschenius (3), il n'en seroit que mieux. 
Mais il arrive quelques fois qu'il y a des gens entestés de la 
solipsité (4) et nourris dans des maximes opposées à la fran- 
chise, et alors, ils gardent les trésors, comme le dragon les 
pommes des Hespérides. 

Quant à Mons. Ménage (5), c'estoit un bon mot que celuy 
d'un amy qui vous mandoit que les jésuites avoient le privilège 
de recevoir des restributions. Cependant, quelque bon que soit 
ce mot, il a esté injustement appliqué à Monsieur Ménage, dont 



(i) Fronton du Duc, savant jésuite, né à Bordeaux en i558, mort à 
Paris le 25 septembre 1624. 

(2) Jacques Sirmond, savant jésuite, né à Riom le 12 octobre iSSg, 
mort à Paris le 7 octobre i65i . 

(3) Godefroy Henschenius, jésuite, Tun des premiers rédacteurs des 
Acta Sanciorum^ né à Venrai le 21 janvier i6oi, mort à Anvers en 1681. 

(4) Allusion à un pamphlet, qui parut à Venise, en 1645, sous ce titre : 
Lucii CorneL Europœi monarchia Solipsorum, Voir Inchofer Scotti, La 
Monarchie des Solipses^ publiée par de Cuvillers, Paris, 1874, in-8«. 

(5) Ménage venait de mourir à Paris, le 23 juillet 1692. — Son livre sur 
les Origines de la langue française^ auquel Leibniz va faire allusion, a 
été publié en i65o. La nouvelle édition souhaitée par Leibniz parut 
en 1694. — Huit lettres de Ménage à Nicaise se trouvent à la Bibliothèque 
nationale dans le manuscrit français n» 9359; elles sont cotées 193 à 194, 

197 à 200, 202-203. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 29 

rérudition et Tesprit n'estoit point emprunté. C'estoit sans 
doute un homme d^une érudition profonde, et quoyqu'il ait sou- 
vent manqué dans les Origines^ faute de sçavoir les langues du 
Nord, il y a dit pourtant bien des choses excellentes, et j'en 
attends la nouvelle édition avec impatience. Car je ne méprise 
rien, pas même les découvertes de grammaire. 

Il n'y a point de doute que si une préface ou quelque autre 
chose manque à cet ouvrage posthume, Mons. d'Auvranches 
le pourroît suppléer admirablement. Mais il n'y a point d'ap- 
parence que ses affaires présentes lui permettent d'y songer ; 
luy, dis-je, qui pourroit faire tant d'autres choses encor incom- 
parablement plus importantes. 

Mons. Bernard (i), dispensé maintenant de la profession, a 
repris en main son Josephe. 

Mons. Dodwell (2) a donné Lectiones Oxonienses^ ou Ton dit 
qu'il y a des choses très belles ; que d'autres ont passé chez les 
anciens sans les remarquer. 

Mons. Marcus Meibomius (3), qui a publié veteres musicos^ 
nous promet depuis long temps une nouvelle édition du nou- 
veau Testament. 

Il seroit à souhaitter que Mons. Toinard nous voulut donner 
ses Harmonies et les joindre à ses remarques sur les Hérodia- 
des. Vous obligerés le public. Monsieur, si vous le pressés pour 
cela. 

Je voy par le livre de M. Pellisson (4) que M. l'Abbé Boisot (5) 

(i) Bernard, auteur de Commentaires très prolixes sur Josèphe, dont le 
premier volume seulement a été publié à Oxford en 1700. 

(2) Henri Dodwell, professeur à Oxford, né à Dublin en 1641, mort 
en 1711. 

(3) Marc Meibom, philologue, né vers i63o dans le Sleswig, mort à 
Utrecht en 17 10. 

(4) Paul Pellisson, avocat, conseiller d'État et historiographe du Roi, 
né à Béziers le 3o octobre 1624, mort à Paris le 7 février 1693. 

(5) L'abbé Jean- Baptiste Boisot, né à Besançon en i638, mort le 4 dé- 
cembre 1694. — Le manuscrit français 9361 contient dix-sept lettres de 
Boisot à Nicaise ; elles sont cotées 25 à 35, et 37 à 42. 



Digitized by 



Google 



3o LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

a d'excellens mémoires venus du feu cardinal de Granvelle. Il 

seroit à souhaitter qu'on en peut obtenir quelque catalogue 

en abrégé. 

Je suis avec zèle, 

Monsieur, 

Vostre très humble et 

très obéissant serviteur 

Leibniz. 

P. S. Je vous supplie, Monsieur, de témoigner dans l'occa- 
sion à Mons. Lantin (i) que je Thonnore infiniment. 



A Mons. VAbbé Nicaise. 

Hanover, ce i5/25 de may 1693 (2). 

Voicy, Monsieur, une lettre de Mons. de Spanhem que j'ay 
attendue depuis plus d'un mois, suivant la promesse qu'il m'en 
avoit faite, mais dont l'exécution avoit esté différée par ses dis- 
tractions. Il témoigne d'estre estrangement surpris de la har- 
diesse avec laquelle le R. P. Hardouin semble révoquer en 
doute les ouvrages de Josephe. Quand il estoit icy, il me mar- 
quoit bien des choses qu'il trouvoit encor à dire à la dernière 
lettre de ce Père, quoique il ne soit pas pour cela d'accord en 
tout point avec M. Vaillant. Mais je ne doute point qu'il ne 
vous en dise quelque chose luy même. 

Tout le monde est convaincu maintenant de la fourberie de 

(i) J.-B. Lantin, conseiller au Parlement de Bourgogne, poète, mathé- 
mathicien, naturaliste, etc. Le fils du grand Saumaise lui légua, conjoin- 
tement avec Philibert de la Mare, les manuscrits laissés par son illustre 
père. Voir Léopold Delisle, Le Cabinet des Manuscrits^ t. !•% p. 36 1 et 
suiv. 

(2) La majeure partie de cette lettre a été publiée par Péricaud, Varié- 
tés historiques^ Lyon, i836-i837, p. 14-17. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 3l 

Jaques Aymar, depuis la déclaration que M. le Prince en a fait 
faire dans le journal des sçavans (i). Mais, sans cela, j'en ay 
tousjours esté persuadé. Nous avons des semblables devins à 
baguette dans le pays de nos mines, qui se mêlent de découvrir 
les veines sousterraines des métaux par leurs baguettes sympa- 
thétiques. La plus part des auteurs en parlent comme d'une 
chose seure ; mais nous avons reconnu par plusieurs expériences 
que tout cela n'est rien ; et quand on leur bandoit les yeux, leur 
baguette ne marquoit pas les veines connues, quoyqwe fort gran- 
des. Je m'étonne fort que Messieurs les Cartésiens, ou au moins 
quelques uns entre eux, ont donné la dedans. Car, qu'a-t-il de 
commun entre leur philosophie et ces prétendues sympathies. 
Ils deuvroient s'asseurer du fait, avant que d'en chercher la 
raison. 

Je n'ay encor lu que l'abrégé de la vie de des Cartes, fait par 
M. Baillet (2), l'ouvrage entier n'estant pas encor venu à nous. 
On ne doit pas blâmer le soin de M. Baillet d'embellir la 
matière, et de tout tourner à l'avantage de son héros. Cependant 
j'y ay fait plusieurs remarques ou je crois que le fait en est un 
peu autrement, que M. Baillet ne l'a trouvé dans les lettres de 
Mons. des Cartes, aux quelles on ne se doit point fier au préju- 
dice d'un tiers ; car M. des Cartes avait la coustume de défi- 
gurer d'une estrange façon ceux qui lui faisoient ombrage. 



(i) Jacques Aimar-Ternay, paysan dauphinois, né à Saint- Véran (Isère), 
le 8 septembre 1662. On trouve, dans le Journal des Sçavans^ ^^9^y P- >6 
et suiv., un récit détaillé, fait par un médecin de Lyon, des services ren- 
dus par cet homme-prodige aux magistrats chargés de l'instruction d'une 
grave affaire criminelle. (Cf. J.-B. Monfalcon, Histoire monumentale de 
Lyon^ t. II, p. 190, note 2). Mais, à Paris, Aimar fût moins heureux, et 
le Journal des Sçavans^ 1693, p. 189, publia une courte notice de ses 
insuccès. Cest ce dernier article qui est visé par Leibniz. 

(2) Adrien Baillet, érudit, né à la Neuville, près Beauvais, le 1 3 juin 1649, 
mort le 21 janvier 1706. Plusieurs des lettres qu'il écrivit à Nicaise nous 
ont été conservées (Bibliothèque nationale, manuscrits français, n« 936 1, 
cotes 92 à 98). 



Digitized by 



Google 



32 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

J'attends avec impatience ce que le R. P. Pezron (i) nous 
donnera sur les prophéties. Et je croy fort probable ce qu'il doit 
avoir avancé de l'irruption des Scythes dans la Palestine. Héro- 
dote et autres Grecs parlent des irruptions des Scythes, des 
Cimmériens, des Trêves et autres peuples septentrionaux, dans 
l'Asie mineure et dans la Syrie, ou apparemment la Palestine 
n'aura pas esté épargnée. 

Il y a un homme fort sçavant dans la langue ébraiqi/e, qui 
s'attache à faire voir, par des explications fondées sur la pro- 
priété de la langue, que nous n'avons pas tousjours le véritable 
sens de l'Écriture, et que nous avons quelqi/e fois cherché le 
merveilleux et l'extraordinaire où il n'y en a point. Par exemple, 
lors qu'il est dit que la femme de Loth, regardant derrière elle, 
fut changée en statue de sel, il fait voir, suivant la manière de 
parler figurée des Orientaux, que cela ne veut dire autre chose 
sinon que la femme de Lot, estant retournée pour sauver 
quelqwe chose de l'incendie, fut couverte du feu et de bitume. 
Car cÈiç signifie non-seulement sel, mais encore bitume ; et 
l'hébreu n'est pas moins équivoqwe, ou peut estre plus. Ainsi, 
estant couverte de ces matières, on peut dire qu'elle estoit deve- 
nue comme une statue de bitume (2). Il dit aussi des choses 
curieuses de columna ignis et nubis (3), et de pinnaculo tem^ 
pli (4), de maledictione Canaan (5), et de quantité de passages 
semblables. 



(i) Paul Pezron, cistercien, né à Hennebon (Morbihan) en 1639, °^ort 
à Chessy le 10 octobre 1706. On trouve quelques-unes de ses lettres à 
Nicaise dans le manuscrit français 9360, cote io5, et dans le 936 1, cotes 
43 à 47 et 5o. 

(2) « La même explication a été donnée par un savant lyonnais, M. de 
Nolhac, dans ses Appendices aux Études sur le texte d'Isaïe^ Lyon, i833, 
p. 12-1 5. » (Note de l'édition Péricaud.) 

(3) Exodus, XIV, 24. 

(4) Evangelium secundum Matthœuniy IV, 5. 

(5) GenesiSy IX, 25. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 33 

Il sera bon de conforter le R. P. Noris à ne point aban- 
donner Rome ; car, dans le poste où il est, il peut obliger les 
sçavans et rendre service au public, tant par les ouvrages qu^il 
pourra faire, encor plus enrichis qu'auparavant de ce qu*il 
pourra tirer des trésors du Vatican ; que par les communications 
dont il peut favoriser les autres. Il seroit bon d'avoir, par son 
moyen, le catalogue des Ms. de la Reine Christine, qui ont esté 
mis dans le Vatican. 

Je crois tousjours que M. TAbbé de la Trappe, aussi bien que 
le R. P. dom Mabillon ont raison tous deux, et plus qu'ils ne 
pensent, et qu'ainsi ils pourront finir leur dispute quand ils 
voudront (i). 

Je croyois d'avoir satisfait à la demande de M. l'abbé Bau- 
drand (2). Les églises cathédrales de la Haute-Saxe ont esté ou 
sont : Meissen, Mersbourg, Naumbourg, Brandebourg, Havel- 
berg. Gamin; de la Basse-Saxe: Brème, Magdebourg, Hil- 
desheim, Halberstat, Lubec, Suerin, et Razebourg. Tous ces 
éveschés sont entre les mains des protestans, excepté Hildes- 
heim. Et Brème, Magdebourg, Halberstat et Gamin, Schwerin 



(i) L*abbé de Rancé avait publié, en i683, un ouvrage sur La sainteté 
des devoirs de l'Etat monastique. Mabillon lui répondit, en 1691, par un 
Traité des études monastiques. Une réplique assez vive du réformateur de 
la Trappe fut suivie d'un nouvel ouvrage de Mabillon : Reflexions sur la 
réponse de M. l'abbé de la Trappe au Traité des études monastiques. 
Leibniz, dans une lettre antérieure du 5 juin 1692, avait développé la 
pensée qu'il résume ici : « J'estime que M. l'abbé de la Trappe et le révé- 
rend père dom Mabillon ont raison tous deux de les exhorter (les moines) 
tant à la solide dévotion qu'à la véritable science. » (V. Cousin, Frag- 
ments de philosophie moderne^ 3« édit.,p. 217.) Mais ses préférences étaient 
au fond pour dom Mabillon, et il en donne les motifs dans plusieurs passa- 
ges de sa correspondance. 

(2) L'abbé Baudrand (Michel-Antoine), prieur de Rouvres et de Neuf- 
Marché, géographe, né à Paris le 28 juillet i633, mort dans la même 
ville, le 29 mai 1700. — Leibniz avait en effet déjà répondu à la demande 
de Baudrand. Voir la lettre du 5 juin 1692, éditée par M. Cousin, Frag- 
ments philosophiques^ 3« édition, p. 217. 

Académie de Lyon, classe des Lettres. 3 



Digitized by 



Google 



34 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

et Razebourg ne portent plus le nom d'éveschés, estant devenus 
des principautés séculières. Mais les chanoines des églises 
cathédrales ne laissent pas de subsister. Pour Meissen, Mers- 
bourg et Naumbourg, aussi bien que Lubec, ils ont encor des 
éveques ou administrateurs. Brandebourg et Havelberg ne 
sont plus rien que des villes. Je ne sçay pas s'il y a encor des 
chanoines. Je ne parle pas d'Osnabruc, Padeborne, Munster, 
Verde, Minden, car ils sont du cercle de Westphalie. Minden 
est entièrement sécularisé et devenu principauté,' appartenant à 
rélecteur de Brandebourg, comme Magdebourg, Halberstat et 
Gamin. Et Verde est aussi une principauté qui appartient à la 
Suède comme Brème. Les ducs de Meclenbourg s'appellent 
princes de Suerin et Racebourg. Je parle encor moins du reste 
des évêchés du cercle de Westphalie, comme de Liège, 
Utrecht et Cambray. J'ay oublié de dire qu'Osnabruc est encor 
.un évêché, dont l'évêqwe est maintenant électeur de Bronsvic. 
Il y a des protestans aussi bien que des catholiques parmy les 
chanoines des églises cathédrales d'Osnabruc, Minde et Lubec ; 
et dans la dernière le nombre des protestans prévaut. 

Je viens de publier un tome de mon recueil intitulé Codex 
juris gtntium diplomaticus. Il y a des actes publics de toute 
sorte, la plus part non imprimés encor. Ce premier tome finit 
à Tan 1 5oo, ou environ ; le second tome sera pour le siècle supé- 
rieur; le troisième pour le nostre, si Dieu me donne la grâce 
de l'achever. 

J'ay vu le catalogue des traités que M. Léonard donne au 
public ; mais j'en ay plusieurs de la France même qu'il n'a pas. 
Comme je ne prends que des pièces choisies de toute part, sans 
m' attacher ny aux traités ny à quelqwe nation particulière, mon 
ouvrage ne fera point de tort à Mons. Léonard, ny le sien au 
mien, comme je m'imagine. Je vous dis cecy, Monsieur, tant 
pour implorer vostre faveur et celle de vos amis, si quelque 
chose de curieux se présente sans prendre trop de peine à le 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 35 

chercher, que pour vous supplier à réitérer vos instances auprès 
de M. le Prieur Boissot, qui a tant de trésors dont seront rem- 
plis les papiers du feu cardinal de Granvelle. Je ne luy demande 
que quelques petites miettes qui ne luy feront point de tort et 
qui me serviront. 

J'adresse celle-cy toute ouverte à Mons. Toinard, espérant 
que ce sera avec vostre permission, pour ne pas écrire deux fois 
les mêmes choses. 

Dans une des pièces de mon recueil. Je trouve un traité 
entre la France et la Castille où le Roy de France promet 
d'assister le Castillan contra Regem Bellimarini. J'ay remar- 
qué dans quelques chroniques Ms. que c'estoit un Roy des 
Maures et, comme je croy, d' Afrique. Mais je tiens que M. Bau- 
drand nous en pourroit dire d'avantage. 

Je m'étonne que les nouveaux supplémens de Pétrone ont pu 
trouver des approbateurs. Qui est ce M. Nodotius qui les a 
publiés î II devroit nous indiquer ce seigneur d'Allemagne qui 
luy a donné le premier avis de son Pétrone (i). Des sçavans 
hommes ont remarqué autres fois qu'il y avoit dans Sarisbe- 
riensis des lambeaux d'un Pétrone plus entier que lenostre (2). 
Mais je n'ay pas envie de les y chercher. 

Mons. Bernard a repris son Josephe. Il sera surpris quand 

(1) Un officier français, nommé Dupin, au service de l'Empereur d'Al- 
lemagne, prétendit avoir trouvé à Belgrade, en 1688, des fragments iné- 
dits de Pétrone, contenus dans un manuscrit de cet auteur, remontant 
au XI« siècle. Il en ce'da une copie à un autre officier, nommé François 
Nodot, qui, dès 1690, les communiqua à François Charpentier, membre 
de l'Académie française et de l'Académie des inscriptions. Nodot les publia 
en 1693. Aujourd'hui tout le monde paraît d'accord pour déclarer apo- 
cryphe la trouvaille de Dupin. Voir Théodore Pétrequin, Revue du Lyon- 
naiSy t. II, i835, p. 427 et suiv. 

(2) Jean Petit de Salisbury (Johannes Sarisberiensis), évêque de Char- 
tres, né vers 1 120, mort le 25 octobre 1 180, a cité, dans son Polycraticus^ 
plusieurs passages de Pétrone qui ne se trouvent plus dans nos manus- 
crits. On en conclut qu'il possédait, soit le texte intégral de Pétrone, soit 
au moins un texte plus complet que le nôtre. 



Digitized by 



Google 



36 LETTRES A l'aBBK NICAISE. 

il apprendra la prétension du P. Hardouin qui fait le procès à 
son auteur, mais je m'imagine qu'il n'en sera guères allarmé. 

M. Oudin, autres fois le P. Oudin (i),est maintenant à Ham- 
bourg ; si tous les prosélytes des protestans estoient semblables 
à luy, vous auriés sujet de les regretter. 

Voicy un distiqwe sur TÉlectrice de Brandebourg : 

Electoris eras conjux, nunc fiiia facta es; 
Sera, precor, fias ut soror atque parens (2). 

Je suis avec zèle, 

Monsieur, 
Vostre très humble et très obéissant serviteur, 

Leibniz. 

P. S. Je vous supplie, Mons., de faire mes très humbles 
recommendations à Mons. VévQque d'Auranche, si l'occasion 
s'en présente. 

Pour moins charger le paquet, je me suis ravisé, et j'ay 
envoyé par avance la lettre de Mons. de Spanheim. 



(i) Casimir Oudin, (qu'il ne faut pas confondre avec le jésuite François 
Oudin 1673-1752), né à Méziéres le 14 février i638, prémontré, puis cal- 
viniste, sous-bibliothécaire de T Université de Leyde, mort à Leyde en sep- 
tembre 1717. 

(2) L'électrice de Brandebourg, à laquelle ce distique fut adressé, était 
Sophie-Charlotte, de la maison des ducs de Brunswick- Lunebourg, née 
en 1668, mariée en 1684 à Frédéric III, électeur de Brandebourg, plus 
tard premier roi de Prusse, et décédée à Hanovre le i«' février 1705. — Son 
père, Ernest-Auguste (1629- 1698) obtint de TEmpereur, le 19 décem- 
bre 1692, rinvestiture de la dignité électorale de Hanovre. Le poète pou- 
vait donc écrire en 1693 : « Electoris eras conjux, nunc filia facta es ». 
— Le vœu exprimé dans le second vers ne fut pas exaucé. Dès 1698, 
Sophie-Charlotte Electoris soror erat^ puisque son frère, Georges- Louis, 
succéda alors à son père dans Télectorat de Hanovre, et elle mourut, en 
1705, sans être Electoris parens^ car son fils Frédéric-Guillaume I*' ne 
devint roi de Prusse et électeur de Brandebourg qu'en 171 3. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. Sy 

VI 

Hanover, ce 29 septembre/9 d'octobre 1693. 

Je n'ay point manqué, Monsieur, d*envoyer vostre lettre 
à M. de Spanheim, et, comme elle est belle et instructive, 
c'est-à-dire comme elle vient de vous, je vous remercie très 
humblement de m'en avoir voulu accorder la lecture. 

Ce Mons. Bourdelot, qui m'a favorisé à vostre recom- 
mendation, auprès de M. le Chancelier et de Messieurs les 
conseillers d'Estat, au sujet de mon Code diplomatique, est-ce 
un parent de l'illustre Bourdelot (i), si fameux par l'estime 
de la Reine de Suède et du public, ou quelque autre habile 
homme du même nom, qui marche sur les traces du pre- 
mier? Quel qu'il puisse estre, je luy ay bien de l'obliga- 
tion, et vous supplie. Monsieur, de le luy témoigner dans 
l'occasion. 

Vous m'avés réjoui aussi en me faisant espérer du se- 
cours du costé de Mons. l'abbé Boisot. C'est un grand tré- 
sor que le sien, et des petites libéralités à l'égard de celuy 
qui les fera, seront très grandes pour moy. Ce qui n'est 
presqwe point regardé d'un grand, peut faire la fortune d'un 
pauvre. 

Mons. de Spanhem désireroit toutes les pièces du procès 
entre les Pères Noris, Hardouin, Messieurs Toinard et 
Vaillant, aussi bien que les dernières pièces du P. Har- 
douin. Il n'a pas même l'appendix De Epochis Syromacedo-^ 
num^ qui a donné occasion à la contestation de la médaille 

(i) « Médecin de la reine Christine, mort le 9 février i685. Il s'agit 
probablement, dans la lettre de Leibniz, de son neveu, médecin de la 
duchesse de Bourgogne, mort en 1708. » (Note de l'édition Cousin). — 
On trouve, à la Bibliothèque nationale, dans le manuscrit n<» 9360 du 
fonds français, vingt-quatre lettres de Bourdelot à Nicaise. Elles sont 
cotées de 77 à 80 et de 82 à loi. 



Digiti^ed by 



Google 



38 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

de Césarée. J'ay écrit à Paris pour cela, mais on doute qu'il 
soit aisé d'y réussir. 

Mons. Baillet est asseurément un très sçavant homme. Je 
m'imagine que ce qu'il aura dit des honneurs dûs à la 
Ste Vierge sera raisonnable, et qu'il se sera souvenu qu'il y 
a incomparablement moins de mal a ne penser à elle que 
peu, qu'à luy attribuer ce que Dieu s'est réservé (i). Le meil- 
leur est de se renfermer là-dessus dans les bornes de la 
primitive Eglise, lors que le luxe et le typhe du siècle n'y 
régnoient pas encor, et n'avoient point encor donné atteinte 
à la simplicité apostolique. Le cardinal Bellarmin réduit 
tout le pouvoir des saints à une simple intercession; cela 
estant, on ne deuvroit dire que cela, sans se servir des ter- 
mes qui donnent plus à penser qu'ils ne deuvroient. 

Je m'étonne que vos Sirènes ne sont pas encor arrivées 
en Hollande. On les aura arrestées, pour les punir de leur 
charmes qui arrestent les gens. Si je puis servir dans le 
commerce litéraire, je vous supplie. Monsieur, de me donner 
des ordres. Mons. Brosseau, notre Résident, m'envoye des 
lettres de temps en temps, et quelques fois il trouve occa- 
sion pour des petits paquets. 

Si l'occasion se présente, faites mes baisemains. Monsieur, 
à l'illustre M. Lantin. 

Le discours Dejide veterum instrumentorum^ s'il a esté fait 
par un habile homme, sera de conséquence. 

Un sçavant théologien protestant a revu le textre hé- 
breu avec ses points et accens, avec le plus grand soin du 
monde. Si quelque libraire en vouloit faire la dépense, il 
souhaitteroit de le faire graver plus tost qu'imprimer, la 
gravure pouvant estre plus correcte. 



(i) Adrien Baillet allait publier un traite De la Dévotion à la Sainte 
Vierge et du culte qui lui est dû, Paris, 1694, in- 12. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. Sg 

Comme la guerre avec les Turcs nous a apporté quantité 
de beaux MS. de TAlcofan, plusieurs sçavans hommes s'at- 
tachent a le nous donner, au moins par parties ; nous en 
verront le succès. 

Vous scavés sans doute, Monsieur, que M. Cuperus a 
receu de TAsie des belles inscriptions greques (i). 

Pour les livres de M. Junius De pictura vetenim^ qui pa- 
roistront bientost très augmentés, et où il y aura une seconde 
partie qui traitera de antiquorum artificum operibus (2), il 
me semble que vous avés contribué à cette édition. 

J'espère que Tillustre évêqwe d'Auranches continuera a 
enrichir le public. Il le peut sans aucun préjudice de sa 
charge, et sans faire tort à l'Eglise ; car il entend merveil- 
leusement le secret de faire servir l'érudition profane à la 
sacrée. Après Grotius (3) et Bochart (4), il y a peu des gens 
qui rayent bien sçu, et je ne sçay s'il y en a aujourd'hui qui 
le sçachent comme luy. 

Vejelius, sçavant théologien protestant, a donné un dis- 
cours sçavant à l'égard de Georges, prince d'Anhalt, qui est 

(i) On trouvera plus loin une courte notice sur Gisbert Cuper, et sept 
lettres adressées par ce savant à Nicaise. 

(2) François du Jon, né à Heidelberg en iSSg, mort à Windsor le 
19 novembre 1677. Son livre intitulé De Pictura Veterum libri /re5 parut 
à Amsterdam en 1637, in-4<» de 3 18 pages. La seconde édition dont parle 
Leibniz fut publiée à Rotterdam, en 1694, par les soins de Graevius. Elle 
est « tôt in locis emendata et tam multis accessionibus aucta, ut plane 
nova possit videri ». In-folio de 296 pages. Elle est accompagnée d'un 
Catalogus architectorum, mechanicorum^ sed prœcipue pictorum, statua- 
riorum^ cœlatorum^ tornatorum^ aliorumque artificum; in-folio de 
236 pages, sans compter les tables. 

(3) Hugo Grotius, l'illustre auteur du traité De jure beîli et pacis, né à 
Delft le 10 avril i583, mort à Rostock le 28 août 1645. 

(4) Samuel Bochart, théologien protestant et orientaliste, né à Rouen le 
3o mai 1599, mort à Caen le 16 mai 1667. Il fut frappé d'apoplexie pen- 
dant une séance de l'Académie de Caen, au cours d'une dispute qui s'était 
engagée entre lui et Daniel Huet à propos de quelqu es médailles espa- 
gnoles. 



Digitized by 



Google 



40 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE. 

un de ceux qui ont le plus contribué à la Réforme d'Alle- 
magne. Ce prince estoit cadet et chanoine, d'une vie sans 
reproche et d'une érudition peu commune, et a dit bien des 
bonnes choses. M. Vejelius, à cette occasion, remarque bien 
des choses à la louange de l'Eglise de France, dont les théo- 
logiens luy paroissent plus portés à aimer la vérité et à la 
produire que quelques autres qui ont l'esprit et les mains 
plus liées. Un théologien de Hambourg a même donné quel- 
que discours de la France discrète en matière de religion. 

J'espère, comme Dijon nous donne la vie de M. de Sau- 
maise (i), qu'il nous donnera aussi les prétieùx restes de 
ce grand homme. 

On m'a mandé que M. Lantin a fait des découvertes sur 
les nombres; et Je ne doute point qu'il n'ait plusieurs médi- 
tations de conséquence qu'il faut conserver. 

Mons. Hugens (2), en m'envoyant quelque chose pour estre 
inséré dans les Actes de Leipzig, me fait l'honneur de dire 
dans sa lettre, et même dans ce mémoire qui doit estre im- 
primé, qu'il a commencé à gouster mon nouveau calcul (3) et 
reconnoist même que sans luy on auroit bien de la peine à 
arriver à certaines recherches profondes : Absque eo, inquit, 
vix est ut ad ista admitteremur. C'est en user avec beaucoup 
de sincérité et de modestie, sur tout pour un mathématicien 



(i) Philibert de la Mare, conseiller au Parlement de Bourgogne, né à 
Dijon le i3 décembre 161 5, mort dans la môme ville, légataire avec Jean- 
Baptiste Lantin des manuscrits du grand Saumaise, avait composé une 
vie de cet illustre savant. Son fils Philippe de la Mare devait la publier ; 
mais nous croyons qu'elle est restée manuscrite. Elle se trouve à la Bi- 
bliothèque nationale dans le fonds Bouhier, n» 85 (voir Léopold Delisle, 
Le Cabinet des Manuscrits^ 1. 1**»*, p. 36 1 et suivantes). Il sera maintes fois 
question de cette Vie de Saumaise dans les lettres de Graevius. 

(2) Christian Huygens van Zuylichem, Hugenius^ géomètre, astronome 
et physicien, né à La Haye le 14 avril 1629, mort le 8 juillet 1695. 

(3) Le calcul infinitésimal. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 4I 

qui est allé si avant luy même, et qui est un des plus grands 
dont nous ayions mémoire. 

Je suis avec zélé, 

Monsieur, 

Vostre très humble 
et très obéissant serviteur 
Leibniz. 

P. S. — Nostre illustre M. Huet avoit autres fois un 
MS. astrologique de Vettius Valens ; je trouve que Camera- 
rius (i) en a publié quelques fragmens à Nurenberg, i532, 
sous le titre à'Âstrologica. 

J'avois coustume de dire à mes amis : Sanitas sanitatum 
et omnia sanitas^ sans avoir sçeu que M. Ménage s'en ser- 
voit aussi, comme J'ay appris par les Menagiana. Cela me 
donne occasion, Monsieur, de m'informer de vostre santé, 
qui sera bonne, comme j'espère et souhaitte. 

VII 

Hanover, ce i/ii octobre 1694. 

Je n'ay point manqué. Monsieur, d'envoyer vostre lettre 
à Mons. de Spanhem. Si je reçois quelque chose de luy 
pour vous, je ne manqueray pas de le vous envoyer. 

Si vous parlés un jour au P. Noris du calendrier grégo- 
rien et de ceux qui ont crû qu'il y falloit retoucher, non 
pas pour le réformer, mais pour l'expliquer, n'allés point 
luy dire que je prétends de donner quelque chose là-dessus, 
comme il semble que vous l'avés pris (2). Cela est nullement 

(i) Joachim Liebhard, qui prit le nom de Kammer-Meister ou Came-- 
rarius, né à Bambergle 12 avril i5oo, mort à Leipzig le 17 avril 1574. 

(2) Dans une lettre du 2/12 juillet 1694, Leibniz avait écrit à Nicaise : 
« Puisque le R. P. Noris a tant estudié la chronologie et les époques, je 
voudrois qu'il pensât à une chose dont je vous parleray à Toreille. Je 



Digitized by 



Google 



4^ LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

mon dessein, et, n'estant pas de vostre parti, j'aurois fort 
mauvaise grâce de m'y ingérer. Mais je vous ay mandé seu- 
lement que, dans Rome même , on a crû que cela se pou- 
voit et que François Lèvera en a fait imprimer un livre à 
Rome. D'où il s'ensuit que la chose se pourroit faire sans 
donner aucune atteinte à l'autorité du Pape, et pourroit 
cstre ménagée en sorte, avec l'entremise des puissances, 
qu'encor des protestans s'en pourroient accommoder. 

Si on pouvoit avoir ce que M.Ouvrard (i) a fait imprimer 
autres fois sur ce sujet, j'en serois bien aise. Je m'étonne 
que feu M. le cardinal Slusio a rebuté d'abord la pensée 
de M. Ouvrard. Il faut qu'il ne se soit point souvenu de 
Lèvera. J'ay parlé à feu M. Ouvrard, quand j'estois à Paris. 
Il faudroit tâcher de conserver ses trauvaux sur la musique. 

Je suis bien fâché aussi de la perte de M. l'Abbé Ber- 
thet (2), qui avoit asseurément d'excellentes choses sur la 
musiqwe. Si vous avés quelque ami auprès de M. le cardinal 
de Bouillon, la chose vaut bien la peine qu'on s'informe 
où ses écrits sont devenus. 

m'imagine que, si le Pape, à raison de quelque correction ou au moins de 
quelque supplément ou explication du calendrier grégorien (puisque, en 
effet, il y a de quoi, suivant Lèvera, qui en a écrit dans Rome même), 
retouchoit à cette matière et prenoit bien ses mesures auprès de T Empe- 
reur et avec quelques princes de TEmpire, il y auroit moyen de le faire 
recevoir ainsi dans l'Empire. Je vous prie de consulter là-dessus le R. P. 
Noris, en lui faisant mes recommandations ; mais il faudroit aller pian- 
piano. » (V. Cousin, Fragments philosophiques^ S» édition, t. II, p. 25 1.) 
Nicaise avait, sans doute, conclu de ce passage, que Leibniz songeait à 
proposer une correction ou une explication. 

(i) L'abbé René Ouvrard, maître de la Sainte-Chapelle de Paris, né à 
Chinon le 16 juin 1624, mort à Tours le 19 juillet 1694. Il avait publié, 
en 1682, un Calendarium novum perpetuum et irrevocabile, — Dans le 
manuscrit français n» 9860, la Bibliothèque nationale possède cinquante- 
sept lettres de ce savant à Nicaise, plus une notice biographique et une 
note qui le concernent : ces pièces sont cotées de i à 59. 

(2) Jean Berthet, né à Tarascon en 1622, mort à Oulx (Piémont), 
en 1692. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 43 

Ne peut-on pas sçavoir des particularités de la mort de 
M. Arnaud (i), et si la grande collection des œuvres de 
plusieurs auteurs de son parti paroistra encor. 

Il me semble que M. Lantin , outre son Histoire des 
plaisirs, veut encor nous donner quelques pensées impor- 
tantes sur les nombres (2); il en a sur toute sorte de ma- 
tières. Je vous supplie de luy faire mes baisemains dans 
l'occasion, aussi bien qu'à Mons. TAbbé Boisot, à qui j'ay 
bien de l'obligation des libéralités qu'il offre de me faire (3). 
Je n'ay aucune des trois pièces dont il parle. Ainsi je seray 
ravi de les obtenir. La voye la plus seure seroit peut estre 
de les envoyer à Bâle (qui n'est pas fort loin de la Franche- 
Comté) à Mons. Bernoulli (4), professeur de Mathématiques 
qui est de mes amis. Car M. Bernoulli me feroit bien la 
faveur d'envoyer ce paquet à Leipzig avec les marchands de 
Bâle ou de Suisse qui vont à la foire de Leipzig. 

Puisque vous demandés à Mons. Spanheim des nouvelles 

(i) Antoine Arnauld, le grand Arnauld, né à Paris le 6 février 161 2, 
venait de mourir à Bruxelles le 6 août 1 694. « Tout le monde a ouï parler, 
dit Papillon, de la lettre que M. de la Trappe (l'abbé de Rancé) écrivit 
(à Nicaise) sur la mort de M. Arnauld qui a fait tant de bruit » (JB/Wio- 
thèque des auteurs de Bourgogne y 1745, t. II, p. 109). Papillon cite, en 
outre, une lettre de Nicaise à M. Bourdelot, médecin du Roi, sur la mort 
de M. Arnauld : « Cette petite pièce, qui a fait beaucoup de bruit, se 
trouve dans plusieurs recueils de lettres écrites sur la mort de M. Arnauld. » 
(Eod, Loc.^ p. III.) 

(2) Jean-Baptiste Lantin (voir plus haut, p. 3o), né à Dijon le 9 no- 
vembre 1620, mort le 4 mars 1695, a écrit un Traité de la joye et de la 
douleur; il a traduit du grec en latin et annoté le De numeris de Pappus 
d'Alexandrie. Mais nous ne croyons pas que ces œuvres aient été publiées, 
(Papillon, Loc, cit.^ I, p. 384.) 

(3) L'abbé J.-B. Boisot avait écrit à Nicaise le 8 décembre 1693 : 
« Mons. de Leibniz vous parle trop magnifiquement de mon pauvre petit 
trésor. Je fouilleray dedans l'un de ces jours et je verray ce qui pourra 
estre de sa convenance... » (Bibliothèque nationale, manuscrits français, 
n» 9361, cote 32 ; voir aussi une lettre du 14 septembre 1694, Eod. loc.^ 
cote 41). 

(4) Jacques Bernoulli, né à Bâle le 25 décembre r654, mort dans la 
même ville le 16 août 1705. 



Digitized by 



Google 



44- LETTRES A L ABBE NICAISE. 

de Mons. Morel, Je vous en donneray par avance. Mons. le 
comte de Schwarzbourg (vous sçavés que ces comtes vont 
presque du pair avec les princes de l'Empire), qui est un des 
plus curieux seigneurs de l'Allemagne et qui a amassé un 
cabinet très considérable, Ta attiré à luy, pour avoir le soin 
de ce cabinet. Il m'a écrit luy-même d'Arnstat, qui est le lieu 
de la résidence de ce seigneur, de sorte que si vous demandés 
quelque chose de luy, ou voulés lui mander quelque chose, 
vous n'avés qu'à me l'adresser. Il pense plus que jamais à 
son grand dessein de donner une collection des médailles 
antiques (i) et il a plus de 25,ooo ectypes. On m'a dit qu'il 
fera imprimer en Allemagne une traduction de la science des 
médailles du P. Joubert avec des remarques qui serviront à 
l'éclaircir. 

Je m'étonne qu'on fait tant de bruit en France sur la 
comédie (2), et qu'une profession que le souverain autorise 
par des gages donnés publiquement, fait exclure des sacre- 
mens ceux qui en sont. N'est-ce pas que tout le monde joue 
sa comédie ? Voicy des vers que j'ay vus sur cette querelle : 

Sévères directeurs des hommes, 

Sçavés vous qu'au siècle où nous sommes 
Un Molière édifie autant que vos leçons ? 
Le vicieux bien raillé n'est pas sans pénitence. 

Il faut pour réformer la France 

La comédie ou les dragons. 



(i) André Morell (voir plus haut, p. 25) publia à Leipzig, en 1693, un 
Spécimen universœ rei nummariœ antiquœ^ petit in-8«. Ce ne fut que 
quarante ans plus tard que Sigebert Havercamp édita le Thésaurus Mo- 
rellianus^ sive familiarum romanarum numismata omnia, Amsterdam, 
1734, 2 vol. in-f», dont un de texte et un de planches. 

(2) Le P. François Caffaro, religieux théatin, venait de publier une 
lettre en faveur de la Comédie, sous ce titre : « Lettre d'un théologien 
illustre, pour savoir si la comédie peut estre permise ou doit cstre abso- 
lument défendue », in- 12, sans lieu ni date. Les rigoristes s'alarmèrent. 
Bossuet lui-même répondit en faisant imprimer ses Maximes et réflexions 
sur la Comédie^ Paris, 1694, in- 12. Le Père Caffaro fut obligé de désa- 
vouer son œuvre dans une Lettre à Monseigneur l'archevêque de Paris» 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 45 

La modération de M. TAbbé de la Trappe à Tégard de ses 
adversaires est très louable. 

Qui est ce Mons. de Court (i) dont vous parlés dans votre 
lettre à M. Spanhem ? 

Vous dites un très bon mot sur la mort de M. Arnaud, 
que personne n'y perd plus que ceux quiycroyent gagner. 
J*y perds aussi, car Je luy voulois envoyer à examiner la 
'suite de mes pensées philosophico-théologiques , comme 
j'avpis fait, il y a quelques années, quand nous avons échangé 
plusieurs lettres là-dessus, où des matières d'importance 
sont éclaircies. 

Outre la suite de mon code diplomatique, je pense à 
publier un Recueil de quelques Historiens medti œpi non 
imprimés, où je joindray un Ditmarus (2) plus entier et plus 
correct que celuy que nous avons, où manquent des feuilles 
entières et quantité d'endroits de conséquence. Il y aura 
aussi une ancienne chronique de Trêves et une de Brème, 
plus ancienne que celle de Woltherus, et une chroniq/ze d'un 
certain Martinus Minorita (3), et une Continuatio chrojiici 
Slavorum Helmoldi{^^ et d'autres pièces de cette nature, mais 
qui sont principalement pour l'Histoire d'Allemagne. 

Je suis ravi d'apprendre par vostre lettre que vous jouisses 



(1) Charles Caton de Court, né à Pont-de-Vaux (Ain) en 1654, venait 
de mourir le 6 août 1694. 

(2) Ditmar, ThietmaruSy évêque de Mersebourg et chroniqueur, né le 
2 3 juillet 976, mort le i" décembre 1019. Leibniz publia en 1707 l'édi- 
tion dont il parle à Nicaise. — Le Thietmari Chronicon^ plusieurs fois 
édité, se trouve dans les Monumenia Germaniœ historica^ Scriptores^ t. III, 
p. 723 à 871. 

(3) Martin d'Alnwick, Martinus Minorita^ né dans le Northumberland, 
chroniqueur de la fin du XIII« siècle, mort à Newcastle en i336. 

(4) Helmold, prêtre à Bosau (LUbeck), chroniqueur du XII« siècle. Ses 
Chronica Slavorum furent continuées par Arnold, abbé de Saint-Jean de 
LUbeck, mort en 1212. L'œuvre des deux historiens a été réimprimée 
dans les Monumenta Germaniœ historica^ ScriptoreSj t. XXI, p. i à 25o. 



Digitized by 



Google 



4^ LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

du beau séjour d*un lieu délicieux à la campagne (i); je vous 
y souhaitte une parfaite santé, et suis avec zèle, 

Monsieur, 

Votre très humble 

et très obéissant serviteur, 

Leibniz. 



VIII 



Hanover, ce 14/24 septembre 1696. 

Vous aurés receu la mienne avec Ty jointe pour M. le 
président Boisot pendant que la vostre m'est venue ; je n'ay 
pas manqué. Monsieur, d'envoyer à Mons. Morel ce que 
vous luy avés destiné. Il m'a parlé à son retour de Hollande, 
il y a long temps. 

Les libraires qui réimpriment le recueil de Léonard m'ont 
donné avis de leur dessein, et m'ont demandé communica- 
tion de telles pièces. Mais ils m'ont fait sçavoir en même 
temps qu'ils vouloient prendre les traités contenus dans 
mon Code diplomatique pour les disperser par leur ouvrage. 
Je leur ay témoigné que je ne l'approuvois pas. Mais que 
je consentirois qu'ils fissent de mon ouvrage (avec ce que 
je leur donnerois encor) un tome à part, pour ne point 
déranger ny mettre en capilotade ou dans la foule, parmy 
toute sorte de pièces, ce que j'avois choisi exprès pour le 
tirer hors du pair, en quoy j'avois eu l'approbation des 
habiles gens. Que de cette manière aussi mon ouvrage sub- 
sisteroit en son entier et pourroit estre continué, au lieu 
que, si j'accordois ce qu'ils demandoient, j'abandonnerois 

(1) Villey-sur-Tille, à trente kilomètres de Dijon, était la résidence 
favorite de Nicaise. On rencontre dans les œuvres du savant abbé de fré- 
quentes allusions aux antiquités de cette commune et, notamment, à la 
chapelle Saint-Hermès. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 47 

mon dessein commencé, contre la promesse faite au public 
et renouvellée auprès des princes et ministres qui m'ont 
encor favorisé depuis peu. Mais, comme il semble qu'ils 
s'opiniastrent à rencontre et qu'ils ont plus d'égard à quel- 
que gain, qu'à la manière d'agir la plus conforme à l'hon- 
nesteté, il faut les laisser faire, et ma continuation suivra 
en son temps ; car je seray obligé d'attendre maintenant 
que leur recueil ait paru, afin qu'ils ne me puissent point 
piller d'abord. Ce n'est que fort tard que j'ay appris que 
M. Christyn (i) s'en mêle, mais Je m'imagine qu'il n'aura 
point de part à ces procédures irrégulières. Cependant je 
vous laisse juger. Monsieur, si ces gens méritent trop qu'on 
les favorise, et j'espère que vous aurés la bonté de me con- 
server préférablement les libéralités de Mons. le président 
Boisot et d'autres amis, mais sur tout la vostre. Je trouve 
plaisant qu'ils n'ont pas même les concordats de France, 
que j'ay avec des remarques manuscrites considérables. 

J'espère que le Phèdre de feu M. Gudius (2) paroistra bien 
tost, avec des fables de cet auteur qui n'ont jamais encor 
esté publiées ; et j'ay oui dire que M. Graevius adjoutera la 
vie de M. Gudius, son ancien ami. 

Je ne m'étonne point si M. l'Abbé Faydit (3) a irrité cra- 
brones en attaquant toute la théologie scholastiqwe. Chris- 
tophorus à Capite fontium avoit fait un livre autresfois de 
necessaria theologiœ scholasticœ emendatione. Mais ce n'estoit 
que sur une matière particulière. 

Cet Abbé Cordemoy qui a écrit contre les Sociniens depuis 



(i) Jean-Baptiste Christyn, jurisconsulte, né à Bruxelles vers i635, 
mort en 1707. 

(2) Marquard Gudius, né à Rensbourg (Holstein) le i«' février i635, 
mort le 26 novembre 1689. 

(3) Pierre Faydit, de Riom, mort en 1709. Il fut enfermé à Saint- Lazare 
en 1696, à la suite de la publication de son Traité sur la Trinité. 



Digitized by 



Google 



48 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

peu, est ce le même que celuy qui a écrit du discernement 
du corps et de Tame. Si cela eSt, je m'étonne qu'il ne con- 
tinue point son Histoire de France (i). 

Mons. Placcius continue de travailler à une nouvelle édi- 
tion de son ouvrage de Anonymis et pseudonymis (2); il a eu 
depuis peu un manuscrit de feu Mons. Colomiés de Scripto- 
ribus dubiis (3), dont il profitera en citant Tauteur. 

Un sçavant Abbé italien, professeur de mathématiques à 
Padoue, qui donne fort dans ma nouvelle hypothèse philo- 
sophique, donnera un ouvrage sur S. Augustin, de Quan- 
titate animœ^ qu'il dédie au cardinal Noris. Voicy des vers 
sur ce cardinal qu'un ami protestant a fait il y a long temps et 
auxquels mon distique (pwrpwra Norisium tandem venerabilis 
ornât ^ ornaturque ipso purpura Norisio) que j'avois fait en 
vous écrivant, a donné occasion ; aussi l'a-t-il enchâssé dans 
ses vers. Il m'a défendu de le nommer. 

Je ne sçay si je vous ay prié de tâcher d'apprendre par 
la faveur de Mons. d'Auranches (pour lequel je répète mes 
témoignages de vénération) si on ne pourroit trouver à Coû- 
tance des papiers regardans les négotiations d'un Évêqwe de 



(i) Louis Géraud de Cordemoy, né à Paris le 7 décembre i65i, mort 
dans la mcme ville le 7 février 1722, auteur d'un Traité contre les Soci^ 
niens ou la conduite qu'a tenue V Eglise dans les trois premiers siècles en 
parlant de la Trinité et de l'Incarnation du VerbCy Paris, 1696, in- 12, 
est le fils de Géraud de Cordemoy, membre de l'Académie française, 
mort le 8 octobre 1684, auteur de six Discours sur le discernement du 
corps et de l'dme, 1666, in- 12, et d'une Histoire de France en deux vo- 
lumes in-f», Paris, 1685-1689. 

(2) Vincent Placcius, né, à Hambourg le 4 février 1642, mort dans la 
même ville le 6 avril 1699, publia, en 1674, un ouvrage sous ce titre : De 
scriptis et scriptoribus anonymis et pseudonymis syntagma^ in-40. — La 
deuxième édition, ayant pour titre Theatrum anonymorum et pseudony- 
morum^ ne parut qu'après sa mort, à Hambourg, en 1 708, et forme deux 
volumes in-folio. 

(3) Paul Colomiés, né à la Rochelle le 2 décembre i638, mort à Lon- 
dres le 1 3 janvier 1692. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 49 

Coûstance, qui fut un des légats du Concile de Baie aux 
Bohémiens (i). 
Je n'ay pas encor veu le pourtrait de feu M. de Court (2). 

(i) L'évêque dont parle Leibniz est Philibert de Montjeu, qui occupa 
le siège de Coutances du 10 mai 1424 au 20 juin 1439. Ce prélat eut 
une part très-active dans les travaux du Concile de Bâle, et il devint pre- 
mier président de l'Assemblée. Aussi, lorsque le Concile envoya une 
ambassade aux peuples de la Bohême et de la Moravie pour essayer de 
mettre un terme à l'hérésie de Jean Huss, Philibert de Montjeu eut la 
direction de cette ambassade. A partir de cette époque, on ne le revit plus 
dans son diocèse. Il chargea Tévêque de Bayeux de faire les ordinations, 
institua des vicaires pour gouverner à sa place et se consacra exclusive- 
ment aux Bohémiens et aux Moraves. C'est au milieu d'eux qu'il mou- 
rut, à Prague, le 20 juin 1439. Il ne faut donc pas être surpris si les 
archives de l'évêché de Coutances ne contiennent aucune pièce relative 
aux négociations de Philibert de Montjeu. (Voir Lecanu, Histoire des 
Évéques de Coutances^ 1839, p. 241-248.) — Huet ne se fit pas d'illusions; 
mais, bien qu'il fût certain qu'il ne trouverait rien à Coutances, il donna 
à Leibniz et à Nicaise un témoignage de bonne volonté. Le 28 février 1697, 
il écrivit à Nicaise : « Notre assemblée provinciale est indiquée à Gaillon 
pour le 18 du mois prochain. Je me servirai de cette occasion pour savoir 
de Mgr. de Coutances s'il a dans le Chartrier de son évêché quelques 
actes de son prédécesseur qui fut député vers les Bohémiens par le Con- 
cile de Bâle. Je puis cependant vous dire par avance et presque vous 
assurer qu'il ne s'y trouvera rien de ces actes et que ce n'est point là 
qu'il les faut chercher. Les Chartriers des églises ne contiennent que les 
titres qui concernent les droits de ces mêmes églises et non ceux qui 
regardent les personnes des évêques. Ce serait dans la famille de celui qui 
fut député par le Concile qu'il faudrait chercher les actes de cette légation, 
ou parmi les actes du Concile même....» — Le 1" octobre suivant, Huet 
informa son ami que, a quelques recherches qu'on ait pu faire dans les 
archives de Coutances, on n'a rien trouvé de cette députation vers les 
Bohémiens. » V. Cousin, Loc, cit,^ p. 277 et 298. — Le 21 mars 1697, 
Nicaise exprimait à Huet l'espérance de trouver ce que M. Leibniz de- 
mande « dans les archives de notre chambre des comptes, où sont les 
actes originaux du Concile de Basle. Je n'ai pu encore y aller. M. le Doyen 
de la chambre, qui est fort de mes amis, m'a promis de me donner tout 
ce qui se trouvera de cet évêque. » — Philibert de Montjeu, qu'iEneas 
Sylvius appelle integrce probitatis famœque pater, était, d'après l'abbé 
Lecanu, « natif de Lyon ». Voir, sur ce prélat, Héfélé, Histoire des Con~ 
cileSy t. XI, passim, 

(2) L'abbé Genest publia en 1696 un Portrait de M, de Court, Ce 
M. de Court est le Charles de Court dont nous avons parlé plus haut, 
p. 45, note I. 

Acéuiimiê de Lyon, clata det Ltttre*. 4 



Digitized by 



Google 



5o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

M. Morel m*a dit des merveilles de cet excellent homme, et 
me Ta fait regretter extrêmement. 
Je suis avec zèle, 



Monsieur, 



Vostre très humble et 
très obéissant serviteur, 
Leibniz. 



IX 

Hanover, ce 20/ 3o février 1697 (i). 

Voicy, Monsieur, une lettre de Monsieur de Spanheim. Il 
n'oublie pas ses amis, quoyqwe ses occupations et ses ou- 
vrages Tempêchent d'estre promt à leur répondre. Mes occu- 
pations et mes travaux sont infiniment au dessous des siens, 
et je ne laisse pas d'estre accablé quelques fois par la mul- 
titude et par la diversité des choses ; sans cela, j'aurois déjà 
répondu à vostre dernière. J'espère qu'une mienne vous 
aura esté rendue cependant, que j'avois écrite avant la ré- 
ception de la vostre, et je m'y rapporte. 

Je vous suis infiniment obligé. Monsieur, de la commu- 
nication des extraits des lettres de l'illustre Mons. VÉvèque 
d'Auranches. Puisqu'il a la bonté d'agréer les observations 
que j'ay faites sur des Cartes et particulièrement touchant 
les auteurs dont il a profité, je les mettray par écrit un de 
ces jours. 

Quoyque je veuille bien croire que cet auteur a esté sin- 
cère dans la profession de sa religion, néantmoins les prin- 
cipes qu'il a posés renferment des conséquences estranges, 
auxquelles on ne prend pas assez garde. Après avoir dé- 



(i) Cette lettre n'est pas autographe; Leibniz s'est borné à quelques 
corrections, à la salutation et à la signature. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 5l 

tourné les philosophes de la recherche des causes finales, ou, 
ce qui est la même chose, de la considération de la sagesse 
divine dans Tordre des choses, qui à mon avis doit estre le 
plus grand but de la philosophie, il en fait entrevoir la rai- 
son dans un endroit de ses principes, où, voulant s'excuser 
de ce qu'il semble avoir attribué arbitrairement à la matière 
certaines figures et certains mouvemens, il dit qu'il a eu 
droit de le faire, parce que la matière prend successivement 
toutes les formes possibles, et qu'ainsi il a falu qu'elle soit 
enfin venu à celles qu'il a supposées. Mais, si ce qu'il dit 
est vray, si tout possible doit arriver, et s'il n'y a point de 
fiction, quelqwe absurde et indigne qu'elle soit, qui n'arrive 
en quelque temps ou en quelque lieu de l'univers, il s'en- 
suit qu'il n'y a ny choix ny providence, que ce qui n'arrive 
point est impossible, et que ce qui arrive est nécessaire, 
justement comme Hobbes et Spinosa le disent en termes 
plus clairs. Aussi peut-on dire que Spinosa n'a fait que cul- 
tiver certaines semences de la philosophie de M. des Cartes. 
De sorte que je crois qu'il importe effectivement pour la 
religion et pour la piété, que cette philosophie soit chastiée 
par le retranchement des erreurs qui sont mêlées avec la 
vérité (i). 

Mons. l'Abbé Foucher (2) est-il mort ou vivant? Il n'a rien 
dit sur ma repliqwe dans le journal. Lorsqu'il a écrit contre 
mes nouvelles pensées philosophiques, il a cru que ce n'es- 
toient que des hypothèses; mais, en y méditant, il trouvera 
qu'elles sont demonstrées. 

(i) Ces deux paragraphes de la lettre de Leibniz sont visés par Huet 
dans sa lettre du 19 avril 1697 à Nicaise : a J'attendrai avec impatience la 
promesse que me fait M. Leibniz d'une liste des pilleries de M. Descartes. 
Ce qu'il vous a écrit des dangereuses conséquences de ses principes contre 
la religion est très-solidement pensé. » Bibliothèque nationale, fonds fran- 
çais, n» 9359, cote 65. 

(3) L'abbé Simon Foucher, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon, 
né à Dijon le i»** mars 1644, mort à Paris le 27 avril 1696 



Digitized by 



Google 



52 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

Les manuscrits orientaux de feu M. Golius (i) ont esté ven- 
dus à Tencant en Hollande; c'est pitié que cette belle col- 
lection a esté dissipée. Ceux de feu M. Hinckelman (2), qui 
a publié l'arabe de TAlcoran, sont encor à vendre, et il y a 
des bonnes choses. Je suis bien aise que Mons. d'Auranches 
trouve son édition de TAlcoran assez correcte. On m'asseure 
que le pape Innocent XI a empêché l'édition du bon père 
Maracci (3), quoyqwe il fût son confesseur, parce qu'il regardoit 
ses remarques comme une espèce d'apologie de l'Alcoran, 
en ce qu'elles faisoient voir que les commentateurs lui don- 
noient très souvent un sens raisonnable. Les Arabes ont eu 
des philosophes dont les sentimens sur la divinité ont esté 
aussi élevés que pourroient estre ceux des plus sublimes 
philosophes chrestiens. Cela se peut connoistre par l'excel- 
lent livre du philosophe autodidacte, que M. Pokok (4) a 
publié de l'arabe. 

A propos du concile de Bâle (dont peut estre des mé- 



(i) Jacques Golius, orientaliste, né à La Haye en 1596, mort à Leyde 
le 28 septembre 1667. Ses livres furent vendus à Leyde en 1696. (Voir 
Léopold Delisle, Le cabinet des manuscrits^ I, p. 3oo.) 

(2) Abraham Hinckelmann, orientaliste, né à Dœbeln le 2 mai i 652 
mort à Hambourg le 11 février 1695. Son Alcoranus fut publié à Ham- 
bourg en 1694, in-40. 

(3) Louis Marracci, orientaliste, né à Lucques en 161 2, mort à Rome 
le 5 février 1700. Son édition du Coran, très-estimée encore de nos jours, 
ne parut qu'en 1698 sous ce titre : Alcorani textus universuSy ex correc- 
tioribus Arabum exemplaribus descriptus ac ex arabico idiomate in lati- 
num translatus^ Padoue, 2 vol. in-f«. — Huet écrivit à Nicaise qui lui 
avait communiqué la lettre de Leibniz : « Je suis bien fâché que Tédition 
de TAlcoran du P. Maracci ait été sufflaminée ; celle de Hambourg, quoi- 
que correcte (voir la note précédente), est si sale qu'on ne peut pas s'en 
contenter. » Lettre du 19 avril 1697, Bibliothèque nationale, fonds fran- 
çais, n» 9359, cote 65. 

(4) Edward Pocock, orientaliste anglais, né à Oxford en 1647. Il publia, 
avec Taide de son père, en 1671, un traité philosophique sous ce titre: 
Philosophus autodidactus, sive epistola Abn laafar Ebn Tophail de Hai 
Ebn Yokdhanty Oxford, in-40. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 53 

moires se trouveront dans le diocèse de Constance, si 
M. d'Auranches a la bonté de les faire chercher), je vous 
diray, Monsieur, une nouvelle curieuse, c'est que des mé- 
moires de certains prélats qui ont assisté au concile de 
Trente ont été découverts et seront publiés fidèlement sur 
des originaux (i). 

Mons. Meierus de Brème, qui travaille au glossaire saxo- 
nique sur mes exhortations, a esté ravi de l'approbation de 
M. d'Auranches. Nous ne négligerons pas Tislandois, et nous 
avons eu une espèce de dictionaire du vieux scandinavien 
qui servira beaucoup. Les remarques sur les endroits du 
Litus saxonicum qui sentent le saxon, seroient très utiles, et 
il est à souhaitter qu'elles ne soyent point oubliées ni per- 
dues (2). 

Je souhaiteroîs d'apprendre le jugement de Mons. l'Évê- 
que d'Auranches de ma conjecture sur l'étymologie des 
Germains dont je vous ay parlé autres fois. C'est que je crois 
que les Herminones, partie des peuples teutoniques chez 
Pline et Tacite, ont donné le nom à toute la nation ; com- 
me encor aujourd'huy vous appelles les Teutons Allemands, 
quoyqwe cela n'appartienne proprement qu'aux Suèves et 
Helvétiens. Il est assez ordinaire que l'aspiration s'affoiblit et 
se fortifie, et, lorsqu'elle est renforcée, le H passe en G, et 
le contraire arrive quand le G se change en H. Ainsi de Wi- 
seraha, comme parlent les anciens monumens, les Romains 
ont fait Visurgis ; d'Illeraha ils ont fait Ilargus ; au lieu de 
Gammarus, nous disons Hummer [cancer scilicet marinus)^ 

(i) Ce sont les « lettres que le fiscal Vargas (depuis ambassadeur de 
Philippe II à Rome) et quelques théologiens espagnols ont écrites de 
Trente ». Voir, plus bas, la lettre XIII. 

(2) Huet a consacré un chapitre tout entier de son livre sur les origines 
de la ville de Caen et des lieux cir convoi sins^ Rouen, 1702, in-80, à l'ori- 
gine des noms de plusieurs lieux de Normandie, tirés de la langue Sa- 
xonne. C'est le chapitre XXI, p. 433 à 465. 



Digitized by 



Google 



54 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE, 

et les Espagnols changent Germanos en Hermanos. Vous 
scavés, Monsieur, que Hlodoveus ou Lodovicus est la même 
chose que Clodoveus^ et que Childeric ne diffère point de 
Hilderic. Or Childeric se prononçoit en franc ou téotisqi/e à 
peu près comme Ghilderic. Ainsi les aspirations téotisques 
en Wiseraha, Ilaraha, Herminons ou Hermens, etc., estant 
fortes, les Romains et autres les ont marquées par le G, plus 
tost que par un simple H. Au reste Tacite dit exprès que le 
nom d'un peuple allemand à esté donné à toute nation (i). 

Vous faites très bien, Monsieur, de ramasser les pourtraits 
de M. d'Auranches, de M. de Spanheim et d'autres person- 
nes illustres, s'il y en a encor de cette force. Mais de penser 
au mien, quand il s'agit de ces hommes excellens, c'est leur 
faire tort. S'il n'a pas esté gravé, ce n'est pas par une vanité 
semblable à celle de Caton, qui vouloit qu'on demandât pour- 
quoy il n'avoit point eu de statue; mais c'est parce que j'ai 
crû que personne s'aviseroit de songer à ce qui me regarde. 

Je n'ay pas encore vu le pourtrait de M. de Court; il n'y a 
que le détail que j'estime dans ces sortes d'ouvrages, pour en 
tirer quelque chose d'instructif. Vos mémoires y auroient esté 
bien nécessaires. 

Des libraires de Hollande, pillant mon premier tome di- 
plomatique sans aucun égard aux propositions raisonnables 
que j'ay faites, ils m'ont empêché par là de leur donner la 
suite. Ce sont des gens intéressés et opiniastres, qu'il faut 
abandoner à leur caprices. Pour moy, je leur ay déclaré que je 

(i) Voici la réponse de Huet, Paris, 19 avril 1697: «L'origine que 
propose M. Leibniz du nom latin des Allemands, Germant^ me semble 
fort bonne et me sembleroit encore meilleure, s'il la tiroit d'un peu plus 
haut. Je crois que les noms des Herminons et des Germains viennent 
d'Irmin, qui était le nom de Mercure chez les anciens Allemands, comme 
les Teutons ont pris leur nom de Theut, qui étoit aussi Mercure... Donnez- 
vous la peine de voir ce que J'ai écrit sur cela dans ma Démonstration 
éyangélique. » Bibliothèque nationale, fonds français, n»9359, cote 65. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 55 

n'y cherche point le moindre profit. Mais je ne voulois pas 
que mes pièces choisies fussent noyées dans leur grand fa- 
tras. Ainsi j'aurois esté bien aise qu'ils eussent Joint mon 
ouvrage au leur; non pas comme ils ont dessein de faire, 
en le mettant en pièces, pour le disperser dans le leur, mais 
en le laissant tel qu'il est. 

Faites moy la grâce, Monsieur, de faire des grands remer- 
ciemens de ma part à Monsieur le président Boisot, que j'hon- 
nore infiniment (i). Puisqu'il m'est si favorable, le meilleur 
moyen d'en profiter seroit celuy que vous proposés, qui est 
de me communiquer quelque liste des matières ou pièces 
du trésor de feu Mons. son frère. Quand cette liste ne seroit 
point complète, elle me serviroit tous jours imparfaite qu'elle 
pourroit estre. 
Je suis avec zèle. 

Monsieur, 

Vostre très humble et très obéissant 
serviteur, 
Leibniz. 

X 

Hanover, 28 may, v. st., 1697. 
Monsieur, 

Je viens de recevoir l'honneur de la vostre, avec celles que 
vous écrives de nouveau à Messieurs de Spanheim et Morel, 

(i) L*abbé Jean-Baptiste Boisot (voir plus haut, p. 29) avait, le 27 no- 
vembre 1 694, légué ses manuscrits aux Bénédictins de Saint- Vincent de 
Besançon, sous la condition qu'ils en feraient jouir le public. Le legs ne 
fiit pas immédiatement exécuté ; car nos lettres nous montrent le prési- 
dent Boisot, frère de l'abbé, disposant à sa guise des papiers de son frère. 
Il y a plus; le 3 février 1699, il offrit à la Bibliothèque du Roy de les lui 
vendre pour la somme de quinze mille livres. Cette proposition n'eut pas 
de suites ; les manucrits sont restés à Besançon. (Voir Léopold Delisle, 
Le cabinet des manuscrits^ t. I, p. 3oi.) 



Digitized by 



Google 



56 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE, 

que j'auray soin de faire rendre. Cependant vous aurés receu 
la mienne avec celle que j'ay écrite à M. le président Boisot 
et que j'ay pris la liberté de vous recommander. 

Je crois aisément que le bon cardinal Sfondrati n'estoit pas 
assez méditatif pour soudre Nodum prœdestinationîs [\). K 
mon avis ce nœud est autant que résolu ; et, si les hommes 
se donnent la gêne là dessus, c'est qu'ils manquent de 
bonnes définitions et que, par conséquent, ils ne remarquent 
point en quoy consiste la véritable différence entre le néces- 
saire et le contingent. Je voudrois qu'il fut aussi aisé de 
délivrer les hommes de la fièvre maligne ou de quelqi/e 
autre grande maladie, qu'il est aisé de les délivrer des diflS- 
cultés qu'ils se forgent sur la prédestination. 

Monsieur Pinsson, advocat en Parlement, vostre ami, est- 
ce celuy qui a écrit si sçavamment sur plusieurs matières de 
droit (2) ? Je souhaiterois sa correspondance, que vous me 
faites espérer. Monsieur, si je pouvois espérer de luy com- 
muniquer vice versa quelque chose qui luy puisse agréer. 
Peut estre que, s'il n'a pas du loisir luy-même, il trouvera 
quelque curieux de loisir. 

Je suis bien aise que le Roy a fait cesser la dispute qui 
s'estoit élevée entre deux illustres prélats. Il s'est élevé en 
Angleterre une dispute assez semblable sur l'amour de 
Dieu, s'il doit estre désintéressé, entre M. Sherlock (3) et 
M. Norris (4), le dernier voulant que ce ne soit pas un amour 

(i) Celestino Sfondrati, né à Milan le 11 janvier 1644, mort à Rome le 
4 septembre 1696, auteur d'un ouvrage ayant pour titre : Nodus prœdes- 
tinationis dissolutus, Rome, 1696, in-40. Ce livre donna lieu à d'activés 
correspondances entre plusieurs évêques français et la cour de Rome. 

(2) Il ne peut pas être question de Tauteur du Manuale juris pontificii 
et de beaucoup de dissertations remarquables, François Pinsson, mort à 
Paris le 10 octobre 1691. Voir Schulte, Geschichte^ III, i, p. 611 et suiv. 

(3) William Sherlock, théologien anglais, né à South wark en 1641, 
mort à Hampsteadle 19 juin 1707. 

(4) John Norris, théologien anglais, né à CoUingborne-Kingston en 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. Sj 

de désir, mais de bienveillance. On adjoute qu'une jeune 
damoiselle angloise de 20 ans a admirablement bien écrit là 
dessus dans des lettres adressées à M. Norris (i). Il est rai- 
sonnable que les dames jugent des matières d'amour; car il 
en faut former iine notion qui convienne encor à Tamour des 
créatures raisonnables, et, selon la définition que j'ay donnée 
dans la préface du Codex juris gentium, on a de Tamour 
quand on est disposé à trouver du plaisir dans la félicité 
d'autruy. Cela suffit pour faire cesser la dispute. 

Mons. le chevalier Temple (2) ayant préféré les anciens aux 
modernes dans ses œuvres mêlées et ayant allégué deux 
pièces comme des chefs-d'œuvre de l'antiquité, sçavoir les 
fables d'Ésope et les lettres du tyran Phalaris ; Mons. Bent- 
ley (très sçavant homme fort connu par d'autres ouvrages (3) 
et dont nous aurons bien tost les notes sur Callimachus avec 
celles de Mons. de Spanheim et de Mons. Grœvius) va faire 
une dissertation, à la prière de quelque ami, pour prouver 
que les fables que nous avons n'ont pas esté mises par écrit 
par Ésope, et que les lettres de Phalaris sont supposées ou 
feintes, et ont esté faites a Grœculo quodam. C'est de quoy 
je n'ay jamais douté. Quand les œuvres mêlées de Mons. Tem- 
ple avoient paru, les libraires de Londres furent estonnés de 
voir que quantité de personnes de l'un et de l'autre sexe 
cherchoient les lettres de Phalaris, ce qui en produisit une 
nouvelle édition. 



1657, mort à Bemerton en 171 1, auteur de The picture oflove unveiled^ 
Londres, 1682, in- 12. 

(i) Miss Marie Astell, née à Newcastle en 1668, morte à Chelsea le 
II mai 1731, avait publié, en 1695, Letters concerning the love of God^ 
Londres, in-S*. 

(2) Sir William Temple, né à Londres en 1628, mort à Moor-Park 
le 27 janvier 1699. 

(3) Richard Bentley, philologue anglais, né à Oulton en 1662, mort 
en 1742. 



Digitized by 



Google 



58 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

Le R. P. dom Mabillon ayant copié du monastère de 
S. Amand des Pays Bas des vieux vers teutoniques faits à la 
louange d'un Roy Louys pour avoir vaincu les Normans, 
Tan 883, Mons. Schilter les a publiés à Strasbourg avec 
une explication et des notes (i). Cela me donne occasion de 
revenir au glossaire saxon de mon ami et de supplier 
Mons. d*Auranches par votre intercession de luy faire com- 
muniquer quelqwe petit échantillon des restes de la langue 
saxonne in litore saxonico. Un échantillon suflSt ; car il est à 
souhaitter qu'il publie le reste luy-même dans les antiquités 
de Caen. 

Je suis ravi non seulement qu'il approuve ma conjecture 
sur l'étymologie de Germant^ mais encore qu'en montant 
plus haut, il donne justement dans mon sens. Car j'ay déjà 
écrit à deux ou trois amis, il y a quelques années, que je 
crois non seulement que les Germains viennent des Hermi- 
nons ou Hermins, mais encore que ces peuples ont appa- 
ramment leur nom d'un ancien prince ou héros nommé 
Irmin^ ce qui est la même chose qu'Arminius ou Herman ; 
l'Arminius contemporain d'Auguste ayant le même nom 
avec le plus ancien Irmin. Et aux noms propres allégués 
par Mons. d'Auranches, j'adjoute le célèbre Irminsul, men- 
tionné dans l'Histoire de Charlemagne; c'est à dire la 
colonne de l'idole Irmin; car sul ou seul est colonne en 
allemand. Cette colonne (mais sans l'idole) se monstre encor 
dans l'église cathédrale de Hildesheim. Meibomius en fit 
autres fois un livre exprès. On dit que la figure de l'idole 



(i) Jean Schilter, professeur à l'Université de Strasbourg, né à Pegau 
(Misnie) le 29 août i632, mort à Strasbourg le 14 mai 1705, publia, en 
1696, un Epinikion rhytmo teutonico acclamatum Ludovico régi A. C 
883, versione latina et observationibus historicis illustratum^ in-4«. 
Voir la notice consacrée à ce savant par M. Charles Giraud, dans la Re* 
vue de législatiotiy 1845, t. XXIII, p. 5i5 et suiv. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. Sg 

rcprésentoit un Dieu de guerre, et en effet heer est armée^ 
ou chez les anciens Teutons Hari, d'où vient Hariban, 
c'est-à-dire, comme je crois, clameur de Haro^ car ban est 
l'appel (citatio)^ ce qui ne veut dire autre chose que la con- 
vocation ou proclamation générale pour se trouver à l'armée, 
dont vostre arrière ban a esté fait par corruption. Or Heer 
(dis-je) est l'armée ou Hari ; 'aphs, Mars, «^eAr, arma, werre^ 
guerre. Ariman^ dans les vieux titres, homme de guerre, aut 
de génère militari. Cela n'empêche point le rapport d'Irmin 
à Hermès (Mercure) que nostre illustre prélat a remarqué. 
Seulement il y a lieu de croire que, chez les Germains, Mars 
et Mercure estoient confondus, ces peuples n'estimant que 
les armes. Comme encor Wodan ou Odin des Saxons répond 
sans doute le plus à Mercure, cependant c'estoit encor un 
grand guerrier, quoyqwe crû magicien en même temps. Lors- 
que Mons. Eggeling à Brème publia son étymologie des 
Germains tirée a Germanis fratribus^ dans une dissertation 
exprès, je lui envoya la mienne des Herminons et de l'an- 
cien héros Irmin^ dont ma lettre parloit fort au long. Je la 
communiquay aussi à un ami qui fait un journal en langue 
allemande. J'adjouteray encor ce que je remarquay dès lors, 
que ce prince Irmin ou Hermin paroist estre marqué par 
Tacite comme fils de Man et petit-fils de Tuiston, puisqu'il 
dit assez clairement que les Ingevons, Herminons et Iste- 
vons ont eu leur noms des noms des trois fils de Mannus. 
Il semble que les Hermunduri ont gardé particulièrement 
ce nom et que peut estre la termination duri ne sera autre 
chose qu'une corruption à'Hermœnner^ comme Allemand au 
lieu d'AUeman, et comme winnen, gewinnen, uberwinden, 
winden, ban et band (bann, banni, bandito, ital.), etc., sont 
la même chose. 
Je crois de vous avoir écrit un mot de mon étymologie, il 



Digitized by 



Google 



6o LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE. 

y a quelques années, lorsque M. Eggelîng (i) produisit la 
sienne, dont je fis mention ; mais je ne sçay si je suis venu 
alors à vous particulariser mes opinions. Cependant je suis 
le plus content du monde de voir non seulement qu'un 
aussi grand homme que M. d'Auranches approuve mes sen- 
timens, mais aussi qu'il est tombé de luy même sur ce que 
j'avois pensé d'Herman ou Irmin. Peut estre que les rai- 
sons que je viens d'alléguer l'y fortifieront encor d'avantage. 

Je ne manqueray pas (quand j'auray quelque loisir) de 
marquer quelques particularités sur ce que M. des Cartes 
a pris des autres sans faire semblant de rien, pour servir 
d'un petit supplément à ce que M. d'Auranches a déjà 
remarqué. 

Vous aurés la bonté, Monsieur, de luy marquer que ce 
n'est pas moy, mais un ami nommé Meierus, qui travaille 
au glossaire saxoniqwe à ma persuasion. 

Je suis avec zèle. 

Monsieur, 

Votre très humble et 
très obéissant serviteur, 
Leibniz. 

P. S. Je ne sçay si je n'abuse trop de vos bontés en vous 
suppliant d'envoyer le papier cy-joint à Paris, mais sans 
marquer qu'il vous vient de moy. Vous pouvés dire que 
celuy qui l'a écrit est un ami de M. Spanheim, comme il 
l'est effectivement. On l'a adressé à moy parce que j'ay des 
connoissances avec Messieurs de l'Académie royale. Mais 
j'ay mes raisons pour ne pas leur vouloir demander quelque 
chose de cette nature. Ainsi, Monsieur, si quelqu'un de vos 
amis (qui ne doit rien sçavoir de moy) vouloit avoir la bonté 

(i) Jean-Henri Eggeling, né à Brème le i3 mai 1639, mort le i5 fé- 
vrier 171 3. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 6l 

de demander en vostre nom quelque éclaircissement de Mes- 
sieurs Cassini et de la Hire, vous m'obligeriez particulière- 
ment, et Mons. de Spanheim aussi. 

Un sçavant homme, à Berlin, veut donner au public les 
œuvres de J. Michel Brutus (i), sçavant italien du siècle passé, 
qu'il a ramassés ; ce Brutus écrivoit purement en latin. 

Monsieur Hartman (2), professeur à Konigsberg, dans la 
Prusse, va publier un livre intitulé : Histoire des antiquités 
apostoliques; le sujet est beau, et j'espère qu'il sera bien 
traité. 

J'ay encor une prière à vous faire. Un de mes amis, qui 
fait des grandes recherches sur la langue slavonne, souhaitte 
fort d'apprendre des particularités d'un livre intitulé : Adami 
Bohorii horœ arcticœ de antiquâ linguâ carniolanâ (3). Je sçay 
que ce livre est imprimé il y a long-temps ; mais je ne le 
sçaurois déterrer. Je voudrois sçavoir si on le peut trouver 
dans la Bibliothèque du Roy ou ailleurs. 

Voyant que M. Fabretti vous écrit en ces termes : Quant 
plurimas ex Etruscis inscriptionibus typis mandare neglexi^ 
ne damno meo aliorum ingénia torqueantur, etc.^ il me sem- 
ble qu'il seroit à propos de le prier ou de les donner au public 
ou de les vous communiquer pour en faire part aux curieux. 
Car on pourroit trouver un jour des lumières là dessus, et 
il est juste qu'on conserve ces anciens restes d'un peuple 
fameux. 



(i) Jean-Michel Bruti, né à Venise vers i5i5, mort en Transylvanie 
en 1594. 

(2) Philippe-Jacques Hartmann, né à Straisund le 26 mars 1648, 
mort à Kœnigsberg le 28 mars 1707, publia à Berlin, en 1699, un com- 
mentaire De rébus gestis Christianorum sub Apostolis^ in-4». 

(3) Adamus Bohorizh, Arcticœ horulœ succisivœ de latino^arnoliana 
litteratura, Witenberg, 1 584, in-8«. Voir Graesse, Trésor des livres ra- 
reSy t. !•«•, 1859, p. 468. 



Digitized by 



Google 



02 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE. 

XI 

Hanover, 4/14 may 1698. 

Je vous suis très obligé, Monsieur, du soin que vous avés 
pris tant pour m'avertir du traité de Mons. le président Boi- 
sot, que pour le disposer à continuer de m'estre favorable, 
comme vous Taviés disposé à Testre d'abord. La cause que 
je n'avois point encor profité de ses premiers offres a esté 
que, par je ne sçay quel accident, la liste qu'il m'avoit 
envoyée s'estoit égajcét dans le tas immense de mes papiers. 
L'espérance de la retrouver m'avoit fait différer d'avouer la 
faute et de le supplier d'une nouvelle copie de ceste liste. 
Mais, le temps pressant maintenant, je luy ay fait aveu de ce 
malheur, disant que je ne sçay point si je dois oser le sup- 
plier de pousser sa bonté jusqu'à me l'envoyer de nouveau. 
J'adjoute que je me souvenois que la plus part des pièces 
m'avoient paru dignes d'estre obtenues ; mais que je ne les 
avois voulu demander qu'à condition de pouvoir faire moy- 
même la dépense des copies, ou bien, en cas qu'on eût man- 
qué des personnes propres à les faire, que j'aurois souhaitté 
d'obtenir pour quelque temps ces deux tomes où ces pièces 
se trouvent, et qu'on auroit pu prendre des mesures très seu- 
res, maintenant que la paix est faite (i), pour les faire passer 
à Bâle, et de là à Francfort ; et j'aurois voulu donner toutes 
les asseurances nécessaires pour ne faire point douter d'une 
exacte restitution. Mais que je ne sçavois présentement s'il 
m'estoit encor permis de former ces sortes de souhaits et 
d'en espérer quelque succès ; mais qu'en ce cas mon obliga- 
tion en seroit plus grande et que le public en seroit d'autant 

(i) Plusieurs traités de paix entre la France, d'une part, et, d'autre 
part, la Hollande, l'Angleterre, l'Espagne et l'Empire avaient été signés à 
Ryswick en 1697. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 63 

plus redevable à Mons. le président et à la mémoire illustre 
de feu Monsieur l'Abbé son frère, et enfin, que j'attendray sa 
décision. J'ay jugé à propos et plus conforme à la civilité de 
luy écrire ces choses moy-même ; mais je vous supplie, Mon- 
sieur, de les appuyer. 

L'erreur sur le pur amour paroist estre un mesentendu 
qui, comme je vous ay déjà dit, Monsieur, vient peut estre 
de ce qu'on ne s'est pas attaché à bien former les définitions 
des termes. Aimer véritablement ou d'une manière désinté- 
ressée n'est autre chose que d'estre porté à trouver du plaisir 
dans les perfections ou dans la félicité de l'objet, et par con- 
séquent à trouver de la douleur dans ce qui peut estre 
contraire à ses perfections. Cet amour a proprement pour 
objet des substances susceptibles de la félicité ; mais on en 
trouve quelque image à l'égard des objets qui ont des perfec- 
tions sans les sentir, comme seroit par exemple un beau 
tableau. Celuy qui trouve du plaisir à le contempler, et qui 
trouveroit de la douleur à le voir gasté, quand il appartien- 
droit même à un autre, l'aimeroit pour ainsi dire d'un amour 
désintéressé; ce que ne feroit pas celuy qui auroit seulement 
en vue de gagner en le vendant, ou de s'attirer de l'applau- 
dissement en le faisant voir, sans se soucier au reste qu'on 
le gaste ou non, quand il ne sera plus à luy. Cela fait voir 
qu'on ne sçauroit oster le plaisir et la practique à l'amour 
sans le détruire, et que Mons. des Préaux a eu également 
raison dans ses beaux vers, dont vous m'avés fait part, de 
recommander l'importance de l'amour divin et d'empêcher 
qu'on se forme un amour chimérique et sans effect. J'ay . 
expliqué ma définition dans la préface de mon Codex diplo^ 
maticusjuris gentium^ publié avant la naissance de ces nou- 
velles disputes, parce que j'en avois besoin pour donner la 
définition de la Justice^ laquelle à mon avis n'est autre chose 
que la charité réglée suivant la sagesse ; or la charité estant 



Digitized by 



Google 



64 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

une bienveuillance universelle, et la bienveuillance estant 
une habitude d'aimer, il estoit nécessaire de définir ce que 
c'est qu'aimer. Et puisque aimer est avoir un sentiment qui 
fait trouver du plaisir dans ce qui convient à la félicité de 
l'objet aimé, et que la sagesse, qui fait la règle de la jus- 
tice, n'est autre chose que la science de la félicité, je faisois 
voir par cette analyse que la Félicité est le fondement de la 
justice, et que ceux qui voudroient donner les véritables élé- 
mens de la jurisprudence, que je ne trouve pas encor écrits 
comme il faut, deuvroient commencer par l'établissement 
de la science de la félicité, qui ne paroist pas encor bien 
fixée non plus, quoyqwe les livres de morale soyent pleins 
des discours de la béatitude et du souverain bien. 

Comme le plaisir^ qui n'est autre chose que le sentiment 
de quelque perfection, est un des principaux points de la 
félicité^ laquelle consiste dans un estât durable de la posses- 
sion de ce qu'il faut pour gouster du plaisir, il seroit à sou- 
haitter que la science des plaisirs, que feu Monsieur Lantin 
méditoit, eut esté achevée ; et il seroit bon au moins de 
pouvoir obtenir l'œconomie de son projet; mais il seroit encor 
mieux si on pouvoit obtenir ses recueils et ses réflexions 
sur cette matière. Je l'ay souvent fait sommer autres fois 
par feu M. l'Abbé Foucher; comme je faisois aussi la guerre 
à feu Mons. Justel de ce qu'il laissoit mourir son beau dessein 
des commodités de la vie. 

S'il est à désirer que les excellens hommes prennent soin 
de conserver leur pensées, il seroit encor plus à souhaiter 
que le public y prist part pour faciliter leur desseins. Mais 
id populus curât scilicet. Il est vray que, lorsque des grands 
princes et leur Ministres tournent les pensées encor du 
costé des sciences, comme on fait en France, on fait réussir 
quantité de belles choses, qui sans cela auroient esté per- 
dues pour le genre humain. Mais on ne sçauroit empêcher 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 65 

qu'il n'échappe tousjours quelque chose, d'autant que le 
public n'en est pas tousjours assez informé. 

Entre nous, je vous laisse juger. Monsieur, si ce que je 
viens de vous écrire ne pourroist estre envoyé à Mons. l'Abbé 
Bourdelot, pour estre communiqué à Mons. le président 
Cousin; mais il seroit bon que cela ne se fit que comme de 
vous. Il sufiSroit de ne mettre mon nom que par des ini- 
tielles, comme par exemple : Extrait de la lettre de M. D. L. 
à Mons. l'Abbé Nicaise, touchant l'Amour désintéressé et 
les fondemens de la justice (i). 

Si M. Bayle est réconcilié avec M. Jurieu, j'en suis 
bien aise ; il pourra travailler désormais avec plus de liberté 
aux choses utiles (2). 

J'ay envoyé la lettre du R. P. Bonjour (3) à Mons. Ludolfi (4), 
mais je la trouve trop courte. Il pourroit bien luy écrire dores- 
navant en François et plus amplement ; des sçavans hommes 
ne se doivent point écrire des lettres vuides. Et je voudrois 
qu'il se fût expliqué un peu sur les difficultés que Mons. 
Ludolfi trouvoit dans son système, et qu'il luy eût fait quel- 
que détail de son dessein, pour mieux profiter de son juge- 
ment. Car, quelque habile que soit le P. Bonjour, il est jeune, 
et cela veut dire que le jugement d'un excellent homme 

(i) Nicaise écrivit, de Dijon, à Huet, le 26 juin 1698 : a Je vous en- 
voie un extrait de Tamour désintéressé et des fondements de la Justice de 
M. Leibniz. Cette question est de mode maintenant, et il aurait désiré 
qu'on la mit dans le Journal des Sçavans sous les lettres initiales de son 
nom et du mien. Mais, comme le Roi ne veut pas qu'on parle de ces 
matières, il n'est pas à propos d'en entretenir le public. » Voir Cousin, 
Fragments philosophiqueSy 3« édition, II, p. 322. 

(2) Pierre Bayle, né à Foix le 18 novembre 1647, mort à Rotterdam 
le 28 décembre 1706, eut pour ennemi implacable Pierre Jurieu, né à 
Merle 24 décembre 1637, mort à Rotterdam le 11 janvier 171 3. 

(3) Guillaume Bonjour, religieux augustin, né à Toulouse en 1670, 
mort en Chine en 1714. 

(4) Job Leuiholf, orientaliste, né à Erfurt le i5 juin 1624, mort à 
Francfort le 8 avril 1704. 

Acattémiê Je Lyon, etatte tteê Lettres. 3 



Digitized by 



Google 



66 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

avancé en âge luy sera tousjours utile. A quelle langue croit- 
il que l'ancienne Egyptienne se rapporte le plus ? 

Mons. TEvêqwe de Salisbury (i) m'a fait tenir enfin le livre 
traduit de Espagnol par un Théologien de son diocèse. Ce 
sont des lettres que le Fiscal Vargas (depuis ambassadeur de 
Philippe II à Rome) et quelques Théologiens Espagnols ont 
écrites de Trente, où le Concile et les Légats du pape ne 
sont pas fort avantageusement représentés. Cette version est 
angloise, mais il en paroistra bien tost une françoise (2), et 
même on fera imprimer aussi Toriginal espagnol. Ces lettres 
justifient extrêmement ce que Fra Paolo a écrit, et font voir 
que le cardinal Pallavicini ne Ta pas bien réfuté. Cela estant, 
la France est fort à louer de n'avoir pas encor reconnu ce 
Concile pour véritablement œcumeniqwe; et elle fera bien 
sans doute de s'en garder encor doresnavant, pour ne point 
faire préjudice à l'autorité même de l'Église et des Conciles, 
en voulant qu'un Concile de contrebande passe pour bon. 

Le R. P. Bouvet (3) m'a envoyé son livre qui contient le 
pourtrait du Monarque de la Chine (4) et je luy ay envoyé 

(1) Gilbert Bumet, historien, né à Edimbourg le i3 septembre 1643, 
mort le 17 mai 171 5. 

(2) « Le jurisconsulte Fr. Vargas, mort en 1 56o, avait un grand renom 
d'érudition et d'intégrité. Ses Lettres et Mémoires touchant le Concile de 
Trente ont été traduits en français et publiés à Amsterdam en 1700 et 
1720, in-8. » Note de l'édition Cousin. 

(3) Joachim Bouvet, jésuite, né au Mans, mort à Péking. La date de sa 
naissance et cctlle de son décès sont mal déterminées ; on trouve pour sa 
naissance le 18 juillet i656, le 18 juillet 1662, le 17 juillet i665; pour 
son décès, le 29 juin 1730, le 29 juillet 1730 et le 28 juin 1732. Il fut, 
avec les Pères de Fontenay, Tachard, Gerblllon, Lecomte et Visdelou, 
envoyé en Chine par Louis XIV, pour étudier attentivement ce pays; 
parti le 3 mars 168 5, il revint en France en 1697. Deux ans après, il 
retourna en Chine, emmenant avec lui de nouveaux collaborateurs. 

(4) L'ouvrage, auquel Leibniz fait allusion, fut publié sous ce titre : Por- 
trait historique de l'Empereur de la Chine, présenté au Roy, par le 
P, J, Bouvet,,, A Paris, chez Estienne Michallet, 1697, in-12, 264 pages. 
L'empereur en question est Kang-hi. — Une réimpression, également en 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 67 

des questions pour la Chine, auxquelles il m'a promis des 

solutions. 

r Je suis avec zèle, 

Monsieur, 

Vostre très humble et très 

obéissant serviteur, 

Leibniz. 

Le jugement de M. d'Auranches sur ma réponse à M. Ré- 
gis (i) me donne beaucoup de contentement; suflBcit talibus 
placuisse. Les bons Cartésiens, tels qu'ils sont volgairement, 
n'ont pas grand sujet de se vanter de leur grimoire. Les 
vers de M. Boileau me plaisent tousjours beaucoup. Nous 
avons aussi des reliques à Hanover, et d'aussi bonnes qu'il 



264 pages in- 12, fut publiée en 1698, à Paris, chez Robert et Nicolas 
Pépie. — En 1699, il y eut une nouvelle édition, à la Haye, in- 12, 
171 pages. Cette même année 1699 vit paraître deux traductions, Tune 

en latin : Icon regia monarchœ Sinarum nunc regnantis imprimée à la 

suite des Novissima sinica de Leibniz, 2« édition, mais avec une pagina- 
tion spéciale ; Tautre en anglais : The History of Cang-hi^ the présent 
Emperor of China, London, F. Coggen, 1 1 1 pages; voir également l'ou- 
vrage intitulé The présent condition of the moscovite Empire till theyear 
i6gg, in two letters.,., with the life of the présent Emperor of China, by 
father J. Bouvet^ by the author of The ancient und présent state of MoS' 
covy, London, F. Coggen, 1699. — Une traduction en hollandais a été 
publiée à Utrecht en 17 10. 

Le I" novembre 1701, le P. Bouvet adressa à Leibniz, sur Futilité de 
la recherche des anciennes croyances chinoises, une lettre qui fut insérée 
dans le Journal de Trévoux en janvier 1704, n» XL 

La Bibliothèque de Lyon possédait autrefois un manuscrit, mi-partie 
chinois, mi-partie latin, contenant la Relatio brevis rerum quœ spectant 
ad declarationem Sinarum Imperatoris Kang-hi, circa cœli, Confucii et 
avorum cuîtum^ datam anno ijoo. Cette pièce était revêtue de la signa- 
ture de plusieurs jésuites, notamment de Joachim Bouvet. Malheureu- 
sement elle a disparu depuis la rédaction du catalogue de Delandine, 
Manuscrits^ t. I»', n» 166. Cette disparition n'est pas récente; elle est an- 
térieure à l'inventaire dressé par M. Monfalcon. 

(i) Sylvain Régis, philosophe cartésien, né à la Salvetat de Blanque- 
fort en i632, mort à Paris le 1 1 janvier 1707. 



Digitized by 



Google 



68 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

y en ait en Europe. Dernièrement on en a fait imprimer un 
catalogue. Quelques-unes en ont esté apportées du Levant, 
il y a plus de 5 siècles. Il me semble qu'on prend à tâche, 
à présent, de mortifier les jésuites en France. Chacun à son 
tour. Mes vers à mad"** de Scudéri n'estoient point sur 
Tamour désintéressé. 

Pour mieux appuyer mes souhaits auprès de M. le prési- 
dent Boisot, il est bon de le faire souvenir qu'on a publié 
que feu M. son frère m'avoit communiqué des belles pièces, 
et qu'il est à souhaitter que cela se vérifie au moins après sa 
mort, tanquam ex ultima voluntate. 

XII 

A Mons. VAbbé Ntcaise. 

Hanover, ce 24 juin 1698. 
Monsieur, 

Vous aurés reçeu ma dernière, à la quelle je me rapporte, et 
vous diray cependant que j'ay publié ce printemps la chro- 
nique d'Albericus Monachus Trium Fontium (i), citée si sou- 
vent par Messieurs du Chêne, La Mire, Blondel, Chiflet, et 
qui contient tant de belles notices généalogiques. Comme 
j'en ay eu un vieux exemplaire manuscrit, en parchemin, assez 
bon, et un autre moderne de la Bibliothèqwe de Wolfen- 
butel, quoyqwe imparfait, j'en ay pu donner une édition pas- 
sable; et j'espère que les curieux m'en sçauront quelqwe gré, 
parce qu'autrement cet ouvrage seroit peut estre encor de- 
meuré enseveli assez long temps. 

Il y en avoit un exemplaire dans la Bibliothèque des 
jésuites du collège de Clermont; mais il estoit aussi imparfait 

(i) Les Chronica Albrici monachi Triumfontium^ imprimées par Leib- 
nitz dans ses Accessiones historicœ^ ont été réimprimées dans les Monu- 
menta Germaniœ historicay ScriptoreSy t. XXIII, p. 63i à gSo. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 69 

que celuy de Wolfenbutel, à ce que le R. P. Hardouîn me 
fit dire. 

Ce qui m'engage, Monsieur, à vous écrire présentement 
est la lettre de Monsieur Ludolphi, par laquelle il répond à 
celle du R. P. Bonjour, que je vous envoyé icy jointe, vous 
suppliant de le faire tenir. 

On feroit fort bien de faire envoyer à Mons. Ludolphi 
l'exemplaire iEthiopiqwe qu'il demande ; car il n'y a personne 
qui en puisse faire un meilleur usage que luy; et j'ose joindre 
mes prières aux siennes, ayant eu autres fois l'honneur de 
faire la révérenee à l'éminentissime cardinal Casanata (i), et 
l'ayant trouvé extrêmement porté à favoriser les connois- 
sances utiles. 

Nostre sçavant ami, Monsieur Morel, a fait une cheute en 
revenant de la foire de Leipzig, qui l'empêche de se servir de 
sa main pour écrire. On espère pourtant, à ce qu'il m'a fait 
écrire, que ce sera sans suite. 

Je suis, avec zèle. 

Monsieur, 

Vostre très humble 

et très obéissant 

serviteur, 

Leibniz. 

XIII 

Hanover, ce 23 décembre, vieux stile, 1698 (2). 
Monsieur, 

Je ne sçay par quel malheur celle que vous avés eu la bonté 
de m'envoyer de la part de Mons. le président Boissot n'est 

(i) Jérôme Casanate, né à Naples le 3 juin 1620, mort à Rome le 
3 mars 1700, bibliothécaire du Vatican. 

(2) Cette lettre a été publiée en partie dans les Variétés historiques de 
Pc'ricaud, Lyon, 1 836- 1837, p. 76-77. 



Digitized by 



Google 



yO LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

pas ventie jusqu'à moy. Quand il me fera la grâce de m*en- 
voyer ce catalogue qu'il me fait espérer, je vous supplie de le 
bien recommander à Paris, afin que M. Brosseau le reçoive. 

Je n'ay garde de décider dans la controverse qui est entre 
M. de Meaux et Mons. de Cambray, n'ayant lu que peu de 
pièces de ce procès. Cependant, je suis prévenu pour deux 
choses. Tune est l'exactitude de M. de Meaux, l'autre est 
l'innocence de M. de Cambray, et je les croiray jusqu'à ce 
que je sois forcé par des bonnes preuves de croire que le 
premier s'est trompé dans la doctrine, ou que le second a 
manqué du costé de la bonne foy. Comme j'ay de la passion 
pour la gloire de M. de Meaux, j'ay aussi ce panchant ordi- 
naire à ceux qui sont d'un bon naturel, de souhaitter qu'on 
épargne les malheureux autant qu'il est possible. C'est ce qui 
fait que je n'aime point les satyres qui déchirent un homme 
dont la méchanceté n'est pas bien avérée. 

J'ay vu un dialogue intitulé : Les Adieux de Nicodème 
soliciteur en Cour de Rome pourMad. Guyon et son compère 
Bonnefoy, où les choses me paroissent outrées et traitées peu 
délicatement. Selon les apparences, Mad. Guyon est une or- 
gueilleuse visionnaire, et on ne doit point confondre sa cause 
avec celle de M. Cambray, quoyque ce prélat ait esté trompé 
par son air de spiritualité. 

Je vous remercie fort , Monsieur, de la communication de 
la lettre de vostre sçavant ami de Rome, où il ne marque pas 
seulement les nouveaux livres de conséquence, mais en mar- 
que aussi le but et en juge fort solidement. Le livre de la 
poésie italienne de M. Crescimbeni (i) et celuy délie Masnade 
de M. Fontanini (2) sont fort à mon gré. 

(i) Giovanna- Mario Crescimbeni, néà Macerata le 9 octobre i663, mort 
le 8 mars 1728, venait de publier à Rome VIstoria délia volgar poesia^ 
1698, in-4<». 

(2) Juste Fontanini, ne' à Saint-Daniel (Frioul) le 3o octobre 1666, mort 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 7I 

Mons. Hofmati (i) de Bâle n'est point content de l'édition de 
Hollande de son dictionnaire et il en prépare une autre qui 
sera apparemment préférable, non pas pour la beauté de 
l'impression, mais par les choses. 

M. Chapuzeau (2), qui demeure à Zell, travaille fort et ferme 
au sien, où il redressera (suivant son projet) les fautes de 
Moreri , retranchera les inutilités et les choses odieuses , et 
suppléera une infinité de manquemens. Le père Coronelli (3) 
promet aussi un tel dictionnaire en italien, qui sera apparem- 
ment une traduction de Moreri retouché. 

Il y a un professeur en théologie à Leipzig, nommé Mons. 
Ittigius (4), sçavant dans l'Histoire ecclésiastique, qui a donné 
un livre de Hœresibus œvi apostolici^ et qui vient de publier 
des écrits de quelques pères apostoliques , comme Ignace, 
Polycarpe, etc. 

La version françoise des mémoires de Vargas touchant le 
Concile de Trente paroist après l'Angloise. Je croy qu'on 
n'a pas sujet de douter de la bonne foy des interprètes. Ces 



à Rome le 17 avril 1736, auteur de nombreux ouvrages, dont Tun a pour 
titre : Délia Masnade ed altri servi seconda Vuso dé Longobardi, Venise, 
1698, in-4<». 

(i) Jean-Jacques Hoffmann, né à Bâle en i635, mort dans la même 
ville le 10 mai 1706, auteur d'un Lexicon universale historico-geogra" 
phico^hronoiogicO'poeticO'philologicum, Bâle, 1667,2 vol. in-folio, réim- 
primé à Leyde en 1698, 4 vol. in-40. 

(2) « Genevois, précepteur de Guillaume III, roi d'Angleterre, puis gou- 
verneur des pages du duc de Brunswick- Lunebourg. Son Dictionnaire 
demeura en projet. » (Note de l'édition Cousin.) 

(3) Marc- Vincent Coronelli, né à Venise vers i65o, mort dans la même 
ville en décembre 17 18, commença la publication d'une Bibliotheca uni' 
ver salis sacro-profanaj qui devait avoir quarante-cinq volumes in-folio. 
Sept seulement ont été publiés. 

(4) Thomas Ittig, né à Leipzig le 3i octobre 1643, mort dans la même 
ville le 7 avril 17 10, auteur de très-nombreux ouvrages, parmi lesquels 
figurent, en effet : \^ De Hœresiarchis œvi apostolici et apostolico pro- 
ximi, Leipzig, 1690, in-4«; 2« Bibliotheca patrum apostolicorum grœcO' 
latina^ Leipzig, 1699, 2 vol. in-S*. 



Digitized by 



Google 



73 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE. 

pièces jointes à d'autres pourroient servir de supplément à 
rhistoire de Fra Paolo, et Mons. Amelot de la Houssaye (i) le 
pourroit faire mieux que personne, comme M. d'Auvranches 
juge avec raison, pourveu qu'il soit permis à M. Amelot de 
dire ses sentimens avec la liberté qui y est nécessaire. 

M. de Spanheim est infiniment ravi de voir M. d'Auran- 
ches à Paris. 

Je ne scay par quelle négligence des libraires il arrive que 
ce que je donne au public ne passe point en France. Il fau- 
dra que j'y mette ordre. 

Je suis bien aise que le P. dom Pezron (2) travaille sur la 
langue celtique et sur les origines des nations. Mon opinion 
a tousjours esté que c'est par les langues qu'il faut con- 
noistre les connexions des peuples. Je trouve que la langue 
des Bretons ou Aremorique est moitié allemande et qu'ainsi 
l'ancienne gauloise le devoit estre aussi. Mais j'ay perdu 
mon latin en cherchant à quoy se rapporte la langue des 
Basques. 

J'ay ouï dire que M. de la Loubère (3) a la curiosité de vou- 
loir approfondir cette langue. Je luy en ay parlé autres fois; 
s'il en a le loisir, il y pourroit réussir, à cause de sa péné- 
tration. 



(i) Abraham-Nicolas Amelot de la Houssaye, né à Orléans en 1634, 
mort à Paris le 8 décembre 1706, avait publié en i683, sous le pseudo- 
nyme de sieur de La Mothe-Josseval, une traduction de VIstoria del conci- 
lio Tridentino de Pietro Sarpi (Fra Paolo). Il était donc naturellement 
indiqué pour une traduction des mémoires de Vargas. 

(2) Dom Pezron (voir plus haut, p. 32) avait publié dans les Nouvelles 
de la République des Lettres^ juin 1699, ^^^ lettre adressée à Nicaise, 
dans laquelle il essayait de prouver que le bas-breton et le gallois sont 
ridiome primitif des Gaulois. 

(3) Simon de la Loubère, membre de l'Académie française (1693) et de 
r Académie des inscriptions (1694), restaurateur de F Académie des Jeux 
Floraux, né à Toulouse en mars 1642, mort à la Loubère (Hautes- Pyré- 
nées) le 26 mars 1729. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. yS 

Vous m'avés parlé un Jour, Monsieur, d'un sçavant qui 
vouloit écrire de la critique des diplômes. Cest une matière 
de conséquence et qui mérite d'estre éclaircie de plus en 
plus. 

Mons. de Spanheim vient aussi de m'envoyer une lettre 
pour Monsieur Morel, que j'auray soin de lui faire tenir aussi. 

Je m'étonne qu'on ne parle plus des lettres de Peiresk (i). 

On a fait un livre en Angleterre contre une Armée sur 
pied, ou militem perpetuum^ où, par l'histoire et par les rai- 
son, on veut faire connoistre le danger. Mais je me suis mis 
à rire, quand j'ay vu qu'il y a sur le titre qu'une telle ar- 
mée sera cause du papisme, paganisme, mahométisme et 
athéisme. 

Un certain auteur ayant fait avec succès Esope aux eaux 
de Tunbridge^ où le gouvernement est raillé avec assez 
d'adresse, on a vu paroistre incontinent après une infinité 
d'autres Esopes de peu de conséquence. 

Je vous souhaitte toute sorte de bonheur pour l'année nou- 
velle et beaucoup d'autres, et suis avec zèle. 

Monsieur, 

Vostre très humble 

et très obéissant serviteur, 

Leibniz. 

P. S. — Je ne sçay si je vous ay mandé que M. Ludovici, 
professeur à Haie, publiera des lettres non imprimées de 
Languetus, vostre compatriote, avec sa vie faite par M. de la 
Marre, et y joindra le pourtrait de l'auteur (2). 



(i) Le 8 novembre 1880, M. Tamizey de Larroque a proposé au Comité 
des travaux historiques la publication, dans la collection des documents 
inédits, des Lettres françaises de Peiresc. Cette proposition, prise en 
considération par le Comité, a été renvoyée à Texamen d'une Commission 
de trois membres, MM. Marty-Laveaux, Ludovic Lalanne et Georges 
Picot. 

(2)]Voir la lettre suivante, p. 76 et suiv. 



Digitized by 



Google 



74 LETTRES A L ABBE NIC AISE. 

XIV 

Hanover, ce i6 juin 1699 (i). 

La Foudre du Vatican ayant grondé et Mons. TArchevêqwe 
de Cambray ayant écouté la décision du Pape avec tout le 
respect qu'il avoit promis (2), j'espère que doresnavant les ha- 
biles gens de France s'amuseront moins à ces controverses 
du quiétisme et du pur amour. La Bulle du Pape (ou Bref, 
si vous voulés) paroist assez raisonnable. On ne sçauroit se 
dépouiller de la considération de son bien. Mais, si Tintérest 
est pris pour le bien utile opposé au bien honneste et agréa- 
ble, on peut se dépouiller de ce qui est intéressé. Ainsi la 
véritable pur amour opposé à Tamour intéressé, dans ce sens, 
et tel que je l'ay défini autres fois, subsiste tousjours. C'est 
lorsque le bien, bonheur, perfection d'autruy, fait nostre 
plaisir et bonheur, et est par conséquent désiré par luy-même 
et non pas par raison de quelque profit qu'il nous porte. 

Mais laissons là cette matière, qui peut passer pour finie, 
si les gens se mettent à la raison, et parlons d'autre chose. 
Est-il vrayque Mons. l'Evêq^/e d'Auranche quitte son diocèse 
et son évêché pour estre plus en repos à Paris (3)? Je n'en suis 
point fâché, espérant que cela le fera vivre plus long temps 
pour le bien public et pour l'honneur de la France. 



(i) Cette lettre n'est pas autographe ; Leibniz a seulement corrigé quel- 
ques mots, écrit la formule de salutation et signé. 

(2) La condamnation des Maximes des Saints par la cour de Rome 
est datée du 12 mars 1699. Sans attendre que les formalités légales préa- 
lables à la publication du bref fussent remplies, Fénelon écrivit un man- 
dement pour constater sa soumission. 

(3) La nouvelle était vraie; Huet se démit de son évêché en avril 1699. 
Il reçut comme dédommagement Tabbaye de Fontenay, sur les bords de 
rOrne, à quelques kilomètres de sa ville natale ; mais, suivant son expres- 
sion, il y fut inondé d'une pluie de procès, qui le dégoûta de son nou- 
veau titre et il résolut de vivre complètement à Paris chez les Jésuites 
de la rue Saint-Antoine. Voir plus haut, p. 28. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 7 5 

Je VOUS remercie fort, Monsieur, de la copie de la lettre de 
M. l'abbé de la Charmoye. Son dessein d'éclaircir Thistoire 
fabuleuse, pour en tirer la vérité, est difficile, mais d'autant 
plus grand et plus beau. Effectivement j'ay toujours crû que 
la guerre des Titans, aussi bien que des Géans contre les 
dieux, signifioit quelque irruption des peuples celtiques ou 
scythiques dans la Grèce et Asie, dont les anciens Rois ont 
esté pris depuis pour des dieux. Je me suis imaginé aussi 
que Prométhée, (qui estoit du nombre des Titans), attaché 
au mont Caucase, signifioit les Scythes tenus en bride par 
des trouppes postées aux portes Caspiennes. Cependant il y 
a tant de contradictions dans l'histoire fabuleuse et elle a 
esté tellement gastée par les libertés, que les anciens y ont 
déjà prises, qu'il sera difficile de la débrouiller passable- 
ment. 

Je trouve aussi bien difficile d'expliquer la connexion en- 
tre les peuples et hommes dont Moïse fait mention et entre 
ceux qui en sont aussi éloignés que les Celtes et Scythes; 
cependant je ne voudrois pas décourager ce savant homme. 
J'ay examiné autres fois la langue gauloise, telle qu'elle s'est 
conservée encor chez le bas Bretons et dans le pays de 
Galles, et je la trouve demy-teutoniqwe (j). 

Cela m'a fourni plusieurs remarques singulières. Par 
exemple Aber signifie la fin ou l'issue d'un fleuve, d'où 
vient havre aujourd'huy, car les havres naturels se forment 
le mieux par les embouchures des rivières. Mais la notion 
de l'issue est plus générale, et il en reste des traces dans 
l'Allemand abend qui signifie le soir, dans ebbe qui signifie 
reflux ou retour, et dans aber qui signifie répétition. De 
toutes les langues de l'Europe, il n'y a point qui m'embrasse 
Csic) plus que la Biscayenne, et je voudrois sçavoir le senti- 

(i) Leibniz revient sur un sujet, de'jà traité dans la lettre préce'dente. 



Digitized by 



Google 



76 LETTRES A L*ABBE NICAISE. 

ment de M. l'Abbé de la Charmoye là-dessus. Je souhaite- 
rois aussi des éclaircissemens sur celle d'Irlande. Les lan- 
gues sont le vray moyen pour juger de l'origine des Peuples. 
Supposé l'Histoire Saincte, on doit juger que les Teutons et 
Celtes- sont venu de la Scythie. La langue latine paroist 
estre un mélange du Celtiqwe et du Grec ; et la greque même 
a son fonds des Scythes et Celtes voisins; à quoy s'est joint 
depuis ce qu'elle a pris des Phéniciens. L'appellation de 
Celtes est commune aux Teutons et aux peuples compris 
entre le Rhin et les Pyrénées. J'appelle celtiqwe en matière 
d'étymologie ce que le latin a de commun avec le teutoni- 
que. Mais j'appelle plus tost scythiqwe, ce que nous avons de 
commun avec le grec ou avec le sarmate. 

Mons. Morel a esté aux eaux chaudes de Tœpliz. Je ne sçay 
s'il en est de retour, il en espéroit de l'amendement pour 
estre entièrement remis de son accident paralytiqwe; je le 
souhaitte de tout mon cœur. 

Je n'ay pas vu la lettre que le R. P. Pagi vous avoit adres- 
sée; mais j'en ay vu des extraits; j'y trouve des belles choses. 
Sa remarque que chez Beda ordination signifie désignation, 
convient avec une autre remarque que j'ay faite sur les di- 
plômes d'un Empereur où il compte Annos ordinationis, c'est- 
à-dire designationis ; c'est Henry IV, fameux par ses contes- 
tations avec le Pape Grégoire VII. J'ay aussi épluché un peu 
la chronologie des Papes, qui ont suivi de près Formosus, 
et je crois l'avoir débrouillée. Les temps qui regardent la 
mort de Berengarius I, de Robert, roy de France, Antago- 
niste de Charles le Simple, et les choses arrivées pour lors 
et un peu avant et après me paroissent des plus confuses. 

Je voudrois bien sçavoir si le P. Pagi s'est appliqué aussi 
à débrouiller les généalogies, ce qui n'est pas moins utile en 
bien des rencontres que la rectification de la chronologie. 

Les lettres de Hubertus Languetus viennent enfin de pa- 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 77 

roistre par les soins de Mons. Ludovici (i), avec la taille douce 
de ce célèbre Bourguignon et sa vie tirée de celles de feu 
M. de la Mare (2). 

N'aurons-nous pas bientost les lettres qu'on avoit écrites a 
M. Peiresk (3) ? 

Comment va la dispute entre le P. Alexandre Natalis (4) 
et le P. Daniel (5) sur la morale et la probabilité ? 

Je ne sçay si vous avés vu un livre latin intitulé Causa Ar- 
naldina? On y resuscite des bonnes pièces du temps passé. 
Que fait le cardinal Noris ? 

Mons. Lyster, Médecin Anglois, excellent dans la connois- 
sance de la nature, a donné en Anglois une petite relation 
de son voyage de Paris avec le comte de Portland (6) ; on le 
traduira en françois. 



(i) Godefroi Ludwig, né à Baruth le 20 octobre 1670, mort à Cobourg 
le 21 avril 1724. 

(2) Hubert Languet, publiciste, né à Vitteaux (Bourgogne) en i5i8, 
mort à Anvers le 3o septembre i58i, auteur du livre fameux Vindiciœ 
contra tyrannos^ qu41 publia à Bâle Tannée même de sa mort. Le recueil 
de lettres formé par Ludwig a pour titre : Arcana seculi decimi sexti : 
Huberti Langueti epistolcp secretce adprincipem suum Augustum, Saxoniœ 
ducem^ Halle, 1699. 

(3) M. Tamizey de Larroque, correspondant de Tlnstitut, publie, de- 
puis quelque temps, par fascicules, les lettres adressées à Peiresc et réa- 
lise ainsi, après deux siècles, le vœu de Leibniz. 

(4) Noël Alexandre, dominicain, né à Rouen le 19 janvier 1639, mort à 
Paris le 21 août 1724. Il se signala par Tardeur avec laquelle il défendit 
les doctrines gallicanes. 

(5) Gabriel Daniel, jésuite, né à Rouen en 1649, mort à Paris le 
23 juin 1728. Il est surtout connu pour V Histoire de France qu'il publia 
en 171 3, 3 vol. in-folio. Mais il avait précédemment écrit les Entretiens 
de Cléandre et d'Eudoxe sur les Lettres provinciales y 1694, qui avaient 
eu un grand retentissement et avaient été vivement attaqués. 

(6) Martin Lister, naturaliste anglais, né à Radcliffe (Buckingham) vers 
i638, mort à Londres le 2 février 1712. Il accompagna John- William 
Bentinck, comte de Portland, pendant son ambassade en France, et pu- 
blia une relation de son voyage sous ce titre : Journey to Paris in the 
year j6g8. 



Digitized by 



Google 



78 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

M. Wotton (i),qui a écrit très bien en anglois sur les anciens 
et les modernes, a produit un passage notable du fameux 
Servetus (2), qui a esté brûlé à Genève, par lequel on voit que 
cet homme a eu quelque lumière sur la circulation du sang ; 
cela seul le devoit exemter du feu, s'il avoit eu à faire à des 
gens raisonnables et entendus. 

Un des excemplaires de mon Codex diplomaticus avoit esté 
destiné à M. d'Auranches, si je m'en souviens bien ; mais je 
n'ay presque point eu de nouvelles des excemplaires que j'a- 
vois destinés et à luy et à d'autres ; je pense maintenant à 
commencer l'impression du second tome, et cet illustre pré- 
lat aura l'un et l'autre à la fois. 

Je souhaite fort maintenant la liste que M. le président 
Boisot a eu la bonté de me vouloir envoyer de nouveau pour 
en tirer encor quelque chose avant l'impression de ce second 
tome (3), afin que je puisse jouir de l'effect des espérances 
que feu Mons. l'Abbé, son frère, avoit déjà données. 

Je suis avec zèle. 

Monsieur, 

Vostre très humble et très 

obéissant serviteur, 

Leibniz. 



(i) William Wotton, philologue anglais, né à Wrentham (SufFolk) le 
i3 août 1666, mort à Buxted (Essex) le i3 février 1726, auteur de Reflec- 
fions upon ancient and modem learning^ Londres, 1694, in-8«. 

(2) Michel Servet, né à Villanueva (Aragon) en iSog, mort à Genève 
le 27 octobre i553. Cest dans son grand ouvrage, publié à Vienne (Dau- 
phiné) en i553 sous le titre de Christianismi Restitution que se trouve 
exposée son opinion sur la circulation du sang. Voir Flourens, Histoire de 
la découverte de la circulation du sang y Paris, 1854. 

(3) Le Codex juris gentium diplomaticus devait, d'après le plan adopté 
par Leibniz (voir plus haut, p. 34), se composer de trois volumes. Un 
seul a paru en 1693, in-f« de 479 pages. Leibniz l'augmenta, en 1700, 
d'une Mantissa codicis juris gentium diplomatici. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. 79 

XV 

Hanover, 6/i6aoust 1699. 
Monsieur, 

Vous me prenés pour un homme bien négligeant, si vous 
me croyés capable d'égarer trois fois une chose que je n'ay 
receu qu'une seule fois. Je ne sçay par quelle fatalité le paquet 
que vous avés recommandé à Mons. Brosseau ne m'a pas 
esté rendu. Il est seur au moins que je n'ay jamais vu ce 
dernier mémoire que vostre bonté et la faveur de Mons. le 
président Boisot me destinoient pour une seconde fois. J'en 
ay écrit à Mons. Brosseau. Mais je n'espère point qu'il se 
puisse souvenir à qui il l'a donné ou recommandé. 

Je suis bien fâché de la mort du P. Pagi, mais consolé de 
l'espérance que vous me donnés. Monsieur, que son ouvrage 
paroistra (i). J'ay vu dernièrement dans les Nouvelles de la Ré- 
publique des Lettres la lettre qu'il vous avoit écrite, comme 
aussi celle de M. l'abbé de la Charmoye. 

Les Généalogies des Maisons souveraines au moins sont 
presque aussi importantes dans l'Histoire que la Chronologie, 
parcequ'elles font connoistre les changemens des Estats qui 
ont passé. d'une famille à l'autre et fondent souvent les droits 
et prétensions des princes, au lieu que la chronologie portée 
à la précision (l'Histoire sainte mise à part) ne sert guères 
qu'à vérifier les dates des titres. Cependant j'ay bien travaillé 
aussi sur celle du neuvième et dixième siècle, l'Histoire de 
Bronsvic m'y ayant obligé, et je conviens en certaines choses 
avec ce que le P. Pagi a observé. 



(i) Le P. Antoine Pagi venait de mourir à Aix. Louvrage qu'il termina 
peu de temps avant sa mort, et dont parle Leibniz, était consacré à rec- 
tifier les erreurs chronologiques des Annales ecclesiastici de Baronius; il 
fut publié par les soins du P. François Pagi, neveu de l'auteur. 



Digitized by 



Google 



8o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

La réponse du P. Bonjour à Mons. Ludolfi m'a paru si 
sèche et vuide de réalités que je ne voy pas qu'il ait fourni 
à M. Ludolfi aucun sujet d'y répliquer. Ce n'est pas au moins 
ma coutume d'écrire de telles lettres, et je ne perds pas 
volontiers l'occasion d'apprendre quelque chose. 

Si le P. Bonjour pouvoit soutenir le calcul vulgaire contre 
les 70, ce seroit aux dépens de la religion. Car j'ay tousjours 
jugé que M. l'abbé de la Charmoye avoit raison de croire 
que la chronologie des Chinois (pour ne rien dire d'autres 
argumens) nous oblige de reculer l'antiquité des temps. Feu 
Monsieur d'Irois(i), théologien de M. le cardinal d'Estrées, qui 
a fait un livre pour la Sainte Ecriture, me disoit à Rome que 
si, par malheur ou par bonheur, il se trouvoit un jour, par 
des histoires vérifiées de quelque peuple, que le monde est 
plus ancien que les 70 mêmes ne semblent le dire, on pour- 
roit pourtant tousjours soutenir la vérité de la religion, 
parcequ'il n'est point dit que ceux que Moïse nomme ayent 
esté engendrés les uns des autres immédiatement. Mais je 
n'appréhende point que nous soyons réduits aune si fâcheuse 
excuse et les 70 nous peuvent suffire. 

Si le cardinal Noris gode il papato, io godo il cardinalato, 
et m'imagine d'estre aussi heureux que qui que ce soit. 

Je n'ay point eu des nouvelles de M. Morel depuis son 
usage des bains, mais j'en demanderay et pour vous et pour 
moy (2). 

Mons. l'archevêqwe de Cambray s'est mieux tiré d'affaire 
qu'il n'y estoit entré. Il en est sorti en habile homme et il y 

(i) François Dirois, chanoine, né en 1620, mort à Avranches le 11 oc- 
tobre 1 690, auteur de plusieurs ouvrages estimés, notamment d'un livre 
publié à Paris, en i683, sous ce titre : Preuves et préjugés pour la reli^ 
gion chrétienne et catholique^ contre les fausses religions et l'athéisme^ 
in-4«. 

(2) André Morell venait d'être frappé d'une attaque de paralysie ; voir 
plus haut, p. 76. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE LEIBNIZ. Si 

estoit entré sans penser assez aux suites qu'elle pouvoit 
avoir. Dieu soit loué au moins que les journaux parlent 
enfin d*autre chose. 

Sçavoir si on reprendra maintenant à Rome le procès 
intenté par les prélats de France contre le livre du cardinal 
Sfondrati (i). 

Est-il vray que le procès s'est réveillé entre les jésuites 
et les autres missionnaires de la Chine, touchant les 
honneurs qu'on rend àConfutius(2)? Autantque j'ay compris 
la chose, on fait un peu tort en cela à ces bons pères, et, puis- 
qu'on dresse des statues aux morts quoyqw^ payens, on peut 
bien honnorer aussi leur mémoire d'une autre manière, pour 
veu qu'on n'en attende point de secours. Il me semble que les 
néophytes des jésuites ne sont pas plus idolâtres en cela que 
ce poète italien qui sacrifioit tous les ans aux mânes de 
Catulle un exemplaire des épigrammes de Martial. Je vou- 
drois que la morale practique de ces pères fut aussi innocente 
en tout autre chose et qu'ils fussent tous d'aussi honnestes 
gens que quelques uns entre eux que j'ay connus. Mais de 
vouloir que toute une communauté soit sans défauts, c'est 
trop demander, pourveu que les défauts n'y régnent point. 
Il semble que leur autorité a receu quelque échec en France 
et je le juge par ce que M. l'archevêqwe de Reims a fait (3). 
Mais ils sont comme cet Antée de la fable qui se relève plus 
fort. 



(i) Voir plus haut, p. 56. 

(2) M. Emile Guimet a lu à rAcadémie de Lyon, en 1881, un très-inté- 
ressant mémoire sur les querelles que souleva entre les Jésuites et les 
Dominicains Tessai fait par les Jésuites d'une conversion des Chinois au 
moyen d'une assimilation des dogmes de la religion catholique et des 
croyances chinoises. 

(3) Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims, né à Turin en 
1642, mort le 22 février 17 10, fut un grand défenseur des doctrines galli- 
canes et publia des lettres contre les Jésuites. 

AcaJémU de L/on, clasie des Lettres. 6 



Digitized by 



Google 



82 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

Ne scavés vous pas, Monsieur, qui sont maintenant les 
arcboutans du parti de feu M. Arnaud? Il faut que ce soyent 
des gens zélés et de mérite, qu'on doit estimer. 
Je suis avec passion. 

Monsieur, 

Vostre très humble et très obéissant 
serviteur, 

Leibniz. 



S 3. 

LETTRE DU PRIEUR MICHEL 

XVI 

A Monsieur 
Morts. Labbé Nicaise 
chanoine de la 5'* Chappellc 
à Dijon. 

Rome, ce 8 novembre 1695. 
Monsieur, 

Vous havez quelque raison de vous plaindre du peu de 
ponctualité que j'ay eu a respondre a vostre lettre; ce n'est 
pas faute de bonne volonté, c'est pour navoir encore pu 
retirer le livre de l'histoire des peintures du sig' Gio. Pie- 
tro Bellori (i) pour vous lenvoyer, je veu dire des peintures 
de Raphaël du Vatican (2). Tout le desordre provient du 
libraire qui a voulu havoir tout le manuscrit ensemble et en 

(i) Bellori (Giovanni- Pietro), antiquaire italien, né à Rome en 161 5, 
mort en 1696. 

(2) L'ouvrage dont parle Michel fut publié en 1695, à Rome, sous ce 
titre : Descripone délie ijîugini dipinte da Raffaelo d'Urbino nelle camerc 
del PaLmo Vaticano, in-folio. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DU PRIEUR MICHEL. 83 

rimprimant il a tout confondu et posposé les matières, de 
sorte qu'il faut recommancer de nouvau. Il sig' Gio. Pie- 
tro Bellori a cause de sa caducité n'a pu y assister, et il 
faut recommancer tout de nouvau. II m'a fait voir les 
erreurs de ces pospositions ausquelles personne ne peut 
remédier que luy. S'il avoit les moyens, l'impression iroit 
plus viste , mais il faut qu'il aye recour a un amys qui luy 
donne ce secour. Il ma tesmoigné avoir autant d'impatience 
a vous envoyer son livre que vous a le recevoir. Il est digne 
de compation a son aage n'ayant que l'esprist de sain; les 
mains luy tremblent, les jambes grosses comme les cuisses, 
et comme pétrifiées pour leur dureté. Voila un an et demy 
qu'il ne sort plus de sa maison. Il a fini laugmentation de 
son livre de la vie des peintres ausquels il a adjouté les vies 
de l'Albano, du Guide, de Ludovico et Antonio Cataci , du 
Guerchin, Andréa Sacchi , etc., et de Carlo Maratti, qu'il 
suspend a faire imprimer jusqu'à ce qu'il en aye les 
moiens (i). Si quelqu'un en France en vouloit faire la des- 
pance, il donneroit son ouvrage, mais il faudroit faire rim- 
primer tout louvrage a cause qu'il a fait ses notes de nou- 
vau avec quelque addition a la vie des autres peintres, et 
ses livres en vaudroient beaucoup mieux. Dieu nous con- 
serve ce bon homme ! car il est bien usé et lantiquité fera 
une grande perte a sa mort, ne sachant personne dans 
Rome qui puisse dignement remplir sa place. 

Le sig' Pietro Santi Bartoli (2) aura bientost finy de gra- 
ver son livre des antiques monuments de Rome (3). Ce sera 

(i) La première partie de Touvrage de Bellori, intitulé : Le Vite de' 
Pittorif scultori et architetti, dédiée à J.-B. Colbert, avait été publiée à 
Rome en 1672, in-4«, 462 pages. — La seconde partie, dont parle Michel, 
a dû rester manuscrite. 

(2) Bartoli (Pietro-Santi), graveur fameux, né à Bartola ou à Pérouse 
vers i635, mort à Rome en 1700. 

(3) Admiranda romanarum antiquitatum ac veteris scuîpturœ vestigia 
a Petro Santi Bartoli delineata, cum notis J, P. Bellori, Rome, 1695. 



Digitized by 



Google 



84 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

grand domage si le sig*" Bellori n'en finist pas les notes 
qu'il a commancé, et qu'on peut dire estre lunique au 
monde pour ces sortes de choses de l'antiquité. 

Voila, Monsieur, tout ce que je vous puis dire au sujet 
de vostrt commission dont je ne m'oublie et ne m'oublieray 
point. Je me suis mesme offert de faire copier a mes frais 
ses manuscrit pour vous les envoyer plustost (i). Il m'a dit 
qu'il avoit affaire a un Cardinal qui estoit cause que cela ne 
se pouvoit, mais que le premier livre il me le donneroit. Je 
ne perdray pas un moment pour cela en ayant donné ma 
parole au R. P. procureur gc^n^ral des Bénédictins qui m'en 
a sollicité de vosire part, auquel j'envoye la présente pour 
vous la faire tenir, vous priant de me croire plus ponctuel 
à ladvenir que par le passé. 

Mes compliments à M*" Lantin, s'il vous plait, et lasseurer 

que je luy suis comme a vous 

Mons*" 

très humble très obeiss* 

servi/ewr, 

Le Prieur Michel (2). 



(i) L'impatience avec laquelle Nicaise attendait le livre de Bellori est 
facile à expliquer. Pendant ses deux séjours à Rome, Nicaise avait beau- 
coup vécu avec les artistes; Pietro de Cortone, Salvator Rosa, Carlo 
Maratti, le cavalier Bernin, etc., l'avaient admis dans leur intimité. Fier 
de telles relations, le bon abbé se crut obligé d'avoir un peintre à son 
service ; Carlo Vino copia pour lui plusieurs tableaux, notamment V École 
d'Athènes de Raphaél. Plus tard, Nicaise, désireux de faire connaître au 
public son petit musée, guettait une occasion favorable pour en parler. 
L'ouvrage de Bellori allait la lui fournir. Aussi, dès que le livre parut, 
Nicaise rédigea une Dissertation ou explication des deux plus beaux et 
plus agréables tableaux de Raphaël d'Ûrbin^ peints au Vatican^ l* École 
d* Athènes et le Parnasse. Cette dissertation a-t-elle été imprimée? 

(2) Sur le revers de l'adresse, un ami de Nicaise s'est rappelé à son 
souvenir : « F. E. C. salue avec respect Monsieur Labbé Nicaise. » 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE JEAN DE WITT. 85 

S 4. 
LETTRES DE JEAN DE WITT 



/ei« de Witt^ fits de l'illustre et U fortuné grand pensionnaire de Hollande, naquit à Dordrecht le 
27 mai 1662, 

On rapporte que^ pendant qu'il était encore étudiant, il prononça^ dans une solennité aeadcmiquey 
un discours De Libertatis commodis ! 

Ses études terminées^ il parcourut une grande partie de PEurope, nouant des relations avec beau» 
coup desavants, et réunissant des masses de livres et d'autres objets précieux (i). 

A son retour à Dordrecht ^ il fut nommé secrétaire de la ville. Il mourut en fjot. 

Il avait épousé sa cousine germaine Wilhelmina de Witt^ fille du malheureux Cornélis de Witt^ et 
en eut trois enfants : Wendela-Maria (i688-J70g^ ; Jean (i6g4'i'j5i); Cornélis (lÔgÔ-ijÔg). 
Wilhelmina mourut peu de jours après son mari, e/, dans l'intérêt des enfants^ les collections formées 
par Jean de Witt furent vendues aux enchères (s). 

La Bibliothèque nationale possède un assej grand nombre de lettres autographes adressées par 
Jean de Witt à Nicaise ; on les trouvera dans les volumes restitués par Prunelle en i83t* 

Les deux lettres que nous publions combleront des lacunes de cette collection. 

XVII 

Dordrecht, le 29* aoust 1695. 

Les grandes et solides raisons que i'ay eues de ne vous 
point escrire jusques a présent, que vous devez coniecturer, 
a cause que ie ne vous les sçaurois mander, ne m'empes- 
chants plus de m' acquitter de mon devoir envers vous, mon 
très cher Monsieur, ie reprens la plume en main, pour 
m'entretenir avec un des hommes, que ie considère le plus, 
a qui i'ay des obligations infinies, et qui m'ayme plus que 
ie ne mérite. Le dernier excellent jt?re^ew/ de cette belle Agatè^ 
montée en tabacquiere^ que M*" Leers a son retour du voyage 
de Paris, m'a mis entre mes mains de vostre part, m'est une 

(1) ■ Cum versaretur adolescens in Academiis Bel|;icis, jam mignum numerum collefferat opti- 
morum et «electisttmorum librorum. Fost, in profectione Gallica, Italica, Sicula et Melitensi, 
ubi<}ue taberaas omnes librarias omnesque anffulos in quibus aliquid musicarum deliciarura latere 
audierat excussit, nec uUi pepercit sumtui aclabori. ut non solum quidquid eximiorum librorum 
in omni eruditionis génère poterat inveniri, sed et elegantiorum numismatum, lapidum et aliorum 
prise! temporis monumentorum copiant conauireret secumque domum referret. » (Graeviut, Préface 
du Catalogue de la bibliothèque de Jean de Witt.) 

(3) Le catalogue de la Bibltotheea Wittiana annonce la vente de i,330 ouvrages in-folio^ 3*774 in* 
quarto, 3,8o3 ia-octavo« 700 in-duodecimo. Il y a en outre lia manuscrits in-folio, 135 in-auarto, 
36 in-8*, 16 in- 13. — Le catalogue des objets d'art remplit l36 pagis. — La vente eut fisu au 
mots d'octobre 1701. 



Digitized by 



Google 



85 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

nouvelle preuve de vostre tendresse pour moy; ie ne sçais 
par qu'el endroit ie mérite tant de faveur auprès de vous, si 
ce n'est pas Testime toute particulière, que i*ay pour vous, 
et pour vos rares qualitez que tout le monde admire ; ie me 
sentiray éternellement redevable a l'affection, avec la qu'elle 
il vous a plu de m'obliger; si ie sçavois, comment ie pour- 
rois en quelque manière recompenser tous les bienfaits dont 
vous m'avez comblé, ie m'estimerois fort heureux; mais ne 
pouvant rien imaginer, capable de cela, ie crains fort que ie 
moureray vostre débiteur; mandés moy, s'il vous plaist, 
mon cher amy, en quoy ie vous puis estre utile en ce pays, 
ie tascheray de vous y servir avec tout le zèle et l'application 
possible. 

M. Leers m'a enfin promis qu'il envoyeroit en deux jours 
(sans doute il l'aura desia fait) à M*" Anisson à Paris, pour 
vous les addressér, deux exemplaires d^Junius de pictura pe- 
terum en grand papier (i). Je vous supplie d'en envoyer un à 
M. Bellori (2) de ma part et de conserver l'autre pour vous ; 
peut estre que la vue de ce livre vous fera encor songer un 
peu d'avantage à moy, que vous faites, quoy que ie suis 
persuadé que vous le faites très souvent ; les marques que 
vous m'en donnez en sont trop convaincantes. 

Dans un des deux exemplaires de Junius dont ie vous fais 
présent , vous trouverez le portrait de l'auteur, qui vous 
manquoit; il m'escrit qu'il vous en a envoyé une couple; 
quand vous les aurez, vous verrez. Monsieur, qu'iV^ ne sont 
point de Van Dyck^ mais d'un certain peintre hoUandois, 
nommé Van der Werff^ fort estimé, qui demeure actuel- 
lement à Rotterdam (3) ; îe croy pourtant qu'il est fait après 

(i) Voir plus haut page 39, note 2. 

(2) Voir plus haut page 82, note i . 

(3) Adrien Van der Werff, né à Kralinger-Ambacht (Hollande) le 
21 janvier 1659, mort à Rotterdam le 21 novembre 1722. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE JEAN DE WITT. 8/ 

celuy de Van Dyck , que îe me souviens d'avoir vu autrefois 
dans la première édition latine ou traduction flamande de 
cet auteur; ce portrait ne me paroit pas mauvais, et i'espère 
qu'il sera de vostre goust. 

le vous aurois envoyé en même temps le reste de mon 
catalogue; mais a cause qu'il n'est pas encor tout a fait 
achevé, y manquant quelques feuilles, et que M. Leers m'a 
donné que fort tard avis qu'il avoit occasion de vous en- 
voyer le Junius, i'ay différé à vous faire tenir ce qui vous 
manque de mon catalogue iusques a ce que toutes les 
feuilles seront imprimées, qui sera peut estre en peu de 
temps; la vente des livres ne se tiendra pourtant qu'au 
milieu de l'année qui viendra ; ie tascheray de vous envoyer 
quelques catalogues à la première occasion ; vous les distri- 
buerez alors (s'il vous plaist) a vos amis qui sont curieux 
des livres; et en cas qu'ils trouvent la dedans quelque chose 
qu'il leur plaist, ils pourront charger A/'' Leers de la commiS' 
sion; ou bien le libraire dans cette ville, che^qui le catalogue 
est imprimé^ et qui en aura le soin ; si ie ne craignois que ma 
personne fut suspecte, a cause que les livres m'appartien- 
nent, ie vous l'offrirois volontiers ; i'espère pourtant que îe 
vous y pourray servir, et en quelque manière reconnoitre 
les services que vous m'avez rendus en toutes les occasions; 
car le soupçon, qu'on pourroit avoir de moy, ne peut avoir 
lieu qu'en des personnes qui me sont tout à fait indifferens, 
et qui ne me connoissent point ; mes amis, et principalement 
ceuxs que ie considère presque autant que moy-mesme, entre 
les quels vous estes le premier, en doivent estre exemts. 

Quand ie relis le catalogue des livres imprimés de feu 
M. le chancelier de Seguir, qu'on a vendu pendant mon sé- 
jour a Paris (comme vous sçavez), ie me plains tousjours de 
n'avoir pas profité d'avantage d'une si belle occasion; il y 
avoit la dedans bien des belles çt rares choses ; mais h ma- 



Digitized by 



Google 



88 LETTRES A L*ABBÉ NICAtSE. 

nièrc de vendre les livres à Paris, qui est bien extraordinaire 
et différente de la nostre, en est la cause ; on ne sçavoit 
presque iamais ce qui se vendoit, et on estoit obligé d'y 
rester des journées entières, quand on avoit envie de quel- 
que livre ; icy on vend chaque livre séparément et on suit 
tousjours le catalogue ; ie me souviens encor fort bien qu'on 
vous trouvoit toujours a cette vente. 

Mais, à propos du chancelier Segtiir^ Monsieur, quest de- 
venu le catalogue de ces manuscrits^ qui est imprimé et que 
ie conserve dans ma Bibliothèque ? Je vous suplie de me le 
mander^ si vous le sçavez, car l'en suis fort curieux. 

La Bibliothèque de feu M" Colbert est elle encor tousjours 
en son entier et le sçavant et honneste M"" Balu\e en est-il 
encor le Biblothéquaire ? 

Je vous envoyé un vers que M' Francius (i) a fait sur ma 
Bibliothèque, il est très beau, mais il en dit trop; peut estre 
qu'il ne vous déplaira pas. 

M. Leydecker, professeur à Utrecht (2), a fait imprimer 
depuis peu la vie de Cornélius lansenius en latin ; c'est un 
livre in 8**; il y a la dedans quelques bonnes choses, et entre 
autres, Colloquium cum Jansenitis, qui anno i653 damnât i et 
Roma Parisios redituri, Tigurum transiverunt, habitum a 
D^ Henr. Hottingero\ si ie ne me trompe, ce livre sera fort 
recherché en France. 

Un autre professeur a Leyden nous a donné une Collection 
des Lettres^ sur toute sorte de sujets, de Giphanius, Vulca- 
nius, Tycho Brahe, Scriverius, Pontanus, Vossius, Sibran- 



(i) Pierre Fransz, poète latin, né à Amsterdam le 19 août 1645, mort 
dans la même ville le 19 août 1704. 

(2) Melchior Leydecker, théologien, né le 11 mars 1642 a Middel- 
bourg (Zélande), élève de Voetius et de Coccejus. Il fut nommé profes- 
seur de théologie à Utrecht en 1678 et mourut dans cette ville le 
6 janvier 1721 (Note de M. Van den Es). 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE JEAN DE WITT* 89 

dus Siccama (i), Gronovius, Boxhornîus et autres ; maïs ce 
qu'il y a de plus remarquable, c'est une très grande lettre^ 
fort remarquable, et qui n'a encor iamais esté imprimée 
d'Andréas Alciatus^ contra vitam monasticam^ ad collegam 
olim suum, qui transierat ad Franciscanos^ Bernardum Mat- 
tium; tout est en latin et Tautheur, qui est Ant. Matthaeus (2), 
a fait des notes sur certains passages des lettres, qui ne 
valent pas grand chose (3) ; il a aussi fort mal fait, selon mon 
sens, de nous avoir donné beaucoup de ces lettres impar- 
faites, et seulement des extraits de celles des plus grands 
hommes ; avec tout cela, ce livre est fort excellent, et on ne 
s'en sçauroit passer, si ce n'estoit que pour la belle piese d'Al- 
ciatus ; ie vous l'aurois envoyé avec le premier si M*" Leers 
m'avoit averti plustost de l'occasion qu'il avoit de vous le 
faire tenir par le moyen de M. Anisson; ce sera pour un 
autrefois. 

Adieu, tout à vous. 

J. D. WiTT. 



(i) Sibrandus Siccama, auteur d'une dissertation De centumvirali Judi^ 
ciOj recueillie par Graevius dans le tome II de son Thésaurus Antiquitatum 
romanarum, 

(2) Ântonius Matthaeus , jurisconsulte, né à Utrecht le 18 décem- 
bre ]635, professeur extraordinaire dans sa ville natale en 1660, pro- 
fesseur ordinaire en 1662, professeur à Leyde en 1673, mort dans cette 
dernière ville le 25 août 1710. 

(3) L'ouvrage a eu cependant plusieurs éditions ; voici le titre de Tédi* 
tion de 1740 : « Andréas Alciati, jurisconsulti mediolanensis, tractatus 
contra vitam monasticam, cui accedit Sylloge Epistolarum, nimirum 
Ândr. Alciati, Pauli Merulae, Ger.-Io. Vossii, Obert. Giphanii, Bon. Vul- 
canii, lo.-Is. Pontani, Joann. Meursii, Hug. Grotîi, Lœvin. Torrentii, 
Jani Gruteri, Adolph. Vontii, M.-Z. Boxhornii, Joa.-Fr. Gronovii, Aub. 
Miraei, Tychon-Brahe, Pétri Scriverii, Andr. Schotti, Constant. Huy- 
gens, aliorumque virorum clarissimorum quae variam doctrinam conti- 
nent, necnon vetera aliquot testamenta seculo XIII et initio sequentis 
scripta, quae primus omnium in lucem protulit, adjectis passim notis, 
Antonius Matthaeus, juris in illustri Academia Lugd. Bat. antecessor. 
Hagse Comitum, apud Gerardum Bloch, MDCCKL. » 



Digitized by 



Google 



90 LETTRES A L ABBÉ NICAISE. 

XVIII 

A Dordrecht, le 8 mey 1698, 

Depuis que i'ay reçeu vostre dernière lettre du 20 mars, 
mon très cher Monsieur , i'ay tout aussy tost escrit a 
M*" Leers, le recommandant très sérieusement ce que vous 
desiriez de luy ; et, peu de temps après, i'ay aussy eu occa- 
sion de luy en parler; il m'a répondu qu'il avoit desia en- 
voyé a Paris à M' Anisson la feuille qui manque a vostre 
Junius et le portrait de cet auteur, tout comme vous l'avez 
souhaité ; y adjoustant qu'il luy est impossible de vous en- 
voyer encor de nouveau cette feuille, parce que cela rendroit 
ces autres exemplaires défectueux ; ie ne vous sçaurois dire 
au iuste a qui est la faute ; vous vous en informerez auprès 
M' Anisson , s'il vous plaist, et en cas que vous n'ayez pas 
encor reçeu ce qui vous manque de ce livre, vous me ferez 
plaisir de m'en donner avis, ie tascheray de vous servir en 
cette affaire autant que ie pouray. 

Je vous suis beaucoup obligé de l'imprimé de la décou- 
verte de la ville ancienne, qu'on prétend avoir trouvé en 
Franche Comté ; ie l'ay lu avec bien du plaisir et attend la 
réponse a cet ouvrage , dont vous me promettez beaucoup, 
avec impatience ; s'il est trop grand pour me l'envoyer par 
la poste, vous trouverez des autres moyens seurs, ou par 
Genève, ou par Paris ; c'est dommage que nous sommes si 
éloignés les uns des autres, et qu'il y a tant des diflScultez 
de se communiquer les ouvrages d'esprit et de sçavoir, qui 
se font ; il faut avoir patience, cher amy , et en attendant 
chercher quelque voye, un peu plus courte et plus assurée, 
que celle que nous avons par le moyen de M' Leers et de 
M"" Anisson. 

Je me souviens que vous m'avez autrefois averti de vous 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE JEAN DE WITT. 91 

envoyer des pacquets par la route de Genève ; si vous y 
estez bien trouvé, on s'en pouroit servir; i' attend vostre 
response la dessus et a qui les adresser; qu'el dommage 
que les couriers sont présentement plus chers que du temps 
de feu M*" de Peiresc ! Alors, pour un gros livre in folio, on 
ne paiait pas davantage a la poste que présentement pour 
une seule lettre ; c'est un grand obstacle a l'avancement de 
belles lettres, que l'avarice de princes a introduit ; il y a a 
craindre que cela ne s'augmente de temps en temps. 

M. Gronovius nous vient de donner le Manethon de sa 
façon (i); ie ne l'ay pas encore vu ; on dit qu'il la dédié entre 
autres à M' Magliabecchi, dont le nom est fort connu parmy 
les sçavans. 

Un certain jeune homme, nommé M. Burmannus (2), qui 
est fait depuis peu professeur extraordinaire à Utrecht, a fait 
imprimer les fables de Phaedrus, avec les notes de feu 
M' Gudius, dont on fait grand cas ; on prétend même qu'il 
y a quelques fables qui, iusques a présent, n'ont pas encore 
parues ; ie n'ay vu ny l'un ny l'autre de ces deux livres ; 
c'est aussy la raison pourquoy ie ne vous en peu pas dire 
davantage ; nous en parlerons plus amplement un autrefois. 

Nostre bon amy M. Grevius travaille actuellement a la vie 
du Roy d'Angleterre d'à présent, dont il est l'historiographe; 
on luy donne pour cela une pension de mille florins de 
nostre monnoye par an ; il a desia achevé l'enfance de ce 
prince, mais il n'y en a encore rien imprimé; ie crains fort 
qu'il ne réussira pas si bien en cela qu'en son Ciceron ; pour 
estre un bon historien, il faut quelque chose d'avantage 
qu'une belle latinité ; en quoy vous m'avouerez qu'il est excel- 



(i) Manethonis Apotelesmaticorum libri VI.., Leyde, 1698, in-40. 
(2) Pierre Burmann, Taîné, philologue, ne' à Utrecht le 6 juillet 1668, 
roort le 3i mars 1741, publia à Amsterdam, en 1698, XtsPhœdri Fahulœ. 



Digitized by 



Google 



9^ LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

lent et peut estrc le premier homme qu'il y ait a présent (i). 

Cornélius a Walcheren (2), un estudiant en théologie a 
Utrecht, a fait une dissertation sous le titre de Sirenibus 
apud jo et vulgatam editionem in sacris litieris memoratis; 
cette piese a l'approbation de beaucoup de sçavans ; ie Tay 
conférée avec vostre beau discours de Sirènes, qui est rem- 
pli d'une literature la plus exquise et recherchée, et i'ay 
remarqué que cet auteur a bien voulu prendre la peine de 
copier et traduire mot pour mot vostre excellent discours sur 
ce suiet, et que par conséquent toutes les louanges qu'on luy 
donne vous appartiennent originairement ; ie ne manqueray 
pas d'en avertir mes amis ; c'est une supercherie bien gros- 
sière ; on feroit trop d'honneur à ces sortes de personnes de 
les insérer dans le catalogue des plagiaires ; si tost que ie 
verray cet auteur, qui est de ma connaissance, et qui m'a fait 
présent d'un exemplaire, ie luy en feray la guerre ; cela luy 
sera sans doute une grande mortification ; et puisque nous 
sommes sur le chapitre de vostre discours de Sirènes, vous 
voulez bien, mon cher Monsieur, que ie vous témoigne icy 
les obligations que ie vous ay de l'honorable mention qu'il 
vous a plu de faire la dedans de mon cabinet et de ma per- 
sonne ; i'espère bien de vous en marquer un jour ma recon- 
naissance ; vostre bonté et tendre amitié pour ma personne 
vous font avoir des égards plus favorables pour moy que ie 
ne mérite. 

Les lettres que vous m'avez voulu adresser ont esté tout 
aussy tost rendues a vos amis. 



(i) A la mort de Graevius, le 11 janvier 1703, la vie de Guillaume III 
n'était rédigée que jusqu'à Tannée 1672, époque où Guillaume fut élu 
stathouder de Hollande ; elle ne fut pas publiée. 

(2) Le seul renseignement que nous ayons sur ce Cornélius a Walche- 
ren, c'est qu'il fut reçu docteur en théologie à Utrecht le 29 mai 1700, 
après avoir soutenu une thèse De superstitione (Note de M. Vanden Es). 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE JEAN DE WITT. Ç)3 

Je ne sçais pas si on vous aura mandé qu'un certain 
Thomas Crenius a fait imprimer un livre intitulé : Animad^ 
versiones philologicœ et historicœ^ novas librorum editiones^ 
prœfationes^ indices^ nonnullasque summorum aliquot virO' 
rum labeculas notât as excut tentes, cum quibtisdam doctorum 
virorum epistolis^ antea nunquam editis; il y a la dedans 
qu'elques bonnes remarques ; vous sçaurez pourtant que le 
titre promet d'avantage que ce livre contient; l'auteur est 
un Allemand, il a suivi a Tesgard du titre la mode de son 
pais (i). 

Il faut qu'il y ait des belles choses dans le cabinet de 
M. Begon ; mais les titres sont trop généraux pour eh pou- 
voir bien iuger; ie ne doute pas qu'il n'y ait des très excel- 
lens Mss. entre les 62 volumes; ie souhaiterois qu'ils fussent 
spécifiés; c'est alors qu'on peut tirer une grande utilité de 
ces sortes d'inventaires; ie suis pourtant bien aise que vous 
me l'ayez voulu communiquer et ie vous en suis fort obligé; 
a iuger par le grand nombre de médailles, cet Intendant en 
doit avoir un très beau cabinet ; mais tout cela ne peut rem- 
plir que nostre imagination, et point du tout augmenter 
nostre connaissance en ces sortes d'antiquitez ; i'espère que 
le possesseur de ce riche thresor nous donnera un jour son 
cabinet par le menu, comme d'autres grands hommes, a sça- 
voir Settala (2), Wormius (3), etc., ont fait. 



(i) Thomas-Théodore Crussius, connu sous le nom de Thomas Cre- 
nius, né dans la Marche de Brandebourg en 1648, mort à Leyde le 
29 mars 1728. Les Animadversiones^ dont Jean de Witt annonce la pu- 
blication à Nicaise, parurent de 1695 à 1723 et forment dix-huit volumes 
in-8». 

(2) Manfredo Settala (Septalius), né à Milan le 8 mars 1600, mort dans 
la même ville le 16 février 1680. On a plusieurs descriptions du musée 
qu'il forma, Musœum Septalianum^ 1664, 1666, 1677. 

(3) OlaUs Worm, WormiuSy né à Aarhuus (Danemark) le 1 3 mai 1 588, 
mort à Copenhague le 7 septembre 1654. Le catalogue de son musée fut 
publié après sa mort par son fils Guillaume Worm sous ce titre : A/w- 
sœum Wormianuniy Leyde, 1 655, in-folio. 



Digitized by 



Qoo^ç: 



94 LETTRES A L ABBÉ NICAISE. 

J'admire la prodigieuse quantité de médailles que vous 
me dites que M*" Foucault possède ; pourvu que la bonté re- 
pond au nombre, ce cabinet doit estre un des meilleurs que 
ie connaisse. 

Si tost que ie viendray à La Haye, ie feray part, selon 
vostre recommandation a M' Cuper des imprimez que vous 
avez eu la bonté de m'envoyer dans vostre dernière lettre ; 
et ie vous informeray après de son sentiment la dessus. 

Je ne vous sçaurois dire iustement en quel estât est l'édi- 
tion du Pollux de M' Kuhnius, ny même si M' Wetstein 
nous la donnera; y aiant très longtemps que ie n'ai pas esté 
à Amsterdam ou ce libraire demeure; les très grandes 
affaires, que ma charge me donne, m'empeschant de quitter 
presque iamais cette ville; ie feray pourtant en sorte que 
vous serez eclairci sur cet article par ma lettre suivante. 

Le Père Boniour est-il si habile qu'il entend les antiquitez 
égyptiennes? il est donc l'unique en cette science; ie ne me 
souviens pas d'avoir iamais entendu parler de luy; est-il 
françois de nation, Monsieur? ie souhaite de voir sa disser- 
tation latine, dont vous me parlez, auprès M. Cuper. 

On me mande de Paris que M' Vaillant est encore en vie 
et qu*il se porte bien. 

Adieu, mon très cher Mons% je vous salue de tout mon 
cœur (i). 

(i) Nicaise, dans son autobiographie, raconte que, « pour répondre à 
une invitation de M. de Witt, » il projeta un voyage en Hollande. I>e là, 
il serait allé « visiter Londres, Cambridge, Oxford, y pratiquer des savants, 
et y avoir des avantures aussi avantageuses peut estre que celles qu'il 
avait eues à Rome ». Malheureusement, le plaisir qu'il se faisait de ce 
voyage ne dura guère. Pendant que son tailleur lui confectionnait o un 
habit à la cavalière, conforme à Tusage du pays, dans lequel on ne voit 
ni soutanes, ni soutanelles, et où l'habit ecclésiastique a méchante figure », 
la guerre éclata 1 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE GALLAND. 9 5 

§ 5. 

LETTRE DE GALLAND 

Antoine Gaihnd, Fauteur bien connu de la traduction des Mille et une Nuits, ni â Rollot^prls 
de Mottdidier (Picardie) en 1646, mort à Pari» le i g février zji5. Au moment où il écrivit la 
lettre suivante^ il était secrétaire de Nicolas' Joseph de Foucault ^ qui fut , depuis 1 68 Q jusqu'à /706, 
Intendant de la Généralité de Caen, 

XIX 

De Caen, 
A Monsieur 

Monsieur Vabbé Nicaise, ancien chanoine 

de la Sainte Chapelle de Dijon^ 

A Dijon. 

A Caen, le 21 de nov. 1699. 
Monsieur, 

Je ne puis pas croire que vous soiez bien persuadé, 
comme vous me le marquez, que je vous aie oublié, non- 
obstant le long temps qu'il y a que je n'ai eu Thonneur de 
vous escrire. Certaines conjonctures, comme il est arrivé en 
cette occasion, peuvent bien m'empecher de m'acquiter de 
ce devoir; mais rien n'est capable d'effacer de mon souvenir 
une personne comme vous , que tant d'obligations en plu- 
sieurs manières m'obligent d'y conserver pretieusement. 

Vous avez eu connoissance de mon voiage à Paris. J'y 
ai fait un séjour de trois mois dans des occupations conti- 
nuelles, tant pour faire de nouvelles acquisitions de mé- 
dailles que pour d'autres commissions dont j'estois chargé ; 
de sorte que tout mon temps fut emploie d'une manière à 
ne pouvoir en rien dérober pour entretenir nostre ancien 
commerce de lettres, quoique je fusse plus près de vous de 
la moitié du chemin. Tout ce que je pus faire fut de deman- 
der souvent de vos nouvelles à M. Pinsson (i), lorsque nous 

(1) Sur ce Pinsson, ami de Nicaise, voir plus haut, p. 56. 



Digitized by 



Google 



96 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

nous rencontrions. Je n'ai pas esté, moins occupé depuis 
plus de deux mois que je suis de retour, et je retourne à 
Paris après demain avec M. Foucault, qui va y passer quel- 
ques mois. Sa présence fera que j'aurai plus de loisir et que 
je pourrai Temploier quelque fois a recompenser le long 
silence dont vous vous plaignez. 

M. Foucault (i) vous est très obligé des nouvelles litté- 
raires que vous lui avez envolées et je vous en remercie de 
ma part, d'autant plus particulièrement qu'il y a longtemps 
que je n'ai rien appris sur cette matière par l'absence de 
M. Pinsson , le seul qui m'en apprend quelque chose lors- 
qu'il est a Paris, ou je pourrai bien me retrouver avant lui. 

Je ne suis pas moins satisfait que vous de la sincérité de 
M. Cuper, touchant l'Auletes de M. Baudelot (2). La vérité 
doit l'emporter pardessus tout autre interest. M. Baudelot 
est le meilleur homme du monde. Il a plusieurs belles con- 
noissances, il aime les livres, les antiquitez et les médailles. 



(i) Nicolas-Joseph Foucault, né à Paris le 8 janvier 1643, mort dans la 
même ville le 17 février 1721, était tout à la fois homme politique, 
archéologue et bibliophile. Sur T Intendant, voir la notice de M. Desde- 
vises du Dezert dans les Mémoires de l'Académie de Caen^ 1875, p. 382 et 
suiv. L'Archéologue s'est signalé par la découverte à Vieux (Calvados; 
des ruines de l'ancienne cité des Viducasses. Enfin sa bibliothèque et son 
médaillier étaient justement renommés. Le manuscrit de « La cronique 
d'Elaine, lequel a esté orthographié par le commandement et requeste 
de tresnoble et puissans Loyse, dame de Crequi, Canapples et de pluis- 
seurs aultres terres et seigneuries, par Alexandry, manu propria », ma- 
nuscrit que possède la Bibliothèque de Lyon (Delandine 685, actuelle- 
ment 582) portait naguère « le cartouche de Foucault». Ce cartouche a 
malheureusement disparu, probablement à Tépoque où la vieille reliure 
en bois a été remplacée par une « belle et solide demi-reliure». 

(2) Charles-César Baudelot de Dairval, numismate, né à Paris le 20 no- 
vembre 1648, membre de l'Académie des inscriptions en 1705, mort dans 
la même ville le 27 juin 1722. Nous lui sommes redevables des fameux 
marbres de Nointel, qu'il avait acquis des héritiers de Melchisedech 
Thévenot et qu'il légua à l'Académie. Voir Frœhner, Les inscriptions 
grecques du Louvre^ i865, p. VII et suiv. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE GALLAND. 97 

Mais il a le défaut de ne pouvoir revenir de ses préventions, 
dont il est d'autant plus difficile de le guérir, qu'il s'y est 
engagé depuis longtemps, en se faisant un point d'honneur 
de penser d'une manière différente de celle des autres. Je l'ai 
vu quelquefois a Paris. La mort de Mad® sa mère ne lui a 
guerres procuré plus de repos qu'il en avoit auparavant ; au 
contraire, il paroit que ses affaires vont plus mal.J'estois 
encore a Paris, lorsqu'il perdit un procez, qui n'estoit pas de 
peu de conséquence (i). 

L'augmentation de médailles pour nostre cabinet, que j'ai 
apportées de Paris, est de cinq à six cent , en or, en argent 
et en bronze, de toutes les grandeurs, et il y en a de très 
rares. M. Foucault en a aussi apporté quelques unes de son 
voiage en Poitou, parmi lesquelles il y en a une de Germa- 
nicus qui n'a pas encore esté veue. Elle représente d'un costé 
la teste de ce Prince, avec cette inscription : GERMANCVS 
(pour GERMANICVS) TL AVGVSTI F. AVG. N. Au re- 
vers, Germanicus paroit assis, tenant une patere de la main 
droite, la gauche appuiée au costé, avec cette autre inscrip- 
tion : CONSENSV SENAT. ET EQ. ORDIN. P. Q. R. 
Elle m'a fourni le sujet de quatre ou cinq lettres que j'ai 
écrites a un savant P. Jésuite de Rouen , a qui j'en avois 
donné avis, lequel pretendoit par l'inscription et par le type 
de la médaille, que Germanicus avoit esté mis au rang des 
Dieux. Mais, pour lui prouver le contraire, je me suis servi 
de l'Arrest du Sénat, donné touchant les honneurs qui lui 
furent rendus après sa mort, et rapporté par Tacite (2), ou il 
n'est fait aucune mention de consécration. Mais il a de la 
peine a se rendre a mes raisons touchant le temps que la 
médaille a esté frapée, prétendant que ce fut sous Caligula 



(i) Voir le Bulletin du Comité des travaux historiques^ 1882, p. 240. 
(2) Annales, II, 83. 

Acadimit dt Lyon, clastt dtt Uttm. 7 



Digitized by 



Google 



98 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

fils de Germanicus. Mon sentiment est que ce fut sous 
Tibère, dans le temps que tous les honneurs portez par 
TArrest du Sénat lui furent rendus, et il me semble plus 
soutenable que le sien. 

Je crois vous avoir parlé de la teste d'Hippocrate trouvée 
dans nostre cabinet sur une médaille de Tlsle de Cos. 
Comme la médaille est fort petite, M. Foucault Ta fait dessi- 
gner d'une grandeur raisonnable, et J'ai fait, pour les mettre 
au dessous, ces quatre vers, que je soumets a vostre censure : 

Hippocratis vultum , quam cernis reddit imago ; 

Diyina in scriptis mens manifesta patet. 
At scripta et vultum in corpus si junxeris unum, 

Hippocrates, dicas, en mihi vivus adest. 

Je suis toujours avec un très grand respect. 

Monsieur, 

Vostre très humble et très 

obéissant serviteur, 

Galland. 

J'aurai l'honneur de vous escrire a nostre arrivée a Paris 
pour vous en mander la nouvelle et nostre addresse (i). 

(i) Dans une des lettres de Galland à Nicaise, que possède la Bibliothè- 
que nationale, on trouve plusieurs a Epitaphes latins et français à la mé- 
moire de M. de Segrais » (Manuscrits français, n« 9362, f» 96). On pardon- 
nera à un éditeur normand, qui passe ses vacances près de Saint-André-de- 
Fontenay, de détacher du recueil Tépitaphe que Galland composa : 
« lo. Reginaldi SEGRAESI Epitaphium. 
a Me Cadomum genuit, morientem vidit et ipsum, 
« Ossaque sunt parvo condita Fontenato. 
« Quis qualisve fui si quaeris, amice viator, 

Pro desiderio sint tibi pauca satis. 

« Roma ut Virgilium, Segraesum Gallia dicit, 

« Galiis qui cecini pascua, rura, duces. 

« Memoriœ eius devotissimus ac mœrens 

« A. Gallandius posui, » 

Foucault avait pourtant dit: « Caveant amici ne malis carminibus 

oneretur tumulus Segraesi ! » 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE SAUMAISE. 99 

§6. 
LETTRE DE SAUMAISE, FILS DE CLAUDE 

XX 

A Monsieur 
Monsieur l'abbé Nicaise^ chanoine 
de la S'* Chapelle de Dijon^ 
A Paris. 

Ce 18 décembre 1688 (i). 

Il n'y a pas trop longtemps, Monsieur, que Tay receii vostre 
lettre du 7 du mois passé, et ie croiois que ie ne vous y 
pourrois repondre par la nouvelle déclaration de guerre (2), 
dans laquelle il paroissoit que le commerce de lettres fust 
aussi compris. Mais, puisque i'apprens qu'on peut s'esc'rire, 
i'ay trop d'ïnterest a recevoir quelquesfois <de vos nouvelles, 
pour ne pas repondre le plustost que ie puis, a vostre obli- 
geante lettre. 

Le Livre de Homonymis n'attendoit que la belle préface de 
M. Lantin pour paroistre (3) ; ainsi, l'ayant receue, vous ver- 
res ce traicté au premier iour, car ie ferai ce que ie pourrai 
pour que vous en ayïés un exemplaire, et, si ie ne le puis, ce 
ne sera pas ma faute, soies en, ie vous prie, persuadé ; ainsi, 
pour le plus seûr, ie vous conseille en ami, d'en arrher un 



(i) Cette lettre n^est pas signée; mais l'attribution, faite par le Président 
Bouhier à Tun des iils de Saumaise, n'est pas contestable. L'opinion 
exprimée dans notre premier Rapport sur les Manuscrits Bouhier^ 1880, 
p. 44, note I, se trouve ainsi confirmée : la lettre du i5 mars i685 est 
bien du fils de Saumaise. 

(2) La déclaration de guerre par Louis XIV aux Provinces-Unies est 
du 26 novembre 1688. 

(3) Le traité De Homonymis hyles iatricœ, de manna et saccharo^ par 
Claude de Saumaise, parut à Utrecht en 1689, in-folio. 



Digitized by 



Google 



lOO LETTRES A L ABBE NICAISE. 

de M*" Lantin, a qui i'en doibs huict exemplaires. Cela n*em- 
peschera pas que ie ne vous en fasse tenir un d'icy si far 
si puo. 

Je suis bien aise que ce Conseiller travaille à revoir la vie 
de feu mon Père (i); ie lui envoiai dernièrement encore quel- 
ques extraicts de lettres qui luy pourront servir, et en ay 
encore d'autres que ie lui àddresserai au premier iour. 

Il est vray qu'il doibt m'envoier mon Pollux, le seul livre 
qui m'est resté de ma Bibliothèque, grâces à vostre bon ami 
M' de H. (2), qui entre nous se seroit fort bien passé de la 
faire vendre comme il fist, et si i'avois quelque chose a re- 
gretter de ce naufrage universel, ce seroit assurément celle 
la seule. Mais comme i'avois appris à la posséder comme ne 
la possédant point, i'en ay faict, comme de tout le reste, un 
sacrifice entier, et sans peine. 

Si vous pouvés avoir les notes de H. de Valois, elles n'ai- 
deront pas peu a l'Edition de ce vocabulaire. 

La Milice Romaine s'est promenée par bien des villes de 
ce pais sans pouvoir trouver d'imprimeur; ie ne scay si elle 
sera plus heureuse dans la suicte ; i'y ferai du moins ce que 
ie pourrai, et il y a trop de raisons qui m'y obligent. 

Je doibs un fort grand compliment à l'illustre M. Ménage, 
pour avoir si bien deffendu la mémoire de feu mon Père son 
bon ami, contre l'iniuste attaque du sieur Baillet ; chargés 
vous en, ie vous prie, lors que vous le verres. 

Obligés moi aussi, quand vous verres M. de C. mon bon 
parent, de lui reprocher de ma part son silence et sa grande 
peur; car ie suis las de les lui reprocher moi mesme si inuti- 
lement, puisqu'il ne veut ne n'ose me repondre. 

J'aurois présentement bien de bonnes nouvelles a vous 

(i) Voir plus loin les lettres de Grasvius à Nicaise. 
(2) Bouhier a complété cette initiale en écrivant dans l'interligne : 
Harlay. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DU PERE BONJOUR. 10 1 

mander; mais, outre que vous les scavés peut estre aussi 
bien que nous, il est bon d'estre sobre sur ces matières, dans 
un temps aussi gaillard que celui cy. 

Adieu, mon cher Monsieur, en attendant un meilleur, 
croies moi tousiours tout à vous, et vostre très humble et 
très obéissant serviteur. 

Si vous voies M' de M., faictes souvenir ce bon prélat qu'il 
a icy des 'parents et parentes, qui sont entièrement à lui. 



S7- 
LETTRE DU PÈRE BONJOUR 

Guillawm Bonjour, religitux de t Ordre des Augustin» ^ ni à Toulouse en 1670^ mort en Chine 
en férrier 17 14. 

XXI 

A Monsieur 
Monsieur l'Abbé de Nicaise^ 
docteur en Sorbonne^ 

à Dijon. 

Rome, le 21 juillet 1699. 
Monsieur, 

J'ay receu les deux lettres, que vous m'aves fait Thonneur 
de m'ecrire, et dont Tune m'a été rendue par son Eminence 
Monseigneur le cardinal de Noris, qui a toujours beaucoup 
d'estime de votre mérite; et Tautre êtoit addressée au com- 
pagnon de Msr. Prinsté. Vous me marques dans cellecy que 
vous y aves inséré un billet pour Monsieur Deseine (i) : mais 

(i) François-Jacques Deseine, né à Paris, mort à Rome en 171 5, était 
libraire dans cette dernière ville. Il a publié, en 1699, un Nouveau 
voyage d* Italie, 2 vol. in- 12. 



Digitized by 



Google 



102 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

je n'y en ay trouvé aucun; et j'ay appris qu'il avoit receu a 
même temps une de vos letres. 

Je vous remercie de Thonneur que vous aves fait aux 
exemplaires de mes Monumenta coptica (i),les ayant distribué 
a des personnes d'un mérite aussi distingué que le sont ceux 
que vous me marqués. J'aurois souhaité avoir augmenté cet 
essay de plusieurs autres observations. Mais vous scaves 
qu'on ne peut pas toujours faire ce que Ton veut. 

J'ay bien feuilleté les inscriptions que Monsieur TAbbé 
Fabretti amis au jour: mais je n'y ay pas trouvé celle qui 
concerne vôtre Minerve. Son dessein a esté d'imprimer les 
inscriptions que Monsieur son père avoit dans son cabinet. 
Et s'il y en a mis quelqu'autre, cella n'a esté que par raport a 
celles qu'il avoit. Je n'entre pas plus avant dans son dessein 
pour ne pas marquer la place qu'il auroit peu donner a cette 
inscription, puisqu'il est vray qu'il n'a pas oublié Minerve. 
Au reste son Index est fort sec, et n'ayde guère a trouver 
les matières qui sont naturelement derengées dans un livre 
d'inscriptions. Son aage fort avancé l'a sans doute empêché 
de prendre un plus grand soin a le faire. 

Je me rejouis que Msr. Prinsté aye esté continué procu- 
reur gênerai de son ordre. C'estoit le souhait de tous ceux 
qui avoint le bien de le connoitre dans ce pais, très persua- 
dés de son mérite pour un tel employ. J'ose bien prendre la 
liberté de vous prier, Monsieur, de le saluer de ma part, et 
de luy témoigner la joye que j'en ay. 

Je suis avec respect, Monsieur, 

Votre très humble et ob. ser., 

Fr. Guillaume Bonjour, R. Aug. J. 

(i) Exercitatio in monumenta coptica seu œgyptiaca Bibliothecœ vati^ 
canœ; Rome, 1699, in-40. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPANHEIM. " lo3 

S 8. 
LETTRES DE SPANHEIM 

Ejéchùl Spanheim, ni à Genève te 7 décembre 162 g ^ mort à Londres le 7 novembre 17 lO, 
remplit quatre fois les fonctions d^envoyi extraordinaire en France : en 1666^ en j668, de 1680 
i 168g et de i6g8 à 1701. 

La Société de l'Histoire de France vient de publier, sous le titre de Relation de la Cour de France 
en 1690, un mémoire dans lequel ce savant homme d'État a consigné les observations qu'il fit dans 
notre pays; Paris, 1882, in-8* de LVH'462 pages. L'introduction, par M. Schefer, résume, d'une 
façon tris intéressante, la vie de tauteur. 

Plusieurs autres lettres de Spanheim à Nicaise se trouvent dans la collection déposée par Prunelle à 
la Bibliothèque nationale. Voir, dans le fonds français, le it* g35g,f^ 83 et suiv., g4 et suiv. 

XXII 

A Anvers, le 2 avril 1689. 

Je n*auroîs pas , Monsieur, différé jusques icy à vous 
témoigner, combien je suis sensible à Thonneur de vostre 
amitié, et toute la considération particulière, que j'en fais. 
Ce qui n'est arrivé, que de l'attente où jestois d'une semaine 
à l'autre, de continuer ma route d'icy en Hollande, et d'en 
tirer plus d'occasion de vous rendre mes devoirs, que de ce 
lieu-cy. Cependant j'y ai reçeu les marques obligeantes de 
vo^fre cher souvenir, et dont la continuation me sera toujours 
précieuse. Je n'ay pas laissé dans cette attente, d'envoyer vos 
lettres à M. Graevius peu après mon arrivée par deçà, et 
en suite de luy faire tenir le Pollux et l'Hesychius de feu 
M. Valois, par M. Menhier, qui avoit pris les devants. 
J'ay aussi eu icy réponse dud. sieur Graevius à mes lettres, 
et ainsi qui l'aura pu faire aux vostres et vous en rendre 
compte (i). Il me témoigne un empressement bien obligeant, 
et que je ne mérite pas, pour nostrt entreveu^. J'avois eu 
quelque sujet de craindre, qu'elle ne se feroit pas cy-tost, et 

(i) Voir, plus loin, une lettre de Grasvius à Nicaise, datée du i5 mars 
1689. 



Digitized by 



Google 



104 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE. 

que je pourroîs avoir des commissions pour la Cour de 
Bruxelles, qui m'en.auroient pu prolonger l'occasion. Mais 
comme mes souhaits et d'autres raisons me portoient à pré- 
férer le parti de continuer ma route pour me rendre auprès 
de mon Maistre, et me fixer à Berlin, je me vois en estât, 
Dieu mercy, de Texecuter, par les derniers ordres que j'en 
ay reçeu, et de partir dès demain de cette ville, pour prendre 
mon chemin par la Hollande. Je n'ay pas eu lieu icy d'y 
exercer beaucoup ma curiosité , ou de m'y prévaloir de la 
conversation de savans. Il n'y a que le Père Papebro- 
chius (i), que j'y ay veu, et salué même de la part de 
M. Graevius, qui m'en avoit prié. Il me parut homme d'esprit 
et de mérite, et qui travaille actuellement aux Acta sancto- 
rum du mois de juin, dont il me montra ce qu'il a de fait. 
Cependant il ne prétend pas en mettre rien sous la presse, 
d'un an ou deux. Je vis hier un petit Cabinet de médailles 
de feu Gevartius (2) qui a eu autrefois des démêlés avec 
Tristan (3), et a publié des Electa (4) et des Observations sur 
le poète Stace. Il avoit laissé un grand Commentaire sur le 
beau livre de l'Empereur M. Aurele, qui avoit esté envoyé 
autrefois à Blaeuî (5), pour l'imprimer, et qui doit avoir esté 
bruslé dans l'incendie qui arriva à la librairie dud. Blaeû. 
C'est au moins ce qu'en croit le petit fils dud. Gevartius. 



(i) Daniel Papebroch, Jésuite, Tun des rédacteurs des Acta Sanctorum 
dits des BollandisteSy né à Anvers le 17 mars 1628, mort le 28 juin 1714. 

(2) Jean-Gaspard Gevaerts, né à Anvers le 6 août iSgS, mort dans la 
même ville le 23 mars 1666. 

(3) Jean Tristan, sieur de Saint-Amand, numismate, né à Paris en 
1595, mort dans la même ville en i656. 

(4) Electorum libri III , in quitus pîurima veterum scriptorum îoca 
obscura et controversa explicantur, illustrantur et emendantur; Paris, 1619? 
in-4. 

(5) Le libraire dont Spanheim parle ici, et qu'il appelle successivement 
Blaeuî et Blaeùy est, sans doute, Tun des Blaeuw, typographes et éditeurs 
hollandais, fameux au XVÎU siècle. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPANHEIM. I05 

Pour le Cabinet de médailles, il n'a rien que de commun, et 
les fausses* mêlées avec les antiques. Mon passage par la 
Hollande me pourra fournir plus de matière de vous entre- 
tenir des nouvelles littéraires de ce pays là. Je prendrai occa- 
sion de voir M. de Witt en passant par Dordrecht, et en ce 
cas là, ce ne sera pas sans luy faire quelque petit reproche 
de son silence à Tégard de ses bons amis à Paris, et parmi 
lesquels, vous. Monsieur, et Mons. Renaudot (i) tiendrez 
lès premiers rangs. Je suis bien aise cependant d'aprendre, 
que vous ayièz en fin reçeu un dessein tel quel de sa médaille 
de Juppiter *IAAAH6HS ; et que yostrt Dissertation ne peut 
tarder de paroistre. Vous m'y avez d'ailleurs trop intéressé 
par l'honneur que vous m'y faites, pour n'y prendre plus de 
part qu'un autre. Je m'attens aussi que vo^/re Explication sur 
l'ancien Tombeau sera sous la presse, et dont le public vous 
aura de l'obligation. Je vois d'ailleurs par la yostvt que le 
livre du P. Hardouin contre M. Vaillant est publié. Je ne 
suis pas surpris d'aprendre que l'Auteur y garde son carac- 
tère. Pour l'endroit, que vous me touchez, où il parle de 
moy, comme je n'ay point mon livre de médailles avec moy, 
ni la mémoire assez fraiche de ce que j'en dis, sur le sujet 
de cette médaille de Tarse, avec l'inscr. de KOA. EAET0. 
et la reflection que j'en tire, au sujet de ce que dit S. Paul 
de soy, Act. 22.28, je ne vous en raisonnerai pas icy à 
fonds. Je puis seulement dire , que la qualité de libéra ne 
pouvoit pas emporter avec soy la qualité de Citoyen Romain, 
que S. Paul s'y donne, et comme estant né tel : non plus que 
la même prérogative de 'EXeuOépa donnée dans les médailles 
et autres anciens monumens, à tant d'autres villes de la 



(i) Eusèbe Renaudot, membre de TAcade'mie française et de TAcadé- 
mie des inscriptions, né à Paris le 20 juillet 1646, mort dans la même 
ville le 17 septembre 1720. 



Digitized by 



Google 



I06 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

Grèce ou de TAsie, ne tiroit pas après soy aucun privilège 
de Citoyen Romain pour ses habitans. Mais il faudrait que 
j'eusse mon livre en main et celuy du P. Hardouin, pour 
mieux juger de sa critique. M. Vaillant a un beau champ 
d'en faire une à son tour, sur le livre du P, Hardouin de 
Nummis Urbium illustratis. Je suis bien aise que le Pollux 
de feu M. de Saumaise est à Paris, et ainsi en lieu d'estre 
envoyé à M. Kuhnius. S'il entreprend le Pausanias, il ne 
pourra qu'y trouver un beau champ pour les curieux, et 
d'une grande étendue. Mons. l'Evesque de Soissons (i) 
m'avoit aussi parlé du grand ouvrage de son ami sur l'an- 
cienne Grèce. Le public luy sera fort obligé, s'il en procure 
l'édition. J'avois vcu la publication de l'Anti-Baillet dans 
le Journal de HoWande du mois de Janvier. Je ne doute pas 
qu'il n'y ait des choses curieuses pour l'histoire littéraire 
des savans. Mais je crains que l'Anti- Ménage ne luy fasse 
plus de déplaisir, que l'Anti-Baillet ne luy fera d'honneur. 
Je say bien que ce que vous touchés de son dernier compli- 
ment n'entrera pas dans celuy-là, et que cela ne parviendra 
pas jusques à M. Baillet, comme j'aurois bien du déplaisir 
que cela y eust aucune part. J'ay aussi là dessus toute la 
confiance deue et en vos/re considération pour une personne, 
qui en mérite d'ailleurs par son âge et par son mérite, 
et en vo^/re affection pour moy. Je vous en demande une 
nouvelle preuve en me conservant dans l'honneur du sou- 
venir, quand vous en trouverez l'occasion, de nos illus- 
tres et bons amis de Paris, comme Mons. l'Evesque de 
Soissons, Messieurs d'Herbelot, Abbé Renaudot, M*" et 
Mad. Dacier. Je vous demande aussi un compliment parti- 
culier pour Messieurs Ménage et Bigot, si ce dernier est 



(i) L'évêque de Soissons était alors Daniel Huet, dont le nom revient 
si souvent dans les lettres adressées à Nicaise. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPANHEIM. lOy 

encore à Paris , et sur toutes choses je vous prie de me 
croire avec une passion tres-sincère et très-juste, Monsieur, 
Vostre tres-humble et tres-obéissant serviteur. 

De Spanheim. 

Ma femme et nostr^ petite vous sont bien obligées de 
rhonneur de vostrt souvenir et vous en rendent mille remer- 
cimens. 

Je vous supplie encore, Monsieur, d'assurer Mons. du 
Court, que personne n'honore plus son mérite, et ne fait 
plus cas de son affection que moy. Quand vous écrirez à 
Mons. Toinard , vous aurez la bonté de luy témoigner s'il 
vous plaist, que pour n'avoir pu repondre à son obligeante 
lettre reçeuë sur mon départ de Paris, je n'en suis pas moins 
sensible à l'honneur de son souvenir, et moins prévenu de 
toute l'estime deue à son grand mérite. J'espère que mon 
passage par la Hollande me donnera plus d'occasion de le 
luy marquer moy-même. 

XXIII 

A Berlin, le 22 avril 1693. 

Vous avez. Monsieur, tous les sujets du monde d'estre 
surpris d'un silence aussi opiniâtre, que j'ay gardé depuis 
quelque temps. Je vous supplie cependant de croire, que je 
n'en ay rien diminué de la considération particulière pour 
yostrt mérite et pour l'honneur de vostre amitié. Mais, comme 
durant ces conjonctures de guerre, il se présente peu d'occa- 
sion d'écrire en vos quartiers, on est presque réduit malgré 
soy, à discontinuer des commerces, qui, d'ailleurs, ne sau- 
roient que m'estre également agréables et avantageux. Je 
croyois y satisfaire durant la promenade, que j'ay esté engagé 
de faire à Hannover, à ce carneval dernier, et où j'ay eu 



Digitized by 



Google 



I08 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

occasion de prattiquer M. Leîbnitz, autant que les devoirs 
que j'avois à rendre à cette Cour là et à y prendre part aux 
divertissemens de la saison, me Tont pu permettre. 

Cest un personnage de bon esprit et de beaucoup de pé- 
nétration, et qui excelle entr'autres, comme vous savez, dans 
les mathématiques. Nous avions eu déjà quelque commerce 
de lettres ensemble, et j'ay eu communication par son moyen 
de la lettre de M. Vaillant contre le P. Hardouin, et de la 
dernière lettre de celuy-cy. J'ay mandé librement mon advis 
sur Tune et sur Tautre, à M. Leibnitz, qui m'en avoit donné 
part dans cette veuC, et je suis persuadé, qu'il y a beaucoup 
de choses, où ils n'ont raison ni Tun ni l'autre. Mais, après 
tout, la manière d'écrire d'Eumenius Pacatus (i), qui est 
agréable à l'égard du stile et du tour, est accompagnée de 
tant de presomtion, que cela luy oste tout le mérite, qu'il 
pourroit prétendre, s'il s'y prenoit d'une autre manière. Ce 
qui m'a le plus surpris dans sa dernière lettre, c'est de voir 
de la manière dont il continue d'y parler de Josephe, comme 
d'un ouvrage de nul prix et supposé! Il est vray, sans doute, 
qu'il y a bien des beveufis de l'auteur, ou par partialité pour 
sa nation ou par négligence ; et, d'ailleurs, une infinité de 
fautes, qui s'y sont glissées par celle des copistes. Mais y 
a-t-il lieu pour cela de s'inscrire en faux contre tout l'ou- 
vrage ? de le faire sans en donner en même temps les preu- 
ves, qu'on croit d'en avoir ? de donner hardiment, et sans 
autorité, un démenti aux autheurs ecclésiastiques qui l'ont 
cité il y a plus de quatorze siècles, à ceux qui en ont fait 
l'ancienne version ; au jugement qu'en a rendu un grand cri- 
tique, tel que Photius; en un mot à tous les savans des siècles 
precedens et de celuy-cy. M. Toinard ne devroit-il pas en 
prendre occasion de publier d'autant plus tost son Harmonie 

(i) Pseudonyme du P. Hardouin. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPANHEIM. IO9 

et toutes ses belles remarques sur les Herodes; etc. ? J'ay 
encore esté surpris de voir l'indignité, avec laquelle M. le 
pvcsident Cousin est traitté dans les lettres d'Eumenius Pa- 
catus. Pour le P. Noris, je ne say si sa nouvelle dignité luy 
donnera tout le loisir requis, pour repondre à la manière 
outrageuse, dont on y parle de luy. C'est une pitié ou plutost 
un malheur pour les lettres, quand elles ne servent qu'à les 
voir traitter avec si peu de rapport à leur véritable but, qui 
est d'instruire et de reprendre, quand il en est besoin, sans 
fiel et sans aigreur. 

Mais pour ne m'étendre pas davantage sur ce sujet et pour 
vous dire quelque chose de mes occupations littéraires, je 
vous avouerai que je n'y puis pas donner tout le temps que 
je souhaitterois, et qu'il faut donner la plus grande partie 
aux devoirs de son employ. Mon Julien cependant continue 
à rouler âous la presse de Leipzig. Tous les ouvrages de cet 
Apostat sont achevés, et une partie des X livres de Cyrille 
contre luy, que j'y ajoute, et dont vous me donnâtes le pre- 
mier le conseil. Après quoy suivront les notes de l'édition 
de Paris du P. Petau sur Julien, et mes observations sur tout 
l'ouvrage, qui font tout ensemble un juste folio. Et comme la 
presse de Leipzig roule assez lentement, il y en aura encore 
pour le reste de l'année, si Dieu continue de me donner la 
vie et la santé. Cependant on imprime en Hollande mes 
Observations sur le poëte grec Callimaque. Ce n'est qu'à 
l'occasion de l'édition que le défunt fils de nostvt M. Grœvius 
en avoit entrepris, et sur les grandes instances que l'un et 
l'autre m'en firent, sur quelque échantillon qu'ils en, virent, 
sans que j'eusse jamais songé de rien publier sur cet auteur. 
Cependant la besogne a crû sous la main, sans y penser, et 
il se trouve qu'insensiblement j'ay trouvé plus de remarques 
à y faire, que je n'en avois mis en marge du Callimaqt/e de 
l'édition de Mad. Dacier, et que j'ay fait presque un assez 



Digitized by 



Google 



IIO LETTRES A L ABBE NICAISE. 

grand Commentaire, au lieu de mes Notes marginales, que 
je croyois seulement de donner et d'eclaircir. Il est vray que 
la matière de ces Hymnes, qui sont pleines d^esprit et de 
savoir, et qui embrassent une partie de la Mythologie an- 
cienne, et quantité de belles choses qui s*y trouvent peu 
connues ou éclaircies jusques icy, m'ont donné quelque plai- 
sir à les démêler, et à corriger et illustrer par mesme moyen, 
divers passages des auteurs anciens. Mais après tout je me 
suis repenti plus d'une fois d'y avoir mis autant de temps de 
mon loisir, que je pouvois occuper plus utilement. 

Vous voyez. Monsieur, la franchise avec laquelle je con- 
tinue d'en user avec vous. Je vous demande la continuation 
de \ostre précieuse amitié, et vous prie de croire que j'en ferai 
toujours une considération particulière, et que je suis avec 

vérité. 

Monsieur, 

Yostre tres-humble 

et tres-obéissant serviteur. 

De Spanheim. 

XXIV 

A Paris, le 3i mars 1698 (i). 
Monsieur, 

Il y a huict ou neuf jours que Mons. Anisson me rendit 
la lettre, que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et qui 
n'a pu que me trouver fort sensible à des marques aussi 
chères et aussi expresses de vo^/re souvenir et de wostre bien- 



(i) Les trois lettres qui suivent ont été écrites pendant la quatrième 
mission de Spanheim en France. Les traités de Ryswyck ayant rendu la 
paix à l'Europe, TÉlecteur de Brandebourg, futur roi de Prusse, chargea 
Spanheim de le représenter à Paris. L'audience que Louis XIV donna à 
l'Envoyé extraordinaire, pour recevoir ses lettres de créance, eut lieu le 
18 février 1698. Nos lettres du 3i mars, du 5 mai et du 5 juillet 1698 
suivirent donc d'assez près l'arrivée de Spanheim à Paris. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPANHEIM. ï I I 



veillance. Je devois mêmes les avoir prévenu, en vous rendant 
compte de nostre heureuse arrivée à Paris, après un long et 
pénible voyage. Mais les distractions inévitables, qui Tont 
suivi, et dont je ne suis pas encore débarrassé, ne m'en ont 
pas donné un moment de loisir. Ce qui m'a aussi empêché 
de m'aquitter encore d'aucun de mes devoirs envers des per- 
sonnes dont j'honore le savoir et le mérite, qui, dès mon 
arrivée par deçà, m'ont prévenu de marques oblijeantes de 
leur amitié. J'aurois eu une joye entière si je vous avois pu 
embrasser icy en y arrivant, comme j'eus l'avantage de faire 
à mon départ. C'est une consolation, à laquelle, d'ailleurs, 
tous vos amis par deçà ne pourroient que prendre beaucoup 
de part. Mais il faut que la considération de ménager vostre 
santé nous soit plus chère, et c'est avec bien du deplai%îr 
que j'ay leu ce que vous m'en dites dans vostre lettre. 

Je trouve, d'ailleurs, icy à redire entre nos habiles et 
savans amis, l'excellent Mons. d'Herbelot, mais qui après 
tout nous a laissé un bel ouvrage, qui le rendra immortel 
dans le souvenir des gens de lettres (i). 

J'apris aussi avec regret, que l'illustre Evesque d'Avran- 
che estoit dans son diocèse, contre la coutume qu'il avoit du 
temps passé de demeurer les hyvers à Paris, et Jusques après 
Pasques. Le Bibliothécaire de Mons. l'Abbé Bignon m'en 
rendit il y a deux jours une lettre fort oblijeante sur. mon 
.Julien. L'honneur de son approbation me tiendra toujours 
lieu d'une grande recompense de mon travail. 

Je né say si on vous a fait tenir de la part de Mons. Grae- 
vius un exemplaire du Callimaque, qu'il vous a destiné, 



(i) Barthélémy d'Herbelot, professeur de syriaque au Collège de France, 
né à Paris le 4 décembre 1625, mort dans la même ville le 8 décem- 
bre 1695. Son « bel ouvrage », ayant pour titre Bibliothèque orientale ou 
Dictionnaire universel contenant tout ce qui fait connaître les peuples de 
VOrient, fut publié par Antoine Galland à Paris, en 1697, in-f». 



Digitized by 



Google 



I I 2 LETTRES A L ABBE NICAISE. 

comme il a fait aussi au grand Evesque susdit. Je crains que 
vous ne trouviez Tun et l'autre, que j*ay eu bien du loisir de 
reste de m'amuser à écrire un assez gros volume d'observa- 
tions sur les Hymnes de ce Poëte. Je ne vous répéterai 
pas icy ce que je crois vous avoir déjà mandé, et que je 
le dis dans la préface, comme je m'y suis engagé insensi- 
blement. Si j*en croyois cependant les savans de Hollande, 
d'Angleterre et d'Alemagne, je n'y aurois pas tout à fait perdu 
ma peine. 

Si le train, où je me trouve depuis quelques mois, à se 
préparer à un grand voyage, à voyager, et à s'occuper icy à 
tout autre chose qu'aux livres et à l'étude, devoit durer long 
temps, il me faudroit renoncer à l'avenir au commerce avec 
les lettres, et à songer à achever le second tome sur mon Ju- 
lien et sur Cyrille, ou de donner une nouvelle édition et 
fort retouchée et augmentée de mon ouvrage sur les mé- 
dailles (i), outre d'autres desseins assez avancés, qui aparem- 
ment mourront avec moy. 

Pour ce qui regarde le cardinal Noris, il me doit suflBre 
qu'il ait pris mon Julien et ma lettre en bonne part, et qui 
est un hommage ou même une reconnoissance que je devois 
et à son mérite, et à l'honneur qu'il m'avoit de m'écrire le 
premier necdum purpurales, et de m'envoyer ses Epoches 
Syro-Macedonum. 

Il n'y a presque de curieux de médailles par deçà, que 
Mons. Vaillant, que je n'ay point encore veu, et qui nous va 
bien tost donner son grand ouvrage des médailles grecques. 
Il faut croire que cela l'occupe entièrement, outre nostvt 
grand eloignement. 

(i) La troisième édition des Dissertationes de prœstantia et usu numis- 
tnatum antiquorum, composée de deux volumes in-f», parut seulement 
en 1706, à Londres, où Spanheim était alors, en qualité d'ambassadeur 
du roi de Prusse. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPANHEINi. Il3 

Je ne peux dailleurs m'empecher de vous dire que je suis 
tres-satisfait de la veuë et de Tentretien de Mons. Anisson (i), 
qui me paroist avoir beaucoup d'agrément, d'esprit et de 
manières avec beaucoup d'habileté et de discernement. 

Au reste, Monsieur, il faut encore vous dire deux mots de 
ces deux Messieurs, qui auront l'honneur de vous rendre la 
présente. Le plus jeune est Mons. le Baron Fleming, fils du 
Mareschal des armées de S. A. E. mon Maistre (2), et l'autre 
son Gouverneur. Après avoir esté plus d'une année à Paris, 
ils vont faire le tour de France, et commencer par vostre ville. 
Je vous aurai une obligation particulière, s'ils peuvent s'y 
prévaloir de vos adresses, et par la faveur de quelqu'un de 
vos amis, pour voir les curiosités de Dijon. 

Ma femme et ma fille, qui sont icy de retour avec moy, 
vous rendent mille grâces de l'honneur de \ostv^ souvenir. 

Je suis avec zèle et vérité. 

Monsieur, 

Vostre très humble 

et très obéissant serviteur, 

Spanheim. 

XXV 

A Paris, le 5 may 1698. 
Monsieur, 

Il y a quelque temps qu'estant allé chez Mons. Anisson, il 
me rendit la première lettre, dont il vous avoit plû de m'ho- 
norer, du i3 Fev. Je la reçeus avec toute la satisfaction, que 
je tirois de ces chères marques d'un souvenir aussi oblijeant 
que le vostre. Je ne tardai pas à vous en rendre compte, et 

(i) Jean Anisson, directeur de rimprimerie royale. 

(2) Le comte Hans-Heinrich de Flemming, né le 9 mai i632, mort le 
•28 février 1706, était alors feld-maréchal-général des troupes xie Frédé- 
ric III, électeur de Brandebourg, le futur premier roi de Prusse. 

Académie de Lyon, etasMe des Lettres, 8 



Digitized by 



Google 



114 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

VOUS écrire une assez longue lettre par Mons. le Baron 
Fleming, fils du Mareschal d'armée de son Alt. Elect'* mon 
Maistre, qui avec son Gouverneur prenoit la route de Lyon 
par vostvQ ville, et à qui je donnois lieu par même moyen, 
de se prévaloir de vos favorables adresses en leur passage par 
Dijon. J'ay reçeu depuis, et assez tard après leur date, la 
faveur des yostrts du 7 avril, qui ne m'en font aucune men- 
tion. Ce qui m'a donné un déplaisir sensible, dans l'incerti- 
tude si cette lettre vous aura esté rendue, comme je n'aurois 
pas eu lieu autrement d'en douter; et ainsi si vous aurez 
receu ou non les assurances de la considération particulière, 
que je fais de l'honneur de vostre souvenir et de vostTQ affec- 
tion. Comme j'y ay esté également sensible près et loin, je 
ne pouvois que me prévaloir a présent du voisinage, et 
après mêmes y avoir esté prévenu aussi oblijeament de vostrc 
part, pour vous les renouveller. Ainsi, Monsieur, si mon 
malheur a voulu que cette lettre ne vous ait point esté ren- 
due, et qu'au sortir de Paris ces Messieurs, qui en estoient 
chargés, ayent pris un autre route, dont je n'ay rien apris 
dupuis, je vous prie de ne l'imputer point à aucune négli- 
gence, que j'aye eue là dessus à \ostrc égard. Je ne meriterois 
pas toutes vos bontés pour moy, si j'en estois capable. J'y 
répondois d'ailleurs à ce que vous touchiez dans la vostre au 
sujet de nos bons et illustres amis de Paris ou de Rome, et 
pour mettre à leur teste, de Mons. TEvesque d'Avranche. 

Pour en venir à vostvQ dernière, elle me fut rendue à Ver- 
sailles par les soins de Mons. le Médecin Bourdelot (i), qui 
me fit l'honneur de m'y aborder une autre fois, et ainsi de 

(i) Voir plus haut, p. 37, note i. Ce docteur Bourdelot est le même 
que Tabbé Bourdelot, dont il est question p. 65. Il s'appelait en réalité 
Pierre Bonnet, était né à Paris en i638, et mourut à Versailles le 19 dé- 
cembre 1708. Son oncle, Pierre Michon, connu sous le nom d'abbé 
Bourdelotj^ui avait légué sa fortune, avec la condition qu'il porterait ce 
titre. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPANHEIM. . M 5 

me donner lieu de connoistre un aussi habile et honneste 
homme, et d'un nom connu de longue main. 

J'ay veu quelquefois Mons. Galand, et en compagnie de 
son Mecenas Mons. l'Intendant Foucaut, qui à ce que j'en 
ay pu comprendre a un cabinet de médailles admirable. 

Mons. Vaillant prit aussi la peine dernièrement de venir 
céans et de m'entretenir de son ouvrage qu'il a sous la presse, 
et doit paroistre en deux ou trois mois. Il ne sera point 
accompagné d'aucune graveure ou dessein de médailles, 
dailleurs ne pourra qu'estre d'un grand usage pour le pu- 
blic, et sur tout pour les curieux. Je ne luy envie pas d'en 
estre prévenu sur plusieurs matières, qui y regardent les 
inscriptions de ces médailles grecques, sur tout qui y mar- 
quent leurs prérogatives de Métropoles, Primœ, Autonomes, 
Libres, Neocores, etc., sur quoy j'ay plusieurs choses prestes 
de longues mains, et dont j'avois dessein de donner quelques 
Dissertations séparées, outre ce que j'en diroy dans la nou- 
velle édition et toute refondue et augmentée de mes Disser- 
tations de Usu et Prœst. etc. Peut estre aurai-je encore quel- 
que chose à glaner après luy. 

J'ay eu par d'autres, que par Mons. l'Abbé du Bos, sa dis- 
sertation des 4 Gordiens (i). 

L'Abbé Valemont, précepteur du fils du Marquis d'An- 
geau, et qui a déjà donné divers ouvrages au public (2), m'a 

(i) L'abbé Jean - Baptiste Dubos, né à Beauvais en décembre 1670 
mort à Paris le 23 mars 1742, avait publié en 1695 une Histoire de$ 
Quatre Gordiens prouvée et illustrée par les médailles^ Paris, in- 12. — 
La thèse de l'abbé Dubos , qu'il y a eu non pas seulement trois Gordiens, 
mais bien quatre, est généralement condamnée. Elle fut combattue dès le 
XVII« siècle par Galland, Lettre touchant V Histoire des quatre Gordiens^ 
Paris, 1696, et par Gisbert Cuper, Historia trium Gordianorum^ Daven- 
triœ, 1696. 

(2) Pierre le Lorrain, connu sous le nom d'abbé de Vallemont, né à 
Pont-Audemer le 10 septembre 1649, «^ort dans la même ville le 3o dé- 
cembre 1721. 



Digitized by 



Google 



Il6 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

leu ces jours passés une Dissertation qu'il a faite sur la mé- 
daille de Galliena Augusta^ pour prouver que ce n'est point 
par dérision d*un prince aussi efféminé que Gallien , ni 
comme a crû le P. Hardouin, pour Galliene Auguste^ mais à 
rhonneur d'une Galliena parente de Gallien, dont il est 
parlé par Trebellius PoUio (i). 

Du reste, je vous puis dire de bonne foy, que bien que je 
sois déjà icy depuis trois mois, à peine ay-je encore eu loisir 
de m'y reconnoistre et me débarrasser des occupations ou 
visites attachées à mon employ par deçà. En sorte que je 
n'ay pu encore trouver un loisir suffisant pour me rendre à 
la Bibliothèque du Roy, et y consulter quelques Mss. que j'ay 
envie d'y voir. Ce que je trouve a redire dailleurs, c'est de 
n'avoir pas trouvé icy nostrt illustre Evesque d'Avranche, et 
perdu l'espérance de l'y voir cet esté, comme on m'en avoit 
flatté. Je n'ay pu mêmes savoir encore, s'il y a quelque fon- 
dement ou non dans ce qu'on a débité, il n'y a gueres, dans 
une des gazettes d'Hollande, comme s'il y avoit eu quelque 
lettre de cacheyt, qui obligeoit ce grand homme de rester 
en Normandie. J'en ay eu une lettre latine fort oblijeante 
sur mon Julien. 

Je croy que voys aurez reçeu à la fin l'exemplaire que je 
vous en ay destiné, il y aura près de deux ans; comme 
. aussi le Callimaque, qui vous a esté envoyé par M. Grevius. 
Mes observations sur les Hymnes de ce poète ont eu généra- 
lement plus d'approbation que je ne pouvois attendre du peu 
de temps que j'ay mis à les écrire, et sans avoir jamais eu 
cy-devant aucun* dessein particulier d'en écrire et publier sur 
cet auteur. La matière m'est creuë sous la main, et par la 
singularité des choses que je trouvois à y remarquer, et à 
quoy les commentateurs precedens n'avoient pas songé. 

(i) (1 ... Per quandam mulierem, Gallienam nomine, consobrinam 
Gallieni... ». Trebelîii Poîlionis Tyranni Triginta, c. 29, § 3. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPÂNHEIM. II7 

J*ay eu des lettres de M. Grevius, qui me mande que le 
Phèdre de feu M. Gudius commence à paroistre. Il attend 
avec impatience la vie de feu Mons. de Saumaise, comme je 
fais de mon costé, et dans le dessein de le luy faire tenir, dès 
que je Tauroi entre les mains et parcourue. Feu Mons. de la 
Mare me la fit voir peu après mon arrivée à Paris en 1680, 
qu'il y fit un voyage, mais dans un temps où une fièvre, dont 
j'estois attaqué, ne me laissa pas lieu de la voir avec le soin 
requis. Il ne laissa pas de prendre en bonne part quelques 
remarques que j'y fis. 

Je vous avois mandé par ma précédente lettre, que je trou- 
vois Mons. Anisson d'un commerce agréable et d'un esprit 
supérieur à ceux de sa profession. 

Je répons à l'obligeante lettre de Mons. de la Mare, et suis 
avec vérité. 

Monsieur, 

Vostre très humble et 

très obéissant serviteur, 

Spanheim. 

XXVI 

A Paris, le 5 ]ui\\et 1698. 
Monsieur, 

J'ay veu par vos dernières du 26 juin, que vous m'avez fait 
l'honneur de m'écrire, ce que vous y touchez d'abord de la 
vie de M' de Saumaise. Sur quoy, je me vois obligé de vous 
dire que je ne l'ay point reçeu jusques icy ; bien que j'eusse 
envoyé il y a déjà quelques semaines chez le Maistre des 
Comptes , qui a ordre de M*" de la Mare de me la délivrer, 
suivant l'avis et l'adresse que j'en avois reçeu de sa part. Il 
se trouva alors en Normandie, d'où on l'attendoit de retour 
en peu de jours. J'y ai renvoyé depuis, mais sans qu'on 



Digitized by 



Google 



Il8 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

m'en ait rien rapporté. Ce qui me fait d'autant plus de peine 
que j'aurois eu de satisfaction à parcourir la vie de ce grand 
homme, et a ne différer pas celle que le public en doit 
recevoir. Je serai bien aise que M*" de la Mare en ait quelque 
advis par vostr^ moyen, afin qu'il ne m'en impute aucune 
négligence. 

Quant à Mons. vo^/re neveu, il est trop honneste et trop 
obligeant de vous avoir écrit comme il a fait sur mon sujet. 
Ce que je dois à tous les gens d'honneur et de mérite, ne le 
devrois-je pas au double à une personne qui vous appar- 
tient de si près I J'espère que vous en aurez eu de bonnes 
nouvelles depuis vostrc lettre. 

Je suis glorieux d'ailleurs que mon Julien ne vous ait pas 
déplu (i). L'édition typis Regiis en eut sans doute esté plus 
belle, et, si elle se devoit faire un jour, et durant que Dieu 
m'eust conservé en vie et avec de la santé , je ne pourrois 
encore que la rendre meilleure. Je ne perds pas de veUe d'en 
donner la suite et d'achever l'ouvrage. Mais il me faudra plus 
de loisir que je n'en ay trouvé jusques icy depuis mon 
arrivée à Paris, où je n'en ay eu aucun jusques icy à 
employer aux lettres ou à l'étude. A quoy se joint l'incom- 
modité de me voir obligé à rester dans un hostel garni jus- 
ques à la S* Remy, que je dois entrer dans une maison de 
louage, à la rue S' Dominique, vers belle chasse, fauxbourg 
S* Germain. La rareté et la chairté des maisons à louer dans 
ce fauxbourg est montée à un point qui ne se peut dire, et n'a 
pas permis que j'aye pu en trouver plutost à me loger. Je 
m'estois flatté depuis peu d'en avoir une plus spacieuse et 
pour ce terme de la S* Jean, mais qui m'est échappée par le 
différent survenu entre le propriétaire et le locataire, qui 
m'en vouloit transporter son bail. Tout cela fait que je ne 

(i) Juliani Imperatoris Opéra cum variorum notiSy recensenteE, Spanhe- 
mio, qui observationes adjecit; Leipzig, 1696, in f». 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE SPANHEIM. 1 19 

pourrai rien faire qu'à bastons rompus, et sans pouvoir met- 
tre ordre à mes papiers, jusques à ce que j'aye une maison 
à moy. 

Je crois que vous aurez reçeu le Callimaque, que M. Grœ- 
vius vous a envoyé (i). Comme je ne suis pas l'auteur de 
cette édition et que je n'en suis que l'accessoire, le libraire ne 
m'en a pas donné des exemplaires pour en faire des presens 
à mes amis, et j'ay sçeu que M. Grevius vous en avoit des- 
tiné un, et qu'il estoit même à Paris, il y a déjà quelque 
temps. La part que j'ay à cet ouvrage a eu plus d'approba- 
tion que je ne m'y estois attendu. M. et Mad. Dacier, bien 
que je n'y sois pas toujours de l'avis de celle-cy, en parois- 
sent fort contens, et m'ont dit que je ne Tavois jamais repris 
ou suivi d'autre sens qu'avec raison. 

Mes deux Exercitations sur la loy d'Ulpien XVII D. de 
statu hominum, touchant la constitution célèbre de l'Empe- 
reur Antonin, qua cives omnes in orbe Romano sunt effectif 
est déjà imprimée et paroistra à la teste du IX tome 
Antiquitatum Romanarum^ qui s'impriment par les soins de 
M. Grevius (2). Le VII et VIII viennent d'estre publiés, mais 
que je n'ay pas encore reçeus, non plus que les 2 tomes 
Antiq. Graecarum de M*" Gronovius. Il faut espérer qu'il y 
aura esté plus exact que dans le premier, où il a fait beau- 
coup de beveiies et qui n'a pas répondu à l'attente qu'on 
en avoit. 

(i) Cette édition de Callimaque, qui parut à Utrecht en 1697, enrichie 
des observations de Spanheim, avait été préparée par Théodore Grœvius, 
digne fils de Tillustre savant dont on trouvera plus loin plusieurs lettres. 
Théodore Graevius étant mort, à vingt-deux ans, en 1692, le père acheva 
Toeuvrc et la publia sous le nom de son fils : Callimachi Hymni, Epi- 
grammata et Fragmenta, ex recensione Theodori, J.-G, F., Grœvii^ cum 
ejusdem et aliorum animadversionibus^ 2 vol in-8». 

(2) Orbis romanus^ seu ad Constitutionem Imperatoris Antoniniy de qua 
Ulpianus LegeXVII^ Dig., de Statu hominum^ Exercitationes duœ. Ces 
deux dissertations ont été réimprimées à Londres en 1 704, in-4». 



Digitized by 



Google 



120 LETTRES A l'âBBÉ NICâISE. 

M. Dacier travaille à la vie de Platon, où il rendra compte 
de sa philosophie , et qui sera à la teste de la version de 
quelques Dialogues de cet Auteur, comme de TEutyphron, 
deTApologie de Socrate, du Phedon, etc. (i). 
• Le second tome de S' Jérôme du P. Martianay (2) est sous 
la presse et doit paroistre en peu de mois. 

L'abbé de Vallemont, qui a déjà donné quelques ouvra- 
ges et demeure chez M. le Marquis d*Angeau , vient de 
publier une Dissertation sur la médaille de GALLIENiE 
AUGUSTiE (3), et qu'il m'avoit leuë manuscritte, avant delà 
mettre sous la presse. J'avois eu occasion d'en parler dans mes 
notes sur les Césars de Julien, et sur ce qu'il introduit Gallien 
dans la posture et l'habit de femme et en luy reprochant sa 
mollesse ; à quoy je disois en passant qu'on pourrait rappor- 
ter cette médaille d'or asse^ extraordinaire, ce qui a esté suivi 
par M. Vaillant. Le P. Hardouin, dans sonSeculum Constan- 
tinianum, prétend que GALLIENiE AUGUSTiE est mis 
pour GALLIENE AUGUSTE au vocatif, contre l'usage de 
pareilles médailles. L'abbé de Vallemont l'attribue à une 
Galliena cousine de Gallien, dont il a trouvé par hasard, 
comme il dit, que Trebellius Pollio en parloit dans la vie de 
Gallien. Quoy que ce qu'il en dit ne soit pas démonstratif, 
je ne laissai pas de le conseiller à en donner part au public. 

On ni'a communiqué en confidence le Seculum Constan- 
tinianum du P. Hard ouin, qui, à son ordinaire, est plein 
de paradoxes et de suppositions directement contraires aux 

(i) Traduction publiée à Paris en 1699; 2 vol. in-12. 

(2) Dom Jean Martianay, bénédictin, né à Saint-Sever-Cap, le 3o dé- 
cembre 1647, "^ort à Paris le 16 juin 17 17. Le livre ayant pour titre: 
Sancti Eusebii Hieronymi ^ Siridonensis presbyteri ^ operum tomus 
secunduSy complectens libros^ editos ac ineditoSy etymologicos^ geogra^ 
phicoSy quœstiones hebraïcas^ etc., parut à Paris en 1699. 

(3) Nouvelle explication d'une médaille d'or sur laquelle on voit cette 
légende GALLIENIE AUGUSTjE^ Paris, 1698, in-12. — Voir plus 
haut, p. 1 16. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE JOSEPH-MARIE SUAREZ. 121 

Historiens et autres monumens contemporains, et qui ne 
tendent pas à illustrer, mais à renverser l'histoire par les 
médailles. Je vous en dirai une autrefois davantage, quand 
j'aurai eu loisir de le relire encore une fois. 

M. de Meaux a donné une nouvelle Relation du Quietisme 
peu favorable à M. de Cambray. La dernière Galette de 
Hollande^ dans Tarticle de Rome, dit que le S* Office défendra 
à M. de Meaux d'écrire davantage contre cet Archevesque. 
Cependant celuy la a gain de cause icy à la Cour. 

Mais il faut vous dire, avant que finir, que wostrt médaille 
de Trajanus Decius, dont il vous a plu de m'envoyer l'em- 
preinte, est singulière pour Ja bordure et boucle au-dessus. 
Je suis avec vérité, 

Monsieur, 

Vostre très humble et très 
obéissant serviteur, 

Spanheim. 



S 9. 

LETTRE DE JOSEPH-MARIE SUAREZ 

Joseph- Marie Suarej^ né à Avignon le S Juillet iSgg, ivêque de Vatêon du Si juillet 16SS au 
17 mars 1666^ mort à Rome le 7 décembre 1677 (i). 

XXVII 

Révérende admodum i>", 

Supersunt apud me trinae tuae , quae diu peregrinatœ 
tandem meas in manus simul peruenerunt semestre intra 
spatium. Quoad eas, quas ad me dedisti XVII Kal : IX^^^», 

(1) Les manuscrits français n»» 9359 et 9361 contiennent plusieurs lettres 
de Joseph-Marie Suarez à Nicaise. Voir la cote 29 et les cotes 88 et suiv. 
du 9359, les cotes 80 et 81 du 9361. — Voir en outre, dans 9359, cote 55, 
une lettre de Louis- Alphonse Suarez, également évêque de Vaison. 



Digitized by 



Google 



122 LETTRES A L ABBE NICAISE. 

in quibus de IV' 111. "*• Episcopis Gallis a Clémente 9** tam 
bénigne admîssis ad obsequia Sedi Apostolicae débita (i), 
laetaris, ego etiam omnibus cum catholicis exsulto, et dis- 
sîdia sub Clémente 8** (uti scribis) grassata, nunc exstincta 
ominor, atque insuper illa, quae sub Clémente VII invalue- 
runt, sub Clémente quoque IX delenda, et sedente tam 
provido et tam benigno Pontifice pacem totius Ecclesiœ 
sarciendam. Agnoscit felicitatem suam Roma , dum ipsi 
applaudit; at ego bona noscens adhuc mea, ipsius assisto 
lateri , et venerabundus quocunque illum assector ad sacra 
templa procedentem, et procumbentem ad aras pro Sarma- 
tia , proque Creta uberibus semper lacrymis auxilia divina 
exposcentem (2). 

Quod attinet ad Sarmatiam, Michael a Koributh Jagello- 
nides et e ducibus Lithuaniœ pius ac orthodoxus Rex justis 
electus comitiis lacrymarum fructus harum esse censetur (3). 
Cretœ Turcarum e faucibus eripiendae spes omnis in Deosita 
est et in subsidiis Pontificiis et Francor//m, quorum virtus 
quid non domet (4) ? 

Balusii Concilia Narbonensia nondum vidi, sed Chabassuti 
notitiàm conciliorum percurri ; auctiorem dicitur commisisse 
typis. 

(i) Allusion au bref du 28 septembre 1668, adressé par Clément IX aux 
évêques d'Alet, d'Angers, de Beauvais et de Pamiers, qui s'étaient fait 
remarquer par leurs opinions jansénistes. 

(2) Clément IX était alors très-préoccupé de l'idée de venir en aide 
aux Cretois assiégés par les Turcs. 

(3) Michel Koribut, prince Wisniowieçki, descendait de l'un des frères 
de Wladislas Jagellon, et par conséquent d'Olgerd, grand-duc de Lithua- 
nie. Né en i638, il fut élu roi de Pologne le 19 juin 1669 et couronné à 
Krakovie le 29 septembre suivant; il mourut à Léopol le lo novembre 
1673. Si son règne eut quelque éclat, il le dut aux victoires de Sobieski, 
qui lui succéda sur le trône. Personnellement, Michel Wisniowieçki laissa 
croître l'anarchie et signa, avec la Porte, en 1672, la paix honteuse de 
Buczaç. M. Henri Martin, XIII, p. 324, dit: « Son règne fut une honte 
et une ruine pour la Pologne. » 

(4) Les Turcs s'emparèrent de Candie, l'année même où Suarez écrivait, 
et Clément IX succomba à la douleur qu'il ressentit de cet échec. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE JOSEPH-MARIE SU AREZ. 123 

Villae Hadrianasae descriptionem ad te misit Em.°*"* Card^^" 
Barberinus. 

Pudet me quod clarissîmis viris Baudot (i) etMoureau 
non praestiterim operam meam , perinde ut optassem ; facul- 
tas defuit, et occasio, non voluntas, quam ipsorum modestia 
Neapoli elusit. 

Quod praeterea in epistola tua Kal. Januar. data ineuntem 
annum mihi faustum apprecaris, insueto nostratibus more, 
ipse inter sacra fortunat""" tibi a Numine precatus sum, 
Eccle^i^^/icam usurpans consuetudinem, atqwe ob te morbo, 
quo per XL dies laborasti , liberatum , ut e tua XVI Kal. 
April. data didici, gratias eidem Numini maximas ago. 

Slusium canonicum Leodien^ew (2) ad custodiam Biblio- 
thecae Vaticanœ fama est minime venturum, itaqwe Gradius 
Abbas (3) munere illo fungetur, nisi Falconerius (4) inter- 
cédât. 

Vitruvium cum Perroti commentario expeto peravide(5); 
sicut Huverardi can«* Turonen* Historiam Musicae (6), 
de qua et erudit""» Donius (7) et Reu™"* Abbas Bona (8) jam 
scripserunt. 

(i) François Baudot, archéologue, né à Dijon vers i638, mort dans la 
même ville le 4 avril 171 1. 

(2) Jean-Gualter de Sluse, né à Liège en 1628, mort à Rome le 7 juillet 
1687. Il fut élevé au Cardinalat le 2 septembre 1686 (voir plus haut, 
p. 42). On trouvera dans le manuscrit français 9359, n»* 33 à 48, 
dix-sept lettres de Sluse à Nicaise. Voir, en outre, le n» 87 du même 
volume. 

(3) Etienne Gradi, né à Raguse en mars 161 3, mort à Rome le 7 mai 
i683. 

{4) Octavio Falconieri, archéologue, mort à Rome en 1676. 

(5) La première édition des Dix livres d'architecture de Vitruve, cor- 
rigés et traduits en français, avec des notes, par Claude Perrault, n'a 
paru qu'en 1673. 

(6) René Ouvrard (voir plus haut, p. 42). 

(7) Jean-Baptiste Doni, archéologue, né à Florence en 1593, mort dans 
la même ville en 1647. 

(8) Jean Bona, né à Mondovi le 19 octobre 1609, cardinal en 1669, 



Digitized by 



Google 



124 LETTRES A l'aBBÉ NICâISE. 

Antiqufle vero Musicse auctores Aristoxenus, et alii Graece 
sunt edîti, vel eorum potius Eclogfle opère ex ingenti Cons- 
tantini Porphyrogenetae tamquam e naufragio relîquae. 

Abbatem Michaelem Angelum Riccium (i) et Petrum 
Bellorium (2) tuo nomine salutabo, a quibus et Logisticam 
et Monumenta Pictorum, publici juris ut faciant efflagitabo, 
sicut et Latium ab Athanasio Kirchero (3). 

Bened*"* MilUnus Romam omisit et totus est in Anastasio 
Bibliothecario ; dissertât*" Historicam de anno, quo natus 
est Christus, quoque passus , emisit in lucem. 

Fran^" Lèvera libellum de invicta veritate, anni, mensis 
et diei Passionis et Resurrectionis Christi, eiusque Nativi- 
tatis, anno superiore publicavit (4). 

A Carolo Morono Abbate promissa dudum Colotii vita (5) 
latet adhuc, nec eam extorquere potui. 

Perill.**'^ D. Marœo (6) senatori rescribo, quemadmodum 
rescripsi perill.*'* Chevaneo (7). 

Nili Abbatis jam opuscula tria typis excussa sunt Graece, 



mort à Rome en octobre 1674. Bona avait publie, en i663, un traité 
De divina psalmodia. Le manuscrit français 9359 contient dix lettres de 
Bona à Nicaise (cotées 7 à 14, 24 et 32) ; une onzième lettre se trouve 
dans le volume 9362, cote 4. 

(i) Michel-Ange Ricci, né à Rome en 1619, cardinal en 1681. Deux 
lettres de Ricci à Nicaise se trouvent dans le manuscrit français 9362 , 
n<»« 6 et 7. 

(2) Sur Bellori, voir plus haut, p. 82. 

(3) Athanase Kircher, jésuite, né à Giessen le 2 mai 1602, mort à Rome 
le 28 novembre 1680. 

(4) Rome, 1668, in-4, 126 pages. 

(5) Ange Colocci, mort à Rome en 1549. Sa vie a été publiée à Rome 
en 1673; mais Tauteur est Frédéric Ubaldini , et non pas Carolus 
Moronus, 

(6) Philibert de la Mare, Conseiller au Parlement de Bourgogne, né à 
Dijon le i3 décembre 161 5, mort dans la même ville le 16 mai 1687; 
voir plus haut, p. 73 et 77. 

(7) Jacques- Auguste Chevanes, né à Dijon le 18 janvier 1624, mort le 
29 novembre 1690. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE JOSEPH-MARIE SUAREZ. 125 

vcrsaque Latine a me, plura lucem aspicient, bono cum 
Deo, antequam annus hic eiabatur. notas etiam attexam (i) ; 
sed suis numeris absblutissimus est Tomus aiter Pachy- 
merii Graece itidem ac Latine a Possino cum observatio- 
nibus (2). Et profecto eo in opère Chalcographorum et 
Sculptorum desudavit industria. Sed abutor patientia tua, 
proque trinis tuis trinas jam implevi paginas, ut alîquatenus 
meo muneri satisfaciam ; esset autem in votis mihi deinceps 
sigiliatim respondere singulis tuis , meamque tarditatem 
celeritate compensare. Veniam interea oro et ab amoris in 
me tui constantia impetraturum me confido, cum de mea 
dubitare nequeas. Ero namque , dum spiritus hos reget 
artus, 

Romœ Kal.: sextilibus CI3I3CLXIX, 

Reu**' admodum D°'« T» 

Servus dédit"*"» 
Josephus Maria Epi^cojpus Vasionensis 
Assistens S"** D. Magistri. 

Fama est 111"""' Octavium Boldonium Mediolanensem 
Barnabitam Episcopnm Theanen^em, Auctorem Epigraphic" 
editorum Perusiae Sinno 1660, primum custodem Vatican» 
Bibiiothecae adhibitum, aliis insuper habitis, adeo valida 
fuit stvenissimi Principis Etruriae commendatio. 

(i) Nili tractatus^ sive opuscula, J,M. Suaresius grâce primum edidit^ 
latine vertit ac notis illustravit; Romœ, 1673, in-f». 

(2) Pachymeris Michel Paleologus, sive historia rerum a Michaele 
Paleologo,,. gestarum^ cum notis P, Possini; Rome, 1666-1669, 2 v, in-f». 



Digitized by 



Google 



126 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

S lO. 

LETTRES DE L'ABBÉ DE GONDI 

Ckaries-Antoinê de Gondi^ premier ministre et secrétaire d'État du Grand-Duc de Toscane. En 
1671 et en 1682, ii représenta la Toscane à la cour de Louis XIV en qualité d'enro/é extraordi' 
naire. — Les biographes citent, comme une particularité notable de sa vie, le fait d'avoir présenté au 
baptême le fils du célèbre comédien Giovanni'Andrea Zanotti, — // mourut en T7/8 (i), 

XXVIII 

A/'* l'Abbé Nicaise. Dijon. 

A Cerreto, ce 12 nov» 1694. 
Monsieur, 

Je ne doute point qu'après m'avoir escrite la lettre du 
16 octobre, dont vous m'honnores, vous aures esté éclairci 
sur Tequivoque de la promotion au Cardinalat du Révérend 
Père Noris ; car le Pape n'a point fait encor de promotion 
et ce que sa Sainteté a fait dernièrement pour cet illustre 
Religieux n'a esté que de le déclarer Consulteur de la Sacrée 
Congrégation du Saint Office. Je veux toutesfois espérer 
qu'il le sera , car le Sacré Collège aussy bien que toute 
l'Église ne sçauroient jamais faire de plus grande acquisition 
par son mérite et sa proffonde doctrine. Vous aves cepen- 
dant très-bien fait de l'encourager de donner à l'Église son 
Histoire des Donatistes^ et il se peut bien faire qu'il attende 
de s'en acquiter pour lorsqu'il aura esté honnoré du Chapeau 
rouge (2). 

(i) Outre les quatre lettres que nous publions, nous connaissons treize 
lettres de l'abbë de Gondi à Nicaise; la plus ancienne est du 4 mars 1690, 
la plus récente, du 29 janvier 1701. Nos quatre lettres se placent donc 
dans la période de temps à laquelle elles appartiennent. — On trouvera ces 
treize lettres dans le volume 9361 des manuscrits français de la Bibliothè- 
que nationale ; elles sont cotées de 6 à 18. 

(2) V Histoire des Donatistes^ que Mabillon dit avoir vue, écrite de la 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE L ABBÉ DE GONDI. 1 27 

A nostre retour à Florence, où le Grand Duc va se rendre 
dans peu, je fairay sçavoir à M. Blanchi tout ce que vous me 
mandes au sujet de M' TAbbé de Camps (i) et de M*" Morel 
qui se trouve à Armstat (2), dans Tesperance de pouvoir 
mettre au jour son grand ouvrage des Médailles. 

Le Duc de Parme (3) a fait imprimer ses médaillons d'or 
des Césars , et c'est un Père Jésuite qui en a composé le 
livre , qui porte pour titre : Li Cesari in oro del Museo 
Famese. 

Je suis tousjours surpris plus que jamais de la grande 
vigeur de l'esprit de Mons' Nicolas, qui, à son âge, ne se 
lasse point de travailler comme il fait maintenant après 
sa Comédie pastorale, dans laquelle il excellera à son 
ordinaire (4). 

Je suis, avec tout l'attachement imaginable, et avec une 
passion extrême. 
Monsieur, 

Vostre tres-humble et 
tres-obeissant serviteur, 
L'Abbé de Gondi. 

main de Noris, lorsqu'il passa à Florence, mais qui n'a pas été retrouvée 
dans les papiers de Noris, a été composée, par les éditeurs des œuvres 
posthumes du savant cardinal, à l'aide de matériaux a sans forme ni liai- 
son », que l'abbé Noris, neveu du cardinal, leur communiqua. Voir Chau. 
fepié. Nouveau Dictionnaire historiquey V» Noris, p. 97. 

(i) François de Camps, historien et numismate, né à Amiens en 1643, 
mort en 1723. 

(2) Sur Morell et son séjour à Ârnstadt, voir plus haut les lettres de 
Leibniz à Nicaise, notamment p. 44. M. Amiet publie en ce moment 
(mars i883), à Berne, un volume ayant pour titre: Der Mûniforscher 
Andréas Morellius ; Ein Lebensbild aus der Zeit der Bastille. 

(3) Le duc de Parme était alors un Farnèse, Ranuce II, né en ï63o, 
mort le 11 décembre 1694. 

(4) Augustin Nicolas, de Besançon, dont nous parlerons plus loin en 
éditant la lettre qu'il écrivit à Nicaise le 22 mars 1689. 



Digitized by 



Google 



128 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

XXIX 

M" l'Abbé Nicaise, Dijon. 

A Florence, ce i6 dec" 1695. 
Monsieur, 

Enfin le Père Noris est Cardinal. Nostre Saint Pere fit 

la promotion de quatorze cardinaux le douze de ce mois. 

Deux ont esté réservés in pectore summi Pontifiais^ et douze 

ont esté déclarés (i), c'est-à-dire Tarchevesque de Boulogne 

Boncompagno, Tanara nonce à Vienne, Cavallerino nonce 

en France, Caccia nonce en Espagne, del Verme evesque 

de Fano, Sfondrato abbé de Saint-Gai, Tarugi auditeur 

de Rote , Sacripante sousdataire , Spinola gouverneur de 

Rome, le Père Ferrari dominiquain maistre du Sacré Palais, 

le Pere Noris augustin, et d'Arquien père de la Reine de 

Pologne (2). Je profitte de cette occasion pour vous asseurer 

que je fais des vœux pour toutes vos prospérités à ces 

Bonnes festes, et au renouvellement prochain de TAnnée que 

je vous souhaitte longue et heureuse avec une multitude 

d'autres après. Et vous prie de croire plus que jamais que 

Ton ne peut estre au delà de ce que je le suis avec une 

extrême passion, 

Monsieur, 

Vostre tres-humble et 

tres-obeissant serviteur, 

L'Abbé DE GoNDi. 

(i) Voir, sur cette promotion, la première d'Innocent XII, le Diction- 
naire de Morériy édition de 1759, t. III, p. 287 et suiv. On trouvera 
dans le même Dictionnaire des articles biographiques sur les douze 
nouveaux dignitaires de T Église. 

(2) Henri de Lagrange d'Arquien, né à Calais en 161 3, mort à Rome 
le 24 mai 1707, père de Tintrigante Marie- Kasimire, qui monta sur le 
trône de Pologne en même temps que son second époux, Tillustre 
Sobieski. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE l'aBBÉ DE GONDI. Î2g 

XXX 

M. l'Abbé Nicaise. Dijon. 

A Pise, ce 1 8« Janvier 1 697 ab Incar"*. 
1698 
Monsieur, 

Je reçois vostre lettre du 27 décembre à laquelle je n'ay 
point d'autre response à faire que celle d'un million de 
remerciements à la continuation de toutes vos bontés pour 
moy, et de bons souhaits que vous me faites à ce renou- 
vellement d'Année. Je vous asseure que, si tous ceux que 
je fais pour vous sont accomplis, vous n'aures plus rien 
à désirer dans la vie. 

Je trouve que vous aves raison de vous plaindre un peu 
du silence de Monseîg' le Cardinal Noris , mais il est à 
excuser, car son Em" est chargée d'affaires qui l'accablent. 
Si elle n'a point fait response à Mons' Spanheim, Envoyé de 
Brandebourg à Paris , peut estre ce ne sera point sa faute, 
mais que sa lettre aura esté perdeue(i). Je vous promets que 
j'en seray instruit, car je fairay tout sçavoir à son Em". Je 
dois ce soin à mond* s*" Spanheim, qui a esté quelques 
années dans la mesme qualité d'Envoyé de Brandebourg à 
Paris lorsque j'y estois ; j'ay beaucoup d'estime pour luy, 
pour son mérite et pour sa doctrine. Peut estre il se sou- 
viendra de moy. M*" le comte Magalotti (2) me parle souvent 
de luy, dont il est ancien amy. 

Je fairay sçavoir à Mons' Blanchi à Florence tout ce dont 
vous me charges de luy mander. 

(i) Spanheim, dans sa lettre du 3i mars 1698 (Suprà^ p7 1 12), se montre 
plein de déférence pour le cardinal Noris et ne lui reproche pas son 
silence. 

(2) Lorenzo Magalotti, né à Rome le i3 décembre 1637, mort à Flo- 
rence le 2 mars 171 2. 

Académie dt Lyon, cUs$e de» Lettres» 9 



Digitized by 



Google 



l3o LETTRES A l\bbÉ NlCAtSÊ. 

Cependent je vous supplie de me croire avec tout Ratta- 
chement imaginable, 

Monsieur, 

Vostre tres-humble 

et tres-obéîssant 

serviteur, 

UAbbé DE GoNDi. 

XXXI 

M. VAbbé Nicaise. Dijon. 

A Florence, ce 24 juillet 1699. 

Monsieur, 

A mon retour dans cette ville, après avoir passé quelques 
jours à la campagne, j'ay reçeu vostre lettre du 16 juin, et, 
comme elle est remplie des sentiments de bonté pour moy, 
vous juges bien par la du surcroy d'obligation que je vous 
en ay. L'on ne peut parler plus juste de ce que vous faites 
au sujet de la condamnation du livre de Mons' de Cambray; 
et Mons*" de Meaux qui a tant mérité dans cette occasion ne 
sçauroit jamais estre assez loiié avec toutes les belles et 
spirituelles compositions qui ont esté faites à sa louange, et 
dont vous m'en faites mention en attendant de recevoir 
celles que vous me faites espérer de me faire tenir. J'infor- 
meray Mong"" le Cardinal Noris de tout ce dont vous avés 
la bonté de me parler sur son sujet, et je n'oublieray au 
mesme temps de luy mander la mort de M*" Page (i), et je 
le diray aussy à M*" Magliabechi (2). 

(f) Le P. Antoine Pagi venait de mourir à Aîx le 7 juin 1699. 

(2) Antonio Magliabechi, que Mabillon qualifiait de « Bibliothèque 
vivante, » né a Florence le 29 octobre i633, mort dans la même ville le 
4 juillet 1714. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE PERIZONlUS. l3l 

Je VOUS supplie de me croire tousjours aussy passionement 
que je dois Testre, 



Monsieur,. 



Vostre tres-humble et 
tres-obeissant serviteur, 
L'Abbé de Gondi. 



% II. 
LETTRES DE PERIZONIUS 

Jaeque» Peri\ùmu»^ ni à Dam, pris Graningut, le 26 oetohrt j65j, iucceishtmênt recteur 
i Delfty profeseeur à Franecker (1681) et i Leyde {lÔgS), mort dans cette dernière ville le 
6 atril tjrS (i). 

XXXII 

Reverendo admodum et illusiri 

Abbati 

Claudio Nicasio 

Cito Parisios. 

Reverendo admodum et illustrissimo 

Abbati 

Claudio Nicasio 

S. P. D. 

Jac. Perizonius. 

Miraberis haud dubie, et summo quidem tuo jure incu- 

sabîs vel negligentiœ, vel inhumanitatis, vel si quid gravîus 

excogîtari potest, quod tribus tuis jucundissimis et huma- 

(i) On trouvera, à la Bibliothèque nationale, dans le manuscrit fran- 
çais n« 9362, deux autres lettres de Perizonius à Nicaise ; elles sont co- 
tées 35 et 146. 



Digitized by 



Google 



l32 LETTRES A l'aBBÉ NICAÎSE. 

nîssimîs epistolîs, Septembri, Decembri et Januarîo mense 
datîs, nihil omnîno ad hoc usque tempus reposuerim, nec 
verborum saltem gratias retulerim tôt tuis benevolentiae et 
amicitiae declarationibus mihi sane quam gratissimis. Sed 
idem ignosces haud dubie etiam, et sérum hoc respondendi 
officium in meliorem partem interpretaberis , ubi audieris 
me superiori demum mense , vel exeunte Aprîli accepisse 
simul omnes tuas epistolas, modo memoratas. Scilicet Cla- 
riss. Graevius, dum suas volebat tuis ad me adjungere, de 
die in diem ut ferme fit, et ut est vîr ille occupatissimus 
variis negotiis, ad illud usque tempus, quod modo signifi- 
cavi , tuas simul et suas distulit. Sic factum, Vir Illustris- 
sime, ut nihil dum literarum a me receperis, quum cetero- 
qui nihil jucundius mihi sit, quam instituto jam tecum 
literario hoc commercio in perpetuum uti ac frui, et hoc 
nomine Ampliss. Wittio nostro(i),qui ejuscommercii tuxque 
amicitiae conciliator mihi fuit, multum me debere profitear. 
Quod si deinceps tuis subinde literis me mactare et coho- 
nestare non dedîgnaberis , poteris quidem pristina ratione 
eas mittere ad Cl. Grœvium, virum optimum et nostrum 
communem amicum , sed et poteris forsan per vestros 
Bibliopolas ad Amstelœdamenses Bormium, Waesbergium, 
vel Wetsteenium (2), eas curare, inde ad me perferendas. 
Wittius si nondum rediit, in singulas pêne horas exspecta- 
tur, futurus Dordracenae urbi, primariae in Batavis, patriœ 
suas, a Secretis et Actis. Quam mihi navare voluisti operam, 
Humanissime Nicasi, in conferendis tôt Valerii Maximi 
exemplaribus, nimia profecto fuit, nec ullis a me officiis 
pensari potuisset, imo nec unquam vel cogitatione id postu- 



(i) Jean de Witt. Voir plus haut, p. 85. 

(2) Jean-Henri Wetstein, né le 25 mars 1649, mort le 4 avril 1726; la 
librairie qu'il fonda à Amsterdam a publié d'excellentes éditions des au- 
teurs anciens et modernes. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE PERIZONIUS. l33 

lare vel optare fuissem ausus. Ceterum si quae collationes 
istic haberi et mea pecunia mihi comparari poterunt, et si ea 
in re tuam mihi non gravaberis addicere operam, res mihi 
prœstaretur gratissima, et sumtus eam in rem factos lubenti 
et grato animo restituerem (i). Nostin' etiam an Atrebatensis 
ille Codex, cujus toties meminit Pighius, et qui mihi vide- 
tur quantivis fuisse pretii, in instructissima Régis vestri 
Bibliotheca forsan compareat ? Mihi in hac Academia, lite- 
raria quaedam controversia incidit cum Viro Amplis. Ulrico 
Hubero, multis content ionibus celebri, de Prœtorio^ et loco 
Pauli ad Philipp. I, i3 (2). Edidimus jam uterqwe binas 
Academicas dissertatîones , sed quae jam iterum typis des- 
cribuntur, et in unum conjungentur volumen, ut sic lector 
utramqwe partem audire, et causam cognoscere possit. Post 
ferias has aestivas exspectare te illud opusculum jubeo, cui 
additam videbis diatriben de Descriptione Augustea, quam 
memorat Lucas, II, 2 (3). Cangaei vestri Glossarium sequioris 
Graecismi, et curas ad ChroniconAlexandrinumnulIus dubito 
fore eruditissima et digna tanti viri nomine et gloria (4). 
Utinam multos ad id instar ferret hoc seculum ! Si qua tibi 
coniunctio cum viro eximio intercedit, eum ut meis verbis 
quam honorificentissime salutes rogo. 
Vale et me amare perge. 

Franequerae a.d. XXJunii 1688. 

(i) Perizonius réunissait tous les éléments d'une étude sur Valère- 
Maxime, étude à laquelle il a fait plusieurs fois allusion, notamment dans 
ses Animadversiones historicœ^ t. II, p. 67 et suiv., mais qui ne paraît pas 
avoir été terminée. 

{2) Sur les différends de Perizonius avec le savant jurisconsulte Ulric 
Huber, voir le Dictionnaire de Chaufepié^ v» Huber, note L. La que- 
relle devint si vive que les contemporains se demandèrent quis ignis 
occultus tantam flammam concitaverit^ quis aluerit, 

(3) Dissertatio de Augustea Orbis terrarum descriptione^ et loco Lucœ 
eam memorantis; Franecker, 1682, in-4». 

{4) Le Ghssariuniy de du Gange, ad Scriptores mediœ et infimœ 
GrœcitatiSy parut Tannée même où Perizonius écrivait à Nicaise. Le 
Chroniçon Paschale fut publié l'année suivante. 



Digitized by 



Google 



l34 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

XXXIII 

Eruditissimo Viro et perquam Reverendo Abbati 
Claudio Nicasio 

S. P. D. 
Jac. Perizonîus. 

Auspicia hujus anni non modo in memoriam mihi revo- 
cant officium dudum adeo tibi debitum , sed penitus in 
ruborem me dant, unde quî me expediam aut emergam, 
salva fronte, vix scio. Sed tua me adjuvabit comitas in 
difficili hasrentem luto. Neqwe vero nulias habeo, quas excu- 
sare possim, tam diuturni et indecori silentii rationes. Nam 
praeterquam quod vix occasio nobis hic suppetat literas 
Divionem usque mittendi, nisi habeamus Parisiis, cujus fidei 
et curas curandas permittere possimus, quotidianis etiam 
negotiis in molesto hoc docendae juventutis munere, et hac 
hominum luce ac frequentia, in qua latere et mihi meisque 
Musis cavere, ut voio, vix possum , ita distringor, ut Amicis 
sœpe paria ac débita reponere nequeam. Accedunt curae in 
Aeliani Varia, quae dudum cœptae perfici et absoivi debent, 
et quicquid superest subsecivi temporis occupant, et sibi 
jam quasi jure suo vindicant, dum non tantum varias 
quasdam lectiones colligo, sed textum recenseo, versionem 
prorsus emendo, commentarium cum in verba, tum maxime 
in res ipsas ab auctore traditas vel tantum designatas sub- 
jicio (i). Sed quum hae jam curae ultimam brevi manum sint 
subiturae (nam XIII liber jam prelum exercet), in posterum 
omnem in hoc officii génère bonam a me copiam bona fide 

(i) L'édition de la CL ^liani Sophistœ Varia Historia parut à Leyde 
en 1701, 2 vol. in-8». Elle mit aux prises Téditeur d'une part avec 
Gronovius, d'autre part avec Leclerc , et la mauvaise humeur de Peri- 
zonius se manifesta si bien qu'elle motiva l'intervention des Curateurs de 
Leyde. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE PERIZONIUS. l35 

tibi juro, modo nos pariter Deus Opt. Max. aliquandiu etiam 
superstites sinat. Cui vota facio studiosissime, ut te certe 
non modo hujus seculi ultimo hoc anno, sed et sequenti 
seculo, diutissime incolumem et sospitem tibi, tuis amicis 
et humanioribus literis servet. 

Novi quod hinc nunciem haud multum est. Prodierunt 
nuper postumae Epistolae itinerariae ToUii , ex hac regione 
usque in Hungariam extremam, cum notis Henninii (i). Col- 
lega meus, Jac. Gronovius, acerbissimum edidit libellum 
contra Dodwellum, Anglum, de aetate Scylacis illius, cujus 
habemus Periplum(2), quem ille antiquiorem asseverat, quam 
fecît Dodwellus, qui eum demisit usque ad, vei post, tempora 
Polybii, in quo faventem sibi habet Suidam. Thésaurus Anti- 
quitatum Romanarum apud nos jam absolutus est et ex offi- 
cina dudum exiit in publicum(3). Nunc Typographi meditan- 
tur denuo edere omnia opéra Erasmi Roterodami (4). Clericus 
Amstelœdami superiore anno dédit nobis Harmoniam Evan- 
gelicam, et Parrhasiana, quae satyra est in eruditos omne 
genus (5). Lomeierus, qui de Bibliothecîs et Lustrationibus, 
atque alia scripsit, nuper fato functus est (6). Apud vos quo 
tandem loco habeatur scripta Harduini chronologica (7)? 

(i) Les Epistolœ Itinerariœ de Jacques ToUius furent publiées à Ams- 
terdam, en 1 700, par les soins et avec des notes de Henri-Christian 
Henninius. 

(a) Appendix ad Geographiam antiquam^ qua contineiur examen 
Dissertationis Dodwellianœ de Scylacis œtate; Leyde, 1699, in-40. 

(3) Le Thésaurus Antiquitatum romanarum de Grœvius, composé de 
douze volumes in-folio, fut publié à Utrecht de 1694 à 1699. 

(4) L'édition annoncée des œuvres d'Erasme fut publiée à Leyde de 
1703 à 1706; elle se compose de dix volumes in-folio. 

(5) Jean Leclerc, né à Genève le 19 mars 1657, "^^rt à Amsterdam le 
8 janvier 1736. Son Harmonia evangelica et son Parrhasiana parurent à 
Amsterdam en 1699. 

(6) Jean Lomeier, né à Zutphen en i636, mort dans la même ville le 
2 décembre 1699, auteur de plusieurs Mémoires d'érudition. 

(7) Sur le Père Hardouin, voir plus haut, p. 21. 



Digitized by 



Google 



j36 lettres a l'abbé nicaise. 

Quibus utiqwe omnia studia sacra et profana ludibrio expo- 
nuntur certissimo, dum traditionis vetustœ auctoritas, licet 
inani tantum asseveratione, îta convellitur et rejicitur pror- 
sus. Quando vixerunt ex illius sententia, qui tôt nobis tam 
divers! generis, styii, argumenti scripta supposuerunt , tôt 
Historias finxerunt ? Nullum quidem est periculum ne quis 
ejusmodi deliriis aures prœbeat, quae ideo ne refutationem 
quidem ullam merentur, sed tamen miror, quam ille ex iis 
lauream quœrat, et quam iis patientiam Vestrates praestent, 
quum, si vera esset ipsius sententia, nihil amplius ex Ahti- 
quitate probari posset, deficientibus idoneis testibus, atqwe 
ita aeque incertum foret, utrum genuina sit Scriptura sacra, 
cui tamen omnis Ecclesiae auctoritas superstructa est, ac 
quivisalius antiqui temporis Auctor(i). Sed haec viderint alii. 

Tu, Vir praestantissime, vale et vive diu felix, ac me ama. 

Lugduni in Batavis, a. d. IV. Eidus januarias CID I3CC. 

(i) Le jugement que Perizonius porte ici sur Tceuvre du P. Hardouin 
était celui de presque tous ses contemporains. Ce singulier érudit sou- 
tenait que, à l'exception des Œuvres de Cicéron, de l'Histoire naturelle 
de Pline, des Géorgiques de Virgile, des Satires et des Épi très d'Horace, 
de quelques Fastes et d'un petit nombre d'inscriptions, nous n'avons pas 
un seul monument authentique de l'Antiquité. Toutes les autres œuvres, 
grecques ou latines, sacrées ou profanes, seraient donc supposées et elles 
auraient été fabriquées au XIII^ siècle par une société de faussaires hostiles 
à la religion. — C'était, comme le dit Perizonius, une inanis asseveratio 
et jamais le P. Hardouin n'a donné au public les preuves dont il se croyait 
armé. Quel était son but en rejetant ainsi toute autorité ? Perizonius fait 
très bien remarquer que, si les auteurs profanes cités par les anciens 
docteurs de l'Église ont été supposés au XHI* siècle, les prétendus doc- 
teurs de l'Église ne sont pas plus anciens. Une fois admise la fausseté des 
monuments de l'Histoire ecclésiastique, l'Écriture sainte devient suspecte 
à son tour, et ainsi de suite. — Les Jésuites le comprirent si bien que, en 
1708, ils désavouèrent publiquement les opinions de leur confrère et 
obligèrent ce pieux sceptique a à sortir de ses préventions. » 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiEVIUS. iSy 

S 12. 

LETTRES DE GRiEVIUS 

Jeitt'Gtorges Grxvius^ nia Naumbourg le 2g janvier r633, professeur à Duisbourg (i656), 
à Deventer (i658) et à Utreckt (ibôi)^ historiographe de Guillaume III roi d'Angleterre, mort â 
Utreeht le 1 1 janvier fJoS. 

La Bibliothèque nationale possède beaucoup de lettres de Grxvius à Nicaise ; on en trouvera trente- 
deux ^ dans le volume g35g du fonds français ^ sous les cotes 124 à l54 bis. 

XXXIV 

Vtro Reverendo et Illustri 
Claudio Nicasio, Canonico 
Dtpionensi. 

Lutetiam. 

Viro Reverendo et Illustri 
Claudio Nicasio Canonio (sîcJ Divionensi 
S. P. D. • 
Joannes Georgius Graevius. 

Quas laudes tibi gratesque dicam, vir amplissime, cutn 
non solum tuum dolorem de obitu NicolaiHeinsii (i), quem 
ut vivum amavi et feci semper plurimi, sic mortui memo- 
riam semper colam, et ejus desiderium nunquam exolescet, 
litteris mihi acceptissimis testatum fecisti; sed et praestan- 
tissimum poetam vestrum Monetam (2) incendisti ad epi- 
cedion hocpangendum (3), quod brevi cum ejus elogio et aliis 

(i) Nicolas Heinsius, philologue et homme d*État, né à Leydele 29 juil- 
let 1620, venait de mourir à La Haye le 7 octobre 1681. 

(2) Bernard de La Monnoye; voir plus haut, p. 19. 

(3) Graîvius fait ici allusion à une innocente manie de Tabbé Nicaise^ 
qui sollicitait de tous côtés des vers en Thonneur de ses amis défunts. 
La Monnoye était un de ses tributaires habituels; mais le poète bourgui- 
gnon joignait souvent l'épigramme à Taumône : « Bien que je ne con- 



Digitized by 



Google 



l38 LETTRES A l'aBBÉ NICAISH. 

non paucis virorum clarorum carminibus typis mandabitur. 
Quod si uUo studii officiique génère vobis aliquando pro- 
bare potero, quam gratum mihi munus istud vestrae pie- 
tatis, quo amicissimum mihi virum ornastis, acciderit, vehe- 
menter isetabor; vos autem intelligetis, omnia, quae a grato 
et vestri studiosissimo homîne possunt expectari, a me vobis 
parata esse, et semper fore. Quod velim vobis persuasum sit 
et exploratum. Gaudeo quoque te celeberrimum Menagîum 
inflammare ad novam Diogenis Laertii editionem adornan- 
dam, eamque committendam nostris hominibus (i). Quam 
primum ad nos perferetur, ut typis poiitioribus consignetur 
mihi erit curœ. Utinam et senatores vestros, amplissimum 
De la Mare et Lantinum (2) excitare posses et permovere, ut 
nostrae fidei credere vellent Saimasii tomum tertium Plinia- 
narum exercitationum, sive de homonymis Hyles latricœ 
commentarium (3), illamque fidem, quam olim publiée in 
praefatione illius libri a se édita et ad me missa, liberare. 
Habeo enim Amsterodami, qui illico ei publicando manus 
velit admovere, bibliopolam, praesertim nunc blandiente hac 
pacis spe ! Vale, vir praestantissime, et me amare perge, ac 
CL. Monetae plurimam die salutem. Trajecti Batavorum, 
A. D. III KL. April. Julianas CIO IDC XXCII. 

noisse le P. Rapin que par sa prose françoise et que je n'aie jamais lu le 
moindre vers latin de sa façon, je ne laisse pas sur sa réputation de le 
croire un grand poète. Je me réserve à en juger plus sûrement lorsque la 
lecture m'aura mieux informé de son mérite. Cependant, Monsieur, 
comme les éloges poétiques ne tirent pas à conséquence, je ne fais nulle 
difficulté de vous envoyer ces petits brins de fleurs, que vous jetterez, s'il 
vous plaît, de ma part sur son tombeau. » (Lettre du 8 novembre 1687; 
Bibl. nat., F. fr. 9359, F* 175.) 

(i) Cette nouvelle édition des observations et corrections de Ménage 
sur Diogène-Laérce parut seulement en 1691 à Amsterdam, en 2 vol.in-4\ 

(2) Philibert de la Mare et Jean-Baptiste Lantin, conseillers au Parle- 
ment de Bourgogne, étaient, comme nous Tavonsdéjà dit, p. 3o, note i, 
légataires des manuscrits laissés par le grand Saumaise. 

(3) Sur cet ouvrage de Saumaise, voir plus haut, p. 99, note 3. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiEVIUS. iSg 

XXXV 

Viro Clarissimo 
Claudio Nicasio Canonico 
Divionensi. 

Divionem. 

PrsBstantissimo viro 

Claudio Nicasio Canonico Divionensi 

S. P. D. 

Joannes Georgius Graevius. 

Quam ego nunc caussam afferam tam diuturnœ intermis- 
sionis litterarum, cum tu tanta soilicitudine tarditatem res- 
ponsionis excuses? Ego vero, qui multo longioris tardi- 
tatis reus sum, quomodo culpam hanc expiabo? Patieris, 
spero, tîbi satîsfieri, si et ad tuam multis luculentis 
argumentis ex litteris tuis perspectam bonitatem, tanquam 
ad aram supplex fugero, deprecans tantae cunctationis meri- 
tam pœnam; et si cognoris non parvam hujus culpœ partem 
sustinere îter in Vbios, cui eram accinctus cum Julio supe- 
riore tuas mihi litterae traderentur, et cui très menses fue- 
rint imperdendi, cum vix tôt hebdomades in illo cogitassem 
exigere. Reversum tanquam fluctu quodam oppressif occu- 
pationum moles, quœ ne nunc respirare me sinit. Sed cum 
nec haec profectio, nec occupatio noxam omnem possit 
diluere, 

Veniam petimusque damusque vicissim. 

Velim tamen tibi persuasum exploratumque sit me in tuenda, 
quam faustis, ut augurari libet, auspiciis iniimus, amicitia 
nullum officii studiique munus esse in posterum praetermissu- 
rum. Amplissimis senatoribus Lantîno et Lamario salutem 
quœso dicas meo nomine verbis amantissimis, ut et eruditis- 
simo Curtio,iisquefidem facias, bibliopolam Amsterodamen- 



Digitized by 



Google 



140 LETTRES A l'âBBÉ NICâISE. 

sem, meam secutumauctoritatem, récépissé, seirspl uXtjç Ixcptxijç 
commentarium separatim editurum, et statim proela motu- 
rum, cum ad nos exemplum ejus operis fuerit perlatum. 
Persuasi enim ei id magis e re illius futurum, si tanquam 
novum opus, non tanquam appendix Plinianarum Exercita- 
tionum lucem adspicexerit (sic) hic fœtus postumus magni 
viri. Possunt in hoc opère viri eximii periculum facere, quod 
si ex ipsorum sententia publicabitur, cetera quoque Salmasii 
inedita opuscula nobis submittere licebit, in quibus, pro 
meo erga tantum heroem cultu, in lucem protrahendis 
meum studium, curam et industriam nunquam desidera- 
bunt. Nec deerit opéra mea excellentissimo Lantino, si suas 
ad Diogenem Laertium observationes, aut iliustrissimo de 
la Toison, si ad Empyricum Sextum dissertationes in lati- 
nam linguam translatas mihi credere fuerit dignatus. Uti- 
nam vel Gallicas, si prodierunt, mihi videre liceret ! Quando 
publici juris fiet Vita Salmasii, quam olim litteris mandat 
amplissimus Lamarius? quem jubeo expectare vitam Nicolai 
Heinsii, cui mémorise prodendae nunc incumbo. Vivit ne 
Salmasii filius, quem ante hoc octennium hic vidi, et ejus 
frater, quem litteris impallescere mihi praîdicabat ? Si vivit 
vobiscum, salveat, ut et politissimus Moneta, cui velim signi- 
fices Amsterodami prodiisse Pétri Francii (i) poëmata, qui 
nunc fere solus post Heinsii obitum poeticse dignitatis lau- 
dem in his terris sustinet. Utinam per te tuo commodo res- 
cire liceat quid apud vos in vestra Urbe prodierit proximis 
annis. Meorum officiorum ratio vicissim tibi constabit, si 
qua affulserit occasio rébus id declarandi. Vale, vir ornatis- 
sime, et me ama. Trajecti Batavorum prid. Id. Novemb. 
CIO IDC XXCII. 

(i) Pierre Fransz; voir plus haut, p. 88, note i. Graevius annonce à 
Bernard de la Monnoye la publication d*un Recueil d'élégies, d'églogues 
et d'épigrammes de Fransz, publié en 1682, à Amsterdam, sous ce titre ; 
Poemata ; un vol. in- 12. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiEVlUS. I4I 

XXXVI 

Viro Amplissimo 
Claudio Nicasio^ Canonico 
Divionensi. 

Divionem. 

Viro Nobilissîmo 

CLAUDIO NICASIO 

s. p. D. 

Joannes Georgius Grsevissîmus. 

Litteras tuas novissimae Idibus Aujgusti scrîptaî Novembris 
demum Idibus mihi sunt redditae. Citius poterant ad ulti- 
mes Indos ac Seres perferri. Moram hanc excusât illustris 
Spanhemius, ejusque culpam assignat diuturnae rusticationi, 
et absentiœ ab urbe. Quas kalendis exarasti Februarii per- 
venerunt ad me mense Martio cura Menagii toîî x<4vu. lis 
illico, pro meo in te studio et observantia, reposui respon- 
sum, quod ad Mouwenum, qui nostro ad vestrum Regem 
oratori est a manu, misi. Video idem fatum hujus epistolœ 
fuisse, quod binarum tuarum, quas ad me dédisse narras, 
praeterhas, quas commemoravi. Eas enim nullus vidi. Doleo 
vehementer illarum voluptate mihi fuisse carendum, cum 
quod tuis omnibus mihi nihil sit acceptius, tum quod sem- 
per ex iis cognoscam de re litteraria scitu dignissima. Meas 
quoqùe nollem intercidisse, vel hoc uno nomine, ne suspi- 
cionem officii negligentius culti tibi dederint, quem inprimis 
amo, et a quo amari valde laetor. Velim igitur tibi sit per- 
suasissimum, me in officii religione tuenda nihil curae pras- 
termisisse, nec commissurum unquam ut litteras meas, 
omneque studii genus,quoda me proficisci potest, desideres. 
Culpam superioris temporis luat fortuna utrique nostrum 
infesta, quae nos defraudavit fructu jucunditatis suavissimae. 



Digitized by 



Google 



142 LETTRES A l'abBÉ NiCAISE- 

quam ex mutuis litteris capîmus. Nostrum vero est hanc 
sarcire jacturam in posterum litterarum assiduitate. En dex- 
tram ! in me nulla erit mora. Tempestatem îllam atrocem, 
quae politioribus artibus apud vos incubuit, spero jam aut 
detonuisse, aut brevi desaevituram. Ne sinint superi, ut in 
Gallia, illa omnium elegantiarum officina, cultus quoque 
litterarum, ut in cetera fere Europa, exolescat. Apud nos 
satis omnia frigent, et ille pristinus ardor rem litterariam 
ornandi consenuit. Amsterodami tamen prodierunt Her- 
manni Witsii de Aegyptiacorum sacrorum cum Hebraeis col- 
latione libri très (i), contra Marshamum, quibus accesserunt 
de decem tribubus Israelis, et legione fulminatrice duas dia- 
tribae ; ûcxoOéwjtç Homeri, quas in Kircheri Latio habetyr, a 
Gisberto Cupero illustrata, cum explicatione gemmas Au- 
gustes, et variorum numismatum ac inscriptionum antiqua- 
rum (2) ; Antonii van Dalen de oraculis ethnicorum duas dis- 
sertationes, cum libello de consecrationibus gentilium (3) ; 
Lugduni vero Batavorum exercitatio Jacobi Gronovii de 
morte Judas (4). Sub prœlis sudat ibidem Isaaci Vossii Ca- 
tullus (5), Lucas Holstenii notas in Stephanum de Urbibus (6), 

(i) Hermann Witsen, théologien, né à Enkhuysen le 12 février i636, 
mort à Leyde le 2a octobre 170S, publia en i683, à Amsterdam, un 
ouvrage intitulé jEgyptiaca^ dans lequel il soutint cette thèse que les 
Égyptiens ont emprunté leurs rites sacrés aux Hébreux. 

(2) Apotheosis seu consecratio Homeri, cum explicatione gemmœ Au^ 
^iis/eof; Amsterdam, i683, in-40, auctore Gisberto Cupero. 

(3) Antoine van Dalen, né à Harlem le 8 novembre i638, mort dans la 
même ville le 28 novembre 1708, publia à Amsterdam, en i683, la pre- 
mière édition de son ouvrage De Oraculis veterum ethnicorum; in-8». 

(4) Exercitationes academicœ de pernicie et casu Judœ proditoris ; 
Leyde, i683, in-40. 

(5) Isaac Vossius, né à Leyde en 16 18, mort h Londres le 21 fé- 
vrier 1689. L'impression de son Catullus^ dans lequel la pudeur n'est 
guère ménagée, fut commencée en Hollande. Mais, défense ayant été faite 
à rimprimeur de continuer, elle fut achevée en Angleterre. L'ouvrage 
parut à Londres en 1684, in-40. 

(6) Luc Holstenius, né à Hambourg en 1 596, mort à Rome le 2 fé- 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GftiEVIUS. 143 

Amsterodami Diogenes Menagii, hic Theseus Meursii, cum 
ejus paralipomenis de populis Atticis (i), quemte jubemus 
expectare. Simul ac prœla reliquerit, tu eum videbis ac tuus 
Sponius. Epistolfle quoque Ciceronis ad Atticum brevi lucem 
videbunt, et vita Nicolai Heinsii, ante primam certe hirundi- 
nem. Salmasianus icepl SXiqç tarptxfiç commentarius, si in typo- 
graphia regîa typis illis splendîdioribus mandabitur, gaudebo. 
Sin cum illustri viro, qui haec praeclara meditabatur, 
ista spes est extincta, et Salmasiani heredes voluerint hune 
herois thesaurum ex tenebris istis in publicum hic proferri, 
si ad me mittetur, curabo ut statim Amsterodamenses ma- 
num illi admoveant, et qua vos ipsi volueritis forma prodeat. 
Sed nolim tamen te ullam invidiam hujus negotii caussa su- 
bire. Satis mihi tua fides est spectata. Si qui maximi viri 
lucubrationes has possident, noluerint eas cum eruditis viris 
publiée communicari, cur nos laborabimus? Amplissimo 
Curtio et filiis Salmasii nobilissimis quaeso ut salutem nun- 
cies et mea déferas officia. Natu minimum hic vidi ante de- 
cennium, quem valere volumus. Pro pulcherrimi Sponii 
miscellaneis tibi gratias egi in epistola, quae periit (2). Nunc 
paucis tantum tibi affirmo, gratius nullum munus mihi of- 
ferri potuisse. Quot enim et quam insignia antiquîtatis mo- 
numenta ignoraremus omnes cum magno detrimento, si ea 
non tanto studio coUegisset vir eximius, et luce publica do- 
nasset. Plurimum illi debebimus non nos solum, sed omnis 
posteritas, quam dîu cultiori doctrinae suum constabit decus. 



vrier 1661. Ses Notœ et castigationes in Stephani By^antini *ïJhutL^ 
Leyde, 1684, in-f«, sont une œuvre posthume, éditée par Th. Rycke. 

(i) Theseus sive de ejus yita; accedunt Meursii Paralipomena de Pagis 
atticis et Excerpta ex Jacobi Sponii Itinerario; Utrecht, 1684, in'-4'*« 

(a) Jacob Spon, né à Lyon en 1647, "^ort à Vevey (Suisse) le 25 décem- 
bre i685 ; ses Recherches curieuses d'antiquités ont paru à Lyon, en i683, 
in-4«; les Miscellanea eruditœ antiquitatiSy furent publiées également à 
Lyon, en i685, in-K 



Digitized by 



Google 



144 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

Heinsiana biblîotheca vendita est Aprili superîore. Ut tamen 
tibî aliunde tertium tomum notarum Grotii in novum fœdus 
eruam mihi erit curae. Nam in auctionibus non nunquam 
occurrit. Te vicissim rogo ut Bullialdi (i), Rigaltii (2) et Val- 
lesii (3) de populis fundis libelles apud vos editos Divîone, 
quos frustra diu quœsivi (4), mihi emas. Pretium aut Spanhe- 
mio, aut Menagio, aut cui Jusseris, renumerabo. De Sparta, 
ad quam Veneti me sollicitarunt, cum mihi gratularis, mul- 
tum te amo. Nihil etiam nunc decrevi de hoc negotio. Res- 
ponsum expecto litteras ad meas nuperius scriptas ad virum 
nobilissimum, quimecum egit de hac re. Nostri me sibi mul- 
tis modis devinciunt, ne quid novi moliar. Si quid decrero, 
tu ex me rescisces. Nihil mihi posset optatius accidere, quam 
tui complexu frui. Num pluribus accessionibus aucta sint 
Sponii Miscellanea pervelim scire. Facile hic inveniam, qui 
illa omnia sit editurus, si et édita, et quœ nondum prodie- 
runt, hue voluerit mittere. Salmasii in Epictetum utinam 
prœstaret Lamarius ! Vale, vir praestantissime, et me ama. 
Trajecti KL. Decembribus CID HC XXCIII. 

(i) Ismaêl Boulliaud, astronome, né à Loudun le 28 septembre i6o5, 
mort à Paris le a 5 novembre 1694, auteur d'une Dissertatio de populis 
/wiiif 5 ; Strasbourg, i656, in-8». 

(2) Nicolas Rigault, érudit, né à Paris en 1577, garde de la Biblio- 
thèque du Roi de 161 5 à 1645, mort à Toul en août 1654. 

(3) Henri de Valois, né à Paris le 10 septembre i6o3, mort dans la même 
ville le 7 mai 1676, était issu d'une famille noble de la basse Normandie. 
Le nom des Le Valois se rencontre souvent dans les annales de Caen 
{y o\v Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie^ t. xxx, 1880, 
p. I et suiv.). C'était pour un de ses parents qu'avait été construit le châ- 
teau de Fontaine-Etoupefour, naguère l'un des plus charmants spécimens 
de l'architecture civile à la fin du XVI» siècle. En visitant, il y a quelques 
années, les ruines de cette belle demeure, nous avons relevé, sur une 
pierre brisée, tombée d'une des fenêtres de la toiture, l'inscription sui- 
vante, que M. de Caumont avait vue en place sans pouvoir la déchiffrer 
exactement : LVD. VALESIVS | HAS CÔSTRVI | IVSSIT AEDES | 
i583. 

(4) Les dissertations d'Henri de Valois, de Nicolas Rigault et d'Ismaël 
Boulliaud de Populis fundis ont été réimprimées à Amsterdam, en 1740, 
par les soins de Pierre BUrmann. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GR^EVIUS. 1^5 

XXXVII 

Viro Clarissimo 
Claudio Nicasio^ Canonico 
Divionensi, 

Divionem. 

Viro doctrina et dignîtate conspicuo 

Claudio Nicasio 

S. P. D. 

Joannes Georgius Graevius. 

Quanto tu magis omnes humanitatis numéros implesti, 
me litteris amantissimis non unis sollicitando , variique 
generis officîis devinciendo, tanto mihi ipse implacabilius 
irascor, qui tam longa cunctatione culpam contraxi inexpia- 
bilem. Colorem, quem obducam tantse tarditati, nulium 
invenio. Non infitior debitum, pœnam, quam meritus sum 
gravissimam, non deprecor, nisi pro pœna tibi erit, cons- 
cientia peccati, quas me cruciat, et confessio non honestis- 
sima. Quicquid de me statues, dependam, modo persuaderi 
tibi patiaris, me nec tui, nec nostrœ amicitias obiivione ces- 
sasse, sed subinde intervenisse fatale quid ac nec opinum, 
quod officii persoivendi cupidum retardavit. Si, omni sinis- 
teriore suspicione de hoc silentio diuturno deposita, mecum 
redieris in gratiam, ipse mecum quoque redibo in gratiam, 
et non committam in posterum, ut maiim culpam deprecari, 
quam culpa carere. In fascem, quem inscripsi CL. Sponio, 
conjeci exempla epistolarum ad Atticum quatuor (i), Sponio, 
tibi, Nobilissimo Curtio, nec non Lamerio débita. Illis adjeci 

(0 M. T. Ciceronis Epistolarum ad Atticum libri XVI, ex recensione 
J, G. Grœvii^ cum ejusdem animadversionibus ^ et notis integris,,; 
Amsterdam, 1684, ^ vol. in-8. 

Acédémit de Lyon, eUut dêi Ltttret, 10 



Digitized by 



Google 



146 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

duoTheseiMeursiani (i) exempla. Alterum tibi, alterum Spo- 
niovolo tradi. Hos libros velim accipias testes perpetuae meœ 
in te fidei. Epistolarutn ad Atticum duo cetera exempla, 
cures quœso tradenda Curtio et Lamario. Fata nostrique 
proceres me non siverunt Italiam hac gleba , cui quasi sum 
adscriptus, mutare, Quod si tempus et mearum rerum ratio 
tulisset in beatissimam illam terram sedes transferre, ac 
per Burgundiam vestram eo contendere, nihil profecto tui 
amicissimi hominis complexu mihi accidere potuisset opta- 
tius. Tantum vero tibi debeo pro tam effusa comitate, qua 
me tam amanter invitas iter illuc facturum, ut apud te 
divertam, ut gratiam tuo in me studio parem referre nun- 
quam possim. Habebo tamen semper, quam diu mei memi- 
nero. Amo quoque te plurimum de desideratissima disser- 
tatione de populis fundis, quam mihi dono misisti. Habebis 
brevi ctvrSwpov tertium tomum annotationum Hugonis Grotii 
in Novum Fœdus , quem diu frustra quaesitum tandem 
inveni. Quam primum invenero, cui recte tradi possit, mittam 
eum ad communem amicum nostrum Menagium. Nicolai 
Heinsii (2) bibliotheca dudum , cum tuae mihi redderentur, 
erat vendita, non bibliopolis, hoc enim alienum est ab hujus 
gentis moribus, sed publice singuli libri per aliquot dies 
licitatoribus proponuntur. Plerique vero carissime fuerunt 
venditi, magno concursu emtorum ex variis Europœ regio- 
nibus. Inter non nullos rariores mihi cesserunt Julii Celsi 
paralipomena de rébus Julii Cœsaris in Gallia gestis, quem 
librum editor Caesaris in usum Delphini in proœmio negat 
se in ulla bibliotheca potuisse reperire (3). Quid fit commen- 

(1) /. Meursii Theseus sive de ejus vita liber singularis; Utrecht, 1684, 
1 vol. in-4». 

(2) Heinsius était mort à La Haye le 7 octobre 1681. Voir plus 
haut, p. 137. 

(3) Graevius en donna une nouvelle édition à Amsterdam, en 1697, à la 
suite de son C /. Cœsar, cum notis Vossii; in-8«. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiEVIUS. I47 

tario Salmasii xepl uXtjç laTptxfjç, et secunda parte notarum in 
Epictetum ? Officinam Regiam Parisiensein,si operum horum 
edendorum curam susceperit, merito prseferunt omnibus. 
Nos gaudebimus, et appiaudemus. Sin forte, quod nolim, 
ea spes morte Colberti evanuit, ubi mihi maximi illius viri 
fœtus postumos çredere voluerînt, ut nitide typis Amstero- 
damensibus describantur quam primum , mihi erit curœ. 
Nam est etiam nunc qui sumtus operamque offert. Ubi haec 
lucem adspexerint et vobis se probarint, videbimus ut et de 
bellica re Romanorum Gallicœ dissertationes hic protru- 
dantur. Antonii Ricciardi commentaria symbolica Venetiis 
publicata superiore seculo (i) hic nemo vidit. Perscrutatus 
sum hoc nomine prsestantissimas, quas in his terris extare 
novi , bibliothecas et exquisitissimas , consului <ptXo6(6Xou(; 
plurimos frustra. Alia quercus erit excutienda. Hic modo 
prodiit Jacobi Gronovii dissertatio (2) , qua Fabretto iratius 
respondet, qui in libro de aquis Romse (3) eum vellicarat. 
Ejusdem oratio quoque modo publicata est, qua Romulum 
non in Italîa natum, sed ex Asia in Italiam venisse conten- 
dit (4). Jacobi Perizonii decem dissertationes humaniores, 
plenae bonse frugis, variseque doctrinse, cis paucos dies volita- 
bunt per ora virum (5). In illis magnorum scriptorum veterum 
xapopoiJLaTa quoque nonnuUa notantur. Jubeo te proximo vere 
Meursii Themidem Atticam, sive de legibus Atticis librum 
ineditum expectare, qui modo ex Suecia mihi missus est, et 

(i) Antoine Ricciardi, né à Brescia vers iSio, mort dans la même ville 
en 1610, auteur de Commentaria symbolica^ quibus explicantur arcana 
ad mysticam^ naturalem et occultam rerum significationem attinentia; 
2 vol. in f». 

(2) Responsio ad cavillationes Raphaelis Fabretti ; Leyde, i685, in-S». 

(3) De aquis et aquœductibus veteris Romœ ; Rome, 1 680. 

(4) Dissertatio de origine Romuli, recitata 28 die octobris^ cum alterum 
stationis suce quinquennium commendaret; Leyde, 1684, in-8«. 

(5) Animadversiones historicœ^ ; Amsterdam, i685, in-8«. Bayle 

appelait cet ouvrage V Errata des historiens et des critiques. 



Digitized by 



Google 



148 LETTRES A L'aBBÉ NICAISE. 

nunc prœla nostra subibit (i). Sequetur ejusdem Pira&us, 
hoc est de portu Atheniensium, et de regno Lacedsemonio- 
rum diatribe, nec non in Chrestomathiam Procli notae (2). 
Accepi et auctaria non nullorum iibrorum, quos vir diligen- 
tissimus vivus ediderat, et curis post secundis amplificarat. 
Ex Anglia, si frons iibri non fallit, nuperius sunt allatœ de 
variis bibliorum versionibus et editionibus exercitationes 
criticœ anonymi , quibus accedit refutatio libelli , quem 
Isaacus Vossius suas de Sibyllis disputationi subjecerat 
contra Simonium (3). Is exercitationum harum parens vide- 
tur esse, et frons libri fallere. Primum folium in Anglia 
procul dubio fuit impressum, cetera vero, si recte video, 
hic terrarum. Mecum communicarunt amici hisce diebus 
spécimen novorum bibliorum polyglottorum, quorum editio- 
nem idem auctor, credo, molitur, longe alius formœ, quam 
qua fuerunt Complutensia, Antwerpiensia, Parisina, Anglica. 
In horti Malabarici quinto tomo jam desudant operœ. 
Sequentur novem alii. Samuelis Pufendorfii rerum a Gus- 
tavo Adolpho, et Christina ejus filia gestarum usque ad 
tempus, quo regnum abdicavit, commentarius ex Regiis 
tabulariis depromtus et conflatus in hac urbe editur (4); 
Amsterodami vero anatome maximœ formae, valde, ut aiunt 
laTpGv icaTîeç, accurata ; nec non nec non Hugonis Grotii epis- 
tolarum, cum quas legatus ad Reginam et regni proceres de 

(i) La Themis Attica de J. Meurâîus parut, en effet, à Utrecht, en 
i685, in~40, IV-i52-i8 pages. La lettre dédicatoire à Samuel Pufendorf 
est Tœuvre de Graevius. 

(2) Joannis Meursii de Regno Laconico libri duo ; de Pirœo liber sin^ 
gulariSy et in Helladii Chrestomathiam animadyersiones ; Utrecht, 
1 687, in-40. 

(3) Richard Simon, né à Dieppe le i3 mai i638y mort dans la même 
ville le II avril 1712. 

(4) Commentariorum de rébus Suecicis libri XXVI, ab Expeditione 
Gustavi'Adolphi Régis in Germaniam ad abdicationem usque Christinœ; 
Utrecht, 1686, in-f». 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiEVIUS. 149 

publica re, tum quas exaravit de studîis optimis ad vîros 
doctos. Si posset aliquando Josephi Mariœ Suarcsii libellus 
invenîri de foraminibus, quas in veterum aedificiis conspi- 
ciuntur, qui prodiit Lugduni (i), valde lœtarer. Non donum 
peto , ne me putes tam perfrictœ frontis esse. Pretium cui 
jusseris illico renumerabo. Scripsi œstate superiori de hoc 
libello quoque Sponio. Eas litteras recte curatas esse ex te 
intellexî. Vale , vir eximie, et me ama. Trajecti Batavorum, 
D. XIII Octob. Dionys. CIO IDC LXXXIV. 

XXXVIII 

Viro clarissimo 
Claudio Nicasio^ Canonico 
Divionensi. 

Divionem. 

Viro virtute et doctrina conspicuo 
Claudio Nicasio 

S. P. D. 

Joannes Georgius Graevius. 
Anno superiore tibi misi epistolas ad Atticum et Meursii 
Theseum. Recte curatus esse hos libros per CL. Sponium 
fidem mihi fecit ejus epistola (2). Misi et duo alia exemplaria 
TuUianum epistolarum Divionem, alterum amplissimo La 
Mare, alterum Nobilissimo Curtio inscriptum. Nunc accipis 
tomumtertîum notarumH. Grotiiin novum Fœdus, quemte 

(i) De foraminibus lapidum in prîscis œdificiis ; Lyon, i65a, in-8».Gra5- 
vius voulait sans doute réimprimer dans son Thésaurus cette dissertation 
de Suarez ; mais il est probable que ses recherches demeurèrent infruc- 
tueuses. Plus heureux que son devancier, de Sallengre a trouvé le De 
foraminibus et Ta inséré dans le t. I de son Novus Thésaurus antiquita^ 
tum romanarumy La Haye, 1716. 

(a) Voir plus haut, p. 146 et suiv. 



Digitized by 



Google 



l5o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

desiderare significabas olim (i). Brevi habebis Meursii The- 
midem Atticam (2), et Tullium de officiis (3), si hœc vobis 
reddita esse intellexero. Hic prodierunt Jacobi Perizonii 
Observationes Historicœ (4) et Stephani Le Moine ouXXoy^ 
Grœcorum patrum cum pereruditis notis (5). Uterque liber 
aetatem feret, si his artibus pretium suum honosque manebit. 
Lucem quoque vidit Campegi Vitringœ, professoris Fra- 
neckerani (6), Archisynagogus, sive de veteris Synagogas 
constitutione liber (7), et Theodorici Gronovii spécimen 
observationum ad Pandectarum, quos cum Florentino co- 
dice commisit, proœmium (8). Quid fit Salmasii opère 
postumo icepl OXîjç taTpixfjç ? Lutetids ne typis committetur (9) ? 
Nostrorum bibliopolarum prœla parata sunt ad opus istud 
edendum, si vestra cunctantur. Sed hoc vestri est consilii. Vale, 
vir eximie, et me ama. Trajecti, A. D. X. KL. Maias CID IDC 
LXXXV. 

(i) Voir plus haut, p. 146. 

(2) Voir plus haut, p. 147 et suiv. 

(3) Graevius avait-il déjà publié une édition du De officiis ? Les biblio- 
graphes ne citent que ses éditions de 1688 et de 1691. 

(4) Voir plus haut, p. 147. 

(5) Etienne Le Moyne, né à Caen en octobre 1624, pasteur à Rouen 
puis docteur de TUniversité d'Oxford et professeur de théologie à Leyde, 
mort le 3 avril 1689. «Caen n'a pas donné la naissance à aucun autre 
homme qui ait égalé son érudition. » Huet, Origines de la ville de Caen^ 
1702, p. 595. — Poleni a inséré dans le tome II de son Thésaurus^ fai- 
sant suite aux Thesauri de Graevius et de Gronovius, une Epistola de Le 
Moyne de Melanophoris, — L'ouvrage dont parle Graevius a pour titre : 
Varia sacra^ seu sylloge opusculorum grœcorum ad rem ecclesiasticam 
spectantium ; Leyde, i685, in-40. 

(6) Kempe Vitringa, orientaliste, né à Leuwarden le 16 mai 1659, 
mort à Franecker le 3i mars 1722. 

(7) Archisynagogus ; Franecker, i685, in-4«; réimprimé en 1696, in-4», 
sous ce tifre : De Synagoga vetere. 

(8) Laurent-Théodore Gronovius, frère de Jacques, a publié à Leyde, 
en i685,in-8«, Emendationes Pandectarum juxla Florentinum Exemplar 
examinatarum. Voir Max Conrat, Das florentinische Rechtsbuch ; Berlin, 
1882, p. X, n. I et suiv. 

(9) Voir plus haut, p. 99. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GR.EVIUS. l5l 



XXXIX 



Viro Illustri Claudio Nicasîo 

S. P. D. 

J. G. Graevius. 

Cum domum rediissem ex itinere non unius hebdomadis, 
sperabam me illico tuis litteris, quas ante abitum acceperam, 
respondere posse, sîmulque tibi mittere vitam Petiti(i); sic 
enim mihi constitutum erat, prsecipue cum magna ejus pars 
jam sit typis mandata, et non nisi unicum folium restet 
imprimendum, cum carminibus Francii, Sladii et Munckerî, 
quœ iis, quae tu subnectebas, adjeci (2). Sed, cum de die in 
diem nobis illudat librarius, moras nectens nescio quam ob 
caussam, suo certe damno, nolui ego diutius ofBcium differre, 
ne nimis longa illius intermissione aut negligentiœ aut 
oblivionis reprehensionem incurram. Non omittam tamen 
hominem lentissimum urgere, ut tandem imponat finem 
his libellis, et convitio, spero, illos extundam, cum tantillum 
restet profligandum. Tertius Salmasianarum exercitationum 
tomus est absolutus, restant indices. Gis duas summum très 
hebdomades in publico cum prioribus antehac editis com- 
parebit (3). Illustrissimus Lantinîus prologos adornavit, qui 
erant prsefigendi. Eos jam confectos esse scripsit Salmasio. 
Utinam illi circa hoc tempus ad nos possent deportari. 
Nullus dubito quin ornamento sint futuri huic operi. Sed 
longiores moras typographi vix ferent. Scribet cras Salmasius 

(i) Pierre Petit, médecin et homme de lettres, né à Paris en 161 7, mort 
dans la même ville le la décembre 1687. 

(2) Graevius publia à Utrecht, en 1689, VHomeri Nepenthes de Pierre 
Petit, avec un éloge de Fauteur par l'abbé Nicaise. 

(3) Cette deuxième édition des Plinianœ Exercitationes de Saumaise, 
ouvrage capital de ce grand érudit, ne parut à Utrecht qu'en 1689. 



Digitized by 



Google 



l52 LETTRES A l'ABBÉ NICAISE. 

Lantino, et rogabit, ut prœfationes suas illico jubeat dcfcrri 
Lutetiam, et tibi trabi, ut per Gallœum ad nos quan- 
tocyus curentur , quo nomîne compellavi Gallœum. Te 
quœso ut et hoc officium manibus Salmasianis, qui tibi 
plurimum jam debent, praestes. Ante complures hebdomades 
Berkelii commentarius in Stephanum de Urbibus prodiit (i), 
sed imperfectus, quamvis viginti annos huic operi insudarit. 
Ultimis litteris, in quibus nuUae Berkelii notœ habentur, 
subjecerunt excerpta codicum Palatinorum, quœ margini 
editionis Basileensis adscripserat Salmasius. Ea prœferam 
Berkelianis curis, in quibus multa protrita. Exiit etiam in 
lucem Critica Novifœderis vestra lingua conscripta. Nondum 
ad nos perlata est. Sed qui in Bataviseam viderunt, quamvis 
libérions ingenii homines, quibus Critica Veteris fœdcris non 
displicebat, illam non valde probant. Bochardi Phaleg et 
Hierozoicon hic denuo prœla subiit; quibus accèdent disser- 
tationes postumae ineditœ , quarum spem illis fecerunt 
amici (2). Quid apud vos rerum geralur dudum ignoramus. 
Cangium diem obiisse valde dolemus (3). Magnam in illo 
Jacturam fecit res litteraria, quamvis esset grandis natu. 
Nihil ne reliquit, quod post ejus fata publice legi possit ? 
Harduinum audivimus moliri responsionem, qua Valliantii 
reprehensiones refellat (4). Num illa sub prœloest? Ubi nunc 
locorum agit antistes Suessionensis et Bigotius ? Si vobiscum 
sunt, rogo ut peramanter meo nomine illos salutes, ut et 
Excellentissimum Spanhemium, et Menagium, cui proxime 
scribam. In antecessum velim huic significes, diatriben de 
Heautontimorumeno Terentiano mihi esse redditam , et 

(i) Abraham van Berkel, philologue, né à Leyde vers i63o, mort 
en 1688. 

(2) Cette édition des œuvres de Samuel Bochart fut publiée en 1692. 

(3) Du Gange était mort à Paris le aS octobre 1688. 

(4) UAntirrhetius de nummis antiquis,.,,^ ad Joannem-Foy Vaillant^ fut 
publié par Hardouin en 1689. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GILEVIUS. l53 

typographum nostratem suam nobis operam addixisse illi 
edendœ (i),simul ac quœ nunc prœla ejus exercent, absolvent, 
nisi intercesserint hae procellae bellicœ. Id quoque velim per 
te resciscat Wetsteinium tandem admovisse manus Diogeni 
Laertio (2), quem adhuc retardavit partim Meibomius, par- 
tim charta idonea, partim typi fingendi, nam quos primum 
jusserat formari, propter exilitatem sunt répudiât!. Samuel 
Tonnulius e superiore cœnaculo, in quod adscenderat^ 
nuperius per foramen imprudens delapsus, non longe post 
exspiravit. Amalthœorum fratrum poemata, qu© his in 
terris rarissima fuerunt, ab Amsterodamensîbus subjecta 
sunt prcelis (3). Vale, vir prœstantissime, et me ama. Trajecti 
D. XXIV Nov. Gregor. CID IDC LXXXIIX. 

XL 

A Monsieur 
Mon^ VAbbé Nicaise. 

A Paris. 

Viro virtute et doctrina praestanti 
Claudio Nicasio 

S. P. D. 
J. G. Graevius. 

Litteras, quas longo intervallo nuperius ad te dedi, spero 
recte tibi redditas esse, causasque diuturni silentii probatas. 
Altero die, cum illas ad vos misissem, tuas acceptissimas, 
quas VII Novembris exaraveras, mihi tradidit Van der 

(i) Cette nouvelle édition du Discours de Ménage sur V Heautontimo^ 
rumenos de Térence^ parut à Utrechten 1690. 

(2) La deuxième édition du Diogenes La'èrtius de Ménage fut publiée à 
Amsterdam, en 1692, chez Wetstein. 

(3) C'est à Grœvius lui-même qu'est due cette réimpression des 
poésies des frères Âmalthée; elle parut à Amsterdam, chez Wetstein, 
en 1689. 



Digitized by 



Google 



l54 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

Meulen, qui salvus ad nos rediit, tibique gratias apud 
me maximas egît, pro eflfus© comitatis officiis, quibus 
eum et Mœrsevenium excepistis. Longœ intermissionis litte- 
rarum culpam expiabo in posterum epistolarum crebritaie, 
nec committam ut officium meum retardet aut temporum 
aut hominum iniquitas. Spero jam Prolegomena Lantini 
ad te esse perlata. Fac quœso ut, si ea velitis prœfîgi Exercita- 
tionibus Plinianis, quam primum per Gallœum ad nos curen- 
tur. Summum intra très hebdomades in publico illae compa- 
rebunt. Utdiutiuseditîonem différant typographis persuaderi 
nemo poterit. Si forte propter molem prœfationis fasciculus 
nimis intumesceret, in duas tresve sectiones potest dividi, 
et singulis hebdomadibus una mitti. Si effeceris ut Lantinus 
Salmasii notas in Pollucem (i), et Vallesii ineundem scripto- 
rem aç Hesychium annotationes nostrae fidei committat 
tuus amicus Aurelianensis (2), de re litteraria praeclare 
mereberis. Nam ut Kuhnius accipiat quœ pertinent ad 
Pollucem, et Phorbaeus quae illustrant Hesychium (3), mihi 
erit curae. Phorbœus ab aliquot annis molitur editionem 
Hesychii cum suis et Danielis Heinsii luculentis animad- 
versionibus, quas duobus hujus scriptoris exemplaribus 
adscripsit uberrimas. Is enim constituerat Hesychium 
edere , ut saepius promisit (4). Pictura Junii nondum 
potuit invenire qui illi edendae operam et sumtus velit 

(i) Saumaise le fils nous a dit plus haut, p. 100, que le PoUux est le 
seul ouvrage qui lui soit resté de sa bibliothèque. 

(2) Cet ami d'Orléans, détenteur des notes d'Henri de Valois sur Pollux 
et sur Hésychius, est Guillaume Prousteau, professeur de droit à l'Uni- 
versité d'Orléans. Voir plus loin la lettre de Grœvius du i5 mars 1689, 
n» XLV. 

(3) Jean Verwey, qui s'est lui-même désigné sous le nom de Phorbœus^ 
préparait une édition d'Hésychius; mais il mourut, sans l'avoir achevée, 
en 1691. Alberti a utilisé les notes de Verwey et a consacré à ces subsidia 
les pages XXIV à XXVIII de sa Prafatio. 

(4) Sur ces promesses de Heinsius, voir Alberti, PrœfatiOy p. XIV. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GR-EVIUS. l55 

impcndere, nec hic, nec Amsterodami , quo eam mise- 
ram. Tantum est optimarum rerum fastidium. Non tamcn 
ante cum ipse conquiescam, tum per amicos învestîgare 
et circumspicere omnia desînam, quam reperero qui hujus 
operis editionetn suscipiat(i). Morhofii, Kiloniensis Academiœ 
Doctoris (2), quo dudum familiariter utor, librum de Pata- 
vinîtate Livii (3) legi olim non sine voluptate, Polyhistorem 
non legi (4) ; sed qui legerunt amici non probant, nec videtur 
valde probasse Benagius in diariis suis Gallicis. Christo- 
phorus Cellarius (5) edidit nuper aliquot epistolas Samarita- 
norum ad Europœos scriptas, quas habeo. Historiam vero 
illius gentis indies expecto. Eruditissimi Pagii animadver- 
siones in Baronium (6), ut et Vaillantii de municipiis et co- 
loniis volumina (7) cupidissime hic expecto. Miramur nondum 
ad nos pervenisse hos libros. Ex Hypatica dissertatione 
Pagii (8), quam magni facio, iicet nobis existimare, quam 
multa ex his, qui modo prodierunt, libris sint discenda. 
Pro Monetae in iilud opus et mortem Cangii toO i:avu pro- 
grammate tibi piurimum debeo. Tandem vita Petiti tota 
typis est descripta. Nunc folia colliguntur. Proxime illam 
videbis. Quœso ut lUustrissimum Huetium, ad quem jam 



(i) Les efforts de Graevius furent couronnés de succès ; voir plus haut, 
p. 39, note 2. 

(2) Daniel-Georges Morhof, professeur à TUniversité de Kiel, né à 
Wismar le 6 février 1639, mort à Lubeck le 3o juillet 1691. 

(3) De Patavinitate Liviana^ ubi de urbanitate et peregrinitate sermonis 
latini universe agitur; Kiel, 168 5, in-4». 

(4) Polyhistor^ sive de notitia auctorum et rerum commentarii ; le 
tome premier parut à Lubeck en 1688. 

(5) Christophe Cellarius, né à Schmalkalde le 22 novembre i638, mort 
à Halle le 4 juin 1707. 

(6) La première partie des Critica^ du P. Pagi, in Annales ecclesiasticos 
Baroniif était-elle déjà publiée? Elle porte le millésime 1689. 

(7) Numismata œrea,., in Coîoniis^ Municipiis et Urbibus,,. percussa; 
Paris, 1688, in-folio. 

(8) La Dissertatio hypatica du P. Pagi avait paru à Lyon en 1682. 



Digitized by 



Google 



l56 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

litteras dedissem, nisi tabellarii in procinctu starent, sed 
sequentur proxime, ut et Excellentissimum Spanhcmium, 
necnon viros doctissimos, Menagium, Ballusium, Bigotium 
peramanter meo nomîne salutes. Menagii Bailletus et Mene- 
demus quo lôco sint îgnoro. Sed ejus dissertatio de Heauton- 
timorumeno mihi est reddita, ut nuper tibi significabam, 
eaque ut prodeat in lucem providebo. Modaeus noster tibi 
salutem dicit, et Menagio Goyerus. Vale, vir eximie, et me 
amare perge. Trajecti KL. Decemb. Gregor. CID ID 
CLXXXIIX. 

XLI 

A Monsieur 
Monsieur VAbbé Nicaise. 

A Paris. 

Claudio Nicasio viro insigni 

S. P. D. 

J. G. Graevius. 

Litteras binas, quas nuperius ad te dedi, recte spero 
curatas esse per Gallaeum nostrum. Constitueram hac die 
nonnulla vitae Petiti exempla tibi mittere; sed librarius, 
qui typis suis hœc mandavit, aberat domo, clausa iila officina, 
in qua servabantur. In paucis diebus redibit. Videbo num 
quis de cohorte iliustrissimi Davosii (i), qui reditum in 
Galliam adornat, possit inveniri ; cujus fidei ausim credere 
aliquot non tantum tui libelii, sed etîam dissertationum 
Petiti. Prolegomena perpulchra Lantini eruditissimi Sal- 
masius ad me misit. Jam sub prœlis sudant. Sed qui ad 

(i) Jean-Antoine de Mesmes, comte d*Avaux, né en 1640, mort à Paris 
le II février 1709, était ambassadeur de Louis XIV en Hollande, au 
moment où la guerre éclata. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GILEVIUS. iSy 

VOS perferri poterint exempla, cum lucem adspexerint , 
nondum exputo. Tibi unum assignatum est. Sed fata viam 
invenient. In hoc orbis terrarum încendio , quod nunc 
oritur (i), non tantum vastitas multis terris et gentibus 
împortabitur, sed Musis quoque silentîum indicetur. Quis 
enîm in tanta turba et strepitu illas audierit? Verum de 
his Superi viderint. Nos in optimarum artium studiis 
conquiescemus, si poterimus. Ad nos cum Gallœus reverterit 
quoque propediem, pervelim ex te intelligi, quo Lutetiae 
litterae meœ, si quas in posterum volueris a me tibi scribi, 
sint curandœ, ut tibi reddantur. Vale, vir praestantissime, 
et me amare perge. Quaeso te ut salutes meo nomine 
Illustres virosHuetium,Spanhemium, Menagium, Balusium, 
Thevenothum , ceterosque litterarum meique studiosos. 
Trajecti D. VIII Decemb. CI3 IDC LXXXIIX. Gregor. 
CL. Balusio signiôcabis Lactantium illius de persecu- 
tionibus martyrum binas intra hebdomades ex claustris, 
in quibus tam diu delituit , erupturum tandem in dias 
iuminis auras (2). 

(i) Louis XTV venait de déclarer la guerre aux Provinces-Unies. L'or- 
donnance contenant cette déclaration est datée de Versailles, le 26 no- 
vembre 1688 (voir plus haut, p. 99), et c'est sous cette date qu'elle est 
insérée dans le Recueil général des anciennes lois françaises^ t. XX, 
p. 65. — Il faut donc, sans hésitation, rejeter, comme erronées les dates 
données par M. Ludovic Lalanne (Dictionnaire historique^ V« France : 
16 novembre 1688) et par M. Dreyss (Chronologie universelle : 3 décem- 
bre 1688). — La publication de l'ordonnance eut lieu sans retard. Dans 
la Galette du 4 décembre 1688, publiée à Lyon, chez Antoine Julliéron, 
le 8 décembre 1688, on lit, p. 208, cet entreRlet: a On a publié une 
Ordonnance du Roy portant déclaration de guerre par mer et par terre 
contre les Hollandais, avec révocation des passeports et sauvegardes, et 
défense à tous ses sujets d'avoir aucun commerce avec les Hollandais et 
ordre de leur courir sus. » 

(2) La première édition, donnée par Baluze, du Lactantii liber ad 
Donatum de mortibus persecutorum^ avait paru en 1680 à Paris; une se- 
conde édition, cum yariorum notis^ fut publiée à Utrecht, en 1692, par les 
soins du rouennais Paul Bauldry, gendre d'Henri Basnage. 



Digitized by 



Google 



l58 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

XLII 

A Monsieur 
Monsieur l'Abbé Nicaise^ chanoine 

de la Sainte Chapelle de Dijon. 
A Paris. 

Vîro praestantissimo 
Claudio Nicasio 

S. P. D. 
J. G. Grœvius. 

Quae de nummo Hadrîani petebas a Wittîo, illico ad eum 
misi. Spero illum tibi hanc veniam dédisse. Mihi nihil etiam 
nunc respondit. Quatuor nisi fallor epistolis meis responsum 
débet. Nescio an in functionis suae muneribus, an in amo- 
ribus sit occupatus tantopere, ut amicis vacare non possit. 
Cum Amplissimi Lantini litterœ mihi redderentur, prolego- 
mena illius jam erant typis descripta. Ut tamen calci indicum 
subiiciantur quae jubet emendari, mihi erit curœ. Prolego- 
mena illa sunt elegantissima et Lantino digna, ad quem 
exarabo proxime litteras. Ad te in his quatuor hebdomadibus 
très dedi minime Laconicas, in quibus de omnibus, quse 
hic in re litteraria geruntur , tecum egi copiose. Spero 
Gallaeum eas accepisse et tibi tradidisse. Nunc tibi signi- 
fico Dominum Morau Parisiensem, qui Hagœ procurât res 
Régis Poloniœ, in cistam plenam librorum, quae inter sarci- 
nas Excellentissimi Comitis Davosii feretur ad Advocatum 
Talonum (i), et tradetur Abbati Boudoino, qui ei et ejus filiis 
est a studiis, conjecisse fasciculum, qui complectitur qua- 

(i) Denis Talon, né à Paris en juin 1628, avocat général, puis président 
à mortier, mort à Paris le 2 mars 1698. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiEVIUS. 1 Sq 

tuordecim exemplaria utriusque diatribes Petiti, et, nisi 
me properantem nunc fallit memoria, viginti quinque 
exemplaria vitae Petiti separatim édita. Fasciculum, ne 
periret, inscripsi Thevenotho, ac si deberet inferri biblio- 
thecae Regiae, quod etiam fronti fasciculi adjeci. Id quod 
veiim Thevenotho Illustri signifiées, meoque nomine salutem 
nuncies peramanter, ut unum exemplum servet bibliothecœ 
Regiae, reliqua tibi tradat. Quod si ex iliis unum quoque 
reddi curaveris Illustrissime Ducî Mantauserio, cui promisi, 
me summopere devincies. En tibi litteras Salmasii. In novis- 
simis meis petieram, ut mihi signifîcares, quo, cum disces- 
serit Gallaeus, Lutetiam velis perferri meas litteras , ne 
périrent. Commercium enim litterarum non interpellabit 
credo clangor tubarum et armorum strepitus. Mea sane 
semper officia tibi erunt praesto. Quam primum autem hoc 
ex te intellexero, uberiores a me habebis. Menagîo, Balusio, 
ceterisque doctrina claris et mei studiosis hominibus, die 
quseso meo nomine salutem, ut et Illustriss. Suessionen- 
sium antistiti, queni spero meas, quas nuperius ad illum 
dedi per Prelardam bibliopolam curandas, accepisse. Balusio 
velim signifiées Lactantium tandem in duabus tribusve heb- 
domadibus in lucemproditurum (i), Menagio vero dissertatio- 
nem ejus de Heautontimorumeno jam esse in manibus biblio- 
polae, propediemque prœla subituram (2). Vale, tu doctaque 
cohors tota, et me ama. Trajecti D. IV Kl. Jan. CID IDC 
LXXXIX, quem tibi decurrere placide feliciterque volo. 
Praecipiti scriptioni quaeso ut ignoscas. 

(1) Nous avons déjà dit, p. 157, que, contrairement aux prévisions de 
Grœvius, le Lactantii Liber ad Donatum ne vit le jour qu'en 1692. L'édi- 
teur Paul Bauldry est né K Rouen en. 1639 (la Biographie générale 
dit 1629) et est mort à Utrecht le 16 janvier 1706. 

(2) Cette troisième édition, augmentée et corrigée, du Discours de 
Ménage sur V Heautontimorumenos de Térence, fut publiée à Utrecht 
en 1690. 



Digitized by 



Google 



l60 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 



XLIII 



A Monsieur 
Monsieur VAbbé Nicaise. 

A Paris. 

Claudio Nicasio viro praestantissimo 

S. P. D. 

J. G. Graevius. 

In his tribus mensibus, qui nuperius decurrerunt, quatuor 
minimum ad te litteras dedi. Priores très misî pro mea con- 
suetudine ad Gallasum per eosdem amicos, per quos ceteras 
curavi antehac. Novissimas conjeci in epistolam ad Illustrem 
Spanhemium. In iilis significabam me quatuordecim exem- 
plaria duarum dissertatîonum Pétri Petiti, etviginti quinque 
tuse epistolas de illius vita separatim éditas conjecisse in 
fascem obsignatum probe, inscriptumque lUustriThevenotho, 
quasi is deberetur bibliothecœ Regiae, ne periret. Hune 
fasciculum Virum eximium Morovium Farisiensem, qui 
Hagae Comitum Régis Poloniae oratorem agit, commisisse 
m. Comitis Davosii ministro, qui illam condiderit in cistam 
plenamaliorumlibrorum,quœ Advocato Generali, ut loquun- 
tur, Talonio mittatur, et tradenda sit abbati Boudoino, qui Ta- 
loniosita studiis. Tuum esse uthaec indices Thevenotho, ut 
tibi provinciam imponat hos libros, qui inter sarcinas Davosii 
navibus ad vos avecti sunt, ex aedibus Talonii petendi. Te 
quoque rogaram ut unum exemplum harum diatribarum 
meo nomine Duci Montauserio, quia hanc spem ei feci, 
aiterum Antistiti Suessionensi, o£Feri:es compactum. Quicquid 
impenderes y cum hic velari propter temporis angustias 
nequirent, in illa expolienda me bona fide renumeraturum. 
Significabam praeter haec me tuam schedam, quam mihi ferebat 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GR^VIUS. l6l 

Spanhemii epistola, illico misisse Wittio. Nihil ego responsi 
tuli, quamvis non unis litteris a me sit lacessitus, adjectis 
etiam quibusdam munusculis. An tibi responderit, quod 
summopere ab illo petebam , ignoro. Intellexeras quoque 
in illis litteris ultimis ex me, quœ Lantinus miserat in 
prolegomenis suis emendanda sero fuisse ad nos perlata, 
cum jam essent tota typis descripta. Quam primum facultas 
fuerit ad vos exemplaria mittendi, videbitis ea. Ubi bas 
litteras tibi redditas esse accepero , plures et uberiores 
habebis. Nunchoctantum addo IsaacumVossiumdeveterum 
theatrorum magnitudine et structura librum edere in An- 
glia(i); Oxoniae edi Hippolyti opéra (2), Londini Vossii patris 
epistolas (3), et novum Fœdus cum plurimorum vetustorum 
codicum lectîonibus. Vale, vir prœstantissime, et me amare 
perge. Salutem quaeso ut dicas meo nomine W. Illus- 
tribus Thevenotho, Balusio, Bigotio, Huetio, Harduino , 
ceterisque nostri studiosis. Ad Huetium ut et 111. Ducem 
Montauserium, num novissimae meae perlatae sint pcrvelim 
scire Hisce diebus ex Germania perlata est ad me Samuelis 
Pufendorfiî epistola latina, contra ephemeridum rei litterariae 
Parîsiensium auctorem édita (4), quam si nondum vidistis, 
videreque desideratis, vobis mittam. Iterum vale. Trajecti, 
XVII Januar. CID IDC LXXXIX. 



(1) Ce livre était sans doute la continuation du Variarum Observation 
wwm Li^er, publié à Londres en i685, dans lequel Isaac Vossius avait 
traité de la grandeur de Tancienne ville de Rome et du nombre de ses 
habitants. A-t-il vu le jour ou est-il resté inédit ? 

(2) Cet Hippolyte est le père de TÉglise, sur lequel l'attention a été 
rappelée, il y a quelques années, à propos des Philosophumena. 

(3) Gérard-Jean Vossius, né près d'Heidelberg en 1577, mort à Ams- 
sterdam le 17 mars 1649 ; ses Epistolœ ont été publiées à Londres en 1690, 
in-folio. 

(4) Epistolœ duce super censura^ in Ephemeridibus Eruditorum Pari^ 
siensibus et Bibliotheca universaliy de quibusdam scriptorum suorum 
locis LUa^ ad V. Cl. L, Andream Rechenbergium ; Leipzig, 1688, in-4<». 

Académie de Lyon^ cloue des Lettre$. 1 1 



Digitized by 



Google 



102 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

XLIV 

A Monsieur 
Mons' VAbbé Nicaise. 

A Paris. 

Viro praestantissimo 
Claudio Nicasio 

S. P. D. 
J. G. Graevîus. 

En tibi tandem nummum quem desiderabas. Pridie 
Wittius illum ad me misit, testatus obitum sororis variasque 
molestias intercessisse, quo minus et tîbi et mihi maturius 
responderit. Pictorem ait nummum istum sic diluisse calce 
et arena, ut litteras fere omnes eluerit. In iîs colligendis se 
nunc esse. Quo negotio ubi fuerit defunctus, se tibi res- 
ponsurum. Quinque minimum ad te his tribus quatuorve 
mensibus ad te misi epistolas. Très per Gallaeum, cum 
vobiscum ageret, unam per lUustrem Spanhemium, quintam 
curavi ad Menagium. In binis novissimis significavi Illus- 
trissimi Davosii comitibus me commisisse quatuordecim 
exemplaria dissertationum Petiti de nepenthe et anthropo- 
phagis, et viginti, ni fallor, quinque vitas Petiti, quam tu 
litteris mandasti. Sed num hœc et ulla epistoiarum mearum 
ad te pervenerit nondum mihi licuit rescire. Fasciculus erat 
inscriptus Thevenotho, ac si ad Regiam bibiiothecam perti- 
neret, ne periret. Pervelim igitur verbo de his certior fieri. 
Quod si per vos licuerit, crebrioser a me habebis. Isaacum 
Vossium obiisse modo ex Britannia mihi nunciatur (i). Nihil 
mihi potuit nunciari flebilius. Salmasius de homonymis 

(i) Isaac Vossius ëtait mort à Londres le 21 février 1689. 



Digitized by 



Goo^ç: 



LETTRES DE GR^EVIUS. l63 

uXt)ç tarpaîjç jam prostat, ut et Cebetis tabula cum notis 
Jacobi Gronovii, variis in locis ex Regiis vestris codicibus 
emendata (i). Tuas avidissime expecto. Vale, me ama, et 
CLL. W. Menagio, et Ballusio, nec non Thevenotho salutem 
die meo nomine. Trajecti, postrid. KL. Martias CID IDC 
LXXXIX. 

XLV 

Viro praestantissimo 

Claudio Nicasio S. P. D. J. G. Graevius. 

Binas tuas Antwerpia mihi misit Excellentissimus Spanhe- 
mius ; tertias Galleeum mihi reddisse cognosti credo ex iis, 
quas per Reverendissimum Suessionensium Antistitem ad te 
curavi. Gaudeo sane virtutis suae praemium tulisse Spanhe- 
mium; quod enim majus optare potest, quam tantum sui desi- 
derium, quod invitus a vobis avulsus reliquit, et, quod caput 
est, tanti Régis tantum et tam prœclarum judicium, quod de 
illo fecit. Faxit Deus ut brevi pax restituatur, et per illam 
Spanhemius vobis. Antwerpiœ praestolatur adhuc Principis, 
cujuslegatum agit, jussa. Speramus tamen brevi nos volupta- 
tem, quam animo maximam jam praecipimus, ex tanti et tam 
desiderati amici complexu, suavissimaeque consuetudinis fructu 
esse capturos. Quot soles condemus gratissimis fabulis de te, 
de Huetio, Menagio, Bigotio, aliis amicis, deque nostrarum 
artium studiis, si, quod vovemus, in his terris ei commorari 
licuerit. Significavit se Hesychium et PoUucem Vallesii mihi 
apportare. Simul ac mihi traditi fuerint, ex me faxo ut intelli- 
gatis. CL. Prustello (2) rogo ut meo nomine gratias agas, cum 

(i) Cebetis Thebani tabula^ Grœce et Latine^ tnultis in locis restituta ex 
MSS. Codicibus ; Amsterdam, 1689, in-8». 

(2) Guillaume Prousteau, professeur à T Université d'Orléans, né à 
Tours en 1628 (baptisé le 17 mars), mort à Orléans le i5 mars 171 5, 



Digitized by 



Google 



164 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

hos libros nobiscum voluit communicare. Servabuntur sancte, 
et ubi descripta fuerînt quae ad ornandam horum auctorum 
novam editionem facient, remittentur per certes homines. 
Sarcinas lUustrissimi Davosii tandem ad vos pervenisse, ac 
cum iis fasciculum ad te, puto. Ex optimi Wittii animo tui 
amor et memoria minime effluxit. Procul dubio, brevi longius 
silentium pensabit et ubertate et frequentia litterarum. Mor- 
bus diuturnus et secuta morssororis,quae Amsterodami nupta 
fuit viro primario, nec non moles negotiorum in nova func- 
tione insueto gravis, voluntatem scribendi ad vos retardavit. 
In tanta vicinitate tribus quatuorve mensibus nuilas ab eo lit- 
teras habui, nisi nuperrime, cum numismatis, quod deside- 
rabas, ectypon mihi mitteret, quod credo accepisti. In iis ait se 
tôt tuis brevi responsurum. Petiit ad se mitti Francisci Junii 
opus de pictura et pictoribus, spe non dubia fore, ut aut Dor- 
draci, aut Roterodami typographus inveniatur, qui elegantis- 
simis libris manus et sumtus velit commodare, cum hic et 
Amsterodami frustra simus omnia experti. Sin minus, ablega- 
bitur ad te, cum facultas fuerit. Mittam quoque Pufendorfii 
epistolam. Van der Meulen (i) et Modaeus tibi vicissim salu- 
tem dicunt, gratique tua in se mérita commémorant. Quid de 
Isaaci Vossii iibro de theatris nobis sperandum sit, postquam 
obiit, nondum rescire licet ; ubi resciero, tu quoque scies. 

acheta de Marguerite Chesneau, veuve d'Henri de Valois, la bibliothèque 
laissée par ce savant. Il en fit le plus noble usage, en communiquant libé- 
ralement les ouvrages qui lui étaient demandés. En 1679, il autorisa 
Grœvius a publier les Notœ et Animadversiones de Valois sur Harpocra- 
tion, et elles furent effectivement publiées par Gronovius, à Leyde, 
en 1682. Le succès que ces notes obtinrent encouragea Grsvius a solliciter 
la communication d'autres notes de Valois sur PoUux et sur Hésychius, 
et nos lettres prouvent que sa demande fut favorablement accueillie. Voir 
sur Guillaume Prousteau et sur sa Bibliothèque une étude de M. Bimbe- 
net, Mémoires lus à la Sorbonne en 1864, Histoire, p. 357 ^ 407- 

(i) Jean-André van der MUlen, né à Utrecht le 6 décembre i655, 
magistrat à Vianen près Utrecht, puis à La Haye, mort dans cette der- 
nière ville en 1702. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GR/EVIUS. l65 

Magnam a me înibis gratiam, si dissertationum Petiti exem- 
plar meo nomine jusseris ofFerri lUustrissimo Duci Montau- 
serio. Fabula Commirii (i) digna est ejus ingenio. Ille nitor 
et infucata munditîes prodebat statim auctorem, etsi ex te 
illius nomen non didicissem. A te quaeso ut virum eximium 
meo nomine saintes. Ab illo tempore, quo Celsissimus Mo- 
nasteriensis Epîscopus, ô ixûocapC-nfjç, mihi ejus carmina donavit, 
quae non tantum ipse cum magna voluptate lego, sed aliis 
saepe recito, cultissimum ejus ingenium magni feci. Ex Bigo- 
tii litteris accepi Blancium (2) edidisse librum de nummis 
Caroli Magni, Ludovici Pii et Lotharii (3). Hujus videndi 
magno teneor desiderio. Sed qua via possit ad nos pervenire 
non video. Wehieri itinerarium per Italiam, Dalmatiam, Grae- 
ciam, Asiam minorem (4) in Gallicam linguam ex Anglica con* 
versum Amsterodami prodiit, multis Graecis inscriptionibus 
et nummis, multis quoque, quae pertinent ad situm urbium 
et locorum, ut et ad rem herbariam observationibus insigne. 
Sed Graeca corruptissime sunt édita. Vale, vir eximie, et me 
ama. V.V. ILL. Huetio, Thevenotho, Balusio, Mabillonio, 
Harduino, ceterisque amicis salutem plurimam, si videris, 
ut dicas rogo. Trajecti, V/XVMart. CID IDC IXC (5). 



(i) Jean Commire, jésuite et poète latin, né à Amboise le iS mars 1625, 
mort à Paris le 25 décembre 1702. 

(2) François Leblanc, auteur du Traité historique des monnaies de 
France. 

(3) Dissertation sur quelques monnaies de Charlemagne^ Louis le Dé- 
bonnairey Lothaire et ses successeurs^ frappées à Rome; Paris, 1689, 
in-4». 

(4) Georges Wheler, né à Breda (Hollande) en i65o, mort à. Houghton 
(Angleterre) le 18 février 1724. La relation de ses voyages, publiée en 
anglais à Londres en 1682, fut traduite en français et éditée à Amster- 
dam en 1689, deux vol. in-80. 

(5) Les exemplaires des dissertations de Petit, dont il est plusieurs fois 
question dans les lettres que nous venons de publier, sont devenus fort 
rares. Toutes les recherches que nous en avons faites, même dans la 
Bibliothèque nationale, ont été infructueuses. * 



Digitized by 



Google 



l66 LETTRES A l'aBBÊ NICAISE. 

XLVI 

A Monsieur^ 
Monsieur l'Abbé Nicaise, 
A Dijon. 

Claudio Nicasio Viro Illustri 

S. P. D. 

J. G. Graevius. 

Binas meas, quas Leersio nunc Lutetiae haerenti ad te cu- 
randas misi, recte tibi cum Junio de pictura veterum aliisque 
non nullis, quae ego et Modeus tibi misi, curata esse spero. In 
novissimis quoque significavi, in illo fasciculo, quem Gene- 
vensi via per Heivetios ad me curasti, haberi historiae Delphi- 
natus Chorieri tomum posteriorem, sed si priorem quoque pos- 
ses mihi reperire (i), te tuum beneficium mire cumulaturum, 
pretium vero tibi me renumeraturum per nostros bibliopolas, 
simul ac jusseris et ubi jusseris. Salmasii vita si per Leersium 
ad nos mitteretur, nullus dubito, quin illam simus visuri, et 
ut lucem videat, operam daturi. Ex Britannia hue allatus 
est nova Euripidis editio a Josua Barnesio (2), Cantabrigiae 
cum ejus et aliorum notis publicata in folio, ut loquuntur. 
Oxoniae sub proeiissunt librorummanuscriptorumOxoniensis 
et Cantabrigiensis Academiarum, nec non celebrium per 
Angliam et Hiberniam bibliothecarum catalogus, cum indice 
Alphabetico, cura Eduardi Bernardi tomis duobus in folio (3). 

(i) Nicolas Chorier, né à Vienne (Isère) en 1609, mort à Grenoble le 
14 août; 1692, a composé une Histoire générale du Dauphiné; le tome I*"" 
a paru à Grenoble en 1 661, le tome II à Lyon en 1671. 

(2) Josué Barnes, professeur à l'Université de Can^bridge, né à Londres 
le 10 janvier 1654, mort le 3 août 171 2. Son édition d'Euripide, Euri^ 
pidis quœ extant opéra omnia, parut à Cambridge en 1694 ; un vol. in-f». 

(3) Le no 211 des Transactions philosophiques (juin 1694) contient une 
pièce d'Edward Bernard, qui porte le titre que Graevius vient de trans- 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiEVIUS. l6j 

Plantarum Historiae Universalis volumina duo, cum Schc- 
matismis elegantibus, auctoribus Morisono (i), Hydo (2) et 
Jac. Bobartio (3). Thucydides de bello Peloponnesiaco Graece 
et Latine cum scholiis veterîbus et annotationibus Joannis 
Hudsonii, et chronologia Henrici Dodwelli, in folio (4). Xeno- 
phontis opéra Graece et Latine, cum variis lectionibus, tribus 
voluminibus in 8^ Phalaridis epistolae cum versione et notis 
Caroli Boylii in 8** (5). Pîndarus cum scholiis omnibus vetc- 
ribus et variis lectionibus studio virorum doctorum, fol. Lu- 
cretius cum annotationibus Thomae Crech, in 8** (6). Aegypti 
historia Arabice et Latine curante Hydo. Dionysii Periegesis 
Graece et Latine cum scholiis ineditis, 8**. Qui nunc sequun- 
tur jam lucem adspexerunt. Aristeas de LXXII interpretibus 
cum veterum scriptorum testimoniis. Thomae Hydii com- 
mentarius de schacis et ludis aliis gentium orientalium (7). ' 
Guilielmi Somneri (8), Caroli du Fresne et Edmundi Gibsonii 



crire : Librorum manuscriptorutrif etc. Mais nous ne connaissons pas les 
deux volumes in-folio. Voir plus loin, p. i yS et 1 74. 

(i) Robert Morison, botaniste, né à Âberdeen en 1620, mort à Londres 
le 9 novembre i683. 

(2) Thomas Hyde, né à Billingsley le 16 mai i636, mort à Oxford 
le 18 février 1703, a collaboré à V Historia Plantarum de Morison, non 
pas comme botaniste, mais comme orientaliste, par des Annotationes 
nominum lingua Arabica^ Persica et Turcica. 

(3) Cest Jacques Bobart, directeur du Jardin botanique de l'Uni- 
versité d'Oxford, et non pas Dodart, médecin français, comme le dit la 
Nouvelle Biographie générale^ XXXVI, p. 604, qui a continué la Planta-- 
rum Historia de Morison. 

(4) Jean Hudson, né à Widehope en 1662, mort le 27 novembre 1719. 
Son Thucydides^ avec la version de Portus et la chronologie de Dodwell, 
parut à Oxford en 1696. 

(5) Charles Boyle, né à Chelsea en 1676, mort le 28 août 1731. Son 
Phalaris parut à Oxford en 1695. 

(6) Thomas Creech, né à Blandford en 1659, mort en 1700. Son Lu" 
cretius parut à Oxford en 1695. 

(7) L'ouvrage de Thomas Hyde, ayant pour titre De Ludis orientalibus 
libri //, parut à Oxford en 1694 ; deux vol. in-80. 

(8) William Somner, né à Canterbury le 5 novembre 1 598, mort dans 



Digitized by 



Google 



l68 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

dissertationes de portu Iccio (i). Sed nihil horum omnium ad 
nos pervenit quam Aristeas. Cetera tamen expectamus in 
dies. Si quid inaudisti de Bergerio (2) de viis magnis Roma- 
norum, quem in latinam transtulisse linguam Veronensem 
quendam ex te olim et aliis accepi : num pergat, an consilium 
hoc abiecerît, si mihi significaris, ubi id rescierîs, me devin- 
cîes novo vinculo. De tua valetudine certior fieri valde cupio, 
cui fac servias neglectis aliis omnibus rébus. Ego pro ea vota 
huncupo quotidie. Faxit Christus Sospitator ut eam bene se 
habere propediem ex tuis litteris cognoscam. Salveat quaeso 
meo nomine Illustris Latinius et ceteri viri eximii La Marius 
et Santolius. Trajecti, praecipîti calamo, D. IV Octob. 
CID IDC XCIV Gregor. 

In hac urbe prodiit Longinus de sublimi dicendi génère, 
cum omnium notis, cura Jacobi Tollii, qui illum libellum 
cum quibusdam mss. contulit. Adjecit etiam Gallicum Boi- 
lavii, cum suis et Dacierii notis, in 4** (3). 

la même ville le 3o mars 1669. Sa réponse Ad Chiffletii librum de Portu 
Iccio fut publiée à Oxford en 1 694, par Edmond Gibson. 

(i) L'emplacement du Portus Itius est, encore aujourd'hui, un sujet de 
vives controverses. Voir les comptes-rendus de la vingt-septième session 
du Congrès archéologique de France, tenu à Dunkerque en 1860, 
p. 57-73. 

(2) Nicolas Bergier, né à Reims en 1567 (Moréri dit i557), mort à 
Grignon (Seine-et-Oise;, et non pas, comme le disent plusieurs biographes, 
à Grignan, le i5 septembre 1623 ; il était, en effet, Thôte du Président de 
Bellièvre, seigneur de Grignon. Son Histoire des grands chemins de 
l'Empire romain fut publiée en 1622. — Graevius avait intérêt à savoir 
si le Véronais donnait suite à son projet de traduction ; car un philo- 
logue hollandais, Henri-Christian de Hennin (voir plus haut, p. i35, 
note i), né vers i655, mort à Duisbourg en 1703, préparait, de son côté, 
une traduction latine, que Graevius a insérée, avec les notes du traducteur, 
dans le tome X de son Thésaurus antiquitatum romanarum, 

(3) Cette édition de Longin, que Fabricius qualifie de « luculenta et 
prœclarissïma », fut publiée par Tollius deux ans après son retour en 
Hollande, c'est-à-dire en 1694, in-40. Elle fut précédée de la collation de 
cinq manuscrits, et Tollius y ajouta, comme le dit Graevius, la traduc- 
tion française de Boileau et les notes de Dacier. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiG\'IUS. 169 

XLVII 

Viro singulari virtute et doctrina 
Claudio Nicasio 

S. P. D. 
J. G. Graevius. 

Ex litteris tuis, quas 1 2 et 26 septembris exarasti, magno 
cum dolore accepi, te etiam nunc calcul! cruciatibus angi et 
conflictari gravissime. Exanimavit me fere tristissimus hic 
nuncius, ut non facile me collecturus sim, antçquam lœtiora 
de tua valetudine intellexero. Pro qua vota faciam apud 
Christum Sospitatorem, ut tantis doloribus leveris et plane 
confirmeris. Id quoque mihi permolestum fuit, nondum tibi 
tum redditum fuisse Junium de pictura chartae majoris (i), 
nec quœ diu artte per Leersium curavi Huetii poemata {2), 
Rubenii diatriben de Mallio Theodoro (3), de Wilde numis- 
mata, de quibus proxime plura, cum ex Leersio intellexero 
quo ille fascis fuerit delatus. A quo nondum ego quoque ac- 
cepi Ghoireri tomum primum Historiés Delfinatus (4) et Ori- 
gines Gallicanas Menagii (5), pro quibus tibi mittam thesaurum 
antiquitatum Romanum (6), nisi malis pretium tibi pro illis 

(i) Voir plus haut, p. Sg, note 2. 

(2) Graevius venait de publier à Utrecht (1694, in-8«, et non 1664) une 
édition des Carmina Latina et Grœca de Daniel Huet, sous ce titre : 
P, Danielis Huetii Poemata quotquot colligipotuerunt. 

(3) Albert Rubens, né à Anvers le 5 juin 16 14, mort dans la même ville 
le lO"" octobre 1657. Sa dissertation De vita Flavii Mallii Theodori \ena,ïi 
d'être publiée à Utrecht (1694, in- 12), par les soins de Graevius. Le tome 
XI du Thésaurus de Graevius contient deux autres dissertations de ce fils 
du grand peintre Rubens. 

(4) Voir plus haut, p. 166. 

(5) La deuxième édition, posthume, du Dictionnaire étymologique de 
Ménage venait d'être publiée à Paris (1694, in-f»). 

(6) Le premier volume du Thésaurus de Graevius parut à Utrecht 
en 1694. 



Digitized by 



Google 



ÎJO LETTRES A L ABBÉ NIC AISE. 

renumerari, quod paratum est. De Lilio Gyraldo vix mihi pos- 
sum tam splendidam editionem promittere, quam hic adornari 
vobis nuntiatum est (i). In Palmyreno itinerario vertendo 
lente proceditur. Num statuarum illarum, quas extoUunt 
tantopere, deformatio hue perlata sit nondum audivi. Vix ipse 
credo illas aequare Mediceae Veneris aut similium signorum, 
qufle Romae sunt, elegantiam. De Bergeriana versione latina, 
quam concînnare narrabant Veronensem quendam, quia nihil 
accepimus, commissum est hoc negotium viro docto, ut in illo 
libro transferendo in Latinum ex Gallico nunc elaboret (2). 
Morellius nupcr fuit Berolini apud Spanhemium, et Brande- 
burgico Electori tantopere probavit suum institutum, utgran- 
dem summam pecuniae ad id exequendum promiserit ei. 
Rediit ad Comitem Swarzeburgium Arnstadium, ubi nunc 
operi accingitur. Misi amicis, quibus destinasti, tua^ disser- 
tationis exempla. Curtii vestri immatura mors mihi quoque 
perquam luctuosa fuit, cujus ingenium tam multa et praeclara 
minabatur. Vitam Salmasii, nisi apud vos prodierit, hic expec- 
tamus. Langueti epistolœ in aula Electoris Saxonici ineditas 
servantur plurimœ, ad Augustum Principem, qui tum ibi 
rerum potiebatur, scripta^. Illarum editionem parabat ante 
aliquot annos Carpzovius Lipsise (3), sed videtur hoc consi- 
lium abjecisse. De inscriptionibus Gudii edendis nondum 
quicquam constituit Leersius (4). Interea nacti sumus ex 

(1) Les œuvres complètes de Lilio-Gregorio Geraldî, né à Ferrare le 
i3 juin 1479, niort dans la même ville en février i552, étaient alors réim- 
primées, avec des Animadversiones de Paul Colomiès (suprà, p. 48, note 3); 
elles parurent à Leyde en 1696. 

(2) Voir plus haut, p. 168. 

(3) Frédéric-Benoît Carpzov, né à Leipzig le i»' janvier 1649, mort le 
20 mars (Moréri dit 20 mai) 1699, avait déjà publié en i685, à Leipzig, 
des Lettres politiques d'Hubert Languet. 

(4) Les Antiquce Inscriptiones recueillies par Marquard Gudius n'ont été 
publiées qu'en l'jZi par François Hessel, qui a utilisé les notes réunies 
par Graevius et par Jean Kool en vue de l'édition prochaine dont il est 
question dans notre lettre. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GR^EVIUS. I7I 

îUius bibliotheca Phaedrum ejus cum aliquot fabulis ine- 
ditis (i) et ejus annotatîonibus eruditis, quibus quamvis 
ultima manus non sît împosita, dignae tamen sunt, quse 
lucem adspiciant, et nunc ab homine docto componuntur 
indigestae, cui curam hanc imposuimus, ut prœla subeant. 
Tria quoque volumina epistolarum virorum doctorum ex illo 
Musœo perlata sunt ad nos, in quibus unum est illorum, qui 
superiori seculo vixerunt in Italia, Alciati, Majoragii (2) et 
aliorum, alterum Belgarum, in quo lepidissima est una Eras- 
mi Rotterodami ôvéxSoxoç. Ex iis etiam dilectu habito excer- 
pentur et luci committentur non paucae (3). De Graecis scrip- 
toribus Euripide, Thucydide, Xenophonte, Pindaro, ut et de 
Lucretii nova editione, qua^ Oxonii prodiit, nuperius plura 
scripsi, Quam epistolam nunciis Parisienbus hinc ad vos 
commeantibus publiée credidi. Si illas accepisti, hac via in 
posterum utemur. Vale, Vir illustris, me ama et libéra solli- 
citudine de tua valetudine. Trajecti ad Rhenum, D. VIII 
Decemb. CIO IDC XCIV (4), 



(i) Les Phœdri Fabulœ^ enrichies de quatre nouvelles fables que Gudius 
avait tirées d'un manuscrit de Dijon, furent publiées à Amsterdam en 
1 698 par les soins de Pierre BUrmann. 

(2) Marc-Ântoine Conti, né à Majoragio, près Milan, le 26 octobre 1 3i4, 
mort le ^ avril i555. 

(3) Ce fiit Pierre BUrmann qui dirigea la publication des Marquardi 
Gudii et doctorum virorum Epistolce; ces Lettres parurent à Utrecht 
en 1697. 

(4) Au moment où nous corrigeons les épreuves de cette lettre, détachée 
de la correspondance de Graevius et indûment retenue lorsque cette corres- 
pondance fut déposée à la Bibliothèque nationale, nous acquérons la cer- 
titude que la correspondance de Spon a subi, à la même époque, pareil 
démembrement. Dans un Catalogue de livres anciens et modernes^ vendus 
à Paris, le 21 avril i883, par le ministère de M* Delestre, assisté de 
M. Paul, gérant de la librairie Labitte, figure, sous le n« 189 : Spon, 
Recherches des Antiquités et Curiosités de la Ville de Lyon^ nouvelle 
édition, avec notes de L. Renier et Monfalcon, Lyon, i858; « on a ajouté 
à cet exemplaire une lettre autographe de Spon à Tabbé Nicaise, du 
5 avril 1680. » La provenance de cette lettre n'est pas douteuse pour nous. 



Digitized by 



Google 



172 LETTRES A L ABBE NIC AISE. 



XLVIII 



A Monsieur 
Monsieur PAbbé Nicaise 
Dijon. 

Viro singulari doctrina et virtute 
Claudio Nicasio 

S. P. D. 
J. G. Grœvius. 

Exiliebam gaudio cum manum tuam viderem, Nam valde 
me sollicitum habuit tua valetudo. Nunc te vivere valereque 
Ifletor, et ut diu nobis sîs superstes, sine illis molestiis et 
doloribus, quibus conflictatus es saepius, Deum veneror. De 
Gharlotti antiquitatibus Lingonensibus et antehac et nunc 
denuo egi cum nostrîs bibliopolis. Nihil se aiunt posse pro- 
mîttere nec fidem suam nobis obstringere, antequam commen- 
tarium ipsum viderint. Forte poterint perduci ad illum eden- 
dum, cum satis avidi sint talium librorum, in quibus antiqua 
monumenta illustrantur, si in alicujus manibus his in terris 
esset. Sed nihil certi ausim prœstare. Bonjurii ^gyptica hic 
nondum vidimus. Ab Amplissimo Cupero ejus et Eminen- 
tissimi Cardinalis Norisii epistolas nondum accepi legendas, 
quia publicis negotiis nimis est districtus. Procul dubio 
tamen illarum mihi copiam faciet. Salmasii vita ubi nobis 
tradetur, operam dabimus ut lucem adspiciat, ut et si quid 
de re vestiaria aut aliis antiquitatibus Romanis in scriniis 
Lamarianis latet, cujus filio ut et nobilissimo Lantino ut meo 
nomine salutem dicas rogo. Desideratissimas Fabretti ins- 
criptiones, typis mandari mirifice gaudeo. Spes nondum 
evanuit Gudianas in lucem protrahendi. Explorati tamen 
aliquid nihil adhuc possum vobis recipere. In magni Britan- 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GRiEVIUS. IjS 

niae Régis rebus gestis, quia mihi hœc persona jam est impo- 
sita, memoriae prodendis cum versor, experior quam rcs 
ardua sit praeclara facta scribendo aequare. Id tamen me 
assequi posse non tam impudens sum ut mihi arrogem. 
Fidem, studium veritatis et industriam faxo, si vivo, ne quis- 
quam in me desideret (i). Tibi multum debeo, cum mihi de 
hac gratularis provincia : quam utinam oniare possim I Ut 
pro mea facultate ornem nihil mihi contentionrs reliquum 
faciam. Harduini chronologiam et spécimen alterum chrono- 
logicum valde videre cupio. Cuperum edidisse de tribus Gor- 
dianis doctam diatriben ex ipso, credo, intellexisti (2). Prodiit 
hic Mensonis Altingii (3) eruditissima descriptio agri Batavi 
et Frisii et vicinorum populorum (4), in qua non nulla Taciti, 
Plinii, et Ptolemaei loca corriguntur et vindicantur, non 
paucae inscriptiones antiquae producuntur et illustrantur, et 
recentium Geographorum errores deteguntur. Elaborât nunc 
in illustranda tabula Peutingeriana (5). Exierunt etiam Clerici 
de arte critica duo tomi (6). Ezechiel Spanhemius ad nos misit 
publicandam diatriben de jure civium Romanorum sub Im- 
peratoribus (7). In Britannia prodiit catalogus MSS. biblio- 
theca^ Cottonianae. Bernhardus, qui grande moliebatur volu- 
men de omnibus MSS. qui in Britannia^ et Hiberniœ biblio- 
thecis tam privatis quam publicis lateant, antequam plane ad 



(i) Voir plus haut, p. 91, ce que Jean de Witt pensait du choix de Grae- 
vius pour les fonctions d'historiographe du roi d'Angleterre. 

(2) Voir plus haut, p. 1 15. 

(3) Menso Alting, né en i636, mort en 1713. 

(4) Notitia Germanice in ferions; Amsterdam, 1697, in-f». 

(5) Le Commentarius d* Alting in Tabulant Peutingerii n'a pas été 
achevé. 

(6) Les deux volumes de VArs critica de Jean Leclerc ont eu plusieurs 
éditions, La première parut à Amsterdam en 1696. 

(7) Voir plus haut, p. 119. La dissertation de Spanheim a été insérée 
par Grœvius, non pas « en teste du tome IX », mais en tête du tome XI 
de son Thésaurus. 



Digitized by 



Google 



174 LETTRES A L ABBÉ WCAISE. 

umbilicum deduceretur, obiit (i). Tantum tamen in illo profli- 
gatum est, ut spem facîant editionis. Videbis propediem Cal- 
limachum mei filii, qui jam lucem vidît, cum diffuso commen- 
tario, et pleno varia doctrina Ezechielis Spanhemii (2), ut et 
epistolas, quae ex Gudiano Musaeo prodierunt, cum variis 
appendicibus (3). Nunc pace facta inveniemus viam, qua recte 
haec possint Parisios curari. Spero quoque nos nunc recupe- 
raturos fasciculum, quem ante quatuor annos, misi Parisios, 
in quo cum numismata de Wilde, tum Lactantius de mor- 
tibus persecutorum, tibi inscripta erant, qui in itinere sub- 
sedit. De quo proxime plura. Vale, virorum praestantissime 
et amicissime, et me ama. Trajecti, D. XlVOctob. Julian. 
CI3I3CXCVII. 

XLIX 

Viro periilustri 
Claudio Nicasio 

S. P. D. 
J. G. Graevius. 

Tibi ego succenseam, prœstantissime Nicasi, quisollemnia 
kalendarum Januarii vota non reddideris, cum ego justîssi- 
mam indignationem tuam provocarim tam longa officii inter- 
missione. Sed nostra tam altas egit radices amicitia, ut nullo 
silentio possit labefactari. Nam ego te amo et colo, si quis- 
quam, optima fide, idque constanter faciam quam diu mei 
memor sum futurus, sive crebras, sive raras a te litteras acce- 
pero, quibus tamen nihil mihi acceptius reddi potest. Quod 
de tuo in me studio mihi quoque persuasi. Spero tandem 

(i) Edward Bernard était mort à Oxford le 12 janvier 1696 (Chaufepié). 

(2) Voir plus haut, p. 119. 

(3) Voir plus haut, p. 171, note 3. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE GR^EVIUS. lyS 

Gudianas epîstolas (i), et Julium Caesàrem (2) inventum esse, 
et ad te pervenîsse. Spes etiam est illum fascem, în quo fuit 
spécimen numismatum de Wilde, per Leersium nos recupe- 
raturos, et tum ad te deportatum iri. Brevi habebis Phae- 
drum Gudii (3). Sed de illius inscriptionibus nihil adhuc tibi 
promîttere habeo. De Charloti antiquitatibus Lingonensibus 
egi denuo cum bibliopolis. Non plane ab iis abhorrent, sed 
non ante fidem suam ad illarum editionem procurandam 
obstrîngere volunt, quam si ipsas viderint. Si multae în illis 
fuerint antiquitates Romanae, et quibusdam tantum acces- 
serit levis qua^dam explicatio, nullus dubito quin permoveri 
possint, utproelis suis eas subjiciant. Omnes cupide expectant 
ut Arnalya Minerva quam primum a te dedicetur in arce Par- 
nassi (4). Quo plura si accèdent ornamenta ex antiquis illis 
Atheniensium templis, tanto Numen ejus erit augustius et 
plures sui excitabit cultores. Antiquitates Palmyrenœ, lingua 
Britannica script», cum Theodoro Gronovio a me sunt com- 
municatœ, qui in latinam linguam eas conversurus erat, 
quod, spero, faciet. Interea perlatae sunt ad nos earundem 
Palmyrenarum Inscriptionum interpretationes Latinae et in 
illas notae Thomae Smithi (5), et beati Bernhardi, quae prœlis 
nostris sunt addicta^ (6). Theodorus Gronovius illustravit ele- 

(i) Voir plus haut, p. 171, note 3. 

(2) C Julius Cœsar^ cum notis.,. ex musœo J,'G, Gravit; Amsterdam, 
1697, ûi-8«. 

(3) Le Phcedrus de Gudius parut en effet en 1698, à Amsterdam, par les 
soins de Pierre BUrmann. Les Inscriptiones n'ont vu le jour qu'en 1731. 
Voir plus haut, p. 170, note 4. 

(4) La CL Nicasii dissertatio de Minerva Arnalia eruditissimo anti^ 
quario Jacobo Sponio nuncupata n'a pas été imprimée ; une copie faite 
sur l'original pour le président Bouhier se trouvait naguère à Lyon ; nous 
l'avons déposée, le 9 septembre 1880, entre les mains de M. le Directeur 
de la Bibliothèque nationale ; elle est aujourd'hui classée dans le fonds 
latin du département des manuscrits, nouvelles acquisitions, n<> 291. 

(5) Thomas Smith, né à Londres le 3 juin i638, mort le 3o juillet lyiS. 

(6) Edward Bernard était mort lorsqu'on publia à Utrecht, en 1698, 



Digitized by 



Google 



176 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

ganti commentario marmoream basin colossi Tiberio Caesari 
consecrati ob civitates Asiae restitutas, quae Puteolis fuit 
eruta et a Bullifonio Neapoli édita. Inseretur Thesauro 
Graecarum Antiquitatum fratris (i). Bonjurii diatribe de 
Josepho (2) ad nos quoque, spero, perferetur, nunc pacato 
mari. Cupio illam videre, quia de Serapidis cultu semper 
aliter sensi. Palmyrenas antiquitates videbis, quam primum 
carceres ruperint. Ex Salmasiana penu de re vestiaria aut de 
aliis Romanis antiquitatibus, si quid poterit ab heredibus 
Lantinianis impetari, et illis et tibi publiée gratias agam. De 
vita Salmasii nihil audimus. Sed tu nunc audi rem, credo, 
tibi non ingratam. Scripsit paucos ante dies ad me amicus 
Hagensis, in.suas manus incidisse Pétri Patricii commenta- 
rium in Aretœum, meque consuluit num illum Patricium 
nossem. Respondi plane mihi ignotum illum esse, sed me 
scire Petrum Petitum adornasse praestantissimi illius medici 
editionem. Petebam ut ad me mitteret folium, quia illius 
manus mihi sit cognitissima. Misit proœmium ad lectorem. 
Erat id descriptum nitide, sed in margine erant complura 
adjecta ipsius Petiti manu, quam statim agnoscebam. Ille 
vero nebulo, in cujus fuerat potestate, antequam amicus meus 
istius libri potibatur, flagitiose Petiti nomen interpolavit, et 
in Patricii tam aperta fraude immutavit, ut ad primum cons- 
pectum illa statim pateat. Nunc ut typis hoc opus postumum 
describi curet, amicum inflammabo, quod, credo, vobis non 
fiet invitis (3). De quibus tamen tuam expecto sententiam. 

ses Inscriptiones Grcecœ Palmyrenorum cum scholiis et annotationibus ; 
in-8<». 
(i) Voir le tome VII du Thésaurus antiquitatum grœcarum, 

(2) Dissertatio de nomine patriarches Josephi a Pharaone imposito ; 
Rome, 1696. 

(3) Mattaire publia à Londres, en 1726, les Commentaires de Pierre 
Petit sur Arétée, et Boerhaave les inséra dans Tédition qu'il donna à 
Leyde, en 1731, des œuvres de ce médecin grec. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE THOMASSIN DE MAZAUGUES. I77 

Vale, virorum et amicorum optime. Trajecti Batavorum , 
prid. KL. Apriles GID IDC XCVIII. 

Epistolae ad Peiresium quando in publico conspicientur? 



S i3. 



LETTRE DE THOMASSIN DE MAZAUGUES 

Louis de Thomaisin, seigneur de Ma^augueSj baptisé à Aix te 2g mai 1647^ mort dans la mime 
ville le ig avril i'ji2 (Tami^ey de Larroque, Bulletin critiquCi i88a, p. 254^ note l). 



Bourgogne A Monsieur 

Monsieur l'abbé Nicaise, ancien chanoine 

de la S*' Chapelle, 

A Dijon. 

A Aix, le i3 aoust 1696. 

Quoyque ie vous date ma lettre d'Aix, ie suis neantmoins 
a la campagne, ou les lettres me sont neantmoîns portées 
très scurement. Si i'ay tant tardé a repondre a vostre der- 
nière, c'est que ie suis si occupé a travailler a mettre en 
estât mes lettres que le jour m'est court ; aussi mon affaire 
avance beaucoup, et i'espere de l'envoyer a l'imprimeur envi- 
ron a la Toussain. Je crois que vous aurés receu l'ordre 
que ie vous envoyay de l'ouvrage et le nombre de lettres 
qu'il y a; i'en ay trouvé depuis peu encore quelques unes, 
mais présentement ie suis fixé, ie ne crois pas en avoir da- 
vantage. 

J'ay quelques lettres d'un Edmundus Brutius Ahglois, 

Académie de Lyon, classe des Lettres. 13 



Digitized by 



Google 



178 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

écrites en 1699, a M. Pinellî (i); chaque lettre est une dis- 
sertation courte sur une matière; la i'* est de Marmore ovi^ 
paro, la 2^« Descriptio Struchiocameli^ la 3"* Judicium de 
Columna Trajana Ciaconii (a), la 4"* de Silicigîandio^ la 5"* 
de Tabula Itineraria Peutingeria^ la ô"* Observationes de 
Asturapisce. Je n'ay pas notice que ces traités en forme de 
lettres ayent esté imprimés, et par ainsi ie les mets dans 
mon receuil. 

Je voudrois avoir vostre sentiment quel ordre ie dois 
donner a ce grand nombre de lettres; i'ay pensé de ne 
regarder pas le temps que lesd. lettres ont esté écrites, mais 
seulement la valeur des personnes, comme par exemple les 
Latines, ie metray en premier lieu celles d'Holstenius (3), 
après Seldenus, Grotius, Meursius, Spelmanus, Camdenus, 
Erycius Puteanus (4), etc. Les Italienes et Françoises, ie 
suivray le mesme ordre. Je suivray neantmoins vos avis 
avec plaisir. 

J*ay 46 lettres de Saumaises, il y en a 42 qui n'avoint pas 
esté imprimées, ou il y a bien de particularités de sa vie 
assés singulières ; il y a une fort longue contre M' de Valois, 
dans laquelle il fait voir toutes les fautes qu'il a fait dans 
cet in-4" qu'il fit imprimer en 1634, intitulé Excerpta ex Po- 
ïybii etc. q. 1. (5) ; il ne l'épargne pas. J'ay une copie d'une 



(1) Jean-Vincent Pinelli, né à Naples en i535, mort à Padoue en 
1601. 

(2) Alphonse Chacon, né à Baeça (Espagne) en 1 540, mort à Rome en 
1599, auteur d'une Historia utriusque belli Dacici a Trajano Cœsare 
gesti ex simulacris quce in Columna ejusdem Romœ visuntur collecta ; 
Rome, 1576, in-f». 

(3) Voir TamizeydeLarroque, C/âruieie5aMmârt5tf, i88a, p. 36, note4. 

(4) Henri Dupuy, né à Venloo le 4 novembre 1 574, mort à Louvain le 
17 septembre 1646. 

(5) Les Excerpta^ publiés par Henri de Valois d'après un manuscrit 
appartenant à Peiresc, sont un des débris de la grande Encyclopédie 
rédigée par ordre de Constantin Porphyrogénète. Ils formaient le cinquan- 



Digitized by 



Google 



i 



LETTRE DE THOMASSIN DE MAZAUGUES. I79 

lettre dud. s' Saumaisc sur les Tyrses des anciens; le co- 
piste, n'entendant pas le grec, avoit laissé en blanc les cita- 
tions, et par ainsi la lettre est défectueuse; mais, comme elle 
est fort belle, sçavante, et qu'elle a un sens sans ce grec, ie 
ne laisse pas de la mettre; elle estoit écrite a M' du Puy 
qui en envoya copie a M' de Peiresc. On voit dans un'autre 
lettre touts les demeslés qu'il eut en Holande contre Hein- 
sius, qui faillirent à luy faire quiter ce pais ; et autres parti- 
cularités de ses ouvrages et de sa vie. 

Je voudrois sçavoir si la famille de M' du May que vous 
avés a Dijon (i) vient de Gascogne; M' de Saumaise en dit 
quelque chose en passant qui vous faira rire. 

Golius (2) avoit un frère carme déchaussé, qui estoit en 
Levant ; i'ay quelques lettres de ce moine très belles sur les 
Ms. arabes et orientaux. 

Vous verres dans celles du P. Kircher (3) qu'il avoit faute 
de papier a Rome, et que M. de Peiresc lui envoya dix escus 
pour ses nécessités, 

J'ay deux lettres d'un M' le Batelier d'Evreux, qui explique 
la Notice des Gaules ensuite du passage d'Ammiam Mar- 
cellin, qui dit Secundam enitn Lugdunensetn Rotomagi et 
Turini Mediolanutn ostendunt^ et veut que ce Turini Medio^ 
lanium soit Evreux; vous verres dans la lettre VI de M*" Sau- 
maise qu'il parle fort bien dudiV s*" le Batelier, et discutte am- 
plement la matière; je ne sçay pas les qualités dudiV s' le 



tième volume de la collection et avaient pour titre : Des vertus et des 
vices, — Le manuscrit de Peiresc est actuellement dans la Bibliothèque 
de Tours sous le n* 980 (H. Omont, Inventaire sommaire des Manus- 
crits grecs des Bibliothèques des départements ; Paris, i883, p. i5). 

(i) Pierre Dumay, né à Dijon en 1626, conseiller au Parlement de 
Bourgogne en 1647, mort à Dijon le 26 janvier 171 1. 

(2) Voir plus haut, p. 52, note i ; cf. Tamizey de Larroque, Claude de 
Saumaise^ 1882, p. 36, note 1. 

(3) Voir plus haut, p. 124, note 3. 



Digitized by 



Google 



l8o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

Batelier, en quel temps il est mort, et s'il a composé quel- 
q'ouvrage(i). 

Je suis presentem^t aux lettres de Gassendi; i'en ay 
3o françoîses qui n'ont pas esté imprimées; il y a des belles 
choses, et curieuses. 

Vous pouvés conter que ie ne quitte pas la besogne que 
ie ne Tacheve. Le mal a esté que i'avois fait copier ces let- 
tres; mais il y avoit autant de faute que de mots; ie me suis 
résolu et déterminé a les escrire moy mesme. Je n'en ay 
plus que six des latines, une iS*" d'italiennes et environ 
i5o de françoises; les plus difficiles et plus longues sont 
faites. Je demeureray plus long temps a les corriger. Il y 
aura deux justes volumes in-4% après quoy ie penseray a 
donner celles du s' de Peiresc, ou Ton trouvera des choses 
merveilleuses; l'ouvrage est de plus longue haleine. 

Vous ne m'avés rien dit sur ce que ie vous avois marqué 
que i' avois un commentaire sur Pomponius Mêla du P. Sir- 
mond asses ample, que i'en avois escrit a M** Anisson, qui ne 
m'avoit pas dit l'avoir ou ne l'avoir pas. 

J'avoîs veu la lettre que vous avies escrit au P. Pagi ; tout 
est commun entre nous. Il vous offre ses respects, i'en ay 
touts les jours des nouvelles, il avance fort, il est a présent 
en 1184. II aura achevé entierem^/it après la Toussaint, il 
trouve beaucoup de difficulté dans ce siècle qu'il débrouille 
beaucoup. 

(i) M. Bënet, archiviste du département de Saône-et-Loire, vient d'étu« 
dier spécialement ces questions. Sa conclusion est qu'il ne s'agit pas ici 
de Jacques Le Batelier, sieur d'Aviron, avocat au présidial d'Évreux et 
commentateur de la Coutume de Normandie ; ce Le Batelier est mort en 
1 590. Il s'agirait d'un autre Le Batelier, membre du Chapitre de l'É- 
glise cathédrale d'Évreux, à qui M. Bénet attribue également le Mémorial 
historique des ÉvêqueSy ville et comté (TÉvreux^ et qui vivait encore en 
1672. M. l'abbé Lebeurier se prononce pour un Jacques Le Batelier, 
alors avocat, qui occupa de i638 à 1661 un ofiGice de conseiller au bailliage 
et présidial d'Évreux. Voir A. Bénet, Notes sur l'historiographie nor» 
mande : Le Batelier; Mâcon, 1882, in-80. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE THOMASSIN DE MAZAUGUES, l8l 

M. Magliabechi (i) nous a envoyé le dernier livre du Car- 
dinal Noris en defence de son Hist. Pelagiana; c'est un 
petit in-fol. ou il terrasse ses ennemis a son accoutumée. Je 
ne sçay pas si ce Cardinal travaille présentement a quelque 
ouvrage. 

Nous avons aussi receu de M. Teuzelius ce qu'il a fait con- 
tre M. Schelstead de disciplina arcani (2) ; il soutient son pre- 
mier sentiment, mais il est fort diffus. J'ay aussi de cet 
autheur ses Selecta numismata. 

A propos de Médailles, nous avons icy un Jacobin qui a 
attrappé un des beaux Médaillons que Ton puise voir; il est 
de bronse, et c'est L. Verus et A/. Aurelius qui se regardent, 
et, le revers, les deux Empereurs debout, accompagnés cha- 
cun de deux soldats qui se touchent la main, et portent une 
petite Victoire ; le travail et la conservation en sont merveil- 
leuses. J'en voulois prendre une colle, mais ce Religieux a 
creu que cela gasteroit la médaille ; mais i'cn fairay faire un 
dessein à la plume a un homme qui s'y entend ; et il en faira 
tant qu'il y en aura au moins un qui réussira. C'est pour vous 
l'envoyer affin de le faire tenir à M' Morel, car asseurement il 
n'aura pas veu ce Médaillon qui n'est pas dans ceux du Roy 
qu'on a gravé. Il est difficile d'envoyer audiV S*" Morel ce 
qu'il n'a pas veu ; il devroit bien tost faire imprimer son pre. 
mier tome (3), après quoy on verroit ce qu'il n'a pas mis, et, 
en le luy envoyant, il fairoit des addenda à touts les volumes 



(i) Voir plus haut, p. i3o. 

(2) Guillaume-Ernest Teutzel, né àÂrnstad (Thuringe) le 1 1 juillet 1659, 
mort le 24 novembre 1 707, — et Emmanuel de Scheelstrate, né à Anvers 
en 1646, mort à Rome le 6 avril 1692, discutèrent la (]uestion de l'origine 
et de l'étendue du secret (disciplina arcani)^ dont T Eglise entourait, aux 
premiers siècles, certains rites et certains dogmes. 

(3) André Morell commença l'impression de son Thésaurus^ mais il ne 
put l'achever; l'ouvrage ne fut publié qu'en 1734, plus de trente ans 
après la mort de l'auteur ! 



Digitized by 



Google 



l82 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

ensuite ; dans un ouvrage comme celuy la, il ne peut pas 
faire autrement ; vous pourries luy en escrire en ces termes, 
et de le saluer de ma part; ie m'offre agréablement de ramas- 
ser tout ce qu'on pourra dans ces quartiers. 

Le P. Pagi est bien obligé à M' Cuper de l'estime qu'il fait 
de luy et de son honnesteté ; il a une grande vénération de 
ses ouvrages comme î'ay aussi ; ie ne sçay pas a quoy cet 
autheur travaille. 

On n'a point de nouvelle de M' de S. Asaph (i) ou de 
M' de Liechfield (2), la guerre en est la cause. 

C'est avec grande impatience que i'attendroy l'ouvrage sur 
Adamus Bremensis (3), puisque cette Histoire du Nord nous 
est encore si obscure. Conservés moy l'honneur de vostre 
amitié et croyés moy entièrement vostre très humble ser- 
viteuT. 

Thomassin Mazaugues (4). 

(i) William Lloyd, évoque de Saint-Asaph; voir plus haut, p. 17. 

(2) Uévêque de Lichfield (comté de Stafford). 

(3) Sur Adam de Brème, chroniqueur au XI« siècle, voir les Monumenta 
Germaniœ historica^ Scriptores^ t. VII, p. 267 et suiv. 

(4) Dès le 21 février 1696, Nicaise avait fait part à Bayle du triage opéré 
dans les dix mille lettres trouvées parmi les papiers de Peiresc, et de la 
possibilité de publier Télite de ces lettres en un volume in-4«. Thomassin 
lui-même, par lettre du 4 février 1699, soumit à Bayle son projet de pu- 
blication et lui laissa entendre que l'impression était commencée à Genève 
(Dictionnaire historique^ V« Peiresc^ notes A et a). — A la mort de Louis 
de Thomassin, en 17 12, les papiers de Peiresc furent recueillis par le Pré- 
sident Thomassin de Mazaugues, né en 1684, mort en 1743. — Dans une 
lettre du 22 février 1743, que nous avons récemment trouvée à Lyon et qui 
est maintenant déposée à la Bibliothèque nationale, le marquis de Caumont 
écrit d'Avignon à Bouhier : « Je ne sais rien de positif sur les dernières 
dispositions du pauvre Président ; il y a grande apparence que son frère, 
qui vivoit à la campagne et qui scavoit a peine se servir de TAlmanach du 
Berger, aura été son héritier, avec une substitution en faveur du Président 
de Peinier, son cousin. Il est bien a craindre que tous ces thresors litté- 
raires ne soient dissipez, ou que du moins quelque Anglois clairvoyant 
n'en enlevé la fleur. » — Les trésors ont été en effet dissipés ou disper- 
sés; mais M. Tamizey de Larroque les reconstitue en grande partie. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE MICHEL BÉGON. l83 

S 14- 

LETTRES DE MICHEL BÉGON 

MUhel BégoH, administrateur et archiologuêy ni à Bhit «« décembre 1638» mort à Roche fort le 
4 mare ijio (i). 

LI 

Dijon. A Monsieur 

Monsieur l'abbé Nicaise 

a Dijon. 

A Rochefort, le 5 février lôgS. 

Monsieur, 

Jai receu la lettre que vous m'aves faîct Thonneur de 
m'escrire le 17 du mois passé, par laqu' elle iay esté ravy 
d'aprendre de vos nouvelles, qui me seront tousiours fort 
chères, ayant pour vous infiniment d'estime. 

Vous m'aves faict très grand plaisir de m'avoir faict part 
des nouvelles de la Republique des Lettres, dont vous estes 
beaucoup mieux informé que moy par le commerce régulier 
que vous aves avec plusieurs scavants des pays étrangers. 

Je scavois THistoîre d'Eumenîus Pacatus, dont le dernier 
ouvrage a esté suprimé. On dit que c'est pour avoir parlé 
avec trop peu de respect de M. d'Avranches (2). 

(i) La correspondance de Bëgon avec Nicaise était assez active. Nous 
connaissons , indépendamment des lettres que nous publions , vingt-deux 
lettres de Bëgon à Nicaise. — Voir, dans le manuscrit français n« 9360, les 
cotes 81, 175 à 178, 180 à 190 ; dans le n<»936i, les cotes 48 et 119; dans 
le n^g362, les cotes 5o, 60, 61, 144. 

(2) La dissertation du P. Hardouin (Eumenius Pacatus), contenant Fex* 
posé des paradoxes rappelés plus haut, p. i36, a pour titre : Chronologies 



Digitized by 



Google 



l84 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

Je me scais bon gré d'avoir tousiours esté dans les sen- 
timens ou vous estes sur les iniures que les Autheurs se 
disent en toutes langues, ce qui est très mal honneste et ne 
convient point du tout a des gens qui se devroient piquer 
d'urbanité. 

Il seroit à souhaitter que M. Toinard se pressast davantage 
qu'il ne faict de donner au public ce qu'il a faict sur la 
famille des Herodes, estant persuadé qui se tirera mieux que 
personne de toutes les difficultés que les scavants ont agité 
sur ce subiet. 

Je suis fort aise d'aprendre que vous receves qu' elques 
fois des lettres de M. Graverol, qui m'escrit aussy de temps 
en temps; c'est le meilleur homme du monde, mais il est 
trop occupé dans sa profession d'advocat pour s'apliquer a 
des ouvrages qui demandent un grand travail et beaucoup 
de reflection. 

Je vous prie de me mander si vostre amy M. Cuper n'est 
pas originaire de Blois, ou iay connu dans ma ieunesse des 
demoiselles Cuper qui avoient beaucoup d'esprit, et qui 
estoient parentes de l'illustre M. Bellay et très bonnes Hugue- 
nottes (i). 

Je suis persuadé que vos Notes sur Lactance vaudront bien 
celles des autheurs qui ont travaillé avant vous sur cet au- 
theur, et ie les verray avec plaisir lors que ce livre se pourra 
trouver chez les Libraires. 

Vous m'aves appris que c'est M. Galand qui travaille au 
Mesnagiana. Je scavois il y a plus d'un an qu'on y travailloit, 

ex nummis antiquis restitutœ proîusio; elle fut publiée à Paris en 1693 et 
immédiatement supprimée. Mais cette suppression fut motivée par la sin- 
gularité des doctrines de l'auteur, bien plutôt que par le désir de protéger 
révêque d'Avranches contre les attaques d'Eumenius Pacatus. 

(i) Gisbert Cuper, qui venait de publier la deuxième édition de ses 
Notœ in Lactantii tractatum de mortibus persecutorum^ Utrecht, 1693, 
in-8<>, était né dans le duché de Gueldre, et non pas dans le Blésois. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE MICHEL BÉGON. l85 

mais ie ne scavois pas par qui cet ouvrage se faisoit. Il fault 
avoir un bon Esprit de discernement pour ne pas eschouer 
dans un ouvrage de cette nature (i). 

La vie de M. de Peiresc sera un bel ouvrage, estant bien 
traduitte. Jay lu le livre du P. Jobert qui est bien escrit (2). 
Jay impatience d'avoir celuy de M*" Patin qui est un ouvrage 
a peu près de mesme nature (3). 

Jay receu les deux belles médailles que M*" TAbbé Bisot(4) 
a faict fraper sur la prise de Namur. 

Je vous souhaitte une santé parfaicte et une heureuse année. 
Jay esté fort incommodé de la colique pendant 4 mois ; ie me 
porte beaucoup mieux depuis deux mois, et, nonobstant 
l'accablement de mes affaires, il ne se passe gueres de iours 
que ie ne dérobe qu' elques momens que ie passe agréable- 
ment dans ma Bibliothèque , ou ie trouve plus de plaisir infi- 
niment qu'en tout autre lieu. 

Je suis avec infiniment d'estime, 
Monsieur, 

Vostre très humble et très 
obéissant serviteur, 

Begon. 



(i) ht Menagiana ^ publié en 1693, n'est pas l'œuvre exclusive de 
Galland ; il est le produit de la collaboration de plusieurs amis de Ménage. 

(2) Deux éditions de la Science des médailles du P. Louis Jobert, né à 
Paris le 27 avril 1637, mort dans la même ville le 3o octobre 1719 (voir 
plus haut, p. 44), venaient de paraître, Tune à Paris, 1692, Tautre à 
Amsterdam, 1693. 

(3) Charles Patin, né à Paris le 23 février i633, mort à Padoue le 
10 octobre 1693, auteur de nombreux ouvrages sur la numismatique. On 
trouvera dans le manuscrit français 9362 sept lettres de Patin à Nicaise 
(cotes 45 à 49, 5i et 52). 

(4) Pierre Bizot, chanoine de Saint-Sauveur d'Hérisson, dans le diocèse 
de Bourges, né en i63o, mort en 1696, auteur d'une Histoire métallique 
de la République de Hollande^ Paris, 1687, in-f», et de Mémoires j encore 
inédits, touchant l'histoire des Rois de France par les médailles. 



Digitized by 



Google 



l86 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 



LU 



A Monsieur 
Monsieur l'abbé Nicaise 

a Dijon (i). 

A Rochefort, le 2 aoust 1695. 

J'aprens, Monsieur, par M' Pinsson (2) que vous n'avés pas 
receu la lettre que je vous ay écrite au sujet des beaux por- 
traits de M*"* Saumaise et Tabbé de la Mare, que vous m'avés 
envoie (3). C'est pourquoi vous voulés bien que je vous réi- 
tère, par celle cy, mes remerciments. 

J'espère aller a Paris dans deux mois. Je souhaite estre 
assés heureux pour vous y trouver (4) et pouvoir vous asseurer 
de vive voix qu'on ne peut estre avec plus d'estime que je 
suis. Monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur. 

Begon. 



(i) Lettre non autographe, mais signée par Bégon. 

(2) Probablement Pinsson des RioUes, fils de François Pinsson (voir 
plus haut, p. 56, note 2). Pinsson des RioUes, avocat au Parlement de 
Paris, était, dit Bayle, « homme de mérite, fort connu des savans et Tun 
des plus officieux amis que Ton puisse voir. Il travaillait, entre autres 
choses, à la vie des professeurs de Bourges ». Voir plus haut, p. 95 et 96. 

(3) Bégon faisait graver les portraits des hommes illustres du XVII* siè- 
cle, et réunissait des notes pour leur biographie. On prétendit et Ton 
prétend encore que ce fut avec des mémoires de Bégon que Perrault com- 
posa ses Éloges des hommes illustres du siècle de Louis XIV ^ 1696- 
1701; mais Bégon proteste, dans la lettre du 2 juillet 1697, contre la 
rumeur publique. 

(4) Ce vœu ne dut pas être exaucé. Nicaise, qui était allé à Paris vers 
i685 et qui y était resté pendant près de sept ans, avait été contraint de 
quitter cette ville par de fréquentes indispositions, préludes du calcul. 
« Paris, disait-il, est un méchant séjour pour un homme qui n'a pas une 
santé vigoureuse, et qui est obligé de vivre dans une auberge, destitué des 
secours nécessaires» » 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE MICHEL BÉGON. 187 

LUI 

A Monsieur 
Monsieur Fabbé Nicaise 
a Dijon (i). 

A Rochefort, le 21 may 1697. 

J'ai receu, Monsieur, la lettre que vous m'avés fait Thon- 
neur de m'ecrire le i3 du mois dernier. 

Je vous suis très obligé des scavantes nouvelles dont 
vous me faites part; j'espere avoir bientost le Dictionnaire de 
M. Bayle ; je n'ay point encore veu son Apologie. 

Je souhaite bien que le Pere Pagi ait assés de vie et de 
santé pour venir a bout de ses projets qu'il est très capable 
de bien exécuter. J'ay le p**" volume de sa critique et je ne 
manquerai pas de me donner le second aussi tost qu'il sera 
imprimé, ainsi que son Epitome. 

Puisque vous prenés interest à ce qui regarde le Pere 
Bonjour, vous serés bien aise d'aprendrje que le Pape a 
voulu lire son ouvrage dont je vous ay envoyé le titre. Il en a 
esté si content qu'il a voulu voir l'auteur. Le Cardinal Noris 
a toutes les semaines de longues conférences avec luy, et veut 
qu'il s'aplique uniquement a son grand ouvrage sur les anti- 
quités égyptiennes. Sa Sainteté luy a envoyé depuis peu à 
examiner une nouvelle epacte , qu'un Milanois a inventée 
pour toutes les lunes. 

Je voudrois bien. Monsieur, avoir d'autres nouvelles de la 
Republique des lettres, dont je pus vous faire part, vous 
asseurant que personne n'est avec plus d'estime que moy, 
Monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur. 

Begon. 

(i) Cette lettre n'est pas autographe , mais Bégon l'a signée. 



Digitized by 



Google 



l88 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 



LIV 



A Monsieur 
Monsieur l'abbé Nicaise 
a Dijon (i). 

A Rochefort, le 2 juillet 1697. 

J'ay receu, Monsieur, la lettre que vous m'avés fait l'hon- 
neur de m' écrire le 1 3 du mois dernier. Je vous suis très 
obligé des nouvelles littéraires dont vous me faites part. 

Je serai fort aise de voir dans le grand ouvrage du Père 
Bonjour l'explication de ma table hyerogliphique. Mais il me 
semble que la façade du Temple de Minerve que vous me 
proposés de faire graver n'a pas de raport à son dessein. Ce 
beau morceau meriteroit une dissertation particulière faite 
par une personne qui connust aussi bien l'antiquité que vous. 
Il y a une infinité de belles et de scavantes choses a dire sur 
ce précieux monument ; vous les expliqueriés mieux que tout 
autre. 

Je n'ay point la part que vous me donnés a l'ouvrage de 
M. Perrault (2) et vous ne verres asseurement pas mon por- 
trait dans son second volume. 

Je ne scai si vous scavés que M' l'archevesque de Saragosse 
a fait traduire en espagnol la vie du Cardinal Ximenes de 
M' de Nismes (3) ; le traducteur est le grand vicaire de cet 
archevêque. 

(i) Bëgon a seulement signé cette lettre. 

(2) Nous avons déjà dit que , encore aujourd'hui, les biographes écri- 
vent que ce fut avec les matériaux , mémoires et portraits , fournis par 
Bégon, que Charles Perrault composa ses Hommes illustres du siècle de 
Louis XIV, in-f». 

(3) L'illustre évêque de Nîmes, Fléchier, né à Pernes le 10 juin i632, 
mort à Montpellier le 16 février 1 710, avait publié, en 1693, son Histoire 
du cardinal Ximenès, in-40. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE MICHEL BEGON. 189 

On traduit aussi en espagnol l'histoire de Theodose et les 
Panégyriques de M*" de Nismes (i). 

Je suis avec toute Testime possible, Monsieur, vostre très 
humble et très obéissant serviteur. 

Begon. 

LV 

A/^ l'abbé Nicaise (2). 

A Rochefort, le 18 janvier 1698. 

J'ay receu, Monsieur, la lettre que vous m'avés fait l'hon- 
neur de m' écrire le 6 de ce mois dont Je vous suis très obligé. 

Les nouvelles scavantes que vous, m'aprenés m'ont fait 
beaucoup de plaisir; elles ont suspendu pour un moment la 
vive douleur dont je suis accablé depuis la perte que j'ay 
faite de Madame Begon. 

Je n'ay point encore pensé à faire graver mes desseins de 
la façade du Temple de Minerve ; c'est une grosse affaire et 
bien de la dépense. Je prendrai pourtant des mesures pour 
cela, puisque vous voulés bien y prendre quelque part. 

Je suis bien aise qu'on ait expliqué les médailles de la 
Sicile de Paruta (3). Il y a quelque temsque je voulois engager 
M' Schreuder de Bordeaux a y travailler, ce qu'il auroit fait 
si nous avions pu avoir les Remarques de M*" Graverol sur 
cet ouvrage (4). 

(i) La Vie de Theodose^ le 'Grand avait été publiée par Fléchier en 
1679, in-4«. Les Panégyriques des Saints ont eu plusieurs éditions. 

(2) Cette lettre n'est pas autographe ; Bégon Ta seulement signée. 

(3) Filippo Paruta, né à Palerme, mort dans la même ville le 1 5 octo- 
bre 1629, auteur de la Sicilia descritta con medaglie, Palerme, 1612, 
ouvrage réimprimé plusieurs fois, notamment à Lyon, en 1697. 

{4) François Graverol, né à Nîmes le 1 1 septembre i636, mort dans la 
même ville le 10 septembre 1694. Voir plus haut, p. 184. 



Digitized by 



Google 



igo LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

La découverte d'une ville ancienne dans la franche Comté 
est nouvelle pour moy, ainsi que toutes les autres choses dont 
vous me faites part. 

Je vous envoyé cy joint un Extrait des Inventaires de mon 
cabinet; je souhaite qu'il vous fasse plaisir. 

Je suis avec toute l'estime possible, Monsieur, vostre très 
humble et très obéissant serviteur. 

Begon. 



§ i5. 
LETTRE D'HENRI BASNAGE DE BEAUVAL 

Henri Bastugt dt Btauval, né à Rouen U 7 août 16 56, mort à La Haye le 2g mars ijio^ 
publia de i68y à lyog une Histoire dei ouvrages des savans. 

La lettre que nous publiom n'est pas signée; mais une allusion à cette Histoire rend certaine l'attri- 
bution par Bouhier de cette lettre à « M. Basnage de Bauval ■. 

LVI 

A Monsieur 
Monsieur l'abbé Nicaise, chanoine 

de Dijon, 

A Paris. 

Ce 7 de mars 1698 (i). 

Il est vrai, Monsieur, que ie me suis fort appercû du long 
intervalle qui s'est passé sans que i'aie reçu de vos nouvel- 

(1) Quoique la lecture de cette date soit certaine et que le millésime 
1698 soit même souligné, il y a une erreur évidente. Basnage parle cons- 
tamment comme le ferait un auteur écrivant en 1689. Tous les livres 
dont il donne les titres ont été publiés vers cette époque ; tous les faits 
qu'il rappelle ont suivi à bref délai la déclaration de guerre aux Pro- 
vinces-Unies, déclaration qui, comme nous l'avons vu, est du 26 no- 
vembre 1688. En 1698, Nicaise était de retour à Dijon et c'est dans 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE BASNAGE DE BEAU VAL. I9I 

les. Vos lettres sont remplies de si bonnes choses, et si 
utiles pour moi qu'il me semble que vous estes obligé de 
continuer à me faire Thonneur de m'ecrire, puisque vous 
avez une fois commencé. Il ne faut point vous faire con- 
noistre, ou vous ne devez plus cesser de donner des mar- 
ques de vostre souvenir. Vous pouvez bien iuger que ie 
n'ai pas manqué à parler de vous avec M. Galée (i), qui m'a 
confirmé dans toute l'idée que ie m'étois faitte de vous. Il 
advoUa comme moi que l'on ne peut pas estre ni plus cu- 
rieux des bonnes choses, ni plus obligeant que vous Testes. 
Si la sévérité de M. l'Abbé de la Trape, que vous ne devez 
pas trop écouter, vous fait rentrer dans la Province, du 
moins que vostre retraitte ne vous détache pas de ceux qui 
vous estiment, et i'attens de vostre honnêteté que vous me 
donnerez vostre adresse pour vous aller importuner ius- 
qu'à Dijon. 

Je n'ai reçu des mains de M. Galée que la lettre du P. Lan- 
celot (2), où i'ai trouvé peu de choses nouvelles, excepté la 
retractation très nécessaire du P. Mabillon (3) ; l'en ai dit un 

cette ville que tous ses correspondants lui adressaient leurs lettres, 
tandis que notre lettre est adressée à Paris, où Nicaise se trouvait en 1689. 
(i) Galée, représentant de la Hollande à Paris, était l'intermédiaire 
entre Nicaise et ses amis habitant la Hollande. Voir plus haut, page 157, 
une lettre de Graevius, du 8 décembre 1688. — Ce Galée est-il le même que 
Servatius Gallœus, auteur de Dissertationes de SibylUs eorumque oracu- 
liSy Amsterdam, 1688, et éditeur des Sibyllina Oracula, Amsterdam, 1689, 
que Basnage, dans son Histoire des ouvrages des savans^ novembre 1689, 
p. 106, appelait « feu M. Galée ?» Il serait donc mort Tannée même où 
cette lettre fut écrite. 

(2) Dom Claude Lancelot, né à Paris vers 161 5, mort à Quimperlé le 
i5 avril 1695, venait de publier une lettre, se rapportant à sa Dissertation 
sur Vhémine de vin et y ajoutant quelques éclaircissements. 

(3) La deuxième édition de la Dissertation sur Vhémine de vin et sur 
la livre de pain de saint Benoît avait été publiée à Paris en 1688. Parmi 
les arguments que Lancelot invoquait en faveur de sa thèse, il y en avait 
un qui lui était fourni par le congé du Palais Farnèse. Pour le réfuter, 
quelques moines avaient argumenté d'un passage de Mabillon, qui, dans 



Digitized by 



Google 



192 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE. 

mot dans le mois de janvier. Je voudrois bien avoir le com- 
mentaire de ce P. Lancelot sur la règle de S. Benoist(i), car 
tout ce qu*il fait est fort bon et fort sçavant. N'est-ce pas lui 

qui est relégué quelque part pour (2). Je croi qu'il est 

renfermé dans la Basse Bretagne (3). 

Je n'ai point oui dire que celui de M. l'Abbé de la Trape 
s'imprime en Hollande (4). Ce sera l'austérité mesme, et de 
l'humeur dont il est, il voudroit deshumanizer les hommes 
pour en faire des Anges. 

Je ne (5) M. Graevius vous a envoie 12 exemplaires de 

l'Eloge de M. Petit; mais q i'en aye écrit à Utrech, ie 

n'ai pu encore le voir (6). 

On a achevé de réimprimer dans la mesme ville le Solin 

de M. de Saumaize, et l'on y a ioint une p nouvelle qui 

est un traitté des herbes de médecine, de Homonymis hyles 
iatricœ, dont M" Lantin et de la Mare , con*"* de vostre 
Parlement, avoient donné autres fois la Préface (7). 



son voyage d'Italie, avançait que Fabretti avait démontré, en son livre 
des Aqueducs, que ce congé du Palais Farnèse était une pièce entièrement 
supposée. Fabretti n'avait rien dit de pareil (voir plus bas la lettre LX, 
adressée de Rome à Nicaise). Mabillon reconnut loyalement qu'il s'était 
trompé. Voir Basnage, Histoire des ouvrages des savans, janvier 1689, 

p. 539. 

(i) Ce commentaire a-t-il été publié? Nous ne l'avons rencontré dans 
aucune bibliographie. 

(2) Ces points se trouvent dans la lettre de Basnage. 

(3) Claude Lancelot avait été relégué à Quimperlé en 1680; mais, en 
1698, date apparente de notre lettre, le savant grammairien était mort 
depuis longtemps. 

(4) V Explication sur la règle de saint Benoit par l'abbé de Rancé fut 
publiée à Paris en 1689. 

(5) Ces points et ceux des lignes suivantes représentent quelques mots 
disparus par l'effet de la rupture d'un cachet. 

(6) Basnage rendit compte de cet ouvrage dans son Histoire des ouvra- 
ges des savans^ mai 1689, p. 193-203. 

(7) Cette nouvelle édition du Polyhistor de Solin (Plinianœ exercita* 
tiones) parut à Utrecht^n 1689 ; 2 vol. in-f«. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE BASNAGE DE BEAUVAL. igS 

M. de Saumaize le fils m'a dit que M. de la Mare le fils, 
qui a, ie croi, la charge de son père, se dispose à donner 
la vie de M. de Saumaize. Il y a long temps qu'il s^en fait 
solliciter. 

J'espère avoir dans quelques iours le livre du P. Pagi (i), 
dont vous parlez si avantageusement, et cela me fera grand 
plaisir dans le temps de stérilité. 

On ne voit courir ici que manifestes et reflexions politi- 
ques. Chacun s'y mesle de défendre et d'accuser la conduite 
des Princes selon ses passions ou ses interests, et les parti- 
culiers s'echaufTent là dessus et se battent à coups de plume 
avec autant de chaleur que les Princes eux mesmes à la teste 
des armées. Je voudrois bien qu'une bonne paix nous ras- 
semblast tous, et que nos prophéties huguenotes aboutissent 
là. Du moins ie n'en attens gueres davantage. 

Je ne sçai que veut dire M. de Wit ; ie lui ai écrit pour vous 
4 fois sans en pouvoir tirer de réponse. Je l'ai encore pressé 
sur son valet, et tout cela inutilement. Peut estre vous en 
aura-il écrit directement. 

Qu'avez-vous trouvé de la iustification de M. l'Abbé Fay- 
dit pour son sermon prononcé le iour de S. Poly carpe (2) ? 
Il y a de la lecture et du sçavoir. Mais tout cela est ménagé 
d'une manière assez singulière, et il y pousse un peu dure- 
ment M" de Valois, du Pin et d'autres habiles gens. 

Je ne sçai qui est l'auteur d'un petit traitté de la bien- 
sçeance, qui m'a paru fort ioliment écrit (3). 



(i) Il s'agit, sans doute, des Critica in Annales Baronii^ dont nous 
avons parlé p. i55, note 6. Basnage rendit compte de ce livre dans son 
Histoire^ mai 1689, p. 206 à 221. 

(2) Le livre, dans lequel l'abbé Faydit fournit les preuves à 
l'appui de son sermon sur saint Polycarpe, parut à Maestricht en 1687 ; 
une deuxième édition fut publiée à Liège en 1689. Voir le compte-rendu 
de ce livre par Basnage dans son Histoire, novembre 1688, p. 3 1 5-325. 

(3) Basnage veut-il parler ici de l'une des nombreuses éditions du 

Académie de Lyon^ datte des Lettres. l3 



Digitized by 



Google 



194 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

J'oubliois à vous dire que VAnti'Baillet[\) de M. Ménage 
commence à paroistre et qu'il y a de bons morceaux pour 
l'histoire de ce siècle. M. Baillet y est un peu battu, mais il 
a assez d'esprit pour y trouver de quoi se vanger. 

Tout à vous, Monsieur, et à nostre cher ami M. Janis- 
son (2). 

Je vous prie de dire à M. Janisson, quand vous le verrez^ 
que i'ai lu l'opéra de Thetis et Pelée qui est reiniprimé ici. 

Vous estes d'une Province assez proche du Dâuphiné. Vous 
pouriez bien dire ce que c'est qu'une prétendue bergère mira- 
culeuse de Cret, et un grand nombre de petits enfans qui 
preschent et qui disent des merveilles en ce pays là (3). Vous 
m'obligeriez de vous en informer et de me mander ce que 
vous en auriez appris. 

Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes 
genSy imprimé pour la première fois à Paris en 1671, dont l'auteur est 
Antoine de Courtin, né à Riom en 1622, mort à Paris en i685? Voir, 
dans les Mémoires de l'Académie de Caen pour Tannée 1875, de Menues 
études de civilisation comparée^ à propos de la civilité puérile et honnête^ 
par M. A. Joly. 
(i) L'i4n/i-Bai7/tf/ parut à La Haye en 1690. 

(2) Nous avions cru d'abord que ce M. Janisson était Jean Anisson, le 
futur directeur de l'imprimerie royale du Louvre, dont le nom se trouve 
si souvent dans les lettres des correspondants de Nicaise. Voir plus haut 
p. 86, 89, etc. Mais nous hésitons à proposer cette identification depuis 
que nous avons rencontré, dans le Dictionnaire de Bayle, v» Poitiers^ 
note P, édit. de 1734, p. 716, le nom d'un des correspondants des réfugiés 
protestants, Janniçon, avocat au Conseil. 

(3) Ces « petits enfants » étaient de jeunes pâtres protestants, qui, sous 
l'influence d'un gentilhomme verrier des environs de Dieulefit (Drôme), 
tombèrent dans une sorte d'extase religieuse. Ils se répandirent dans le 
Dâuphiné et le Vivarais, annonçant à leurs coreligionnaires la délivrance 
prochaine d'Israél. On les appelait les petits prophètes. Parmi ces prédi- 
cants se fit remarquer Isabeau Vincent, née à Saou, entre Crest et Bour- 
deaux ; c'est elle que l'on désigne sous le nom de Bergère de Crest. 
Pierre Jurieu lui a consacré un livre ayant pour titre : Reflections upon 
the miracle^ which happened in the person ofisabel Vincent, shepherdess 
of Dauphine] Londres, 1689, in-40. — L'histoire des petits prophètes 
commence en 1686 et finit en 1689 (voir Chaufepié, article Jurieu, p. 70); 



Digitized by 



Google 



LETTRES DU PERE PAGI. igS 



S i6. 
LETTRES DU PÈRE PAGI 

Antoine Pagi, religieux franciscain, né à Roques (Gard) en 1624, mort à Aix en l6gg, auteur 
d'un ouvrage publié en i68g sous ce titre : Critica historico-chroaologica in Annales ecclesiatticoi 
Btronii (i). 

LVII 



A Monsieur 
Monsieur VAbbé Nicaise 
pis a vis la grande porte des Cordeliers 
a rétoile d'or, 

A Paris (2). 

Monsieur, 

J'ay reçu les 2 dernières lettres que vous avez pris la peine 
de m' écrire et vous rends mille grâces des marques que vous 
m'y donnez de votre amitié. Je n'avois pas encore veu les 
vers de M*" de la Monoye qui sont excellens et le tour qu'il a 
pris fort ingénieux. Il les faudra mettre devant ou aprez les 
Approbations de la manière que vous jugerez mieux, puisque 
on ne juge pas a propos ici de les mettre au commencement 
du livre. Il faudra seulement mettre a la marge ces paroles 

en 1698, date apparente de la lettre de Basnage, personne en Dauphin^ 
ne s'occupait plus de ces enfants. — Chaufepië cite sur ce sujet une pièce 
de Basnage contre Jurieu intitulée : M. Jurieu convaincu de calomnie, 

(i) D'autres lettres du P. Antoine Pagi à Tabbé Nicaise se trouvent dans 
le volume 9361 des manuscrits français de la Bibliothèque nationale. 
Elles sont cotées 49, 5i à 55, 57. 

(2) Cette lettre ne nous paraît pas autographe ; le P. Pagi Ta seulement 
signée, après Tavoir dictée à un scribe ignorant ou peu attentif. Ainsi 
s'expliquent les fautes très-nombreuses qu'on y remarque : Pagi dictait 
Haud ita pridem; le copiste écrivait Audita pridem^ etc. 



Digitized by 



Google 



igÔ LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

OU semblables : Fit allusio ad piscicidum viam balenœ mons» 
trantem, de quoy il faudra s'il vous plait parler a mon Li- 
braire (i). J'ay écrit a Monseig' Le Cardinal Barberigo et luy 
ay témoigné le souvenir et la vénération que vous avez pour 
luy. M' Meliabechi (2) m'écrit du 12 de septembre que 
M' Carpzovius, sénateur (3), luy a écrit de Lipsic qu'il a 
fait reimprimer Eusebe de Demonstratione et Prœparatione 
Evangelica en 2 vol. sur l'impression qui en avoit été faite 
a Paris et qu'il travaille maintenant a celle des œuvres de 
S' Greg. de Naziance selon l'édition de Billius. Il me deplait 
fort, M% que ces AUemans fassent reimprimer les Autheurs 
anciens sans quelque nouvelles notes ou additions, ou au 
moins sans les comparer avec les MSS., puisqu'ils en ont, que 
ceux qui les ont déjà imprimez n'avoient pas veu. Il ajoute 
que ledit sénateur luy écrit que Morhosius Kironiensis Acca- 
demiœ gloria, tnsigfie propositiim urget literariœ historice 
cotîdendœ, sub Polystoris titulo, qitam per partes editurus 
est, quarum primamjam epulgavit (4). M*" Meliabechi dit aussi 
qu'on a imprimé un livre sous ce titre : Epistolœ Samaritanœ 
Sichemitarum cum ejusdem (?) latina versione et amiotationi- 
bus. Accedit versio latina per similium Literarum Sichemitis 
aiidita pridem ad Anglos datarum, Ci\œ, 1688, in 4 (5). On 

(i) Les « Versus cximii pc^tse Bernardi Monetae, Divionensis, ad Ani- 
madversiones eruditissimi Pagii ad Baronium », ont e'té imprimés à la 
suite de la préface des Critica^ sous le titre même que Pagi vient de pro- 
poser à Nicaise. 

(2) Magliabechi; voir plus haut, p. i3o, note 2. 

(3) Frédéric-Benoît Carpzov ; voir plus haut, p. 170, note 3. 

(4) Voir plus haut, p. 1 55, notes 2 et 4. 

(5) Scaliger, désirant obtenir des renseignements sur la secte des Sama- 
ritains, s'était adressé directement à des personnes notables de Naplouse, 
l'ancienne Sichem. Les lettres contenant les réponses à ses questions ne 
lui furent pas remises, mais elles tombèrent en bonnes mains, puisque 
Génébrard, Peiresc et Etienne Morin les possédèrent successivement. 
Morin les traduisit et les publia avec la traduction, en 1682, à Londres, 
dans son livre sur les Antiquités de TÉglise orientale. Simon les traduisit 



Digitized by 



Google 



LETTRES DU PERE PAGI. 197 

a imprime au même lieu (un livre) intitulé : Christophori Cel- 
lari Collectanea historiœ Sàmaritanœ^ quitus prœter resgeo- 
graphicas tam politica hujus gentis, quam religio et res 
literariœ explicantur (i). On a imprimé en Angleterre un 
nouveau catalogue de leurs historiens, dont le titre est : 
Rerum Anglicarum Scriptores veteres ^x vetustis MMSS. 
nuncprimum editi, Oxonii, j6SS, inf. (2). Il y en avoit deia 
un tome, on a maintenant imprimé le second. Joannes Raius 
a imprimé le 2^ tome Historiœ plantarum^ i^^f»^ a Londres, la 
présente année (3). M"^ Meliabechi m'écrit encore qu'il men- 
voyera le Commentaire que M"^ Patin vient de donner au 

également. — - Plus tard, des Anglais adressèrent aux Sichemites de nou- 
velles questions, suivies de réponses analogues à celles qui avaient été 
faites à Scaliger ; ce sont les Litterœ persimiles a Sichemitis haud ita pri^ 
dem'ad Anglos datce, dont parle le P. Pagi. Nous ne connaissons pas le 
livre dont Magliabechi annonce la publication; il ne figure pas dans 
rénumération des ouvrages de Cellarius que Ton trouve dans le tome V 
de Nicéron, et cependant, dès qu'il s'agit d'un livre relatif aux Samaritains 
et imprimé à Zeitz en 1688, il est impossible de ne pas l'attribuer à 
Cellarius, alors recteur du gymnase de cette ville. Voir, en ce sens, ce 
que dit Grœvius, suprà, p. i55. 

(i) Cellarius (voir plus haut, p. i55, note 5), outre les Collectanea His- 
toriœ Samdritanœ quotquot inveniri potuerunty Zeitz, 1688, in-40, a publié : 
Historia gentis et religionis Samaritancê ex nova Sichemitarum epistola 
auctay Halle, 1699, in-4». 

(2) Ce deuxième volume, que nous n'avons pas vu, fait-il suite aux 
Rerum Anglicarum Scriptores post Bedam prœcipui ex vetustissimis codi» 
cibus^fianuscriptis nunc primum in lucem editiy dont l'éditeur est Bernard 
Savile (Bninet cite l'édition de Londres, 1 596, in-f», mais l'exemplaire 
que nous avons sous les yeux vient de Francfort, 1601, « extypis Weche- 
lianis apud Claudium Marnium et heredes Joannis Aubrii ») ; — ou aux 
Rerum Anglicarum scriptores, édités par J. Fell à Oxford, en 1684, in-f»? 
— Ce ne peut pas être l'un des deux volumes des Historiœ Britannicœ 
ScriptoreSy collecti a Th. G^i/e, Oxford, 1687 et 1691, in-f». 

(3) Cette Historia Plantarum ne doit pas être confondue avec la Plan» 
tarum Historia de Morison, continuée par Bobart, Oxford, 1 680, et 1 699 ; 
Voir plus haut, p. 167. Elle a pour auteur John Ray ou Wray, né le 
29 novembre 1628 a Black-Notley (Essex), mort le 17 janvier 1706 (La 
Biographie générale dit 1704 ; mais on lit sur son tombeau : Ob, jy Jan, 

^yo^y Trois volumes de cette Historia ont paru à Londres, en 1686, 

1688 et 1704, in-folio. 



Digitized by 



Google 



198 LETTRES A L*ABDÉ NIC AISE. 

public in A?itiquum monumentum Marcellinœ è Grœcia nuper 
allât um, Patavii, 1688, in 4. On débite a Rome les 2 tomes 
de la continuation des. Annales Ecclésiastiques depuis mil 
cinq cent trente cinq jusques a mille cinq cent soixante cinq. 
Mais je ne crois pas que ce soit grand'chose. Car on n'avoit 
imprimé les dits tomes il y a plus de dix ans et ils se trouvè- 
rent si mal faits qu'on n'en permit pas la débite et qu'on les 
fit corriger et reimprimer aux dépens de la Propagande. 
W Toinard m'écrit souvant, et me marqua dernièrement que 
vous étiez sur le point de donner au public vo^/re ouvrage 
d'Alexandre et de l'Empereur Adrien, nouvelle qui me fut 
très agréable (i).J'ay mieux réglé les voyages d'Hadrien qu'on 
n'avoit jusques ici. Si vous jugez que je me sois manqué en 
quelque endroit, vous me fairez plaisir de le corriger, afin que 
les autres ne sy trompent. Le susdit sénateur écrit à M*" Me- 
liabechi qu'on attent à Lipsic mon ouvrage et qu'on s'en 
promet beaucoup, mais ils changeront peutêtre de sentiment 
quand ils l'auront veu. Je vous prie de saluer M*" l'Abbé 
Anthelmi (2) et M*" Rigord (3) et leur faire part des nouvelles 
de Florence. Si j'avois les dernières fueilles de mon ouvrage, 
j'aurois tôt fait les Additions et les corrections. Cepandant je 
vous prie d'être persuadé qu'il n'y a personne au monde qui 
soit plus que moy, 

Monsieur, 

YostTQ, très humble et 

très obéissant serviteur, 

Fr. Ant. Pagi. 
Aix, ce 6 octob. 1688. 

(1) Cest la Dissertatto de Nummo Pantheo Hadriani Imperatoris, in 

qua peculiaris quœdam instituitur comparatio inter Hadrianum et 

Alexandrutn M...... Lyon, 1690, in-4«. 

(2) Joseph Antelni, historien, né à Fréjus le 25 juillet 1648, mort 
le 21 juin 1697. 

(3) Jean- Pierre Rigord, archéologue, né à Marseille le 28 Janvier i656, 
mort dans la môme ville le 20 juillet 1727. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DU PERE PAGI. I99 

LVIII 

A Monsieur 
Monsieur IJAhbe Nicaise a Vetoile 
d'or pis a vis la porte du grand convent 
des Côrdeliers 

a Paris (i). 

Monsieur, 

J'ay receu celle que vous aves eu la bonté de m*ecrire du 
22 du mois passé et vous rends mille grâces de tant des mar- 
ques que vous m'y donés de votre affection que ie tacheray 
de mériter si les occasions s'en présentent. le regarde les 
éloges que vous donés a mon ouvrage comme un eflfect de 
votre amitié et de votre générosité, sachant bien que tous les 
éloges que vous luy donés ne luy sont pas deus (2). Il y a 
quelques semaines que i'ay écrit a monseigneur le cardinal 
Barbarigo (3) et luy ay marqué que vous eties dans Timpa- 
tiance de sçavoir si votre éloge etoit achevé d'être imprimé en 
Hollande (4) pour en envoyer une copie a son eminence. 
Nous le pourrons bien faire tenir a Ligourne par la voye de 
Marseille, mais ie ne scay pas si de la on a facilement des 
comodites pour Padoue. l'en ecriray au père Noris et vous 
feray sçavoir sa reponce. Il y a asses de temps que ie n'ay 
point de ses nouveles et ie souhaiterois bien qu'il dona tost 

(i) Cette lettre nous paraît autographe. 

(2) Pagi venait de publier le premier volume de ses Critica historico- 
chronologica in Annales ecclesiasticos Baronii; Paris, 1689, in-f». 

(3) Grégoire Barbarigo, né à Venise le 25 septembre 1625, mort à Pa- 
doue le 18 juin 1697. La Bibliothèque nationale possède, dans le vo- 
lume 9359 des manuscrits français, treize lettres adressées par ce cardinal 
à Tabbé Nicaise; elles sont cotées 1 à 4, 6, 16, 18 à 23, 27. 

(4) V Éloge de Pierre Petit, par Nicaise, imprimé à Utrecht en 1689. 



Digitized by 



Google 



200 LETTRES A L'ABBE NICAISE. 

au public ses époques des villes de la Syrie (i). le suis bien 
aise qu'on reimprime Sulpice Severe avec des meilleures 
notes que celés qui ont pareu iusques icy et que ce soit un 
habile homme qui se charge de ce soin. le crois que les deux 
livres de l'histoire ecclésiastique de Rufin, qui n'ont pas été 
reimprimés dans ce siècle, rendroint son ouvrage beaucoup 
utile et ne grossiroint gueres le volume (2). On ne trouve plus 
les dits livres et souvent les gens de letres en ont besoin, 
car il y a touiours quelque petite chose de particulier. Feu 
M' Henry Valois avoit eu dessein d'en faire la reimpression, 
mais sa mort priva le public de ce bien. Vous en pourrés 
conférer avec M^ du Bois (3). le me reiouis d'apprendre que 
M' le Nain done bien tost quelque chose au public (4), étant 
persuadé qu'il ne peut rien sortir de luy qui ne soit excellent. 
M"^ Rigord (5) feut en cette ville il y a quinze ou vingt iours ; 
il se professe fort votre serviteur, et me dit qu'il avoit un 
médaillon grec de Néron, dans lequel il y a des characteres 
qui marquent l'an 9 de cet empereur et l'an 108. Il adiouta 
que M' Ferrin luy a écrit que c'est l'époque a ce qu'il croit 
de la ville d'Antioche en Pisidie, que Jules Caesar fit colonie 
l'an d'après la bataille de Pharsale, c'est a dire l'an de 
Rome 707. Mais il ne me dit pas quel est Tautheur qui a 
écrit cela, qui ne peut être a mon avis que Dion ou Stra- 
bon (6). On m'a écrit de divers endroits que les faiseurs du 



(i) Voir plus haut, p. 18, note i. 

(2) Les Histoires ecclésiastiques de Sulpice Sévère et de Rufin ont été 
plusieurs fois imprimées et il est difficile de dire quelles sont les éditions 
auxquelles Pagi fait allusion. 

(3) Girard Dubois, né à Orléans en 1629, mort à Paris en juillet 1696. 

(4) Le premier volume de V Histoire des Empereurs de Lenain de Tille- 
mont fiit publié à Paris en 1690. 

(5) Voir plus haut, p. 198. 

(6) Paul, l. 8, § 10, D., De CensibuSj 5o, i5 : « In Pisidia juris italici 
est Colonia Antiochensium ». Cf. Strabon, XII, 8, § 14, édit. Didot, 
p. 494, 12 etsuiv. 



Digitized by 



Google 



LETTRES D UNE PERSONNE INCONNUE, 201 

Journal ont parlé avec grand mépris de mon ouvrage. Mais 
ils sont si peu accrédités que, si cela est, il en augmantera la 
débite qu'ils veulent empêcher. Il ne sera pas difficile d'en 
avoir raison si ie veux, mais il faut voir auparavant ce qu'ils 
ont dit. Cependent ie vous prie d'être persuadé que ie suis 
sans aucune fin, 



Monsieur, 



Aix, ce 21 mars 1689. 



Vostre très humble 

et très obéissant serviteur, 
Fr. Ant. Pagi. 



S 17- 
« LETTRES D'UNE PERSONNE INCONNUE » 

JViotfi reproduisom simplement te titre sous lequel Bouhier avait réuni les quatre lettres qui suivent; 
car nous n'avons pas pu, même avec l'assistance de M. Charava/, découvrir le nom de leur auteur. 
Nous avons seulement trouvé, dans le tome IV de la correspondance de Nicaise^ deux autres lettres de 
la même personne (Fonds français, n» g, 36 2, cotes 28 et 3i), et nous les publions en même temps 
que les quatre qui ont appartenu à Bouhier, 

Il en résulte que cet inconnu^ Français et probablement d'origine bourguignonne^ était allé â Rome 
« pour l'interest de sa santé y pour y vivre plus en repos et, s'il se peut, plus long tans*, mais qu'il 
avait conservé une chambre à Paris et qu'il était en relations avec le Président Bignon, du Cange, 
Vaillant, Lantin, Toinard, etc. 

Rappelons seulement que Nicaise avait à Rome un parent originaire de la FranchC'Comté^ dom 
Coquelin, général de l'Ordre de Saint'Bernard. 

LIX 

A Monsieur 

Monsieur PAbé Nicaise 

A Paris (i). 

A Frascati, 27 mai 1686. 
Je trouvai. Monsieur, jeudi quand Jetois sur mon départ 
pour venir jouir un peu délia villégiatura la letre que vous 

(i) L'original de cette lettre se trouve dans la correspondance générale 
de Nicaise (Bibliothèque nationale, fonds français, 9,362, cote 28). 



Digitized by 



Google 



202 LETTRES A L ABBE NICAISE, 

mavez fait la grâce de mecrire que M. de Fermanel (i) mavoit 
envoiée. Je donai ordre qu'on rendit a M. de la Foucherie (2) 
celé qui etoit pour lui, naiant pu lui porter moimeme corne 
jaurois fait sans que jetois obligé de partir. Mais par bonheur 
je le rencontrai dans la rue quand je men alois et aiant fait 
areter le carosse je lui dis que javois laissé une letre pour lui 
et lui donai ladrese de M. de Fermanel pour vous repondre 
en cas que vous ne lui ussiez pas marqué dans votre letre. Il 
me dit quil auroit soin de votre afere (3), mais qu'il craignoit 
que vous nen vinsiés pas a bout sans un procès. Il me dit 
pourtant que vous lui avies mandé que votre date etoit devant 
la collation, auquel cas il seroit dificile du moins que Ion ne 
fut obligé dentrer avec vous en quelqu'acomodement. Vous 
savez la faveur du collateur, qui s'il veut soutenir ses droits 
trouvera en France qui voudra le servir. Je souhete que vous 
aies la satisfaction que vous espères et vous suis très obligé 
de vos ofres ; mais quand on est a Rome, on songe peu aux 
beautés des pais de France, particulièrement quand on y est 
venu pour linterest de sa santé et pour y vivre plus en repos 
et sil se peut plus long tans , com'on en a plusieurs exem- 



(i) Sur la liste des membres de la Grand'Chambre du Parlement de 
Rouen, en 1662, figurait un M. de Fermanel. VoirBasnage, sur Tart. 25o 
de la Coutume de Normandie, éd. 1709, I, p. 402, a. 

(2) Voir, dans la correspondance de Nicaise, t. IV (n® 9,362, cote 33), 
une lettre de M. de la Foucherye, datée de Rome, le 3i août i683, rela- 
tive à un confrère de Nicaise, nommé Siredey, qui était persécuté par 
le Chapitre : <c Un pauvre chanoine est bien à plaindre quand une fois il 
y a quelque cabale contre luy dans le chapitre, qui est bien nommé Mala 
Bestia. 9 

(3) Est-ce la même affaire que celle qui était pendante devant le Grand 
Conseil ? Nicaise, dans son autobiographie, nous dit que, relativement <r à 
un bénéfice simple de la province », il était en lutte « avec trois dévolutaires 
qui manquaient aux formalités, avec un résignataire simoniaque et avec 
un mal et vicieusement pourvu parle patron ». Lui seul avait reçu du Pape 

de légitimes provisions Et, malgré la légitimité de son titre, il perdit 

son procès ! 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 2o3 

pies. Je suis très obligé a monsieur le Président Bignon , a 
Monsieur de Vilenaux et a tous vos illustres de Ihoneur de 
leur souvenir et vous moblîgerez extrêmement de le leur 
témoigner a tous respectivement et de leur ofrir mes petits 
services en ce pais ci. Monsieur Vaillant ma fait trop de 
grâce de faire cas dune chose ou je navois que la moindre 
part ; mais il est bon qu'on sache en France qu'on peut boire 
agréablement a Rome quoiqu'il ny ait point de vin de Cham- 
pagne. Je voudrois quil en ut dit autant à M. Dernier afin 
de lengager a venir nous voir come il y a long tans quil en 
a envie. Pour M. Vaillant, je ne doute pas qu'on ne larete 
a Paris, quoiqu'on nait pas coutume de prier les gens. Javois 
oui dire quelque chose de M. Morel, mais on me lavoit 
conté diversement. Si jetois un asses bon corespondant pour 
vous, je vous demanderois la continuation de vos nouveles, 
mais vous saves que je suis un peu ou négligent ou paresseus 
et je craindrois que dans la suite vous ne vous plaignîssies 
de moi. Il est vrai quil y a si peu de curiosité ici et Ion y 
aprend si peu de nouveles que Ion est excusable quand on 
ne repond pas a ce que Ion peut écrire de France ou il y a 
toujours quelque chose de nouveau aussibien qu'en Angle- 
tere dont on est averti tout aussitôt. Il y a u ce matin consis- 
toire. Hier la plupart esperoient des cardinaus, mais nous 
avons été atentifs pour entendre le canon du château S. Ange 
et nous navons rien entendu. En cas qu'il y en ut u, vous 
le saures devant que celeci arive et ainsi vous ne bazardes 
rien que ie ne vous en dise pas de nouveles certaines. Si vous 
écrives a M. Lantin devant que ie lui écrive, obligez moi de 
lassurer de mes respects aussi bien que tous ceux qui me 
font l'honeur de se souvenir de moi à Dijon. M. l'Abé Bernon 
est parti hier pour sen retourner en France dans une flûte 
du Roi qui porte de la poussolane a Toulon. Il va voir le 
canal et delà s'en retourne au plutôt a Paris ou il vous apren- 



Digitized by 



Google 



204 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

dra plusieurs choses de ce pais ci. Il a acquis beaucoup des- 
time en ce pais ci et il la mérite, quoiquil naît rien fait de ce 
pourquoi il y etoit envoie, mais il na pas tenu a lui et soit que 
Ton ait eu peur de lui ou pour quelque autre raison on ne lui 
a pas donné locasion de faire voir ce qu'il savoit en Geografie. 
Vous saves quil etoit venu pour soutenir l'usurpation ou 
la possession des Iles de S. Gabriel par les Portugais ou les 
Espagnols les ont laissés sans poursuivre leurs prétendus 
droits par devant le Pape qui avoît etê choisi pour arbitre. 
Je ne vous écris point des nouveles du monde parce que vous 
les saves a Paris aussitôt quici ou si Ion en sait quelquefois 
quelques unes glutot ici, eles ne sont pas encore venues et 
il faut attendre que les Vénitiens aient fait quelque chose. Je 
vous suplie de rendre lincluse à M. Vaillant et de me croire 

a vous. Monsieur, autant qu'on le peut être 

Nous navons point vu ici le factum de M. de Furetière. Je 
trouve que les muses bazardent trop, car sil prenoit envie 
a ses messieurs dachever leur Dictionere dans un an ou deus, 
le R. ny trouveroit pas son conte. Lafaire de Richelet fait 
Yoir ce que peut la passion. On nous a parlé ici dun autre 
factum en prose quil a lu a quelques uns ou il y a un peu 
de satyre contre plusieurs particuliers, que nous n'avons pas 
vu non plus ici. Come c'est lui qui les distribue, il naura pas 
voulu en envoier ici. S'il men vouloit envoler un par quelque 
voie qui ne coûtât rien de port. Je ne laisserois pas de le 
faire voir a nos amis (i). 



(i) Antoine Furetière, en publiant ses Essais d'un Dictionnaire univer- 
sel^ Paris, 1 684, in-4», avait paru faire concurrence à TAcadémie et empié- 
ter sur son privilège. Indignée, TAcadémie Tavait expulsé de son sein le 
22 janvier i685. Furetière se vengeait en publiant les factums auxquels 
notre lettre fait allusion. — Quant à Richelet, bien que son Dictionnaire 
eût été imprimé en Suisse et publié à Genève (chez Jean-Hermann Wie- 
derhold, 1680, 2 vol. in-4«), il avait éprouvé, bien avant Furetière, les 
effets du courroux des Académiciens. 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. • 2o5 



LX 



A Monsieur 
Monsieur lAbé Nicaise, 
Paris. 

Rome, 12 octobre 88. 

Jatendois toujours, Monsieur, la réponse de M. Bellori 
pour repjondre a la votre du 3o août ; mes voiant quil ne me 
lenvoîe point, je ne veus pas retarder davantage et ie me 
sers de locasion du R. P. procureur qui vous doit écrire. 
Il y a quelque tans que ie ne sors point que quand quel- 
qu'ami menvoie un carosse, a cause dun mal qui mest sur- 
venu a la cheville d'un pié ou un home me heurta rudement 
il y a plusieurs mois. Je nai point receu la letre dont vous 
me parles ni M. Fabretti non plus. Si cet par la voie de 
M. de Vilermont que vous les aves envolées, on ne me les a 
pas rendues. Locasion du P. procureur fera que ie métrai 
ici un petit mot pour lui, ne pouvant laler porter chez 
M. le C. Je montrai votre lettre à M. Fabretti qui me 
dit quil navoit jamés rien dit de semblable au P. Mabillon, 
et quil navoit garde de lui en rien dire, parcequil ne les 
avoit pas vus, et il me renvoia a ce quil avoit dit dans la 
pag. 74 de son treté de Aquaeductibus (i), ou il le supose 

(0 J.-B. de Villàlpando (ib52-i6o8), dans ses Explanationes inEi^e^ 
chielem^ avait essayé de reconstituer le pied romain à Taide d'un congé 
appartenant aux Farnèse (Congium Farnesianum), et les conclusions aux- 
quelles il était arrivé avaient rencontré beaucoup d'adhérents. Claude 
Lancelot, entre autres, les avait adoptées dans sa Dissertation sur l'hé» 
mine de vin et sur la livre de pain de S. Benoit^ Paris, 1667 et 1688 
(p. I i-i3 de cette dernière édition). Raphaël Fabretti, dans son livre De 
Aquis et Aquœductibus veteris Romœ, Rome, 1680, in-4», p. 74, objec- 
tait qu'un vase destiné à mesurer les liquides ne paraît guère utilisable 
pour la mesure de l'espace (Spatiis dimetiendis applicabilé); mais il n'al- 



Digitized by 



Google 



206 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

antique (i). Je serai bien aise de voir la lettre du P. Lance- 
lot (2). Ces congés, car il y en a plusieurs, sont a présent a 
Parme ; ainsi je nai pu les revoir ni les repeser corne jaurois 
fort souheté pour vérifier ce que jai fait autrefois quand le les 
ai pesés ; mais, a moins que quelque curieus ne passe a Parme, 
il n'y a plus rien a espérer. On pouroit écrire a un Jésuite 
qui est la, qui fait le journal, de les peser; mais, sil na pas 
la proportion du pois de Parme avec celui de Paris ou de 
Rome, il y aura encore de lenbaras. Je ne lai pas pris en 
passant, mais seulement la mesure du bras, mais il ne seroit 
pas impossible de lavoir. On ne ma point envoie la copie 
de cete lettre de Bezançon. M. de V. mavoit bien promis de 
me lenvoier lordinere suivant la letre ou il men parloit; 
mais je ne lai pas receue. Cependant ces 2 Istoires sont des 
plus singulières. Depuis que M. de Witt (3) est arivé en 
Holande, il na encore écrit a persone dici que ie sache ; 
je lui avois repondu a une letre qui mecrivit de Genève et ie 
le priois de quelques livres, mais il nous a tous oubliés en- 
tièrement, ce qui me surprent fort, ne sachant pas quil ait 
a se plaindre de ce pais ci, mais bien plutôt a sen louer, 
aiaht été considéré et estimé com'il le meritoit. Je me rejouis 
des charges quil a obtenues. Jai cru dabord queles ne lui 

lait pas jusqu'à dire, comme le prétendait Mabillon, que le congé Far- 
nèse n'était pas antique. Voir plus haut, p. 191, note 3. 

(1) L'authenticité du Congium Farnesianum était, en effet, admise par 
les archéologues les plus distingués. Peiresc jugeait ce vase si important 
pour rétude de la métrologie qu'il en fit faire une copie, pendant son 
séjour à Rome. A la fin du XV1I« siècle, cette copie était conservée dans 
l'abbaye de Sainte-Geneviève à Paris ; elle a servi de modèle pour le 
dessin que Lancelot fit graver et qu'il inséra dans sa Dissertation sur 
Vhémine^ 2« édition, p. 12. 

(2) Cette lettre du P. Lancelot contenait quelques explications complé- 
mentaires de sa Dissertation sur Vhémine^ dont la deuxième édition 
venait d'être publiée à Paris. 

(3) Jean de Witt, dont nous avons publié deux lettres, suprà, p. 85 et 
suiv. 



Digitized by 



Google 



LETTRES D UNE PERSONNE INCONNUE. 207 

lessoient pas le tans décrire, mais il y a trop long tans, nous 
nous en consolerons. Je serai bien aise de savoir sil conti- 
nuera de vous treter en France de même que nous. Ce se- 
roit un livre a avoir que le Glossere de M. du Cange sil netoit 
point trop cher (i); mais 2 volumes in fol., a Rome ou 
les libreres veulent presque gagner le double, me font peur ; 
il ny en a point encore ici. Jai grand envie de voir le Croni- 
con Alex, parceque ie mimagine quil y aura quelques notes (2). 
Jy ai un peu contribué de ma pêne, aiant confronté sur le 
MS. du Vatican plusieurs passages dont il etoit en doute et 
copié une lacune qui etoit dans limprimé ; mes îe ne sai 
si on le lui aura fait savoir. Vous pouves vous en informer 
adroitement quand vous le veres et vous m'obligeres de lui 
fere mes très humbles complimens et lui ofrir tout ce qui 
dépendra de moi ici. Je verai avec plesir ce que M. Toinard 
aura remarqué ; com' il a fort étudié la cronologie, on ne 
peut pas douter que ce quil fera ne soit excelent. Je lui ai 
repondu sur ce quil ma demandé de cette inscription de 
Gruter. Je nai pu en trouver loriginal, ne sachant ce quil est 
devenu, mes ie ne croi pas quil manque rien au comence- 
ment. Si vous êtes curieus de voir ce que ie lui ai écrit, 
vous poures lui demander une copie de ma letre. Je lui en- 
voie une bêle inscription que M. Fabretti a et quil donera 
dans son ouvrage, ou il y a Xuxafirnaç 8u(i)(3); mais ce sont 
des vers et il voudroit trouver quelqu'auteur qui sen fut 
servi en prose. Mais, sil y en avoit, M. du Cange ne les 
auroit pas ignorés. Vous m'obligeres de continuer a pous- 

(i) Du Cange venait de publier son Glossariumad scriptores mediœ et 
injîmœ grœcitatis^ Paris, 1688, 2 vol. in-f». 

(2) Une nouvelle édition du Chronicon Paschàle sive Alexandrinum, 
cum notis, venait de paraître, par les soins de du Cange, à Paris, 1 688, 
in-fo. 

(3) C'est probablement l'inscription publiée dans le Corpus Inscrip- 
tiorum grœcarum de Bœckh, t. 1 1 1, n» 6,238. 



Digitized by 



Google 



2o8 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

ser ces Peres de S. Geneviève iusqu'a ce quils aient trouvé 
les 5 premières sections de M. Spon. Il faut quil y ait autre 
chose que de la Paresse, puisque cela ne peut pas se cacher 
introuvablement. Je ne sai que M. Fabretti qui travaille 
présentement et Mgr Ciampini (i). Si M. Bellori fait quelque 
chose, il vous le fera savoir quand il vous écrira. Il y a 
long tans quil ne nous est venu de livres nouveaus de 
France et encore moins de Holande, ou il faut que les brouil- 
leries et la crainte des Algériens les empêchent d'envoier 
leur convoi, ce qui est cause que nous nentendons parler 
des nouveautés que dans les Journaus. Il y a près dun an 
que ie nai point vu la biblioteque universele, qui etoit la 
plus exacte. Je ne sai si on la continue. Vous me feres 
toujours grand plesir de me fere part des livres nouveaus ; 
car,' pour des nouveles du monde, ie ne vous en demande 
point, non plus que ie ne vous en écris point, puis qu'on 
ne dit très souvent pas un mort de vérité, et vous en pou- 
ves juger par ce qui ariva avantier, que M. le G. d*E. étant 
a laudience du Pape pour lui fere part de Tlnfant de Portu- 
gal, le bruit etoit par tout Rome quil etoit mort, et peut 
être que quelque Italien laura écrit a Paris. Obliges moi. 
Monsieur, dassurer tous vos Messieurs de mes très humbles 
respects et de lofre de nies services. Nous navons point 
encore ici les 2 derniers livres de M. Vaillant. A présent 
que M. François, qui est a M. Grozier, est a Paris, il 
nous fera des paquets de tout ce quil y a de nouveau ; ie 
mimagine que vous ne manqueres pas de le voir quelque 
part et de vous enquérir de lui de ce pais ci. Si vous avies 
quelque bagatele a menvoier, vous pouries le lui doner 
quil le mit dans ses balots. Il a fait espérer quil seroit ici 
vers Noël. Je suis. Monsieur, T. a V. 

(i) Giovanno-Giusto Ciampini, né à Rome le i3 août i633, mort le 
12 juillet 1698. 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 209 

LXI 

A Monsieur 
(Franc a Lion, 6) 
Monsieur lAbé Nicaise 
a la Perle sur les fossés 
de M. le Prince^ 

Paris. 

Rome, 22 mars 89. 

Javois toujours remis, Monsieur, a repondre a vos obli- 
geantes letres, que les balots de M. Crozier, que Ion atendoit 
de jour a autre, fussent arivés, afin de vous fere savoir la 
réception de ce que vous aves u la bonté de fere mètre de- 
dans ; mes, outre quils ne sont pas arivés, il y a aparence 
quils nariveront pas encore si tôt, parceque M. Crozier me dit 
il y a quelques jours quil les avoit contremandés de peur de 
quelque rencontre sinistre. Je navois pas besoin de les aten- 
dre pour vous remercier, vous étant autant obligé que si ie 
les avois déjà receus. Je ne sai pourquoi M. Baudelot ne ma 
pas favorisé corne les autres, puisque vous lui en avies doné 
lordre, mais cet asses de les avoir trouvés, jay seulement 
regret a la peine que cela vous a doné. Je suis bien aise 
daprendre que vous aies choisi Tabitation ou vous êtes ; vous 
ne pouves pas être en meilleur air et avec de meilleures gens ; 
vous leur feres bien, sil vous plait, mes amitiés, tant aus 
parens qu'aus enfans. Cependant, si voustrouvies quelque 
compagnie pour demeurer dans ma chambre, ne la lesses pas 
vacante pour matendre encore; mes vous saves qu'on ne 
peut pas repondre de lavenir. 

Jai cherché par tout les 2 livres que vous demandes ; mes, 
outre que ie ne les ai pas trouvés, on ma presque asuré que 

Atadémit dt Lyon, ciasse des Lettru. 14 



Digitized by 



Google 



210 LETTRES A L'ABBE NIC AISE. 

ie ne les trouverois pas. Sils etoîent dans la biblioteque de 
M. le C. Slusio(i), ils auront été transportés dans celé de M. le 
Trésorier ; car ils ne sont pas parmi les livres qui sont restés. 

Pour les figures du sépulcre de Nazoni, si vous les voules, 
vous naures qu'a doner ordre a M. Anisson quil fasse tenir 
12 ecus a M. Crozier, qui les prendra et les metra dans le 
premier balot quil envolera en France; car on nen veut rien 
rabatre de 2 ecus Texemplere, a moins que, quand on sera 
prêt a en prendre une cantité, on nen tire meilleur marché de 
quelques Jules. Vous saves qu'ici on ne parle que decus 
romains, qui valent 3 1. 1 1 s. de France, a queque denier 
près ; mes M. Anisson ne l'ignore pas. Sil ne faloit point que 
cela pasat par les mains de M. Crozier pour vous les envoier, 
qui doit avoir comerce avec M. Anisson, ie vous ofrirois de 
les prendre sans son moien ; mes ie ne sai pas dautre voie de 
vous les faire tenir. 

Si tôt que jaurai receu les exempleres, jen porterai un a 
M. Fabretti. Jai oublié de lui demander la réponse a votre 
letre pour M. Bellori ; ie ne croi pas que vous dévies en aten- 
dre ; toutes les fois que ie le rencontre, ie len fai resouvenir 
et il me promet de me la porter, mes il n'en fet rien. M. Fa- 
bretti achevé son texte dinscriptions nouveles, ou il y aura de 
bêles choses. Il trouve tous les jours des inscriptions, parti- 
culièrement dans le cimetière de S* Hélène ou de SS. Piere 
et Marcellin, a 3 miles dici (2), ou Ion a découvert depuis peu 

(i) Jean-Gualter de Sluse; voir, plus haut, page i23, note 2. Ce cardi- 
nal, mort le 7 juillet 1687, est constamment cité, avec les plus grands 
éloges, dans les dépêches adressées à Louis XIV par ses représentants à 
la cour de Rome. Le duc d'Estrées l'appelle « le plus savant prélat », et 
exalte sa mode'ration (26 octobfe i683); Servient parle de son insigne 
doctrine (7 mai 1682) ; enfin le cardinal d'Estrées, faisant part de sa mort 
au Roi (8 juillet 1687), présente cette mort comme très déplorable pour 
|a France. Voir Michaud, Louis XIV et Innocent X/, passim^ notamment 
f IV, p. i58. 

(2) d In via Lavicana ». 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 211 

un ordre inférieur qui na point encore été visité, ou il y a 
bien des inscriptions, la plupart greques ; mes a beaucoup il 
ny a rien a aprendre, ny aiant que le non ou des choses vul- 
gaires. En voila une pourtant ou il y a quelque chose de 
curieus a cause de NÛ (r). 

D M 

(Un poiMon) nOnOYAHNIA (Une ancre) 

AnEeANHNNÛ 

On ne voit pas a qui sadresse ce Nco, qui est au duel. Vous 
nous en dires votre sentiment (2). On y trouve tous les jours 
de beaux médaillons. On en a déjà trouvé plus de 24, bien 
conservés, qui ne peuvent avoir été mis que pour marquer le 
tans de la mort, au lieu de mètre les consuls. La plupart 
sont des derniers empereurs devant Constantin et ont au 
revers les 3 figures avec les balances. Il y a beaucoup de 
marques de martirs com'ils les suposent ici. On y a découvert 
un polyandrion ou, outre les sépulcres qui sont a lordinere 
dans les murailles les uns sur les autres, il y a sur le plancher 
une grande cantité dos les uns sur les autres, qui mont paru 
en confusion, quoique M. Fabretti y prétendit trouver quel- 
qu'ordre dans leur position, dont il et dificile de deviner 
lorigine. Il croit que ce sont tous des martirs que Ion a ainsi 
mis les uns sur les autres dans quelque persécution, n'aiant 
pas u le tans de les ensevelir a part. Quelques uns ont cru 
qu'on les a otés des sépulcres voisins, pour y mètre dautres 
cors, com'on croit quil et arivé en dautres endrois ou Ion 

(i) Bouhier a, propria manu^ écrit dans Tinterligne : « Elle est au 
Recueil de M. Fabretti, p. Sgo. » Voir, en effet, Fabretti, VIII, n» CVII, 
p. 590. 

(2) L'éditeur de cette inscription dans le Corpus Inscriptionum grœ^ 
carurfij t. IV, n^ 9596, a proposé de lire : Dis manibus, UomvXnvia MOmtv 
finvi M4€/*^îw; mais il a prudemment ajouté un point d'interrogation. 



Digitized by 



Google 



212 LETTRES A L ABBE NICAISE. 

trouve ainsi des os jetés en confusion ; mes on peut douter 
si les premiers cretiens violoient ainsi les sépulcres de leurs 
prédécesseurs, come nous fesons présentement en les metant 
dans nos charniers ; car en ce tans la chacun tachoit davoir 
son sépulcre a part. On pouroit latribuer ausibien a quel- 
que peste qu'a une persécution et peutetre avec plus de fon- 
dement, puisqu'on avoit plus de considération pour les 
martirs. On vera si en levant ces os on ne rencontrera point 
quelque signe qui fasse conetre ce que cet. Il y a dans cete 
chambre 2 sépulcres avec leurs tuiles, et a lun M. Fabretti 
dit quil y a des marques de martir. Tous les autres sont 
ouverts, soit que leurs plaques de marbre ou de tuiles soient 
tombées, soit quils naient jamés été fermés, ce que Ton jugera 
mieus, quand on aura levé les os, qui ont près de 3 pies de 
hauteur. Si cetoient des martirs, come le prétend M. Fabretti, 
il y en auroit asses pour tout le monde, et Ion ne devroit pas 
avoir tant de pêne a obtenir quelque tête come Ion a a pré- 
sent. Jy vis une inscription ou il y a un T qui me paroit 
gotique; mes jai oublié si cet un G ou un K; ele et ainsi 
AEKENTI. Jai recomandé a M. Fabretti de la prendre; car 
on pouroit peut être par la juger de son antiquité. Je nai 
pu retrouver lalfabet des Pandectes, pour voir sil y a des T 
de cete façon, et je nai pas le livre du P. Mabillon pour le 
chercher. Quoique TE soit aussi gotique, il est pourtant 
ancien tant en grec quen latin (i). 

Je ne vous écris point de nouveles ; car ici tout demeure 
en même état, sans espérance de changer de ce coté ci, et 

(i) Pour rendre ce passage facikment intelligible, il aurait fallu user de 
caractères autres que ceux que nous avons été forcé d'employer. Le T 
ou le prétendu T du mot AEKENTI a la forme d'un C, très fermé, surmonté 
à gauche d'une ligne courbe ; TE a également la forme d'un C, au milieu 
duquel, à droite, s'adapte un trait horizontal ; enfin, l'auteur de notre 
lettre dit ne pas se rappeler s'il faut lire AECENTI ou AEKENTI. Voir Mabillon, 
de Re diplomatica^ éd. de Naples, t. I, p. SyS. 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 2l3 

pour les autres nouveles, vous les deves savoir mieus que 
nous, puisque la plupart vienent de delà. Nous souheterions 
seutement queles nussent pas tant besoin de confirmation et 
que les nouveles postérieures ne détruisissent pas les pre- 
mières. Car souvent on nous repait de grandes nouveles, 
qui dans la suite ou sevanouissent entièrement ou devienent 
si peu de chose que ce net rien *, mes cest bien pis quand eles 
sont fausses. Voici le tans des graves evenemens et par con- 
séquent des grandes nouveles. 

Le P. Lubin (i) ma envoie cete letre pour la mètre dans 
mon paquet. Vous m'obligeres de fere tenir celé de M. Toi- 
nard, ne sachant pas sil et a Paris ou a Orléans. Je salue 
avec votre permission M. dErbelot (2). Asures tous les cabi- 
nets de mes très humbles respects et me croies. Monsieur, 
parfetement a vous. 

LXII 

A Monsieur 

Monsieur Anisson, marchand 

libraire de Lion, pour fere tenir 

a Monsieur lAbé Nicaise 

a Paris, 

Lion, 

Rome, 27 sept. 89 (3). 
Je ne doute pas, Monsieur, que vous ne me blamies, vous 
et peutetre mes autres amis, de ce que ie ne vous fai pas 

(i) Augustin Lubin, géographe, religieux de Tordre des Augustins, né 
à Paris le 29 janvier 1624, mort dans la même ville le 7 mars 1695. 

(2) Barthélémy d'Herbelot, orientaliste, né à Paris le 4 décembre 1625, 
mort le 8 décembre 1695. 

(3) Cette lettre fait partie du Recueil de la correspondance de Nicaise, 
déposé par Prunelle, en 1 83 1, à la Bibliothèque nationale. Fonds français, 
9362, cote 3i. 



Digitized by 



Google 



2J4 LETTRES A L*ABBÊ NICAISE. 

part de ce qui se passe dans le Conclave, parceque vous 
vous imagines quil sy fet tous les jours de grandes choses ; 
mes, si vous eties ici, vous en jugeries autrement et, hors deus 
fois quil y a u quelque rumeur sur lelection de 2 suiets, 
tous les Italiens ausquels on en demande des nouveles 
disent quil ne se fet rien(i). En efet, on a atendu nos François, 
quoiquil y ut dimanche 8 jours que, le tans étant passé 
quils pouvoient être arivés sans qu'on ut seulement nouvele 
sils etoient partis, la faction des Zelanti essaia de fere Bar- 
barigo, eveque de Padoue (2). Mes leur treté fut éventé et on 
le croit dissipé, quoiquil y en a beaucoup qui le voudroient. 
Il n'y a rien a dire pour la pieté ni pour la doctrine (3) ; 
mes on craint quil nut pour le moins autant de zèle et de 
fermeté que l'autre, outre que beaucoup ne voudroient pas 
un vénitien. Si cete reson a lieu, Ottobono na rien a espérer, 
quoiquil ait été ausi un peu en predicament. Nos Gard, vont 
peut être changer les choses (4). Cependant, sil faut atendre 



(i) Le correspondant de Nicaise parle du Conclave réuni pour donner 
un successeur à Innocent XI, mort le 12 août 1689. 

(2) Grégoire Barbarigo, Vénitien, né le 16 septembre 1626, évêque de 
Bergame, puis de Padoue, cardinal en 1660, mort le 19 juin 1697. 

(3) Dans ses dépêches à Louis XIV, le cardinal d'Estrées, « protecteur des 
affaires de France à Rome », disait dès le 16 juillet 1676 : « Si Ton se con- 
tentait de la sainteté, ce sujet aurait plus de lieu de prétendre à la papauté 
qu'aucun autre ; mais on s'attache ordinairement à d'autres talents et à 
d'autres qualités. » Pendant le conclave, le i3 septembre 1689, d'Estrées 
disait encore : « Barbarigo serait un pape doux, humble, occupé du bien 
de la religion..., éclairé dans les sciences et dans les obligations d'un véri- 
table pasteur, et qui s'appliquerait uniquement à la paix et au rétablisse- 
ment de notre religion ; mais je ne crois pas que cette vue puisse avoir 
aucun effet. » Michaud, Louis XIV et Innocent X/, 1. 1, 1882, p. 173 et 
suivantes. 

(4) Ce fut précisément l'influence française qui assura l'élection du 
cardinal Pierre Ottoboni. Ce prélat, né à Venise le 19 avril 1610, et 
cardinal depuis i652, avait alors soixante-dix-neuf ans. Élu le 6 octo- 
bre 1689, Ottoboni adopta le nom d'Alexandre VIII. Voir, sur son car- 
dinalat, Michaud, Louis XIV et Innocent XI^ t. I, 1882, p. 5o8-532. 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 21 5 

les Espagnols com'on les a entendus {sic)^ on nentendra 
parler de rien de conséquence quapres leur arivee et celé 
des autres qui aparement les devanceront. Corne cete anée 
et sene, ils sen consoleront plus facilement et se divertiront 
afere grande chère et grans regales. Ce matin le G. dEste (i) 
en a fait 3, un a chacun de nos 3 Gard, qui entrèrent ier a 

23 heures, pressés dun nombre infini de monde qui vouloit 
voir le G. de Furst (2). LAbé Morel (3) est un de ses concla- 
vistes. On avoit écrit de Paris que lAbé de Groissi en seroit 
un, mes il ny et pas entré. Je ne conois point les autres, si 
ce net M. de Seste, qui et entré avec le G. de Buillon (4). Il 
et venu force Abés, mes la plupart sans abaie, ni en aiant 
que 3 qui aient u permission, come vous saures mieux que 

(i) Ce cardinal peut être le cardinal d'Estrées; mais ce pourrait être 
aussi le cardinal Rinaldo d'Esté, né le 25 avril i655, cardinal en 1686, 
duc de Modène en 1694, mort le 26 octobre 1737; ce cardinal, devenu 
duc, « remit son chapeau dans le Consistoire du 29 mars 1695, » et se 
maria le 18 novembre de la même année. 

(2) Guillaume Égon, prince de Furstenberg, évêque de Strasbourg du 
8 juin 1682 au 10 avril 1704, cardinal en 1686. Voir, sur ce prélat, 
Michaud, Loc. cit., III, p, 152-184. 

(3) Cet abbé Morel est peut-être celui qui avait failli succéder, en qua- 
lité d'auditeur de Rote, à Louis d'Anglure de Bourlemont ; mais la place 
fut donnée à Tabbé Ysoréd'Hervault (Michaud, Louis XI V et Innocent X/, 
t. II, p. 282). 

(4) Emmanuel-Théodose de la Tour d'Auvergne de Bouillon, né le 

24 août 1644, cardinal en 1669, mort à Rome en 171 5. — Les deux au- 
tres cardinaux français, en 1689, étaient Tévêque de Grenoble, Etienne 
Le Camus, né en i632, cardinal en 1686, mort à Grenoble le 12 sep- 
tembre 1707, et Tarchevêque de Narbonne, Pierre de Bonzi, né à Flo- 
rence le i5 avril i63i, cardinal en 1672, mort à Montpellier le 11 juil- 
let 1703. Voir pour le cardinal de Bouillon, Michaud, Louis XIV et InnO" 
cent X/, t. III, p. 147 et suivantes ; pour le cardinal Le Camus, Eod. 
Loc.^ t. II, p. 5o2 à 555 ; pour le cardinal Bonzi, Eod, Loc,^ t. III, p. 139 
et suivantes. Le Camus n'assista pas au conclave de 1689 ; par conséquent 
les trois cardinaux français qui entrèrent à Rome le 26 septembre étaient 
les cardinaux Bonzi, de Bouillon et de Furstenberg. La curiosité dont le 
dernier fut Tobjet s'explique par le bruit qui s'était fait autour de son nom, 
pendant les mois qui précédèrent le conclave, à propos de l'Électorat de 
Cologne. 



Digitized by 



Google 



2l6 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

nous, Croissi (i), Beuron (2) et Noirmoutier (3). M. le duc de 
Chaunes (4), qui avoit receu les compliments corne Ambass. , set 
déclaré, a ce qu'on dit, quil ne prétend point dautre calité que 
celé que le conclave lui voudra doner. Ainsi com'il y a ici un 
envoie de lEmpereur,Liextenstein,qui n'en a point pris et qui 
se contente daler a la Rote, corne fet aussi lAmb. d'Esp. qui et 
toujours incognito, on croit quils souheteront quil fasse de 
même et on dit que, sil prenoit quelque calité, que Lieks- 
tenstein prendroit la même. Il ira demain ou plutôt jeudi 
au Conclave et alors on saura en quele calité. Il a ici tous 
ses oficiers et demeure chez M. le C. dEtrées (5), ou il va 
tenir sa table. On dit qu'il a 60 personnes avec lui. 
Les galères sont toujours a Civita Vecchia au nombre 
de 28, dont on dit qu'il y en a 4 dans la darse que Ion y a 
lésé entrer parcequeles etoient trop presées. On croit queles 
repartiront bientôt, mes cela dépend des ordres de M. le 



(i) Charles- Joachim Colbert de Croissy, second fils du ministre Charles 
Colbert de Croissy et neveu du grand Colbert, était né en 1668, ce qui ne 
l'empêchait pas d'être, depuis 1684, abbé de Froidmont en Beauvoisis. Il 
eut une chambre au Conclave et sut se concilier les bonnes grâces du 
nouveau pape, Alexandre VIII, qui l'appelait « Vabbate angelo ». Promu 
à révêché de Montpellier en novembre 1696, il mourut le 8 avril 1738. 
Voir Michaud, Loc. cit.^ t. III, p. 322. 

(2) Probablement Odet d'Harcourt, fils de François III, marquis de 
Beuvron, né le 26 novembre 16 58, aumônier du Roi, abbé de Monstier 
en Champagne, mort au camp de Namur en juillet 1692. 

(3) Probablement Joseph-François de la Trémoille, fils de Louis II, 
duc de Noirmoutier, né en i658, abbé de Lagni, de Sorese, de Grand- 
Selve, de Saint-Amand près Tournai, qui fut plus tard auditeur de Rote, 
cardinal (17 mai 1706), abbé de Saint-Étienne de Caen (juillet - 1710), 
évêque de Bayeux (février 17 16), archevêque de Cambrai (mai 1718), et 
qui mourut à Rome en janvier 1720. 

(4) Charles d'Albert d'Ailly, duc de Chaulnes, né en 1625, mort le 
4 septembre 1698. 

(5) Sur le cardinal César d'Estrées, né à Paris le 5 février 1628, mort 
le 18 décembre 17 14, et sur la mission diplomatique dont il fut chargé à 
Rome, voir l'ouvrage de M. E. Michaud, Louis XIV et Innocent XI y 
quatre volumes in-8<», 1882-1883, et spécialement t. II, p. 167 à 23i. 



Digitized by 



Google 



i 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 217 

duc de Ch. Si vous voies M. de Vilermont, demandes lui a 
voir sa letre; il y aura peutetre quelque chose de plus que 
dans celeci. Mancini ariva avantier; mes, outre la confirma- 
tion de la prise de Maience (i), je nai pas su quil porte au- 
cune nouvele de conséquence. Nous saurons demain ce que 
font les armées, et, quoiquil arive, il faudra tacher de se 
consoler et de soufrir patiemment quelques petis insultes, 
qu'on comence a nous fere en ce pais ci, quoique lavantage 
pour une campagne soit encore peu de chose. M. Fabretti 
a receu, come ie vous ai deia écrit, la letre du P... (2) ausi- 
bien que moi, dont nous vous somes obligés. Il alésé reposer 
son trete dinscriptions, ou il en aioute tous les jours de nou- 
veles, pour travailler a lexplication des médaillons du C. Car- 
pegna (3). Il y en a 96, dont M. Bellori en a déjà expliqué 23. 
Je ne sai si le P. Lubin vous aura écrit quil a découvert 
quelque part dans une biblioteque votre Cronique de Sicile. 
Ce net peutetre pas ce que vous souhetes, mes a lacheter. Si 
ele et ou il croit, on poura voir cependant ce que vous 
souheteres et je mofre pour vous y servir. Nous navons point 
encore ici les Poliorcetiques que M. Tevenot a publiées (4). 
Jai grande impatience de les voir pour savoir sils ont bien 
entendu par tout ces auteurs et sils ont bien compris et 
desiné leurs figures. Je nai point vu le livre ou M. le Presi- 

(i) Mayence, occupée par 10,000 Français, sous les ordres du mar- 
quis d'Uxelles, et assiégée par les Impériaux, venait de capituler (8 sep- 
tembre 1689), après une héroïque défense. 

(2) Le nom de ce Père n'a pas été écrit par Fauteur de la lettre; c'est 
peut-être Claude Lancelot. Voir plus haut, p. 206. 

(3) Il y a eu deux cardinaux de ce nom : Ulric Carpegna, d'Urbin, né 
le 25 mai iSgS, cardinal le 28 novembre 1634, mort le 24 janvier 1679, 
et Gaspard Carpegna. Voir, sur ce dernier, dont Moréri a oublié de parler, 
Michaud, Louis XIV et Innocent X/, t. I, 1882, p. 181-186. Le protecteur 
de Fabretti était Gaspard. 

(4) Le Recueil des œuvres des Ingénieurs grecs, que Melchisedech 
Thévenot a réunies dans un livre ayant pour titre : Mathematici veteres^ 
porte la date de 1693, et, par conséquent, n'était pas encore publié. 



Digitized by 



Google 



2l8 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

dent Cousin et mal treté ni le journal ou il reprent le 
P. Hardouin. Sil avoit véritablement manqué , ie ne voi 
pas pourcoi mal treter un orne qui le reprent. Jai parcouru 
ce quil a fet contre M. Vaillant (i). Il me semble quil y a bien 
des choses quil ne prouve pas et qui ne sont que des pensées. 
Il y a cependant de bones remarques, mes il faut atendre la 
critique de M. Vaillant qui a ces matières plus présentes. 
Vous lui feres sil vous plait mes complimens, a tous vos 
messieurs des cabinets et a tous nos amis vos voisins et 
éloignés. Jai comencé a lire la dissertation de M. le Blanc (2). 
Je voi quil a ramassé tout ce que les autres ont dit a notre 
avantage et quil a cité quelques pièces nou vêles, mes jai vu 
peu de chose sur son principal dessein pris des médailles 
monoiées a Rome. Je crains quil ny ait dans le P. Hardouin 
de quoi lui repondre, puisquil cite des monoies de nos pre- 
miers rois avec Conob, quoiquils naient jamés été mètres de 
Constantînople. Les Italiens ne peuvent ils pas dire que, 
puisque les papes avoîent fet nos rois et Patrices et Empe- 
reurs, ils pouvoient bien graver leurs portraits dans les mo- 
noies qu'ils frapoient a Rome pour marquer ces actions a la 
postérité ou pour leur fere oneur. Enfin je n'ai pas trouvé 
quil ait ases insisté sur ce quil dit quil lui a doné ocasion de 
fere ce treté; mes ie ne fai que commencer de le lire. Un 
Italien qui la lu ma dit que, quand même ce quil prétend 
seroit bien prouvé, ce seroit aux Empereurs qui ont succédé 
à lEmpire, et non pas a nous, a prétendre la souvereneté de 
Rome, mes que les choses sont changées. Il ne set pas fet 
cete dificulté. Si vous parles de cela, ne me cites pas. Je vous 
baise très humblement les mains et suis Tout a vous... 



(i) Hardouin venait de publier son Antirrheticus de Nummis antiquis 
Coloniarum et Municipiorunij ad Johannem Foy Vaillant; Paris, 1689, 
in-4». 

(2) Voir plus haut, p. i65, notes 2 et 3. 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 219 

Je ne vous parle point dune infinité de mechans écris faits 
contre tous les Cardinaus et même du Pape. 

LXIII 

A Monsieur 
Monsieur lAbé Nicaise sur 
les fosses de M. le Prince a la 
Perle, 

Paris. 

Rome, 29 novembre 89. 

Je receus, Monsieur, ces iours passés, votre letre dans une 
de M. Anisson par la poste long tans après quele etoit arivée, 
parcequ'en recevant peu par cete voie la, ie ny envoie pas 
ordinerement. Je vous remercie de toutes vos nouveles e 
come aujourdui les embaras survenus, dont vous veres quel- 
que chose dans la letre de M. de Vilermont, dont je lai prié 
de vous fere part, mempechent de vous écrire au long, ce mot 
sera pour vous avertir que par bonheur jai trouvé les Notitie 
Istoriche de Messana, come ausi le Pelegrini. Je ne metois 
point hâté dacheter les tombeaus de Nasone parceque ie ne 
voiois pas la comodité pour vous les envoler; mes aiant ier 
passé chez M. Baudri, auquel M. Anisson mavoit adressé 
pour savoir sil voudroit avancer sur une letre quil mecrivoit 
ce quil me marquoit, il me dit quil y avoit ches lui un orne 
qui envoioit quelque balot par des Malouins qui sont a Civita 
Vecchia et qui partiront dans 12 ou i5 jours, equil sinfor- 
meroit sil ne pouroit pas y mètre un petit paquet de livres. 
Jirai voir demain sil le poura et ausitot jirai prendre tous vos 
livres e les lui porterai. Nous navons u aucune nouvele du 
P. Noris ni de vos livres, e, come ien parfois avantier a 
Mons«^ Fabretti, il me dit quil ne lui avoit pas écrit depuis 



Digitized by 



Google 



220 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

quil etoit au poste ou il et. Vous saves quil et secretario de 
memoriali (i) e par conséquent en prelature. le lui dis que, sil 
lui ecrivoit, il lui demandât des nouveles de ces exempleres, 
dont par avance je vous remercie. Je vous manderai au pre- 
mier jour le particulier du sépulcre que Ion découvrit ier 
dans une vigne ici dans Rome, cet a dire dans Rome mo- 
derne, car vous saves que Ion nenteroit point dans Rome 
anciene, qui etoit beaucoup plus petite quele n'et a présent, 
quoiquen ait écrit M. Vossius (2). Msg*" Fabretti fet graver les 
médaillons du C. Carpegna, avec lexplication ; il y aioute les 
douze bêles médailles dor du marquis Strozzi. Je suis fâché 
que M. Toinard ait suiet de se plaindre de M. Vaillant ; mes, 
quand on garde les choses si long tans, cens a qui les mêmes 
pensées vienent croient avoir droit de sen fere oneur. Ne 
pouries vous pas vérifier si Ion trouve, dans le P. Petau e 
ces autres que le P. Lami vous a dit, la pensée de M. Toinard 
sur la Paque. Je nai pu voir ces dissertations du P. Lami (3) ; 
car il ne nous vient plus rien de France e encore moins de 
Holande ; ainsi nous ne savons rien de nouveau. Mes compli- 
mens par tout sil vous plait. T. a V, 

(i) Le titre de Segretario de' Memoriali venait d'être conféré à Raphaël 
Fabretti par Alexandre VIII. 

(2) Les observations d'Isaac Vossius sur la grandeur de l'ancienne ville 
de Rome se trouvent dans le Variarum Observationum Liber ^ publié à 
Londres en 168 5. Vossius prétendait que l'enceinte de Rome était déplus 
de cinquante mille pas (74 kilomètres), sans y comprendre les faubourgs, 
et, en les comprenant, de soixante-douze mille pas (106 kilomètres), en 
ne tenant pas compte de la région trans Tiberim, Quant au nombre des 
habitants, à l'aide de calculs basés sur la hauteur des maisons, sur la 
proportion existant à Athènes entre le nombre des citoyens et le nombre 
des esclaves, etc., etc., Vossius l'évaluait à quatorze millions. 

Ces chiffres sont évidemment fort au-dessus de la réalité. 

(3) Bernard Lamy, oratorien, né au Mans en juin 1640, mort à Rouen 
le 29 janvier 171 5 ; parmi ses œuvres figure un Traité historique de Van- 
vienne Pdque des Juifs ; Paris, 1693, in-12. Nous connaissons trois lettres 
de ce Père à Tabbé Nicaise ; on les trouvera, à la Bibliothèque nationale, 
fonds français, 9359, cote 206 ; 936 1, cotes 21 et 75. 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 221 

LXIV 

A Monsieur 
Monsieur lAbé Nicaise 
a la Perle sur les fossés de 
M. le Prince^ 

Paris. 

Rome, 27 décembre 89. 
Je croiois, Monsieur, vous fere savoir des mardi passé que 
vos livres etoient partis, mes il me survint une afere qui 
men empêcha. Ils sont adressés a M. Anisson e doivent par- 
tir par les vesseaus de S. Malo qui sont a Civita Vecchia 
mercredi, les capitenes e ceus qui sy doivent embarquer 
devant être partis ier. Il y a 6 exempleres du Tombeau de 
Nazonius, sur lesquels jai épargné une demipistole qui me 
reste, dont vous me feres savoir a quoi vous souhetes que je 
lemploie. Gome ie ne savois pas de quele manière on les 
metroit dans les caisses ou M. Baudri mavoit dit quil esperoit 
les fere mètre, je les lui porté envelopés seulement de pa- 
pier et séparés ; mes il se chargea de les acomoder dans de la 
toile cirée, come jaurois fait si javois su de quele manière on 
les pouvoit acomoder. Je voulois ausi lui rendre ce quil 
devoit coûter, du reste qui mavançoit, mes il me dit quil le 
manderoit à M. Anisson. 

Jai été fâché, en parcourant la Campagna felice, di voir 
quelques traces de vers que ie navois pas aperceus en lâche- 
tant, laiant cru neuf acause de la reliure et netant pas tombé 
en l'ouvrant sur les pages qui sont touchées; mes il a falu 
sen contenter, nen aiant pas trouvé dautre et jai cru que vous 
laimeries mieux ainsi que de ne le point avoir. 

Pour le Raina, ie lai acheté pour vieux parceque je nai pu 
non plus trouver que celui la ; mes, en le fesant bien relier. 



Digitized by 



Google 



222 

le fond, ou il semble que les tarmes ont été, étant bien colé, 
ny fera aucun domage. On mauroit rendu largent, parcequ'on 
prétend quon ma fet bon marché, ce livre étant rare; mes 
netant pas asuré quil y en ut dautres a Messine et peutetre 
aîant été beaucoup plus cher, jai cru que ie devois satisfere 
votre curiosité au plutôt. 

Jatendois de vos nouveles, come M. de Vilermont mavoit 
écrit que vous lui avies dit que vous me feries la grâce de 
mecrire ; mes voila 2 ordineres qui se passent sans que jaie 
rien receu. Cependant, sans vos letres, je naprens gueres de 
nouveles de livres, dont nous savons ici peu de choses, ne 
conoisant persone ici qui fasse venir les nouveles de la rep. 
de§ letres ni la biblioteque universele et ie ne sai pas même 
si on les continue. 

Depuis que Msg"^ Fabretti et secrétaire des memoriaus, je 
croi quil travaille peu a achever ses inscriptions. Cependant 
cela lui douera ocasion den aiouter toujours de nouveles, 
ou quil découvre ou dont on le regale. Il va doner dans peu 
lexplication du reste des médaillons du Card. Carpegna quil 
a fet graver avec les 1 2 césars dor du duc Strozzy. Jai été 
quelque tans sans le voir. Je croi que dans ses inscriptions 
il douera le plan de cete voûte qu'on a découverte depuis 
quelque tans dans la vigne du Car. Cavalierî (i), ou il y avoit 
une porte de marbre a 2 batans, conforme a la description 
que Vitruve en fait dans son livre 4, e une bêle caisse ou 
cerceuil de marbre de plus de 8 pies de long ou il y avoit 
dedans 4 cors. Cet édifice etoit tout pavé de careaus de 
marbre blanc dun demipié antique en caré e entredeus il y 
avoit de petites règles de 3 lignes de ce qu'on apele ici laua- 
gna qui resemble a notre ardoise ou plutôt qui et la même 

(i) Gaspard Cavallieri^ simple clerc de la Chambre, élevé au cardinalat 
le 2 septembre 1686, à Tâge de 35 ans, et mort en 1690. Voir Michaud, 
Louis XIV et Innocent X/, I, page 187. 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 223 

chose, si ce net peutetre quele ne peut pas se fere si déliée 
ou plutôt qu'on ne la fet pas, parcequ'on en couvre peu les 
édifices et que ceus qu'on en couvre, corne on a fet les 2 égli- 
ses a lentrée de la porta del popolo e quelques autres, eles 
sont fort épaisses pour la durée, parcequetant mises avec le 
ciment, eles ne sont point enlevées par le vent, com' il arive 
en nos cartiers. — Pour mètre cete caisse de marbre e can- 
tité dautres cors mors qui se sont trouvés dans cet édifice, 
on a rompu le pavé, ce qui marque que sa première destina- 
tion na pas été un sépulcre, e ce qui me le fet croire davan- 
tage, ce sont 2 fenêtres, une a chaque bout, pour y doner 
du jour. De plus, il y a un portique tout autour pour le con- 
server de Tumidité. Il y avoit plus de i3oo de ces careaus 
de marbre. On a trouvé dautres cerceuils de tere cuite, tout 
dune pièce, come vous en aures vu ici, e, au dessus de cete 
voûte et aus cotés, on y a trouvé une très grande cantité de 
cors, la plupart seulement sous deus grans careaux ou 2 gran- 
des tuiles, apuiées lune contre lautre ainsi A. Outre des cors 
ensevelis on a trouvé ausi des urnes remplies dos e de cen- 
dres, et il faut que dans les divers tans qu'on a fet servir ce 
lieu de sépulture, on enterat e on brulat; mes il y en a bien 
plus denterés que de brûlés. A ceux qui sont enterés, on a 
trouvé presque a tous une médaille dans la bouche, dont le 
signe etoit quand les dens et les mâchoires etoient vertes de 
la rouille des médailles, dont la plupart sont mangées, en 
sorte quil y en a beaucoup ou on ne poura rien conoitre, que- 
que pêne qu'on prene a les netoier. On en a deja trouvé près 
de 5o, la plupart du tans des Antonins ; les plus récentes 
que jai pu conoitre et une d'Alexandre Severe e une autre 
du jeune Gordien ; il y en a une dAuguste avec Providen- 
tia, dautres d'Hadrian , de Vespasian ; mes , come vous 
saves, les plus ancienes ne prouvent pas tant que les plus 
nouveles, puisque dans un tans moderne on peut se servir 



Digitized by 



Google 



224 LETTRES A L ABBÉ NICAISE. 

de médailles et de tuiles plus ancienes que Ton a déjà. La 
plupart des grans careaus ou tavoloni sont du tans de 
Domitia Lucilla. On découvrira peutetre plus de particula- 
rités et ie mimagine que quelcun en fera la description. On 
y a trouvé plusieurs lacrimatoires de vere e sur quelques 
cors de grandes urnes percées couvertes d'un careau ou il 
y avoit un trou, aparement pour y fere des libations ou pour 
y pleurer, et même on a trouvé un conduit de plusieurs tuiaus 
de tere encastrés, qui du haut de la surface de la tere aboutis- 
soient dans lendroit ou il y avoit un cors. Jai regret que le C. 
Cavalieri ruine cet édifice qui meritoit detre conservé, quand 
ilnauroit du servir que de grote a mètre du vin; mes il n'y 
a pas de remède, ie le croi déjà bien gâté, car on devoit 
comencer samedi a lever les pieres. Il est fet d'une solidité 
extraordinere, les murailles aiant depesseur 2 ordres de pieres 
de peperin de plus de i pié 9 pouces chacun. La voûte avoit 
4 ou 5 pies depés e les murailles aloient presque jusqu'à la 
hauteur de la voûte, pour plus de force, ce que nous apelons 
les reins de la voûte étant rempli de masonerie. Ce lieu 
avoit déjà été cave e il y a aparence que, sil y avoit quelque 
chose de meilleur que ce qu'on y a trouvé, il a été emporté. 
On a trouvé dans tere 2 inscriptions, mes ou il ny a rien a 
aprendre que les nons. On a trouvé ausi un morceau de 
marbre qu'on apele Castracane, qui et des plus precieus, 
dont on peut fere 4 ou 6 petites colones de studiolo ; mes la 
dépense en seroit grande acause de sa dureté. Sil se découvre 
dautres curiosités, ie vous en ferai part. — Vous mobligeres 
de montrer cela a M. de Vilermont, autrement il faudroit 
que ie le copiasse, lui aiant promis de lui en fere un peu 
de description, que ie pourois avoir fait plus exacte si ie me- 
tois trouvé au tans qu'on a fet les découvertes. Mais ie ny ai 
été qu'après queles ont été fêtes; car, quoique cete vigne soit 
maintenant dans Rome derrière les termes Antonianes, il 



Digitized by 



Google 



LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 225 

y a trop loin pour y avoir été a pié, tout ce tans passé quil 
pleuvoit ou quil avoit plu, sans carosses dont ie ne dispose 
pas. 

Vous vous souviendres qu'on fait un grand festin aus Car- 
dinaus la veille de J^îoel entre les vespres e la messe de mi- 
nuit, ou plutôt ici de dix heures, car on la dit des le samedi, 
e acause de cela le Cardinal qui la doit dire ne mange ni boit 
tout le samedi depuis minuit, devant lequel il peut souper 
fort bien. Le Pape fut aus vespres, mes il ne decendit pas 
pour la messe, ce qui fut cause que M. lAmb. ne soupa pas 
avec les Cardinaus, com' il auroit fet sil ut du servir le Pape 
a la messe. Dimanche le Pape bénit lo stocco e lo berrelon, 
que Ion croit quil envolera au Doge. Je nen etois point in- 
formé et ainsi, naiant point été a la chapele, jai manqué de le 
voir. Si je le peus voir, ie vous le décrirai, sil y a quelque 
chose de particulier e si la description nen et pas déjà fête 
dans la Gorte di Roma. 

Je ne vous dis rien de nos aferes [qui ne savancent point et 
ie croi que vous en entendres plus parler a Paris que nous 
ne fesons ici. Les Italiens croient que le P. voudra devant 
que de rien fere qu'on lui done satisfaction sur tout, e Ion 
croit que ce sont les propositions qui embarasent le plus. 
M. le G. dEtrées part, a ce qu'on dit, au plus tard samedi (i). 
Il navoit pas encore ier le paseport quil atend du Gouver- 
neur de Milan ; mais il ne doute pas quil ne lait, puisqu'on 
en a doné a M. de Laval et a lAbé de Groissi. 

Jai écrit a M. de Vilermont lordinere passé ce qui setoit 
fet pour lAnnone. Si je ne puis pas lui écrire aujourduî, 
il vera ici tout ce que ie sai. 

(i) Aussitôt après Télévation d'Ottoboni au trône pontifical, le cardinal 
d'Estrées demanda la permission de rentrer en France. Une lettre de 
Louis XIV au duc de Chaulnes, datée de Versailles, 25 novembre 1689, 
annonce au duc que le congé sollicité par le cardinal lui est accordé. Voir 
Michaud, Louis XIV et Innocent XI y t. II, p. 171, 174 et 180. 

Acadimit dt Ljrom, cUsse des iMtrtt. l5 



Digitized by 



Google 



226 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

Je VOUS souhete une nouvele anee ureuse, suivie, com* on 
désire ici, de cent autres. Salues, sil vous plait, tous nos amis 
pour qui ie fai les mêmes souhets e pour vos hôtes et vos 
hôtesses e leurs voisines (i). 

T. aV. 

(i) Nous avons vu plus haut, page 207, que notre inconnu c a contri- 
bué de sa peine » à l'édition donnée par du Gange du Chronicon Paschale 
en comparant le manuscrit du Vatican à l'édition de Mathieu Rader et en, 
copiant un passage omis dans cette édition. Nous espérions trouver dans 
la préface de du Gange le nom de son collaborateur. Vérification faite, 
nous avons vu que du Gange, page XXXVII et suivantes, parle de cette colla- 
boration et dit qu'elle lui a servi à combler les lacunes de l'édition donnée 
par Rader à Munich en 1 6 1 5 ; mais il l'attribue à trois illustres bénédic. 
tins, Jean Mabillon, Michel Germain et Glaude Estiennot. Les deux pre- 
miers, pour remplir la grande mission, que Louis XIV leur avait donnée, 
de visiter les Bibliothèques italiennes, séjournèrent à Rome du 1 5 juin 
au i5 octobre i685, et du 4 décembre suivant à mars 1686. Le troisième 
était alors procureur général de sa congrégation près la cour de Rome. Nos 
lettres n'émanent d'aucun de ces trois savants ; leur origine reste donc 
indécise. 

Notons, en passant, que Mabillon, Germain et Estiennot étaient en re- 
lations avec Nicaise et qu'ils sont tous les trois représentés dans sa volu- 
mineuse correspondance. Le 22 janvier 1682 (volume 9361, cote 5^, 
Germain offre à Nicaise l'épitaphe qu'il a faite « à la mémoire de feu 
M. le comte du Vexin, dont nous avons enterré le corps dans notre 
chœur ». — Le i**" septembre 1682 (936 1, 61), Mabillon envoie à Nicaise 
les « on-dit delà littérature sévère ». Le 3i janvier 1684 (936 1, 60), il lui 
expose les résultats de ses recherches dans les bibliothèques de Ratisbonne 
et de Salzbourg, où il a « trouvé beaucoup plus de facilité qu'on n'en trouve 
à Giteaux ». Il charge Nicaise de vérifier si un manuscrit De Consuetudi- 
nibus Ecclesiarum in Officiis divinis, ad Mauritium^ archiepiscopum Roto- 
wagensem^ manuscrit qu'il a vu en 1682 dans la bibliothèque de « M. le 
Président Bohier », est de Guilîeîmus Abrincensis , comme il l'a noté, ou 
s'il est de Jean d'Avranches, comme le disent les imprimés. Le 4 avril 1684 
(9361, 63), il donne à Nicaise des nouvelles de la république des lettres. 
Le 29 août 1684 (9361, 62), il parle de son projet de voyage à Rome. — 
Estiennot, le 26 octobre 1688 (Fonds français, nouvelles acquisitions, 
n» 4218, f«» 44-45), exprime librement à Nicaise son opinion sur les lettres 
de saint François de Sales et sur la partialité dont la cour de Rome fait 
preuve pour la maison d'Autriche : « La passion et l'ambition font bien 
faire des choses dont on se repent, mais il est trop tard. » 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE BAYLE. 227 



S 18. 



LETTRE DE BAYLE 

Pitrrê Bayle, ni à Car U'ie- Comte (AriègeJ{i), le i8 novembre 1647, mort le 28 dicem» 
hre 1706, auteur du Dictionnaire historique et critique (a). 



LXV 

A Monsieur 
Monsieur F Abbé 
Nicaise, 
A Dijon. 

A Rotterdam, le lo de mars 1698. 
Il n'y a que deux ou 3 jours, Monsieur, que Tai eu la ioie 
de recevoir votre lettre du 25 de janvier dernier, avec les 
remarques de Monsieur de la Monnpie. Ce paquet a été porté 
céans sans que ie sache quelle routé il a tenue. Il ne m'est 
point venu par la poste, on n'a rien demandé pour le port. 
Quoi qu'il en soit, il a été long tems en chemin, et ce qui 
est plus considérable, ce n'est point l'original de M"" de la 
Monnoie que i'ai reçu, mais une copie. Ce qui me fait croire 
cela est que vous dites. Monsieur, qu'il vous a montré la 
lettre qu'il ma écrite, mais non pas les remarques. Or, dans 
mon paquet, la lettre n'est point séparée des remarques ; elle 
est à la I* et à la 2* page du cahier où elles sont, et l'écriture 

(i) Et non pas à Foix, comme nous l'avons dit par erreur, p. 65. 

(2) L'abbé Nicaise était depuis longtemps en relations avec Bayle. Voir 
le Dictionnaire historique^ V» Pierre Aretin, note G, où Bayle écrit que 
« Nicaise est Tun des plus honnêtes hommes de ce siècle, et a des habi- 
tudes avec tous les Savans de l'Europe, au nombre desquels il tient une 
place très-honorable. » Vingt et une lettres de Bayle à Nicaise se trou- 
vent dans le fonds français, n« gSSg, cotes 208 à 229. 



Digitized by 



Google 



228 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

tant de la lettre que des remarques est d'une autre main que 
tout ce que i'ai vu iusqu'ici de M*" de la Monnoie. 

Je n'ai iamais été aussi convaincu que ie le suis depuis la 
lecture de ce cahier de la grande obligation que ie vous ai 
pour m' avoir procuré un commerce de lettres avec cet habile 
homme. Je remarque en lui tous les talens de la plus fine 
critique, une exactitude achevée, une pénétration et une 
sagacité admirable, et une adresse toute particulière à se 
servir d'un fait pour en eclaircir ou prouver d'autres. Si vous 
y prenez garde. Monsieur, vous demeurerez d'accord qu'un 
bon critique doit s'apercevoir des fautes les plus petites, 
comme des plus. grandes : il doit corriger, et sur tout dans 
les noms propres, la moindre faute d'orthographe. Je vous 
remercie du meilleur de mon cœur de ce que vous êtes cause 
que i'ai reçu sur la lettre A de si belles et de si utiles obser- 
vations (i). 

Vous aurez veu par ma dernière, que vous n'aviez pas 
encore reçue en m'ecrivant le 25 de janvier, vous aurez vu, 
dis-ie, que le paquet de M*" Cuper qui n'est point venu ius- 
ques à vous n'a rien de commun avec celui que M"" l'Abbé 
du Bos vous a fait tenir. Je suis bien fâché de cette perte et 
ie vous suplie. Monsieur, de demander à M*" l'Eveque d'A- 
vranches s'il a reçu ce qui lui apartenoit dans ce paquet 
égaré (2). 

(i) Bayle a utilisé ces observations de de la Monnoye lorsqu'il a publié, 
en 1701, la deuxième édition de son Dictionnaire, Voir notamment 
les mots AccuRSE, note F; François Accurse, note A; Jean André, 
note B, etc.. 

(2) Le paquet, dont il est ici question, avait été confié aux soins d'un do- 
mestique de M. de Harlai, le plénipotentiaire, domestique « qui aloit à 
Paris avec M. le comte de Celi, portant le i»' traité de paix. » Ce paquet, 
contenant des envois faits à Nicaise, à Pagi, à Huet, à Dubos, était 
adressé à Bourdelot. Bourdelot ne le reçut pas; mais l'abbé Dubos fit 
savoir à Bayle qu'on lui avait remis sa part, moyennant le paiement de 
33 sols, a II s'est fourré là, dit Bayle, dans sa lettre du 20 janvier 1698 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE BAYLE, 229 

J*ai recommandé fortement à M*" de Beauval ce que vous 
souhaitez de lui à Tegard de Timprimé du P. Pagi qui vous 
est dédié, mais ie crains qu'il ne se contente d'en faire men- 
tion en peu de mots ; car, comme il a sauté les 4 derniers 
mois de Tannée 1697, il se trouve chargé de trop de livres 
pour son i*' quartier de 1698. Vous feriez bien de lui écrire 
tout de nouveau pour le presser de vous donner le plaisir 
que vous souhaittez. 

M"" de Spanheim est déjà à Paris ; la chute de M"" d'Ankel- 
man (i) n'aura pas Teffet que vous craigniez de retenir à 
Berlin ce grand antiquaire. 

Nos nouveautez literaires sont si stériles que ie ne puis 
vous aprendre sinon que M*" Théodore Gronovius, frère du 
professeur de Leide, a fait imprimer avec des notes la base 
du Colosse de Tibère qui fut trouvée proche de Naples il y 
a 4 ou 5 ans. Il prétend que ce colosse etoit celui que les 
villes d'Asie ruinées par un tremblement de terre consacrè- 
rent à cet Empereur (2). 

Je finis par la protestation sincère que ie suis. Monsieur, 
Tout à vous. 

(9359, cote 228), beaucoup de friponnerie... Il faut que le domestique de 
M. de Harlai ait ouvert le paquet, et qu'il ait voulu se faire paier les 
ports. Peut-être aura-t-il envoie à M' d'Avranches sa dépêche, en se 
faisant payer une 3o. de sols, et, pour la votre (celle de Nicaise), et celle 
du P. Pagi, il les aura perdues, ne pouvant pas s'en faire paier. » Un 
second paquet, adressé directement à Tabbé Dubos, était arrivé à bon 
port. — Ces menus détails confirment ce qui a été dit maintes fois dans 
nos lettres sur les difficultés qui entravaient les correspondances littéraires. 

(i) Everard-Christophe-Balthazar Danckelmann, né en 1643, mort 
en 1722. Premier ministre de Frédéric, électeur de Brandebourg, depuis 
1688, Danckelmann venait d'être complètement disgracié. 

(2) La dissertation de Laurent-Théodore Gronovius (voir plus haut, 
p. i5o, note 8), publiée à Leyde en 1697, se trouve également dans le 
tome VII du Thésaurus Antiquitatum grœcarum du frère de Tauteur, 
Jacques Gronovius. Voir plus haut, p. 1 76, note i . 



Digitized by 



Google 



23o LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 



S «9- 



LETTRE DE JOACHIM KUHN 

Profetseur à Strasbourg et iavant htlUniste^ connu surtout pants ^otm in Pollucem, réuniss sn 
1706, et par son édition de Pausanias, qui parut à Leipiig en i6g6 (i). 



LXVI 

Nobilissimo 
D*^ Nicaisio. 

Vit nobilîssîme, 
Salutem tuo nomîne Schmidius noster per literas nuper 
mihî redditas dédit, eisdemque sîgnificavît Te ex anîmo fac- 
tum velle mîhi meisque studiis, nec amicitiam abnuere. Ego 
vero et salutem datam et animum tuum tam prolixum non 
modo non aspernor, sed complector etiam et magni aestimare 
debeo. Libenter enim agnosco, quod mea imbecillitas non 
possit emolirî quod molitur, nisi Te Tuîque similes Viros 
nactus sîm parochos adjutoresque. Proinde cum proxeneta 
Schmidio offeratur, quod mea sponte occupare volebam, utar 
hac occasione, et per syngrapham polliceorTibi, Vir et Amice 
unice colende, nîhil me intermissurum, quo amîcitia Tecum 
semel contracta quotidie magis convalescere habeat. Ita ad- 
missus statim in primo limine molestus sum, rogoque ut 
quod in scriniis vel Tuis vel Tuorum asservatur, et Pollucem 
reddere emendatiorem queat, haud gravatim mecum commu- 
nices. Habebis me hujus benefîcii memorem debitorem, 
idque eo magis quo minus hoc tempôris subsidiorum prae ma- 



(i) La Bibliothèque nationale possède deux autres lettres de KUhn à 
Nicaise; on les trouvera dans le manuscrit français n* 936a, cotes 3y 
et 38. 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE JOACHIM KÛHN. 23 1 

nîbus est. Nam praeter codîcem manuscriptum chartaceum, 
qui olîm A. Schotti (i), nunc Patrum S. J. Antwerpiae est, 
nihîl habeo adjumenti, dolendumque in laudato codice testi- 
monia veterum Graecorum a Polluce laudata nusquam vel 
raro admodum comparere. Quod si etiam conatus meos co- 
dice aliquo manuscripto in Pausaniam juvare volueris, dabo 
operam ut recte apud me sit, quodcumque mîseris. Est qui- 
dam Lipsiae typographus, qui nescio unde obtinuît Codicem 
Pausaniae, quo usus olim est Casaubonus, notisque opplevit 
margînem ; illum mihi data occasione possessor transmittet. 
Majores tamen et vere regias copias e Gallia exspecto, nisi me 
fefellerint omnia. Prœcipua spes in Te sita est, quia optime 
nostî quîd potissimum scopo meo conducat et ubi lateat 
quaBrendumquesit(2). Patere igitur, Virorum Humanissime, 
hoc Tibioneris imponi, ut Pausaniam a mendis plurimis vin- 
dicatum tuo studio debeant eruditi. Tuae xpoÇevCa omnes gra- 
tias agant mecum, qui nominis tui studiosus vivo dum audio. 

Argent. A. d. 1689, 

XIII cal. Juniî. 

JOACHIMUS KÛHNIUS (3). 

(i) André Schott, né à Anvers le 12 septembre i552, mort dans la 
même ville le 23 janvier 1629. 

(2) Dans la préface de son Pausanias, KUhn dit qu'un de ses amis a col- 
lationné pour lui divers manuscrits de la Bibliothèque royale, et que ce 
travail ne lui a fourni aucune ressource notable pour son édition. L'ami 
est sans doute Nicaise. KUhn ajoute que les « Stephani Nigri Dialogi », 
contenant un abrégé de Pausanias et quelques bonnes leçons, lui ont été 
communiqués <c a Cl. Nicasio Divionensi, viro ad literas provehendas 
maxime strenuo. » — Ces dialogues d'Etienne Lenoir, de Crémone, ont 
été dédiés par leur auteur à l'illustre bibliophile lyonnais Jean Grolier. 

(3) Les deux autres lettres de KUhn, dont nous avons parlé plus haut, 
sont, comme celle qui précède, relatives aux travaux préparatoires des 
éditions de Pausanias et de Pollux. En novembre 1691 (cote 38), KUhn 
remercie Nicaise de l'envoi de son « Niger » et lui dit quel profit il en a 
tiré. Le 20 avril 1692 (cote 37), il adresse sa lettre « Viro nobilissimo 
Nicasio, adjuvandis bonis litteris nato. » 



Digitized by 



Google 



232 LETTRES A l'ABBÉ NICAISE. 



S 20. 



LETTRE D'AUGUSTIN NICOLAS 

Né à Besançon en 1622, mort dans la mfme ville le 25 avril l6g5; clerc de notaire, puis soldat, 
plus tard maître des requêtes au Parlement de Besançon^ Augustin Nicolas composa de nombreux om- 
vrages, qui, maigri la haute opinion qu'il avait de leur valeur, sont asse^ oubliés aujourd'hui. Son 
titre le plus sérieux à l'estime de la postérité^ est d'avoir demandé l'abolition de la torture comme 
mode de preuve criminelle. 



LXVII 

A Monsieur 

(Franc) 
Monsieur l'Abbé 
Nicaise, chanoine de la 
S'' Chapelle de Dijon^ sur le 

Fossé de Af' le Prince, a la 
Perle, 

A Paris. 

A Besançon, ce 22 mars 1689. 

Je receus vos deus obligeantes l<?//res, Monsieur, sur la fin 
de la semaine passée, et i'ay vu par un fragment d'une autre 
à M' Du May, du 4 du courant, que M"" le Président Bîgnon 
veut de nouveau estre informé par M*" Payelle sur le mérite 
de mon affaire, dont il a esté si instruit dez si long temps. 
M"" le Duc de Montausier m'écrit, de mesme date, qu'il la 
luy a forteme;it recommandée, et m'envoie un billet qui con- 
tient la mesme chose que vostre lettre, savoir qu'il devoit le 
Dimanche suivant, qui fut le 9, voir M"" Payelle, pour avan- 
cer et finir nostre affaire. Dieu veule qu'il ait tenu sa parole 
tant de fois donnée et iamais tenue. Quelque fois. Dieu en- 



Digitized by 



Google 



LETTRE D* AUGUSTIN NICOLAS. 233 

voie des maladies sans dire pourquoy, et châtie ces irrésolu- 
tions qui tiennent au roUet trois hommes de bien qui n'ont 
rien démérité de luy, et une pauvre femme qui prie Dieu 
pour luy, et qui vous est, Monsieur, très obligée de Thon- 
neur que vous luy faites. Pour moy, ie ne voy pas sur quoy 
il peut appuyer son hésitation, après les raisons et les exem- 
ples que ie lui ay fournis et qu'il a devant luy ; et vous pouvez 
iuger de Timpatience ou ie suis d'apprendre le succès d'une 
affaire, qui, outre tant de dépenses et de chagrins, me tient ^i 
longtemps dans la nécessité de me rendre importun à M*" Du 
May et a vous, iusqu'au point de le rebuter de ces horribles 
longueurs. Je ne voy pas que M*^ Pellisson ait tenu la parole 
qu'il vous avoit donnée de recommander cette affaire à M*" Bi- 
gnon ; s'il persiste dans ses premiers sentiments, puisez du 
premier Rapporteur avant que l'eusse envoie les iustifications 
qu'on m'a demandées, et qui ont pu déterminer M*" Bignon, 
il vaut mieux qu'il ne luy en parle pas, si ce n'est qu'il se 
veule, comme ami, contenir dans les termes d'une recom- 
mandation amiable. J'écris la cy-iointe a M"" Payelle et ie vous 
supplie très humblement, Monsieur^ de la luy mettre en main. 
Je le tiens persuadé d'un heureux succès, autrement nous 
nous ferions tort de l'employer. Du moins il me la ainsi fait 
entendre, lors qu'il m'a engagé a relever la lettre de revi- 
sion. J'attends au premier iour ce qui peut me tirer d'une 
si longue et si mortelle inquiétude^ et me rendre à jamais. 
Monsieur, 

Vostre très humble 
et très obligé serviteur^ 

NICOLAS. 

Je croy que vous ne desagrerez pas que, pour remplir le 
blanc qui reste en cette lettre, ie le remplisse d'un double de 



Digitized by 



Google 



234 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE*. 

la dernière que m'écrit le Grand Duc de Toscane (i) sur le 
livre dont vous avez un exemp/aire (2). 

a Molto 111" Sig", 

« V. S. fece torto à se stessa col mendicar da lineamenti 
dell'arte la proprîa effigie per lasciarne al mondo un' Idea, 
poiche quella del corpo essendo caduca, non puô lunga- 
mewte sussisterui, e Taltra dell' anîmo, che deve înspirar ne' 
secoli futuri stimoli d'honoré e desio di virtù, non puo esser 
più vivamente espressa da V. S, col colore de' suoi nobili 
componimenti, la raccolta de' qualî, cosî, in verso, com' in 
prosa, publicata con le stampe, e venutami dalla mano cor- 
tese di V. S. mi arriva sommamente accetta, e trova in me 
tutta quella maggior stima ch' è dovuta ad una penna non 
men felice, che pellegrina, alli cui pregi farà sol' ombra 
l'oscurità del mio nome, sotto del quale volse dar alla luce 
gli eruditi suoi parti, facendo à se stessa pregiudizio per ho- 
norarlo : Di che ringraziando V. S. con tuttol'animo, e parzia- 
lissima del suo merito, resto augurandole dal cielo fortuna 
uguale al medesimo, accompagnata da ogni più desiderabile 
prospérité. 

Di Firenze, 9 ottobre 1688. 

Al piacere di V. S. 
Il Gran Duca di Toscana. 



(i) Ce grand-duc de Toscane, qui correspondait avec Nicolas, ëtait 
Cosme III de Médicis. 

(2) Nicolas venait de publier la première partie de son ouvrage inti- 
tulé : Raccolta délie Opère galanti in lingua epoesia toscana^ Besançon, 
1687, in 40. 

On trouvera, à la Bibliothèque nationale, dans le volume 4218 des 
nouvelles acquisitions du fonds français, f>* 1 3 à 1 6, deux autres lettres 
adressées à Nicaise par Nicholas, qu'il ne faut pas confondre avec Tauteur 
de la lettre que nous publions ; elles sont datées de Genève, 24 juil- 
let 1684 et 10 août 1684. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 235 



S 21. 



LETTRES DE CUPER 

Gisbert Cuptr, né à Hemmem (Duché de GutlJres) le 14 septembre 1644, est mort le 22 novem' 
bre 1716. — Les lettres fui smvent ne sont pas inédites; elles ont été publiées en lySS^ d'aprls des 
copies prises «■ sur les Originaux, qui sont présentement dans la Bibliothèque de M. Bouhier, Prési" 
dent à Mortier au Parlement de Dijon ■ (i). Mais ^éditeur ne ^est pas astreint à les reproduire 
fidèlement. 



LXVIII 

Monsieur, 

Tespere que vous aurez reçu ma lettre du quatrième No- 
vembre de Tannée passée, qui a esté envoiée par M"" Moetjens 
a un marchand libraire de Paris, pour vous la faire tenir. 
Vos Sirènes ne me sont pas encore rendues ; je n'ayme pas 
les monstres ; et je m'en voudrois neantmoins tresvolontier 
divertir, toutes periculeuses que l'Antiquité nous les dépeint. 

(i) Lettres de critique^ de littérature, d'histoire^ etc.^ écrites à divers 
savans de V Europe par feu Monsieur Gisbert Cuper.,,; publiée {sic) sur lês 
originaux par Monsieur de B. ; Amsterdam et Leipzig, lySS, pages 43 1 à 
446. — Dans une lettre adressée de Nimègue, le 1 1 juin 1745, au prési- 
dent Bouhier, lettre que nous avons déposée à la Bibliothèque nationale 
au mois de décembre 1882, le Comte Otto-Frédéric de Lynden, faisant 
allusion au Recueil, projeté par M. de Beyer, de la correspondance de 
Cuper, disait : « Il s'en faut beaucoup que le recueil des lettres de 
M. Cuper soit complet; je désespère même qu'il le devienne jamais. Ce 
n'est pas que l'Editeur n'ait fait tout ce qui dependoit de lui pour persuader 
aux héritiers de M. Cûper de se dessaisir de plusieurs manuscrits et de 
grand nombre de lettres du Défunt, qui, jointes à celles qui ont déjà paru, 
auroient formé un assez bon ouvrage ; mais ces héritiers n'ont jamais 
voulu se prêter aux instances reïteréesde M. de Beyer, que le seul interest 
qu'il prenoit à la gloire du savant Cuper, dont il étoit neveu, fesoit agir, v 
— On pourrait aujourd'hui grossir notablement le Recueil de 1755 ; nous 
avons trouvé, outre les lettres que nous publions, dix-huit lettres de Cuper 
à Nicaise ; elles sont conservées, à la Bibliothèque nationale, dans le ma- 
nuscrit français n» 9359, cotes 234 à 25 1. 



Digitized by 



Google 



236 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

le ne sçay si vous avez vu Lactance de la mort des persé- 
cuteurs de Tedition d'Utrec ; mes notes y sont mises en assez 
grande quantité, et vous me ferez un tres-sensible plaisir, si 
vous vouliez avoir la bonté de m'informer, qu'en disent vos 
sçavans, qui sont si éclairez dans Thistoire Ecclésiastique, 
et dans les Antiquitez. Il y aura sans doute des bevuës, 
et j'applique ordinairement a cette sorte des livres ce vers de 

lu vénal : 

Nam vitiis nemo sine nascitur ; opdmus ille 
Qui minimis urgetur (i). 

Il y a des libraires icy, qui ont dessein d'imprimer les 
lettres de St Ignace, avec tout ce que les sçavans en ont dit 
de part et d'autre. Un fort sçavant homme m'a asseuré, qu'il 
y en ait une traduction Arabe dans quelque bibliothèque a 
Paris; et vous obligerez infinement le public, si vous me 
vouliez mander ce qui en est, et si celui, qui a rempli ma 
teste de ce thresor, ne se soit pas trompé. 

L'on ne peut pas icy deviner la cause, qui a fait supprimer 
le livre du père Hardouin de Nummis Herodiadum ; vous 
m'en pourriez sans doute esclaircir, et je vous supplie de le 
vouloir faire au plustost. l'espere pourtant, qu'il y aura 
échappé un exemplaire a cette défaite, et qu'on verra bien 
tost icy ce xoXuÔpiîXXYjrov , suivant la copie^ et qu'avec cela 
M"" Vaillant et M"" Toinard nous en diront bientost leur senti- 
ment. Us feront sans doute plaisir au père Hardouin ; car l'on 
m'assure, qu'il ne désire rient autant, qu'un sçavant adver- 
saire, pour avoir l'occasion de prouver plus amplement ses 
nouvelles pensées, dont il n'apporte pas toutes les raisons 
dans le livre susdit. Ouy l'on me prie de me vouloir charger 
d'une réponse ; mais je n'ay pas encore vu ce traitté, et de 
plus je n'aime pas les scripta contentiosa et j'examine seu- 

(i) Cuper attribue à Juvënal deux vers qui appartiennent à Horace. 
Voir Satyrarum lib. /, Sat. 3, v. 68-69. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 23? 

lement les sentimens des sçavans, quand Toccasion se pré- 
sente, et aliud agens. 

Fay trouvé quantité des belles choses entre les papiers de 
feu M"" Gruter, qui a esté Recteur du Collège et de T Ecole 
Latine a Rotterdam ; il y a des lettres de Saumaise, de Hein- 
sius, de Meursius, de Scriverius, de Mery Casaubon, et 
d'autres, et une lettre flamande du fils aisné (i) de M*" Sau- 
maise, qui contient beaucoup de particuliaritez de la mort de 
ce grand homme, dont on ne trouve rien dans la vie, qui est 
mise devant ses lettres. 

le crains fort que les Antiquitez, qu'on me devroit envoyer 
d'Aleppo, soient periës en chemin ; car selon toutes les appa- 
rences, on les aura mises dans un vaisseau, qui est venu 
d'Alexandrette, et qui s'est brusle par l'inadvertence des 
matelots sur les costes de l'isle de Cypre. le plains ma perte, 
et j'en suis presque inconsolable. le demeure. 

Monsieur, 

Vostre treshumble servit., 

CuPER. 

A la Haye, le 12 de Mars lôgS. 

LXIX 

Monsieur, 

La lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'envoier, m'a 
este rendue, et j'ay fait tenir les encloses a Messieurs Grae- 
vius, Beauval, Le Clerq et Bayl. 

l'espere que les depesches du Parnasse viendront aussi a 
nous ; elles seront assez curieuses, si l'autheur nous donne, 
avec les petites guerres des sçavans, les pièces fugitives, qui 

(i) Éd. 1755 : « au fils aîné ». 



Digitized by 



Google 



238 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

contiennent quelqu'erudition. L'on înprime depuis le com- 
mencement de cette année un nouveau iournal des sçavans a 
Rotterdam ; Tautheur en est fort exact, et Je crois que ses 
soins seront fort bien reculs par le public. 

le m'imagine que le père Hardouin trouvera assez d'adver- 
saires, car ces paradoxes sont trop evidens et frappent trop 
le sens commun, pour n'estre pas réfutez ; mais je n'ay pas 
l'inclination a en estre, et, si je l'avois, les affaires publiques 
ne me donneroient pas le loisir. 

le m'en vay quiter la Haye pour exercer la meilleure 
charge de la province d'Overyssel a Deventer ; Ton l'appelle : 
Député ordinaire de la province ; il y en a six, qui ont entre 
leur mains les finances et les autres choses générales de toute 
la province ; mais vous pouvez tousjours envoler vos lettres 
a M*" Moetjens ; je reviendray quelque fois a la Haye pour 
assister dans l'assemblée de Mess, les Estats Généraux, et 
j'ay icy un homme d'affaires qui aura soin de me les envoler. 

l'ay enfin reçu les antiquitez de Palmyre ; c'est un itiné- 
raire escrit a la main par quelques Anglois, plein d'inscrip- 
tions Grecques et bellissimes, dont en voicy une, qui vous 
fera juger du reste. 

An.T«CTÛJIEnCTÛ.KAIEIIHKOÛBIUANOCZÏÏNOBIOTTOTJaPANOT.TOTMOH^ 

MOTTOTMAeeAEinMEAHTHCOHAIPE EIC E«KAG (i) imrHGTnOIAPmiUOT 

eEOTTONBÛMONEZIAIÛNANEeHKENCTOTCAOTMHNOCXUEPBEPETAIOTK.-.. (2) 

le n'en diray pas un mot pour l'expliquer, et je vous laisse 
a considérer si mes avances ne soyent pas tout a fait vrais. Si 
ces voyageurs n'eussent pas eu peur d'estre volé par les Ara- 
bes, ils nous en auroient apporté une prodigieuse quantité, 
qui restent encore parmy les ruines de cette grande et an- 

(i) Note de Cuper : c Haec videntur maie descripta esse, » On doit lire, 

en effet : ^^^JTtifuXuirr.i aip€$uç"EfïiOLi msyrtÇ x. t. JL 

(2) Cette inscription, de Tan i63 après J.-C, est reproduite dans le 
Corpus Inscriptionum grœcarum de Bœckh, n® 4602, t. III, p. 234 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 289 

cienne ville; car ils disent dans leur Itinéraire, qu'ils trou- 
voîent a tout moment des inscriptions anciennes. Il est avec 
cela a remarquer que le Grec est presque par tout exprimé 
par la langue et les caractères du pays, comme Ton les trouve 
aussi dans deux inscriptions publiées par M*" Spon au com- 
mencement de ses Meslanges. Ce seroit un thresor pour le 
cousin de M*" Saumaise, qui a Thonneur d'estre au service 
de M*" le Duc de Maine ; car, a ce qu'on m'assure, c'est lui 
qui nous pourroit expliquer ces caractères. le feray imprimer 
peutestre cet Itinéraire icy, si l'on tarde a le faire en Angle- 
terre, et, quoyqu'il soit couché en Anglois, et Flaman, l'on 
trouvera bientost quelqu'un icy, qui en fera une traduction 
Latine ou Françoise. 

M*" Toinard ne m'a pas envoie un exemplaire de son 
livre ([); il ne peut pas estre que bon, puisqu'il sort de si 
bonnes mains. Irascor bello, parcequ'il est cause que nous ne 
recevons pas les bons livres qui s'impriment chez vous ; et 
puisqu'les feuilles volantes disparoissent bientost, il seroit a 
souhaiter que quelqu'un en fit une collection. Par cette voye 
nous pourrions enfin connoîstre ce qu'Eumenius Pacatus, 
ce que M*" Toinard, et ce que les autres Antiquaires publient 
en peu des pages : j'espère que l'autheur des depesches du 
Parnasse y prendra garde, et je vous asseure que je luy en 
sera obligé infinément. 

le ne vous parleray pas des livres nouveaux, qu'on a im- 
primé icy, parcequ'on publie leur noms et leur extraits tous 
les mois, le vous diray seulement qu'on fait a Utrec une 
bellissime édition de lunius de pictura veterum (2), et qu'on y 
adjoute, outre les autres augmentations, les noms et les 

(1) Voir plus bas, p. 240, note 2. 

(2) Voir, dans une lettre à Nicaise, du 16 février 1696 (9359, 64), les 
doléances de Huet sur la suppression des ligatures dans les mots grecs 
du Junius. 



Digitized by 



Google 



240 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE. 

ouvrages des peintres, des sculpteurs et des semblables 
ouvriers, qui ont este célèbres dans l'Antiquité (i). le de- 
meure, 

Vostre tresh. et tresob. servit., 

CUPER. 

A la Haye, le i8 mars 1694. 

LXX 

d'Hollande A Monsieur 

iusques a Diion Monsieur l'Abbé Ni- 

— 24 — caise, 

A Dijon. 

Monsieur, 

le m'estonne fort que vous n'aiez pas reçu de mes lettres 
depuis long temps, a ce que vous me mandez dans vostre der- 
nière du 26 luin ; encore une fois, Je m'en étonne, parceque 
je me suis donné l'honneur de vous repondre pointuellement, 
et de vous escrire verbosas et grandes epistolas, dont la der- 
nière est du 18 Mars passé, ou j'avois mis tout ce qui se fait 
icy dans la republique des belles lettres. Il y a quelq'un, qui 
les retient sans doute, et, si ce Monsieur, dont vous parlez, 
en use si mal honneste, il est asseurément inexcusable : Sed 
Deus meliora ! Et pourquoy est, qu'il le feroit, luy qui est fort 
de vos amis, et qui a aussi quelqu' estime pour moy, comme 
vous m'avez mandé il y a quelque temps. 

L'on n'a pas encore vu icy la critique, que M"" Toinard a 
faite de la version Françoise du Nouveau Testament imprimé 
à Mons, et des remarques que le père Bonhours a fait sur 
cettes version, ni aussi ce que le dit père y a repondu (2). 

(i) Voir plus haut, p. 89, note 2. 

(2) Toinard avait publié en 1693, non pas, à proprement parler, une 
critique de la version du Nouveau Testament par Antoine Arnauld, ver- 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 24 1 

Fespere que M*" Leers, marchand libraire a Rotterdam, qui 
est party pour Paris avec permission de Mess, les Estats Gé- 
néraux, les nous apportera, comm' aussi les autres raretez, 
qui s'y sont imprimées depuis peu. 

le suis très aise que le père Noris, ce grand défenseur de 
S* Augustin, soit délivré de ses furieux adversaires, et que le 
tribunal de l'Inquisition, qui ne pardonne guerre a personne. 
Tait déclaré innocent. Ses rares vertus et sa grande érudition 
le méritent, et, si le Pape le fait cardinal, il en sera sans 
doute loué par tout. l'attend cette nouvelle avec une grandis- 
sime impatience et il n'y (a) rien qui est capable de me tant 
égarer que de voir que les gens d'un extrême mérite, comme 
l'illustre Bibliothécaire du Vatican, soient considérez et es- 
timez dans le temps ou nous vivons (i). 

La dispute de trois ou quatre Gordiens est assez singulière, 
et j'espère que nous la verrons bientost (2), comm' aussi le 
deuxième tome du sçavant père Pagi, les secunda Menagiana 
et les autres curiositez, dont vous faitez mention. 

L'on a r' imprime a Rotterdam en des tresbeaux caractères 
lunîus de pictura veterum, une fois au moins plus ample que 
l'en estoit la première édition, et l'on y a adjouté un catalo- 
gue des grands maistres, tant peintres que graveurs, sclucp- 
teurs, et d'autres artisans et ouvriers de l'antiquité (3). Si 

sien connue sous le nom de traduction de Mons, mais une Discussion des 
remarques du père Bouhours^ jésuite^ sur la langue française. Il n'avait 
pas signé son ouvrage, et l'avait présenté au public comme Tœuvre d'un 
abbé albigeois. — Le Père Rivière, jésuite à Orléans, lui répondit, avec 
beaucoup de vivacité, dans son Apologie de M. Arnauld et du père Bou- 
hourSy contre V auteur déguisé sous le nom de F Abbé albigeois, Arnauld 
lui-même répondit par un mémoire, qui n'a été imprimé qu'en 1707, sous 
le titre de Règles pour discerner les bonnes des mauvaises critiques, etc.,, 
(i) Le père Noris, bien que suspect de jansénisme, à cause de ses publi- 
cations sur saint Augustin, fut cependant promu au cardinalat le 1 2 dé- 
cembre 1695. Voir plus haut, p. 128. 

(2) Voir plus haut, p. 11 5, note i. 

(3) Voir plus haut, p, 39. 

Acûdimù dt Lyon, cloue de» Lettre». i6 



Digitized by 



Google 



•242 LETTRES A L ABBÉ NICAISE. 

les Mathematici veteres, qu'on a depuis peu imprimez a Paris, 
avoient alors vu le jour, M' lunius y auroit pu mettre une 
douzaine des Ingénieurs ; car c'est ainsi que je m'imagine 
qu'on pourroit traduire les Mechanicos, qui sont louez dans 
cette collection par Athénée, par Héron, par Biton, parle Roy 
Pyrrhe et par Iule l'Africain, et qui ont trouvé des machi- 
nes a défendre et a battre des villes (i). Il y a, a la page 365, 
une très bonne explication d'un passage de Plinç, ou même 
le père Hardouin n'a vu goûte, et, quoyque l'autheur se 
tache de déguiser sous les lettres I. P., je m'imagine neant- 
moins que c'est Iulius Puchardus (2), dont on voit une belle 
explication du mot Baôavtjpaeav a la page 290, et je vous prie 
de m'en vouloir eclaircir. 

La vie du grand Saumaise sera sans doute bien reçue (3), et 
je tascheray d'attrapper une lettre, dans laquelle son fils aine, 
qui est mort il y a long temps, met beaucoup de particuliari- 
tez de ses derneres heures. Elle est escrite en flamand, la- 
quelle langue le dit fils connoissoit parfaitement ; c'est une 
pièce curieuse, et qui est digne d'estre publiée. 

le m'estonne que les Inscriptions de M*" Fabretti ne soient 
pas encore mises au jour. Asseurément ce sçavant homme 
nous fait trop longtemps attendre ; quant a moy, ardeo sum- 



(i) Plusieurs des Traités contenus dans cette édition des Mathematici 
vetereSy due à Melchisedec Thévenot, et publiée à Paris en 1693, in-f», 
ont été traduits par M. de Rochas d'Aiglun. Nous avons collaboré aux 
plus anciennes de ces traductions et personnellement traduit la Compi^ 
lation anonyme sur la défense des places fortes^ Besançon, 1872, in-8». 
Voir, dans le Journal des Savants pour 1873, deux articles de M. Miller, 

(2) Julien Pouchard, né près de Domfront en i656, membre de l'Aca- 
démie des Inscriptions en 1701, professeur au Collège de France en 1704, 
mort à Paris le 12 décembre 1705. Cet habile helléniste avait assisté 
Thévenot dans la publication des Mathematici veteres, 

(3) Cette vie dé Saumaise par Philibert de la Mare est toujours iné- 
dite ; le manuscrit se trouve à la Bibliothèque nationale dans le fonds 
Bouhier. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 243 

ma cupidîtate eas videndi, et les échantillons, qu^l m'en a en- 
volez, me font presque perdre patience (i). Mais vous me 
demandrez : ou demeurent les vostres. Monsieur ? Vous avez 
raison et je vous pu asseurer qu'elles seroient bientost en 
estât d'estre publiées, si les affaires de la republique ne m'en 
empechoient pas ; car, vous le sçavez. Monsieur, Non nobis, 
sed patriae nati sumus, illiusque salus est omnibus rébus 
praeferenda, et les plaisirs doivent en tout temps faire place 
aux affaires. 

M"" Gronovius a publié, il y a quelque mois, une autre 
explication de mon Harpocrate, et il soutient que les quatre 
parties de l'an, quatuor anni tempestates, y soient représen- 
tez, et, pour en persuader le lecteur, il juge que Thyver est 
représenté par le costé droit de cette statue, estant décou- 
vert, et l'esté par l'autre costé, parce que les poètes et les 
autres autheurs disent, quand ils parlent de l'hyver : Nudos 
sine fronde^ sine arbore campos ; et Montent vestitu oleastro^ 
amicititur frondibus arbos^ etc, quand il nous font la des- 
cription de l'esté (2). 

le ne sçay ce que vous en jugerez ; mais je vous puis 
bien asseurer que ces raisonnement ne seront nullement 
capables de me défaire de mon premier sentiment, et que je 
soutiendray tousjours que c'est l'Harpocrate ; quoyque je 
n'ay pas dessein de combattre l'autre paradoxe, ou de dispu- 
ter avec un homme qui n'estime que ce que vient de luy, et 
qni est tout a fait SucntoXcç. 

M*" Morellus est à la Cour de M*" le Comte de Swartzbourg, 
qui a le plus beau cabinet de toute l'Alemagne, et il se met a 
publier son grand ouvrage, ce qu'il n'a pu faire en France, a 
causes des desastres, qui luy y sont survenus (3). 

(1) Les Inscriptions de Fabretti parurent k Rome en 1699. 

(2) Jacques Gronovius avait publié à Leyde, en 1693, une dissertation 
De Icuncuîa Smetiana^ qua Harpocratem indigitarunt^ in-40. 

(3) Voir plus haut, p. 44. 



Digitized by 



Google 



244 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE. 

L'on inprime à Leyden la Dactylotheca de Gorlaeus fort 
augmentée (i), et, si Ton s'y prènnoit bien, elle pourroit estre 
embellie d'avantage. le possède moiméme des pierres fort 
bien travaillées, et entr'autres une misi a l'antique en argent, 
dont voila Tectype (2), qui représente une déesse, ayant le 
casque en teste, appuiée sur un bouclier, armée d'une lance 
et d'un parazonium, et il se voit, sur ou dans sa main droitte, 
une fleur ou je ne scay qu'elle autre chose. 

Monsieur Grevius avance son Ciceron (3) et le Callimaque 
de feu son fils (4); et ce sçavant homme est tousjours en car- 
rière ; il a une si grande provision d'érudition qu'il pourroit 
remplir des boutiques entières, s'il avoit assez de temps, ou 
deux corps. 

l'attend a tous momens quelques médailles anciennes, et 
le dessein des ruines de Palmyra, qui me sont envolées 
d'Aleppo par le Consul de Mess, les Estats Généraux, et Je 
vous ay mandé dans ma dernière lettre que l'Itinerarium 
Palmyrenum rempli des bellissimes Inscriptions est venu a 
moy ; c'est asseurément une pièce fort curieuse, et avec cela 
anecdote. 

le suis. 

Monsieur, 

Vostre très humble servit., 

A Campen, le 24 luillet 1694. 

CUPER. 



(1) Gronovius donna, en eflfet, à Leyde, en 1695, une deuxième édition 
de la Dactyliotheca publiée à Nuremberg, en 1601, par Abraham Gorlaeus 
(né à Anvers en 1 549, mort à Delft en 1 609). 

(2) Cuper a mis ici, sur le papier, une empreinte en cire rouge du cachet 
qu'il décrit. 

(3) Publié à Amsterdam en 1699, 3 Vol. in-S». 

(4) Publié à Utrecht en 1697, 2 vol. in-8*. 



Digitizéd by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 246 

LXXI 

Monsieur, 

Mes affaires ont esté cause que la précédente lettre n'ait 
pas esté envolée en son temps; et, pour recompenser vostre 
attente, il faut que je vous dise que j'aye reçu d'Aleppo une 
quarantaine des médailles, la plupart de bronze, et cinq ou 
6 d'argent. Il y en a que méritent la curiosité des Antiquai- 
res, et qui, a ce que j'en pu juger, sont très rares. Un Phi- 
lippe d'argent vous charmeroit sans doute, tant il est bien 
conservé; ce n'est pas pourtant l'Empereur des Romains de 
ce nom, ni le père d'Alexandre le Grand, mais un des suc- 
cesseurs de Seleucus; car l'on voit d'un costé une teste envi- 
ronnée d'un diadème, ou le Roy Philippe ; de l'autre un 
lupiter assis, tenant de sa main gauche un sceptre, et de la 
droite une Victoire, qui eleve ses mains, chargées de deux 
flambeaux ou de quelqu'autre chose, en haut vers le foudre ; 
et la légende porte : BA2IAE • ^lAinnOT • Em^ANOYS- 
$IAAAEA. 

Il y a une autre médaille de l'Empereur Macrinus, qui a 
pour revers FABAAEÛN, et une déesse, dont la robe est 
ouverte par devant, le pieds et le ventre nuds, deux lions, à 
ce qu'il me semble, de deux costez, entre la robe ouverte et 
les pieds; une petite figure a demy corps derrière la chaise 
ou la déesse est assise, élevant de sa main gauche une crosse 
ou pedum pastorale ; et je crois qu'il y ait eu une semblable 
figure de l'autre costé de la déesse ; tout de même comm'on 
les voit dans une autre médaille du même peuple, publiée 
par l'illustre père Noris a la page 253 de ses sçavantes Epo- 
ques. 

Tay reçu aussi les desseins des ruines de Palmyra, qui sont 
si vastes et si belles, que cette ville, a en juger par ses tristes 



Digitized by 



Google 



246 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE, 

masures, doit avoir esté une des plus superbes, magnifiques 
et grandes de TOrient. 

La lettre dont vous vous plaignez, et que vous croiez estre 
interceptée, est sans doute venue a Paris. Vy avois mis une 
bellissime Inscription, trouvées parmy les ruines de la dite 
ville, qui conservoit la mémoire d'un Dieu inconnu, nomme 
IAPIBÛA02, et Mess* Toinard, Renoudot, Pougel et Mont- 
faucon ont envoie leur sçavantes explications de cette divi- 
nité à M*" Basnage, qui me les a communiquées, 

le demeure 

Vostre tresh. serviteur, 

CUPER. 


A Deventer, le -^ d'Aoust 1694. 

LXXII 

Monsieur, 

Fay reçu, il y a quinze Jours, la lettre que vous m'avez fait 
l'honneur de m'escrire le 23"' luin passé; et je vous donne- 
ray a cette heure des nouvelles de ma santé et de mes occu- 
pations littéraires. le ne désire autant que de pouvoir achever 
les dissertations et les antiquitez, dont je vous ay parlé plus 
qu'une foiz. l'y travaille aussi, quand j'ay du temps de reste; 
mais les affaires, qui nous donnent cette longue guerre, y 
mettent un grand obstacle, et il m'est impossible de vous 
marquer le temps auquel elles pourroient estre achevées. 
Minerve a esté mise par les payens parmy les divinitez guer- 
rières, mais elle ne s'accorde pas bien pourtant avec Mars 
et Bellona, et les Muses ayment le repos, et non pas les tinta- 
mars des trompettes. 

l'ay esté avec cela incommodé toute Phyver d'une fièvre 
maligne ; et cet hoste incommode ne m'a pas voulu permettre 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 247 

de m'appliquer a mes livres, comme j'avois dessein de faire, 
pour mettre au net mes antiquitez. Elles s'augmentent de jour 
en jour, et, quoyque M*" Gronovius en ait publié quelques unes, 
et entr'autres le Monumentum Ancyranum augmenté, dans un 
petit livre, dont le titre est Memoria Cossonîana, qui con- 
tient la vie de M*" Cosson, né à Leyden, marchand et vice- 
consul de la part de Mess, les Estats Généraux à Smyrne (i), 
j'en possède neantmoins un plus grand nombre que feu 
M' Cosson m'avoit envolées ; car, tout marchand qu'il estoit, 
il aimoit les belles lettres, et il avoit estudié sous M' Grono- 
vius le père. 

Mes dernières lettres, que je vous ay envolées ensemble, 
sont du 24 lui. et du i8 d'Aoust de Tannée passée; la vostre 
du 19 sept, me fust rendue depuis peu, et j'en ay appris que 
la mienne, dont les antiquitez Palmyriennes estoient le sujet, 
vous ait esté enfin rendue, mais sans enveloppe, et toute 
ouverte ; une marque sensible qu'elle ait este entre les mains 
de quelque curieux, dont vous aurez appris a cette heure 
plus des particuliaritez par la mienne du 24 luil. susdit, si elle 
est parvenue a vous. Vous croiez qu'on pourroit mettre 
dans l'inscription de Palmyre OTHPEO et EI2 ETXAC, au 
lieu d'AIPE0EIC E^KAC ; mais je vous laisse a considérer 
si l'on ne suiveroit pas mieux les lettres en y mettant : EIII 
TAS nHFAS, curator electus fontium a Deo laribolo; comme 
j'ay mande le i3 d'oct. passé à M. Beauval, quand il m'en- 
voioit les considérations d'Antoine Pougel, de l'Abbé Renau- 
dot, de D. Bernard de Montfaucon et de M*" Toinard sur 



(i) Daniel G^sson, né en 1648, mourut assassiné, près 4e Smyrne, en 
1688. En 1695, Jacques Gronovius publia, à Leyde, un volume in-40, 
intitulé : Memoria Cossoniana, id est^ Danielis Cossonii vita breviter deS' 
cripta, cui annexa noya Edith veteris monumenti Ancyrani emendatior 
et auctior^ cum notis J. Gronoviij et inscriptionibus nonnuUis ab eodem 
Cossonio collectis. 



Digitized by 



Google 



248 LETTRES A L^ABBÉ NICAISE. 

cette belle inscription, qu'ils ont vue, sans doute, devant 
qu'elle fust arrivée a vous (i). 

l'attend avec une grandissime impatience la dissertation 
sur les Gordiens, et je mettray entre les mains de M*" Grevius 
la lettre qui contient diverses particuliaritez de la vie du grand 
Saumaise, aussi tost que celle qui s'est faite chez vous lui sera 
rendue. 

Le lulien de M' de Spanheym sera bien tost achevé (2), et 
il y a aussi fort long temps que je n'aye pas eu de ses nou- 
velles, quoyque j'aye communique a cet illustre et sçavant 
Ministre quelques reflexions sur la première médaille des 
Observations de M"" Begerus (3), dont M*" de Spanheym dit 
aussi son sentiment dans les deux lettres qui y sont jointes 
et qui renferment un thresor d'érudition. 

le ne sçay si M*" Morel est a Berlin, ou chez le comte de 
Swartzburg; mais il est constant qu'on travaille a l'édition 
des médailles et des autres antiquitez de son Altesse Electo- 
rale de Brandebourg, et Ton me mande que le dit Comte, 
qui a un de plus beaux Cabinets d'Allemagne, fournira les 
frais a faire imprimer le grand ouvrage de M*" Morel, dont il 
fait le dénombrement dans son Spicilegium, publié a Paris. 

l'ay fait tenir vos lettres a M*" Grevius, M' Saumaise, 
M' Bayl et M*" Perizonius, qui a publié depuis quelque 
temps une dissertation sur la durée de l'empire des Babylo- 



(i) Bien d'autres conjectures ont été proposées pour expliquer Tinscrip- 
tion de Palmyre dont parle Cuper ; les uns ont lu : 'sfOxç wfr/r,ç (source 
d'eau thermale) ; d'autres : Upuç mtyrii (fontaine sacrée), etc. Il faut s'en te- 
nir à la première lecture; ceux qui ont vu le monument de Palmyre 
affirment qu'il porte bien '«fxa« mrjf^i. 

(2) Voir plus haut, p. 118. 

(3) Laurent Beger, conservateur des collections de l'Électeur Charles- 
Louis; ce savant numismate, né à Heidelberg le 19 avril i653, mort à 
Berlin le 21 avril 1705, avait publié, en 1691, des Observationes in nu- 
mismata quœdam antiqua, in-4^. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 249 

nîens(i) ; on la loue, maïs je ne Tay pas vue encore ; et c'est 
pour cela que je ne vous en sçauroîs envoler d'autre nou- 
velles. Les Oraisons de Ciceron avec les notes de M' Gre- 
vius se vendront bientost, et le Callîmaque de feu son fils va 
paroistre aussi (2). 

L'on va r'imprimer la dissertation de M' de Spanheym de 
Prytanaeis et de Vesta, la moitié augmentée, et on l'insérera 
dans le corp des Antiquitez Romaines, qui s'inprime en Hol- 
lande en six volumes (3). 

le suis, Monsieur, 

Vostre treshumble serviteur. 



CuPER. 



A Dev. le i| lui. 1695. 
26 



LXXIII 

Monsieur, 

le n'ay pas reçu l'éloge de M' Lantin dont vous faitez men- 
tion dans vostre dernière lettre du 25 sept. L'auteur du lour- 
nal des Sçavans perd beaucoup de sa réputation, a mon advis, 
parcequ'il n'a pas voulu y insérer l'éloge tout entier d'un si 



(i) Nous ne connaissons pas cette dissertation de Perizonius; nous 
connaissons seulement ses Origines Babylonicœ et /EgyptiaccPf dont la 
première édition fut publiée à Leyde en 171 1, 2 vol. in-S», et qui furent 
rééditées à Utrecht en 1736, 2 vol. in-8». 

(2) Voir, plus haut, p. 244. 

(3) La Diatribaj de Spanheim, de nummo Smyrnœorum seu de Vesta et 
Prytanibus Grcecorum, publiée en 1672 comme annexe du Traité des mé- 
dailles de Pierre Seguin, fut réimprimée dans le tome V du Thésaurus de 
Grœvius. Ce Thésaurus se compose, non pas de six volumes, mais de 
douze, sans parler des suppléments de Polenus et de Sallengre. 



Digitized by 



Google 



25o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

illustre et si sçavant conseiller; et je vous pu asseurer que 
M' Beauval en usera autrement aussi tost qu'il le recevra (i). 
Tespere que la vie du grand Saumaise sera bientost entre 
les mains de M*" Grevius, et qu'elle sera par conséquent bien- 
tost imprimée. Car je Testime infiniment, et je suis d'advis 
de M' Wotton, qui s'est déclare pour le modernes contre 
M"" Temple (2), qu'il seroit bien difficile de trouver parmy les 
anciens des philologues aussi profonds que Saumaise et d'au- 
tres, dans qui l'on trouve une vaste érudition, dont il estoit 
impossible d'approcher. le crois asseurément qu'il a raison en 
ce point, quoyque je ne veuille pas donner la préférence en 



(i) Veut-on savoir ce que La Monnoye pensait de « Tillustre et savant 
Lantin ?» Voici ce que le caustique Bourguignon écrivait à Nicaise (Fonds 
français, n» 9361, cote 109) : a Quelque soin que vous preniez, Monsieur, 
de recueillir ce qui peut faire honneur à notre compatriote, j'ai bien peur 
que le public ne soit fort indifférent pour la mémoire d'un homme à qui, 
comme vous savez, il n'a presque pas d'obligation. Relevez son habileté 
tant qu'il vous plaira, parlez de ses grands desseins ; les œuvres ayant 
manqué à notre Illustre, la foi manquera de même aux lecteurs de son 
Eloge. Pour moi, quand je voulus m'exercer sur ce sujet, je le trouvai si 
stérile que je ne pus m'en tirer qu'à la faveur d'un mensonge, que le pri- 
vilège seul de la poésie peut excuser. Voici donc. Monsieur, ce qui me 
vint en pensée et que j'ai taché d'exprimer en grec, en latin, en italien et 

en françois. Je ne vous envoie que le françois seul 

« A DIJON 1 
« Lantin repose en ce tombeau ! 
« Toy, qui scus nous donner ce Saumaise nouveau, 

a Dijon, révère sa mémoire. 
« La plume a du premier faict admirer l'esprit, 

« Et le second n'a rien ecript 
« De peur que du premier il n'obscurcît la gloire ! • 
Nicaise trouva la plaisanterie fort déplacée et se plaignit amèrement. 
Dans une lettre, datée de Paris, 16 février 1696, Huet s'eflforce de le cal- 
mer (Fonds français, 9359, cote 64) : « Je trouve que c'est un trop grand 
raffinement que de vouloir prendre pour une raillerie l'épitaphe de 
M. Lantin que vous m'envoyez. Est-ce donc matière de reproche ou de 
raillerie à un savant homme que de dire qu'il n'a point écrit ? Était-ce 
pour railler Pythagore et Socrate, et récemment M. de Peiresc, qu'on a 

dit d'eux qu'ils n'ont rien écrit? » 

(2) Voir plus haut, p. 57, note 2. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 25 1 

gênerai au modernes, ny aussy aux anciens; estant a mon 
advis des raisons de part et d'autre a certains égards ; et ce 
proverbe : Ilîacos intra muros, peut estre appliqué également 
aux idolâtres et au bigots de Tantiquité et a ceux qui ne se 
plaisent qu'au nouveautez. 

M*" Brenner m'a envoyé son Thésaurus nummorum Sueo- 
Gothicorum (i), et je suis ravy qu'il sera augmenté d'un grand 
commentaire, puisqu'il est constant que les médailles appor- 
tent un grand éclaircissement a l'histoire des temps ou elles 
sont frappées. M' Rumpf, Résident de Mess, les Estats Géné- 
raux a la cour de Suéde, me mande que M' de Sparvonfel- 
dîusa dessein de publier les médailles d'Espagne, c'est a dire, 
ace que je crois, des Goths, qui y ont régné, et que le même 
nous prépare un grand ouvrage pour l'explication de quan- 
tité des médailles anciennes (2). 

Nous attendons icy avec une grandissime impatience le 2. 
et le 3"' volume des observations critiques du Père Pagi sur 
Baronius. M' l'Eveque de S*-Asaph (3) m'a envoyé pour lui un 
exemplaire du Chronicon de loh. Antiochenus, surnommé 
Malela (4) ; je l'ay fait tenir a M'' Beauval, pour l'envoier par 
l'ayde de M*" Leers, libraire a Rotterdam, a M*" Toinard, a qui 
cet illustre et sçavant Eveque en avoit fait aussi présent. Cette 
occasion m'a fait écrire une lettre a M"" Toinard, et l'entrete- 
nir sur le Dieu lAPIBÛAOC; mais il n'y a pas encore repondu. 
Si j'avois pu sçavoir ou le père Pagi se tient, ou comment 
j'aurois pu lui faire tenir ce présent, je m'aurois donné l'hon- 



(i) Élie Brenner, archéologue suédois, né en 1647, n^ort 1& 16 jan- 
vier 171 7. Son Thésaurus avait été publié à Stockoim en 1691, in-40. 
Un supplément posthume parut en 173 1. 

(2) Jean-Gabriel Sparwenfeldt, né le 17 juin i635, mort en 1727. 

(3) William Lloyd ; voir plus haut, p. 17. 

(4) La Chronique de Johannes Malalas fait partie du Corpus scrip^ 
torum Historiœ By^antince. 



Digitized by 



Google 



252 LETTRES A l'ABBÉ NICAJSE. 

neur de luy offrir mes services^ car j'estime beaucoup son 
grand sçavoir, 

L'on m'a envoyé le Spécimen de M' Morel, imprimé de- 
puis peu a Leipsic; j'y ay remarqué ce qu'il reproche a Eum. 
Pacatus ; et il faut que je dise, a cette occasion, qu'il n'y a 
rien si extravagant que de s'approprier les pensées et les de- 
couvertes d'un autre; que c'est un espèce de larcin public, si 
l'on les prend de livres imprimez, et un vol clandestin et une 
noire ingratitude, si l'on débite comme son propre ce qu'on a 
appris dans la conversations de ses amis. A Dieu ne plaise 
que j'en puisse user jamais ainsi, et il me semble que cette 
manière d'agir est capable d'imprimere aeternas notas suae 
memoriae, a ce que dit quelqu'ancien. 

l'ay remarqué dans les Valesiana que M' Châtelain a des- 
sein de publier un Onomasticon Hagiographum (i). Le père 
de Montfaucon nous promet, dan son histoire de ludith, 
l'Histoire des Assyriens, des Medes et des Babyloniens, avec 
une dissertation sur les pièces, que nous trouvons dans divers 
auteurs, touchant ces Monarchies. Quand est que nous ver- 
rons ces sçavantes productions, et ne pouvez vous pas m'en 
dire des nouvelles ? Les dissertations de M*" Perizonius De 
Originibus Babylonicis, dont je vous ay parlé au 26 luliet, 
lui pourroient servir. Ce sçavant professeur tache de dévelop- 
per beaucoup des diffîcultez qui se rencontrent dans l'histoire 
de ce pays, et soutient que la tour de Babel a esté bâtie 
pour servir a un signal, pour ceux qui pecora pascebant per 
loca plana et campestria, ne a sese invicem aberrarent inviti ; 
et que le mot Hébreu y signifie un cfjjxa, signum, et non 



(i) Claude Chastelain, né à Paris vers 1639, mort dans la même ville 
le 20 mars 171 2. La Liste des noms de Saints^ qui paraissent éloignés de 
leurs origines, et qui s'expriment diversement selon la diversité des lieux^ 
par M. Tabbé Châtelain, fut insérée dans Tédition de 1694 des Origines 
de la Langue française de Ménage. 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 253 

un nomen, ce que je laisse a examiner a ceux qui entendent 
la langue sainte. 

M*" Beauval m'a envoyé une lettre pleine d'érudition du 
père de Montfaucon ; il y tache d'expliquer l'Inscription qui 
fait mention du Dieu laribolos, et il croit que la fontaine E<f%(x 
pourroit bien estre la piscine Aphaca, dans le pays de Pal- 
myrene, dont Zozime, liv. I, et plusieurs autres font mention. 
Et asseurément, il n'y a pas beaucoup de différence entre 
ces mots; et la conjecture en paroit fort vraysemblable. Mais 
Aphaca de Zozime n'a pas esté dans le pays de Palmyrene. 
Zozime le dit estre X(i)p(ov ixéaov 'HXiouTuiXewç te xai B{6Xou, et Eu- 
sebe le met au Mont Liban dans la vie de Constantin (i). Or 
il est évident que Palmyre en ait esté éloignée par quelques 
journées et qu'il faut beaucoup que leur territoir se soit 
étendu si long, estant avec cela séparée de la Syrie par des 
vastes solitudes et par des sables. le ne diray pas que Zozime 
parle d'une XCiavî;, et non pas d'une fontaine, parcequ'il pour- 
roit estre que ce lac devoit son origine a une fontaine. Si la 
conjecture du père de Montfaucon est vraye, que les Palmy- 
reens estoient accoutume d'élire un prestre de la fontaine ou 
du lac Aphaca vel Ephca, ou de la déesse Venus, qui y estoit 
adorée, que ce prestre estoit choisi par leur Dieu laribolos, 
ou par les sorts qu'on jettoit dans son temple, ou par oracle 
ou vive voix, ou par quelqu'autre voye, c'est a dire fourberie 
et tromperie des prestres ; que ce prestre ainsi chosy y estoit 
envoyé pour servir la déesse, ou qu'il y alloit tous les ans 
avec les autres Palmyreens, qui y portoient leur offrandes et 

(i) Aphaca, TAphec de la Bible, FAfka d'aujourd'hui, se trouvait, en 
effet, dans le Liban, entre Biblos et Heliopolis, sur les bords de l'Adonis. 
Voir Eusèbe, Vit. Const.y III, 55 ; Zozime, I, 58. Vénus y était honorée 
sous le nom d'Aphakitis. — Sur Afka et les ruines de son temple, le beau 
livre, que vient de publier notre éminent collègue, M. Lortet, La Syrie 
d'aujourd'hui f 1884, p. 644 et suivantes, donne de précieux renseigne- 
ments. 



Digitized by 



Google 



254 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 

leur presens ; comm' ils estolent accoustumé de faire êv xô -rij^ 
loprîjç >wc(p(i), a ce que dit le même Zozime. Mais c'est estre 
trop long, et il est temps de finir. 

A Dieu don, et je demeure, de tout mon cœur, 

Vostre tresh. et tresob. 
serviteur, 

CUPER. 

A Deventer, le I Dec. 1695. 

LXXIV 

Monsieur 
Monsieur Nicaise^ Abbé^ 
A Dijon. 

Monsieur, 

Pay appris, par vostre lettre du g"' d'Aoust, que la mienne 
du 22™' de luin vous a esté rendue, et je suis bien aise que 
vous avez pris plaisir a la lire ; mais vous m'avez fait trop 
d'honneur de l'avoir communiqué a vos amis, et entr'autres 
a M"" le premier président Bignon et au père Pagi, dont le 
premier m'est connu par sa grande réputation, par sa vertu, 
par son érudition, et par la bienveuillance que ce célèbre Ma- 
gistrat porte a tous les sçavans; et l'autre m'est connu, 
comm'aussi par tout, ubi est aliquid hominum elegantiorum, 
par ses escrits, qui sont, sans le flatter, dans une grande 
vénération auprès de moy. le n'ay pas encore vu la disser- 
tation sur les 4 Gordiens, ni aussi la réfutation, ni le portrait 
de M*" de Court. M' de Saumaise, a qui j'ay rendu vostre 
lettre moymeme proche d'icy a Loo, quand sa Majesté Bri- 
tannique y estoit, n'en sçavoit aussi rien. C'est la guerre, M% 
qui nous prive de ces belles production d'esprit, et il n'y a 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 255 

rien a faire que d'attendre la paix, dont on parle beaucoup 
par tout, mais qui n'est pas pourtant encore faite. 

La traduction de Santolius penitens est, a mon advis, 
admirable et M*" Racine nous fait voir par la, comm' aussi 
par ses belles pièces de théâtre, qu'il est un poëte admirable ; 
j'ay lu cette traduction avec une entière satisfaction, et mes 
amis a qui je Tay communiquée, ont fait de même, 

le suis fort fâché que vous n'avés pas reçu le Chronicon de 
Malela ; j'en ay escrit a M' Leers, mais il ne me repond pas ; je 
luy en parleray moyméme, aussitost que je seray a la Haye, 
d'où, comme vous le sçavez, Rotterdam n'est pas éloigné 
beaucoup. 

L'on n'a pas encore icy l'Itinerarium Palmyrenum de l'im- 
pression d'Angleterre; je la désire avoir tresardemment, 
pour en connoistre si quelque sçavant de cet alter orbis ait 
expliqué les Inscriptions Grecques, et principalement le 
Dieu laribolos ; j'en ay escrit a M"" l'Eveque de S* Asaph, et 
j'espère que ce sçavant prélat me la fera tenir. 

l'employé a cette heure le peu de temps qui me reste a 
illustrer mes Inscriptions anecdotes ; mais il s'y rencontrent 
tant des belles choses, que l'ouvrage ne s'avance pas si viste 
comme je m'estois persuadé. Les Asiarques et les Neocores 
m'occupent à cette heure. M*" de Spanheym et moy, nous 
nous en entretenons par des longues lettres, comme je vien 
de luy en envoler une de trois ou quatre feuilles, et nous 
soustenons tous deux que ces charges ne soient pas encore 
mises tout a fait en son jour, et cet illustre et sçavant per- 
sonnage m'a mandé qu'il a dessein d'en publier une disser- 
tation et me la dédier, quamvis tali me non digner honore. 

l'ay eu dessein de ranger mes considérations par des sim- 
ples thèses ou questions, et d'en faire part au père Pagl ; 
car il ne se peut ou ce sçavant Augustin l'aura fait des ré- 
flexions, qui pourroient élucider cette matière ; mais je n'ay pas 



Digitized by 



Google 



256 LETTRES A L'aBBÉ NICAISE. 

rhonneur de le connoistre, et je ne sçay s'il ose entretenir 
commerce des lettres avec un homme qui est d'une autre 
religion ; et je m'en suis dispense pour cela, crainte de luy 
estre incommode ; mais j'en ay fait part par ce même ordi- 
naire à M"" l'Eveque d'Ayranches, a qui je devois une réponse 
il y a deux ans. 

J'ay enfin reçu les médailles, et entr'autres celle d'Arsaces, 
qui est d'argent et tout entier ; l'on y lit ^lAOMATOPOS, et 

non *IAOnA , comme je vous avois mandé dans ma lettre 

du i4'°' de may (i). C'est une pièce digne d'estre publiée, et 
je crois que j'en ferois une dissertation particulière. 

L'on a imprimé a Utrec les epistres de feu M*" Gudius, 
celles de beaucoup des sçavans du siècle précèdent qu'il avoit 
ramassées, et celles de M*" Sarrau augmentées dans un vo- 
lume. Et l'on y imprime les notes du même M' Gudius sur 
Phèdre, Iules César avec les notes de Denys Vossius, et 
M*" Grevius y a joint Iulius Celsus, de la vie de Iules César, 
qui est, comme vous le sçavez, fort rare. Callimaque y sera 
bientost achevé ; le commentaire de M' de Spanheym, qui 
fait un volume entier, est desja imprimé, et Ton attend rien 
d'avantage que quelques notes de M' Bentlei, très sçavant 
Anglois, sur le fragmens de ce poète. le demeure. 

Monsieur, 
Vostre tresh. serviteur. 



CUPER. 



A Deventer, 6 nov. 
1696. 



(i) Ce passage permet de dater la lettre, que Ton trouve, dans le vo- 
lume 9359 du fonds français de la Bibliothèque nationale, sous la cote 
2S0. Cuper y parle, en effet, de sa médaille d'Aleppo, représentant « Ar- 
saces, roy des Parthes, avec cette bellissime légende : BASIAEQS MEFAAOT 
AP2ÂK0T ÂTT0KPAT0P02 (DIAOnATOPOS Ein(DAN0T2 (DUEAAHNOT. » 



Digitized by 



Google 



LETTRES DE CUPER. 267 

LXXV 

A Monsieur 
Monsieur VAbbé Nicaise, 
A Dijon. 

Monsieur, 

Tay reçu la lettre que vous m'avez écrite le 14 luin, et je 
vous en suis fort obligé. Mais la mort du célèbre P. Pagi me 
touche sensiblement (i); c'est une perte inestimable pour la 
Repub. des Lettres, et je ne connois personne qui se soit 
appliqué avec tant d'érudition et avec tant de soin a illustrer 
et corriger les Annales de Baronius. Fy perd avec cela un de 
mes meilleurs amis, qui m'estimoit, qui approuvoit fort sou- 
vent mes pensées, qui les corrigoit avec une douceur et une 
complaysance incroiable, et enfin j'y perd non vitae meae, 
comme parle Pline le jeune, (marium enim et montium flu- 
viorumque divortiis sumus divisi), sed studiorum meorum 
testem, rectorem et magistrum ; et qui avec cela ne prennoit 
jamais en mauvaise part, si je defendois mon sentiment. 

Talium certe hominum ingens penuria est ; mais j'espère 
que son neveu suiverases traces, et qu'il achèvera ce qui reste 
au remarques de son illustre et sçavant oncle (2). le vous prie 
de luy faire sçavoir quel part je prends en cet funeste accident 
et que je le luy temoignerois moymeme, si je le connoissois, 

»(i) Antoine Pagi était mort à Aix le 5 juin 1699 ; mais on ne peut pas 
dire que sa mort fût absolument prématurée; né le 3 1 mars 1624, il était 
dans sa soixante-seizième année. 

(2) Ce neveu, François Pagi, né à Lambesc en 1654, mort à Orange 
en 1721, publia à Genève, en 1705, une édition complète des Critica 
d'Antoine ; 4 volumes in-f». — Une autre édition, datée d'Anvers, mais 
publiée en réalité à Genève, parut, en 1727, par les soins d'Antoine 
Pagi, deuxième du nom, petit-neveu de Tami de Cuper. 

AcaJimie de Lyon^ classe des Ltttres, 17 



Digitized by 



Google 



258 LETTRES A L^ABBE NlCAISK. 

au moins si je sçavois comment on lui pourroic addresser des 
lettres. 

Fay envoie votre lettre sur la mort de notre feu grand amy 
à M' Bayle et il la fera sans doute insérer dans l'Histoire des 
ouvrages des sçavans faite par M*" Beauval, advocat, et frère 
de M"" Basnage, professeur et Ministre à Rotterdam, qui a 
publié depuis peu un grand et sçavant livre, dont voicy le 
titre : Histoire de TEglise depuis I. C. jusqu'à présent, di- 
visée en IV. parties. La I. contient l'histoire du gouver- 
nement de l'Eglise dans ses diocèses d'Alexandrie, d'An- 
tioche, d'Afrique, des Gaules, de Constantino/?/e et de Rome. 
La 2. l'Histoire de ses principaux dogmes, du Canon des 
Ecritures, des Traditions, des 8 conciles œcumeniqttw, de la 
Justification, de la Grâce et de l'Eucharistie. La 3. contient 
celle de l'adoration du Sacrement, du culte des Anges, de 
la Vierge, des Saints, de leurs Reliques et de leurs Images, 
jusqu'à la naissance des Albigeois. Et la 4. l'Histoire des 
Albigeois, et de la succession de l'Eglise jusqu'à présent : par 
M' Basnage, A Rotterdam, chez Reinier Leers, 1699, ^^ 
Folio. 

La lettre escrite au suject de la dissertation, ou l'Histoire 
de Ptolemec Auletes m'a bien diverti, et je ne vois pas que 
M' Baudelot y pourra repondre. l'ay lu aussi l'Histoire 
même, et, pour dire le vray, je n'y trouve presque rien de 
solide, et les passages, dont se sert ce sçavant auteur pour 
prouver son sentiment et les adjustemens des loueurs des 
flûtes, exceptez les Phorbeis, sont a mon advis mal expli- 
quez (i). le n'avance pas cela légèrement; car je me suis 
appliqué a les examiner avec soin, et je ne trouve pas que 
les belles pensées de M' Baudelot aient aucun fondement. 
Quid multis ? Vélum ou le voile tibicinum, c'est une chose 

(i) Voir plus haut, pages 96 et suîv. 



Digitized 



by Google 



LETTRES DE CUPER. 269 

inouïe a TAntiquité ; et j'espère queM"" Baudelot y fera luy- 
méme reflexion, et qu'il examinera de rechef l'explication 
des divers passages des autheurs, qui se doivent entendre 
autrement. Par exemple, il dit, à la p. 28, que les Gouver- 
neurs des provinces reculées de la Haute Egypte s'appeloient 
Sitientes, au lieu que Pline, 6, 29, nous apprend SinumTro- 
glodytices fuisse refertum insulis, exys quae vocantur Mareu, 
Mapéou, esse aquosas vel aquas abundare ; et alias, quse vocan- 
tur Eralonos insulœ^ esse sitientes, vel aquis, puta fontibus, 
rivis, fluviis carere et destitui, comme se rencontrent aussi 
sitientes Afri, easque insulas nomina habere a Mareo et Era- 
tone, qui fuerunt Praefecti Regum iEgypti (t). Ty pourrois 
adjouter des autres exemples ; car j'en ay presque cincquante ; 
mais je laisse tout cela a ceux qui ont entrepris de réfuter le 
sentiment de M' Baudelot, dont j'estime beaucoup le sçavoir, 
les pensées ingénieuses, et la grande application a notre étude, 
et a qui je suis fort obligé de ce qu'il me fait l'honneur de me 
louer dans son histoire. 

Le Thésaurus Antiquitatum Graecarum est achevé; maïs 
je ne comprend pas comment l'on y ait pu insérer des choses, 
qui n'ont nulle conformité avec ce beau titre, comme sont 
les statues ou les buste de tant des Romains, qui remplissent 
presque le 3"' tome tout entier et dont on ne dit rien que 
l'histoire, et cela fort succinctement. lugez vous, M% (que) 
ce sont des Antiquitates et Antiquitates Grœciœ ? Le mot 
Antiquitas est fort souvent mis pour l'histoire ancienne ; 
mais je ne sçay si l'on l'ait nommée Antiquitates. Ce mot en 
plurier, comme vous le sçavez, est pris aujourd'huy dans un 
tout autre sens, comm'aussi celuy d!Antiquarius, dont les 
anciens se sont servy autrement. 

(i) Voici le texte de Pline, Historia naiuralis, VI, 34 : t Sinus insulis 
refertus : ex iis quae Mareu (Mopcou vriaot) vocantur, aquos» ; quae Eratonos, 
sitientes. Regum ii prœfecti fuere... » 



Digitized by 



Google 



26o LETTRES A l'aBBÉ NICAISE. 

M* Halma, libraire d'Utrec, va demeurer a Amsterdam, 
et il y imprimera en compagnie le Corpus Historise Byzan- 
tin», qu'il vendra en petit papier pour 60 et en grand pour 
.••• livres (i), monnoye d'Hollande, a ceux qui signeront les 
conditions et prendront les tomes aussi tost qu'ils sortiront 
de dessous la presse. L'on y fait des grands préparatifs, et 
l'on y emploiera des très bons correcteurs ; enfin l'on nous 
veut faire acroire que cette édition ne cédera en rien a celle 
du Louvre, qui est si belle et si rare (2). 

le suis. Monsieur, votr. tresh. et tresob. serviteur, 

CUPER (3). 
A Dev. le i de luillet gg. 

(i) Le prix des exemplaires en grand papier n'est pas indiqué dans la 
lettre ; Cuper a laissé un blanc à la place qu'il devait occuper. 

(2) Nous connaissons trois grandes collections des Historiens Byzantins, 
i® Philippe Labbe, qui, dès 1648, avait publié Historiœ By-j^antina! 
Scriptoribus publicandis Protrepticoriy Paris, in-f>, commença en 1654 la 
publication de la Collection justement fameuse des Historiœ By^antinct 
Scriptores ; il eut des collaborateurs et des successeurs, et, en 171 1, trente- 
six volumes in-folio avaient paru. — 2° De 1727 à i733, une édition aug- 
mentée, mais moins correcte, parut à Venise ; elle se compose de vingt- 
trois volumes in-folio. — 3» L'Académie de Berlin, de 1828 à i855, a pu- 
blié, en quarante-huit volumes in-octavo, le Corpus scriptorum Historict 
Byjantince. — Mais nous ne connaissons pas l'édition dont parle Cuper. 

(3) Nous avons reproduit, sans y apporter aucune correction, les lettres 
de Cuper. Le savant hollandais, dans ses relations avec Nicaise, s'était 
d'abord servi de la langue latine ; ses premières lettres, conservées dans le 
volume 9359 du fonds français, sont écrites en latin. Mais, en 1691, Cuper 
se décida à écrire en français. Nous lisons dans sa lettre du 14 décembre 
1691 (Fr., 9359, 238) : « Je suis trop téméraire, peut estre, de m'oser ser- 
vir d'une langue qui vous est naturelle, et dont je n'ay qu'une fort impar- 
faite connoissance ; mais j'espère que vous pardonnerez a cette témérité, 
quand vous apprendrez la raison qui m'oblige d'en user ainsi avec mes 
bons amis. C'est, M', pour me conserver, par cette voye, une langue que 
j'ay apprise il y a vingt trois ou vingt quatre ans. » — Nicaise, fidèle à ses 
habitudes de courtoisie, s'empressa d'adresser à Cuper des compliments, 
un peu exagérés, sur l'habileté avec laquelle il écrivait en notre langue. 
Cuper ne se faisait pas d'illusions, et, le 6 mars 1692 (Fr., 9359, 249), il 
répondit à Nicaise : a Vous faitez beaucoup d'honneur a mon jargon de 
François, en le faisant passer d'égal avec le stile de Balzac et de Voiture, et 
vous me permettrez bien que je vous dise avec M"* de Molière : Trêve 
au douceurs. » 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE LELIO COLISTA. 26 1 

S 22. 

LETTRE DE LELIO COLISTA (i). 

LXXVI {2). 

111.™'» e R."*» Sîg'"'' e Prôn. Col."% 
Ecosi cortese VS. III."* nel gradire i suoi ser""*, quale io me 
le professe, che si compiace di fare emcomii di quello che in 
mè era debito, cioè di haverla servita in questo poco tempo 

(i) Deux autres lettres de Lelio Colista à Nicaise sont conservées dans 
le volume 9362 du fonds français ; elles sont cotées 48 et 44. 

(2) La lecture de l'original de cette lettre offre plusieurs difficultés; 
nous n'avons pas voulu les trancher ; le texte que nous publions est donc 
une reproduction aussi exacte que possible. Nous nous bornons à pré- 
senter au lecteur un essai, de traduction libre : 

« Très-illustre et très-révérend Seigneur, très-honorable patron, 

« Votre illustrissime Seigneurie est si courtoise, lorsqu'elle agrée les 
hommages de ses serviteurs, au nombre desquels je tiens à être compté, 
qu'elle se plaît à louer, eomme un acte honorable, ce qui n'était de ma 
part que l'acquittement d'une dette; je veux parler des services que j'ai 
pu lui rendre pendant le peu de temps durant lequel j'ai eu la bonne for- 
tune de recevoir ses ordres à Rome. Aujourd'hui, je regrette beaucoup 
de ne pouvoir pas lui être également utile, comme je le voudrais du fond 
du cœur, pour mieux lui témoigner en quelle haute estime je tiens sa per* 
sonne et quel cas je fais de son patronage. 

« J'ai présenté à M. le Cardinal, en la lui recommandant, la requête 
des Pères; mais j'ai eu peu de succès. M. le Cardinal m'a dit qu'il ne 
s'ingère pas volontiers dans les questions qui intéressent les Religieux, 
parce qu'il désire que ces sortes d'affaires suivent leur marche régulière 
et directe. Autant que je peux me le figurer, cette réserve est motivée 
par la manière d'agir des Religieux, qui souvent cherchent divers moyens 
d'arriver au but qu'ils ont en vue, sans se conformer à l'obéissance qu'ils 
doivent à leurs supérieurs. Et, comme les hauts dignitaires de l'Église 
ont eu maintes occasions de faire l'expérience de ce mode d'action, ils 
n'ajoutent pas aisément foi aux exposés que les Religieux leur font pré- 
senter. M. le Cardinal m'a dit qu'il verrait s'il y a quelque chose à faire 
dans la circonstance présente. 

a Telle est la cause du retard que j'ai mis à répondre à votre illustris- 



Digitized by 



Google 



202 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

che îo hebbe fortuna di ricevere î suoi comandi qui in 
Roma, mi dispîace di non poter li essere cosi appresso con 
la persona conforme li so no con il cuore, per meglio dimos- 
trarle quanto sia la stima grande che fo délia sua persona e 
délia sua padronanza. 

Présentai al Sig:"" Gard:*' la supplica dei Padri da le racco- 
mandatimi ; ma con poca fortuna, perche il Sig:*" Gard:'* mi 
disse, che in materia di Religiosi malvolontieri ni s'inge- 
risce, perche vuole che camminino le loro cose per le solite 
strade dirette, per quanto io mi posso immaginare, perche 
molt'alle volte per esimere dairobedienza , cercano diversi 
modi per conseguire i loro intenti, e perche i Prencipi su- 
periori di quest ne hanno aile volte Tesperienza, indi viene 
che non cosî facilm/« si fîdano di quello che gli si espone, no 
dimeno mi disse che haverebbe veduto quello si potrebbe 
fare, che perciô io ho tardato di rispondere a VS. 111"* con 
la speranza che il Sig:*" Gard:*' si risolvesse a fargli la gratia, 
ma vedendo che sin a quest'hora non a presso questa risolu- 
tione gli ho voluto dar parte di quello che passa. Ma se 
questi Padri vogliono conseguire il loro intento, stimarei 
meglio che qualche Padre qualificato qui délia loro religîone 

sime Seigneurie; j'espérais toujours que M. le Cardinal se déciderait à 
faire ce que vous lui demandiez. Mais, voyant que, à Theure actuelle, il 
n'a encore pris aucune résolution, j'ai tenu à vous mettre au courant de 
la situation. 

f Si les Pères veulent donner suite à leur projet, je crois qu'il serait 
préférable que l'un d'entre eux, ayant qualité pour parler en leur nom, 
s'adressât à M. le Cardinal pour lui faire connaître leurs mérites, leur 
zèle, leur piété et les raisons qui les portent à désirer de s'établir à Rome. 
M. le Cardinal étant ainsi assuré de leurs bonnes intentions, je crois 
bien qu'il leur accordera tout ce qu'ils désirent. 

a Pour moi, dont toute l'ambition est d'obtenir les bonnes grâces de 
votre Seigneurie et de recevoir ses ordres si précieux, je vous fais mes 
très-humbles salutations. 

« M. Abbatini, M. Pietro-Paolo et toute l'Académie vous présentent 
également leurs hommages. » 



Digitized by 



Google 



LETTRE DE LELIO COUSTA. 263 

parlasse qui al Sîg/ Gard:'** con farglî attestatione délia loro 
qualita e buon zelo délia loro devotione per la quale deside- 
rano di venire in Roma che essendo il Sig:"" Gard:** accer- 
tato délia loro buona intentîone crederei , che fusse per 
concedergli quanto desiderano, e io qui tutto desideroso 
délia sua buona gratia e de suoi preggiatissimi comandi le 
faccio riverenza conforme fà il Sig:' Abbatini (i) e Sîg:' Pietro 
Paolo e tutta l'accademia. 

Roma, li 14 7*»" 1666. 

VS-Ill.'-e R««* 
Divotiss.* et Oblig."^ Ser/« 
Lelio Colista (2). 

(i) Antonio-Maria Abbatini, né vers i6o5, mort en 1675, était Maître 
de Chapelle de Sainte-Marie-Majeure, lorsque Nicaise le connut à Rome. 

(2) Au milieu des « Lettres xie diverses personnes à M. Tabbé Nicaise », 
le président Bouhier avait intercalé, nous ne savons pour quel motif, une 
assez longue lettre latine a de Georges Hickès à Hans Sloane ». Nous 
avions d'abord songé à la publier. Mais, après de mûres réflexions, nous 
Tavons définitivement écartée. — i» Notre recueil, d'après son titre même, 
ne doit contenir que des lettres adressées à Tabbé Nicaise ; les autres 
lettres, trouvées dans la Bibliothèque de Lyon et restituées à l'État, 
pourront faire l'objet de publications ultérieures ; nous n'avons pas à nous 
en occuper actuellement. — 2^ Hickès parle à Sloane d'une inscription 
étrusque, relevée sur la jambe gauche (femini crurique sinistro) d'un per- 
sonnage qui a fait l'objet d'une dissertation française de Boivin (Disserta- 
tio gallice scripta^ in qua D, Boivinus Jagis esse juvenili specie imagi^ 
nem^ quœ ad te nuper e Lutetia Parisiorum missa est, multis argumentis 
contenait) et qui venait d'être présentée à la Société royale de Londres 
par Spanheim et Geoffroy. La lettre d' Hickès contient plusieurs alphabets 
étrusques, tirés des œuvres de Giambullari, de Fabretti, de Gruter, de 
Brogiotti, et il nous eût été très-difficile de trouver les caractères d'im- 
primerie nécessaires pour les reproduire fidèlement. — 3« Enfin, M. Mi- 
chel Bréal, que nous avons consulté sur l'opportunité de l'impression, a été 
d'avis que « la lettre de Hickès peut avoir quelque intérêt pour un étrus- 
cologue de profession, qui reconnaîtra peut-être l'inscription malgré les 
défectuosités de la copie », mais que a'cette lettre ne mérite pas cependant 
l'honneur d'être publiée ». Hickès se montre, en efiet, grand admirateur 
d'une explication de la septième table Eugubine, donnée par Adrian van 
Scrieck, dans un livre publié k Ypres, en 16 14, sur les origines des peuples 



Digitized by 



Google 



264 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

de TEurope et en particulier des Néerlandais. Or les tables Eugubines nous 
ont conservé des fragments de la langue ombrienne, et Van Scrieck, sans 
hésiter, explique Tombrien par le néerlandais et reconnaît dans sa table le 
plus ancien monument de la langue belge ! L'admiration de Hickès ne 
rendra pas ce mode d'interprétation plus vraisemblable que ne Tétait celui 
de Baldo, qui expliquait les tables à l'aide de Bérose et de Caton (Michel 
Bréal, les Tables Eugubines, iSyS, p. IV). — Il suffit donc de signaler la 
lettre de Hickès aux savants qu'elle peut intéresser et qui seuls en tireront 
quelque parti. Notre savant confrère, M. Ariodante Fabretti, correspon- 
dant de l'Institut à Turin, a déjà entre les mains la copie que nous avions 
préparée pour notre publication. 



Digitized by 



Google 



APPENDICE 



LES CORRESPONDANTS DE NICAISE 

Les soixante-seize lettres, que nous venons de publier, ne 
sont qu'une fraction très-minime de la correspondance établie 
entre l'abbé Claude Nicaise et les érudits de la fin du 
XVIP siècle. C'est à peine si elles représentent la quinzième 
partie des lettres, qui, à notre connaissance personnelle, 
existent encore aujourd'hui. Nous pourrions, en effet, sans 
sortir de la Bibliothèque nationale, montrer près de douze 
cents lettres, qui toutes, sans exception, ont séjourné dans des 
bibliothèques lyonnaises pendant un assez long temps, et 
dont le département des manuscrits s'est enrichi successive- 
ment, au fur et à mesure que les droits de l'État sur ces pré- 
cieux documents ont été révélés à ceux qui en étaient déten- 
teurs. 

Douze cents lettres ! Nous ne croyons pas qu'une table, 
même très-sommaire, de cette énorme correspondance, con- 
servée dans cinq volumes de l'ancien fonds français, et dans 
trois volumes des nouvelles acquisitions, latines et française s, 
ait jamais été dressée. 

En consultant le catalogue inédit des manuscrits français, 
on trouve bien, il est vrai, sous les numéros gSSg à gSôS, 
une énumération de quatre-vingt-dix-huit personnes ayant 
adressé des lettres à Nicaise. Mais le rédacteur du catalogue 
a négligé d'indiquer le nombre des lettres émanées de chacun 
de ces quatre-vingt-dix-huit correspondants. A plus forte 
raison s'est-il abstenu de dire quelle place les lettres occupent 
dans les divers volumes. Cet inventaire est donc tout à fait 



Digitized by 



Google 



256 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 

insuffisant, et les tables ajoutées à chaque volume n'offrent 
pas le moyen de le compléter. 

Que de critiques pourraient d'ailleurs être dirigées contre 
cette simple nomenclature ! 

Les auteurs du Dictionnaire des pièces autographes volées 
l'ont déjà fait remarquer, il y a plus de trente ans, les noms 
des amis de Nicaise sont défigurés à tel point, qu'il n'est pas 
toujours aisé de les reconnaître : Bégon est appelé Béguin, 
Bossuet figure sous le nom de Bénigne de Meaux ; la maré- 
chale d'Humières devient la maréchale de Luimière ; Male- 
teste se transforme en Malesherbe, etc., etc. Les omissions 
sont nombreuses ; les copies ne sont pas distinguées des origi- 
naux; les pièces annexes sont confondues avec les lettres dont 
l'abbé Nicaise fut le vrai destinataire. Une lettre d'Arnauld à 
Southwell, secrétaire du Conseil en Angleterre, la réponse 
de Southwell, une lettre de Courvoisier à Boisot, une lettre 
de Kircher à Peiresc, des lettres adressées à un neveu de 
Nicaise, conseiller au Parlement de Besançon, la copie d'un 
billet de Mlle de Scudéry, etc., etc., suffisent pour que 
Southwell, Courvoisier, Kircher, Saint-Amour, M"' de 
Scudéry, etc., soient inscrits sur la liste des correspondants 
de Nicaise. 

Enfin, cette nomenclature est antérieure aux déplorables 
soustractions, dont les Recueils épîstolaires de la Bibliothèque 
nationale ont tant souffert, il y a une quarantaine d'années. 
On chercherait inutilement aujourd'hui les six lettres de 
Leibniz, que M. Cousin a utilisées dans ses Fragments philo- 
sophiques et qu'il a extraites de l'un de nos volumes. Les 
lettres de Poussin, celles de Charles et d'Henri de Valois, 
etc., ont eu probablement le même sort... (i). 

(i) Manquent, dans le volume gSSp, les cotes i66, i83, 196, 201, 
209 ; dans le volume 9361, les cotes 36, 70, 82, 88, 91, ii3 ; dans le 
volume 9362, les cotes i%i à i3o. 



Digitized by 



Google 



LES CORRESPONDANTS DE NICAISE. 267 

Le temps limité, dont nous disposons chaque année, pour 
des recherches dans des collections que les règlements défen- 
dent de laisser sortir de la Bibliothèque nationale, ne nous à 
pas permis de réunir les éléments d'une table exacte et com- 
plète de toutes les lettres adressées à Tabbé Nicaise. Beau- 
coup de ces lettres n'ont ni dates ni signatures; d'autres 
sont signées d'une façon peu lisible, ou bien portent, au lieu 
du nom de famille, quelque désignation équivalente. Pour 
déterminer les auteurs de ces pièces anonymes ou quasi-ano- 
nymes, il aurait fallu faire de nombreuses comparaisons, et 
nous n'avions à notre disposition aucun des documents essen- 
tiels à une vérification d'écritures ou à une identification de 
personnes. 

En prévision de commentaires développés, auxquels plu- 
sieurs raisons nous ont forcé de renoncer , nous avions 
naguère réuni des indications assez précises pour nous per- 
mettre de retrouver aisément, dans chaque volume, les pièces 
que nous désirions consulter. Peut-être les hommes laborieux 
consacrés à l'étude du XVIP siècle nous sauront-ils gré de 
leur donner ici un résumé de ces notes ; nous leur épargne- 
rons au moins de longues et fastidieuses recherches. 

Albani (Jean-François), cardinal, puis pape sous le nom 
deClémentXI(i). — Vol. 9359, i5. 

Amy, prêtre de l'Oratoire. — Vol. 9361, 74 (Rome, le 
12 juillet 1679). 

André de Saint-Nicolas, religieux et provincial carme. — 
Vol. 9361,65,66, 68. 

(i) Au commencement de Tannée 1701, Nicaise lui écrivait, en le 
félicitant sur son élévation au trône pontifical : « Si, comme le dit 
Caporali, à la naissance de Mecenas, les Muses, transportées de joie 
d'avoir pour patron un si grand personnage, fecero una fuocaccia^ que 
ne doivent-elles pas faire à la création d'un Souverain Pontife, qui les 
aime de tout son cœur?» 



Digitized by 



Google 



268 LETTRES A l'aBBÊ NICAISE. 

Anisson d'Hauteroche (Jean), directeur de rimprimerîe 
royale du Louvre. — Vol. 9362, 142, 143. 

Arnauld d'Andilly (Robert). — Vol. 9359, 78 (3 janvier 
1674); 

Arnauld (Antoine). — Vol. 9363, i85, 186, 187, 188 (i). 

Arnauld (Catherine-Agnès de Saint-Paul). — Vol. 9363, 
211 à 2i3, 2i5 à 221. 

Arnauld (Marie- Angélique de Sainte-Thérèse). — Vol. 9363, 
147, 162, i63, 197 à 208, 214, 222 à 227 (2). 

D'AuBERivE (l'abbé). — Vol. 9361, 76, 77. 

AuzouLT. — N. A. F., 4218, 58-59, 62-67. 

Baillet.— Vol. 9361, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98. 

Barbarigo (cardinal). — Vol. 9359, i, 2, 3, 4, 6, 16, 18, 
19, 20, 21, 22, 23, 27. 

Barberini (cardinal). — Vol. 9359, 5, 17. 

Baudot (François). — Vol. 9361, 122, i23, 124, i25, 126. 

Bayle (Pierre). — Vol. 9359, 208, 210 à 229. 

Bégon. — 9360, 81, 175 à 178, 180 à 190. — Vol. 9361, 
48, 1 19. — Vol. 9362, 5o, 60, 61, 144. 

Bellori. — Vol. 9362, 3. 

Bellori (héritiers de). — Vol. 9362, 42. 

Berruyer. — Vol. 9362, 124, 140. 

Bignon (Fabbé). — Vol. 9361, 19. 

Bignon (le premier président). — Vol. 9361, 20, 22, 23, 24. 

Blaisy. — Vol. 9361, 104. 

Boccone (Silvio). — Vol. 9362, 26, 27. 

Boisot, abbé de Saint- Vincent, à Besançon. — Vol. 9361, 
25 à 35, 37 à 42. 



(i) Le n^ 189 est une copie d'une lettre d* Arnauld k Southwell, secre'- 
taire du Conseil en Angleterre ; le n» 190 est une lettre de Southwell. 

(a) Le n9 209 est une copie d'une lettre de la mère Angélique à la 
Reine-mère; le n** aïo, une copie d'une lettre de la mère Angélique au 
Roi. 



Digitized by 



Google 



LES CORRESPONDANTS DE NICAISE. 269 

BoiviN, curé de Saint-MartiaL — Vol. 9359, 195. 
BoNA (cardinal), — Vol. 9359, 7 à 14, 24, 32. — Vol. 
9362, 4. 
Bonjour (Guillaume), religieux augustin. — Vol. 9361, 72, 

73. 

BoNNEUiL. — N. A. F., 4218, 24-25, 28-29. 

BOSQUILLON. — Vol. 9362, IIO à 121. 

BossuET, évêque de Meaux. — Vol. 9359, 81, 82. 

BouHiER. — Vol. 9361, 118. 

BouRDELOT. — Vol. 936o, 77 à 80, 82 à loi. 

Bretaigne (Charles de). — Vol. 9359, ii3 à ii5, 118, i23. 

Camps (François de), coadjuteur de Tévêque de Glandèves, 
puis évêque nommé de Pamiers, enfin abbé de Signy. — 
Vol. 9359, 49 à 5i. — Vol. 9361, 2, 3, 4, 5, 89. — Vol. 
9362, 123, 145. 

Chappuys. — Vol. 9362, 9 à i5. 

Charnes (Jean-Antoine, abbé de). — Vol. 9360, 68, 71, 
io3, 104. 

De Chevanes. — Vol. 9361, i32. 

Chifflet (Pierre-François). —Vol. 9361, 106, 107. 

Chouët (Jean-Antoine). — Vol. 9362, 100 à 102. 

Clément XI. — Voir plus haut, s. v. Albani. 

CousTA (Lelio). — Vol. 9362, 43,44. 

CoQUEUN. — Vol. 9362, 22. 

De Court. — Vol. 9360, 60 à 66. 

CuPER (Gisbert). — Vol. 9359, 234 à 25i. 

Damette. — Vol. 9362, 122. 

Dareste. — N. A. F., 4218, 60-61. 

David (Louis). — Vol. 9362, 54. 

Delalane, abbé de Valcroissant. — Vol. 9361, 78, 78 bis. 

Delamonce. — Vol. 9362, 55. 

DuGHET. — Vol. 9362, 2, 5. 

Durban (frère Antoine). — Vol. 9362, 32. 



Digitized by 



Google 



270 LETTRES A L ABBE MICAISE. 

EsTiENNOT (Dom Claude). — N. A. R, 4^18^ 44-45. 
Fabretti (Raphaël). — Vol. 9362, 36, 39, 40, 55. 
Falliot. — N, A. F., 4218, 57. 
Fatio de Duillers. — N. A. F., 4218, 26-27, 3o-3i. 
FÉUBIEN DES AVAUX. — Vol. 9362, 62 à 89. 
FiLiPPONi. — Vol. 9362, I. 

FlEUTELET. — Vol. 9361, 121. 

Fraiser. — Vol. 9362, 141. 

Fyot (l'abbé). — Vol. 9361, 87. 

Galland. — Vol. 9360, 102. — Vol. 9362, 90 à 99. 

Galoche. — N. A. F., 4218, 46-47. 

Gavotto. — Vol. 9362, 24. 

Germain (Dom Michel). — Vol. 9361, 59. 

Gervaise (Dom Armand-François), abbé de la Trappe. 
— Vol. 9359, i55. — Vol. 9363, m, ii5, 120, 121, 124. 

GoNDi (abbé de). — Vol. 9361, 6 à 18. 

GoNDi (Jean-François-Paul de), cardinal de Retz. — Vol. 
9359, 26. 

GRiEvius. — Vol. 9359, 124 à 154^^. — N. A. F., 4218, 76. 

Grandmont (Richard de). — Vol. 9361, 58. 

Guyer, religieux minime. — Vol. 9362, 3o. 

Huet (Pierre-Daniel), évêque de Soissons, puis d'Avran- 
ches. — Vol. 9359, 53, 54, 57, 58, 60 à 72, 74 à 76. 

HuMiÈRES (la maréchale d'). — Vol. 9359, 116, 117, 119 
à 122. 

KùHN (Joachim). — Vol. 9362, 37, 38. 

La Baume de Suze (Armand-Anne-Tristan de), archevêque 
d'Auch. — Vol. 9359, 52, 56. 

La Berchère (abbé Charles-Marié Le Goux de), arche- 
vêque d'Aix. — Vol. 9359, 59. — Vol. 9361, 79, 99. 

La Chaize (François d'Aix, père de). — Vol. 9359, 207, 23o 
à 233 (i), 252 à 254. — Vol. 9361, 85. 

(i) Sous le n** 233, on trouve une lettre de Spon au Père de la Chaize. 



Digitized by 



Google 



LES CORRESPONDANTS DE NICAISE. ^J l 

La Cour (Jacques de), abbé de la Trappe. — Vol. 9363, 
122, i55 à iSy, iSg, r6o. 
De La Foucherye. — Vol. 9362, 33. — N. A. F., 4218, 

22-23. 

De La Mare. — Vol. 9361, 120.— N. A. F., 4218, 55-56. 

La Monnoye (Bernard de). — Vol. 9359, i58à i65, 167 à 
178, 178 bis^ 179 à 182 (i), 184 à 192. — Vol. 9361, 109. 

Lamy, prêtre de l'Oratoire. — Vol. 9359, 206. — Vol. 
9361, 21, 75. 

Languet. — Vol. 9361,108. 

Lantin. — Vol. 9361, 1 10 à 112, 114 à 117. 

Le Camus (le Cardinal). — Vol. 9359, 25. 

Le Clerc (Jean). — Vol. 9360, 72 à 76. 

Legouz. — Vol. 9361, 100. 

Le Roy, abbé de Hautefontaine. — Vol. 9361, 83. 

Le Tourneux. — Vol. 9363, 229. 

LoNGEPiERRE. — N. A. F., 42 18, 36-37. 

LuBiN (Augustin), religieux augustin. — Vol. 9361, 67, 
69, 71. 

Mabillon (Dom Jean). — Vol. 9361, 60 à 63. 

Maisne, religieux trappiste. — Vol. 9363, i36, 139 à 141, 
143 à 146, 148, 149, i5i à 154. 

Maleteste. — Vol. 9361, loi, 102, io3. 

Maumenet. — N. A. F., 4218, 5i-52. 

MÉNAGE. — Vol. 9359, ig3, 194, 197 à 200, 202 à 204. 

Millotet. — N. A. F., 4218, 38-39. 

MoNNiER (Dom Hilarion). — N. A. F., 4218, 32-33. 

Morell. — Vol. 9362, i3i à i35. 

De Neunhof. — Vol. 9362, 56. 

N1CAISE (Louis- Éléonor). — N. A. F., 4218, 74-75. 

(1) Ce n® 182 est adressé de Paris, le 22 avril 1722, plus de vingt ans 
après la mort de Nicaise, à Soyrot, contrôleur général des finances en 
Bourgogne et Bresse. 



Digitized by 



Google 



272 LETTRES A L ABBE NICAISE. 

NiCHOLAs. — N. A. F., 4218, i3-i6. 
NoRis. — Vol. 9361,1. — Vol. 9362, 104, 148. — Nouv. 
acq. latines, 291 : copies de 33 lettres (i). 
OuDiNET. — Vol. 9360, 67, 69, 70. 

OUVRARD. — Vol. 9360, I à 59. 

Pagi (Antoine). — Vol. 9361, 49, 5i à 55, 57. 

Pagi (François). — Vol. 9361, 56. 

Patin (Charles). — Vol. 9362, 45 à 49, 5i, 52. 

Perizonius. — Vol. 9362, 35, 146. 

Petit. — N. A. F., 4218, 1-4. 

Pezron (Dom Paul), abbé de la Charmoye. — Vol. 9360, 
io5. — Vol. 9361, 43 à 47, 5o. 

PiziccHius. — Vol. 9362, 57. 

Prinstet. — Vol. 9362, 34. 

Quillot. — Vol. 9361,84. 

Rangé (Armand-Jean Le Bouthillier de), abbé de la Trappe. 
— Vol. 9363, là 41, 41 bis^ 42 à 5o, 54 à 80, 80 bis^ 81 à 
110, 112 à 1 14, 116 à 119, 125 à i36. Les numéros 5i à 53 
sont des copies. 

Regnier-Desmarais. — Vol. 9362, io3. 

Rémond (Famille). — N. A. F., 4218,5-6, 53-54. 

Retz (cardinal de). — Voir plus haut, s. v. Gondi. 

Ricci. — Vol. 9362, 6, 7. 

RiCHELET. — Vol. 9359, i56, 157. 

Saumaise fils. — Vol. 9359, 2o5. — N. A. F., 4218, 18-19. 

Senocq (Barthélémy). — N. A. F., 4218, 20-21. 

Sluse (cardinal de). — Vol. 9359, 33 à 40, 40 bis^ 41 à 48, 
87. 

De Spanheim (Ézéchiel). — Vol. 9359, 83 à 86, 94a 1 12. 



(i) Voir notre Rapport sur les manuscrits Bouhier^ Nicaise et Peiresc; 
Lyon, 1880, p. 48. Parmi ces trente-trois copies se trouvent les copies 
des trois lettres que nous avons publiées, p. 17 et suiv., sur les originaux 
retrouvés à Lyon. 



Digitized by 



Google 



LES CORRESPONDANTS DE NIC AISE. 27 3 

Spon. — Vol. 9360, 107 à 174, 179. 

SuAREZ (Joseph-Marie), évêque de Vaison. — Vol. 9359, 29, 
88à93. — Vol. 9361, 80, 81. 

SuAREZ (Louis-Alphonse), évêque de Vaison. — Vol. 9359, 
55. 

Thomassin-Mazaugues. — Vol. 9362, io5 à 109, 139. 

TuRREiTiNi. — Vol. 9362, i36, i37, i38. 

Vachiet. — N. A. F., 4218, 72-73. 

WiTT (Jean de). — Vol. 9362, 58, 59. 



AcAdémit de Lyon, eiatse da Lêliret. 18 



Digitized by 



Google 



TABLE ALPHABÉTIQUE 

DES NOMS DES PERSONNES CITéES DANS LES LETTRES A l'aBBÉ NICAISE ET DANS 
LES NOTES DE L'ÉDITEUR (l). 



Abbatini 26a, 263 

Acilius Aviola 21 

Adam de Brème 182 

Adrien. Voir Hadrien. 

iElianus 1 34 

iEmocles Aviola 21 

iEneas Sylvius 49 

Albani 267 

Albano (L'Albane) 83 

Albericus, Trium Fontium M . 68 

Alberti .. i54 

Alciat 89, 171 

Alexandre le Grand 198 

Alexandre Noél 77 

Alexandre Sévère 223 

Alexandre VIII 216 

Alting • 173 

Amalthëe i53 

Amelot de la Houssaye 72 



Amiet 1 27 

Ammien Marcellin , . , , 1 79 

Amy. 267 

Anastase... 124 

André de Saint-Nicolas 267 

D'Angeau 1 1 5, 120 

D'Anglure de Bourlemont... 21 5 

Anisson 86, 89, 90, no, 

II 3, 117, 180, 194, 
210, 219, 221, 268. 

Anne d'Autriche 268 

Antelmi 198 

Antonin Caracalla 23, 119 

Antonins (Les) 223 

Arétée 176 

Aristée 167, 168 

Aristote 18 

Aristoxène 1 24 

Arnauld d'Andilly 268 



(i) Cette table va nous fournir l'occasion de corriger plusieurs erreurs 
que renferment les notes. Quelques-unes nous sont bien imputables, et 
nous aurions dû et pu les éviter ; mais il en est d'autres dont nous rejetons 
la responsabilité sur les Dictionnaires biographiques les plus estimés. 

C'est pour nous un devoir, et, mieux encore, un vrai plaisir, de déclarer 
que la plupart de ces corrections sont dues à M. Tamizey de Larroque. 
Notre erudit confrère s'est imposé la tâche ingrate de lire attentivement 
nos bonnes feuilles et de nous communiquer les observations critiques 
qu'elles lui ont suggérées. 

Que M. Tamizev de Larroque veuille bien agréer l'expression de 
notre gratitude ! Elfe est d'autant plus vive que nous n'avons pas oublié 
ce qu'a disait nasuère, aux lecteurs de la Revue critique d'Histoire et de 
Littérature, sur 1 affaiblissement de sa vue. 

En relevant avec un soin minutieux les inexactitudes que les plus dili- 
gents ne réussissent pas à éviter, M. Tamizey de Larroque rend aux 
auteurs le plus grand des services. L'expérience montre que tous ne l'esti- 
ment pas à sa juste valeur. Puisse la reconnaissance de ceux qui se sentent 
honorés, et non pas amoindris, par les rectifications de notre éminent 
confrère, le dédommager de l'injustice des autres 1 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE PERSONNES. 



Arnauld (Antoine). . . 43, 45, 77, 

82, 240, 241, 

266, 268. 

Arnauld (Catherine- Agnès) ... 268 

Arnauld (Marie-Angélique) . • 268 

Arnold 45 

D'Arquien 128 

Astell (Miss) Sj 

Athénée 242 

D*Auberive 268 

Auguste 223 

Augustin (Saint) 48, 241 

Auzoult 268 

D'Avaux. 1 56, 1 38, 160, 162, 164. 

Aviola (iEmocles) 21 

Aymar (i) 3i 

Baillet 3i, 38, 100, 106, 

i56, 194, 268. 

Baldo 264 

Baluze 88, 1 22, 1 56, 1 57, 

159, 161, i63, i65. 

Balzac 260 

Barbarigo 1 96, 1 99, 2 1 4, 268 

Barberini 1 23, 268. 

Barnes 1 66 

Baronius i55, 25i, 257. 

Bartoli 83 

Basnage (Jacques) 258 

BasnagedeBeauval. i55, 157, 190a 
194, 229, 237, 
246, 247, 25o, 
25i, 253, 258. 

Baudelot (2) 96, 209, 258, 

259. 



275 

Baudot 123, 268 

Baudrand 33,35 

Baudry 157, 159,219,221. 

Bauldry. Voir Baudry. 

Baume de Suze (De La) 270 

Bayle 65, 147, 182, 

186, 187, 194, 
227 a 229, 237, 
248, 258, 268, 
Beauval. Voir Basnage. 

Beda 76 

Beger 248 

Bégon (3) 93, i83ài90, 

266, 268. 

Bellarmin 38 

Bellay 184 

De Bellièvre 168 

Bellori 82, 83, 84, 86, 

124, 2o5, 208, 
210, 217, 268. 

Bénet 1 80 

Benoît (Saint) 1 92 

Bentinck 77 

Bentley 57, 256 

Berchère (Le Goux de La). . . 270 

Bérenger 1 76 

Bergier 168, 170 

Berkel 1 52 

Bernard 29, 35, 166, 

173, 174, 175. 

Bernier 2o3 

Bernin 84 

Bernon 2o3 

Bernouilli 43 



(i) M. le Président Alphonse Gilardin a publié, en 1837, un opuscule 
ayant pour titre : Un procès à Lyon en 16^2, ou Aymar ^ l'homme à la 
baguette, Lyon, Boitel, in 8«, 23 pages (extrait de la Revue du Lyonnais). 

(2) Baudelot de Dairval est né le 29 novembre 1648, et non pas, comme 
nous l'avons dit p. 96, le 20 novembre. 

(3) Nous avons dit, p. i83, que Bégon mourut le 4 mars 1710; cette 
date est acceptée par la Biographie générale et par le Dictionnaire histo^ 
rique de la France. Mais M. Tamizey de Larroque prouve, en s'appuyant 
sur Facte d'inhumation, que Bégon est mort le 14 mars 1710. Sur Bégon, 
voir Georges Duplessis, Un Curieux du XVII* siècle^ Michel Bégon, 
Correspondance et documents inéditSy Paris, 1879. 



Digitized by 



Google 



276 

Bérose 264 

Berruyer 268 

Berthet 42 

De Beyer 235 

Bianchi 127, 129 

Bignon (abbé) 1 1 1 , 268. 

Bignon (premier Président). 201, 
2o3, 232, 233, 254, 268. 

Bigot 106, i52, i56, 

161, i63, i65. 

Billius 1 96 

Bimbenet 1 64 

Biton 242 

Bizot i85 

Blaeuw 104 

Blaisy 268 

Blondel 68 

Bobart.... 167, 197 

Boccone 268 

Bochart 39, 1 52 

Boeckh 207 

Boerhaave 176 

Bohorizh 61 

Boileau 63,67, 168 

Boisot (Jean-Baptiste) 29, 35, 37, 

43,55,63,68, 

266, 268. 

Boisot (Le Président). 46,47, 55, 

56,62,63,68, 

69, 78,79. 

Boivin 263, 269 

Boldonius i25 

Bona 1 23, 1 24, 269 

Boncompagno 128 



LETTRES A L ABBE NIC AISE, 



Bonjour 65, 69, 80, 94, 

loi à 102, 172, 

176, 187, 188, 

269. 

Bonnet (Pierre) 1 14 

Bonneuil 269 

De Bonzi (Cardinal) 2 1 5 

Bormius i32 

Bosquillon 269 

Bossuet 44, 70, 121, 

i3o, 266,269. 

Boudoint i58, 160 

Bouhier 40,99,175,201, 

211, 226, 235, 
242, 263, 269. 

Bouhours 240, 241 

De Bouillon (Cardinal) ... 42, 2 1 5 

Boulliau (i) 144 

Bourdelot (2) 37, 43, 65, 

1 14, 228, 269. 
Bourgogne (Duchesse de) ... . 37 
De Bourlemont. Voir d'Anglure. 

Bouvet 66, 67 

Boxhornius 89 

Boyle 167 

Brandebourg (Électeurs de) . 36, 
110, 170. 

Bréal (Michel) 263, 264 

Brenner 25i 

Bretaigne (Charles de) 269 

Brogiotti 263 

Brosseau 38, 70, 79 

Brunswick-Lunebourg 71 

Bruti 61 



(i) Le nom français de Bulliaîdus est Boulliau, et non Boulliaud, 
comme nous l'avons écrit p. 144. Voir Ludovic Lalanne, Dictionnaire 
historique^ V<» Bouluau. M. Tamizeyde Larroquea trouvé, à Carpentras, 
dans les papiers de Peiresc, une relation curieuse, par Boulliau, du 
supplice d Urbain Grandier. 

(2) Les dates que nous avons assignées, p. 114, à la naissance et à la 
mort de Pierre Bonnet, plus connu sous le nom d'abbé Bourdelot, sont 
extraites de la Nouvelle Biographie générale. Mais Moréri dit que l'abbé 
Bourdelot mourut en 1709, â^é de 54 ans ; il serait donc né vers i655 ou 
1654; Cf. Lalanne, Dictionnaire historique, V» Bourdelot. De quel côté 
est la vérité ? 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE PERSONNES. 



277 



Brutius 177 

Bullifonius 176 

Burmann 91, 171, 175 

Burnet 66 

De C 100 

Cabassut 122 

Caccia 128 

Caffaro 44 

Caligula 97 

Callimaque 57, 109, ni, 

112, 116, 119, 
174, 244, 249. 

Camdenus 178 

Camerarius 41 

De Camps 127,269 

Du Cange i33, i52, i55, 

201, 207, 226 

Caporali 267 

Carpegna 217, 220, 222 

Carpzow* 1 70, 1 96 

Casanata 69 

Casaubon 231,237 

Cassini 61 

Catacci 83 

Caton 54, 264 

Catulle 81, 142 

De Caumont (Marquis) 182 

De Caumont (Arcisse) 144 

Cavalieri 222, 224 



Cavallerino 1 28 

Cébès i63 

DeCéli 228 

Cellarius i55, 197 

Celsus (J.) 146 

César (J.) 146, 175,200 

Chabassut. Voir Cabassut. ... 122 

Chacon 1 78 

Chappuys 269 

Chappuzeau(i) 71 

Charavay 201 

Charlemagne i65 

Charles le Simple 76 

Chariot 172, 175 

De Charnes 269 

Charpentier 35 

Chastelain 252 

Chaufepié 1 94 

Chaulnes (Duc de). 216, 217, 225 
Cheffontaines (Christophe) ... 47 

Du Chesne 68 

De Chevanes 1 24, 269 

Chifflet 68, 168, 269 

Chorier 166, 169 

Chouêt 269 

Christine de Suède.. 33,37, 148 
Christophorus a C. Fontium . 47 

Christyn (2) 47 

Ciaconius 178 



(1) Victor Cousin, dans la note que nous avons reproduite p. 71, a dit 
que Chappuzeau était Genevois ; c'est une erreur évidente. Dans un ouvrage 




avancement et de son entretien, que Lyon est même sa plus véritable 



patrie... Peut-être un jour s'est-il dit Genevois, comme il se disait Lyonnais, 
ce qu'il nabitait Lyon depuis quelques années ; mais, en réa- 



en i656, parce qu 
lité, il était Parisien. 

(2) Il y a eu, à Bruxelles, au XVII* siècle, deux jurisconsultes du nom 
de Christyn. L'un, Jean-Baptiste Christyn, est né en 1622 et mourut le 
28 octobre 1690. L'autre, Liber t- François Christyn, frère du précédent, 
est né le 29 juin 1639 et mourut le 10 juin 1717. — Dans sa lettre du 24 sep- 
tembre 1690, Leibniz parle de Christyn comme d'un homme vivant; ce 
n'est donc pas sur Jean- Baptiste, c'est sur Libert-Francois que sa pensée 
s'arrête. — Le nom de Libert- François se rattache à 1 histoire littéraire 
de Lyon ; car nous lui sommes redevables de plusieurs éditions du Traité 
des lois abrogées^ dont l'auteur est Philibert Bugnyon, Maçonnais d'ori* 
gine, établi à Lyon en qualité d'avocat. 



Digitized by 



Google 



278 



LETTRES A L ABBE NICAISE. 



Ciampini 208 

Cicéron 24, 91, 143, 145, 

146, 149, i5o, 
244, 249. 

Claude 01 

Clément VII 122 

Cle'ment VIII 122 

Clément IX 122 

Clément XI 269 

Colbert 83, 88, 147 

Colbert de Croissy 2 1 5, 22 5 

Colista 261 à 263, 269 

Colocci 1 24 

Colomiés 48, 170 

Commire i65 

Commode 22, 23 

Confucius 81 

Constantin Porphyrogénète. 124, 

178. 

Conti-Majoragius 171 

Coquelin 201, 269 

De Cordemoy 47? 48 

Coronelli 71 

De Cortone 84 

Cosme III de Médicis 234 

Cosson 247 

De Court 43, 49, 54, 107, 

139, 143, 145, 146, 
149, 170,254, 269. 

De Courtin 194 

Courvoisier 266 

Cousin 27,65,109,218,249 

Creech 167 

Crenius 93 

Crescimbene 70 

Crozier 208, 209, 210 

Crussius. 93 

Cuper 39,94,96,115, 

142, 172, 173, 
182, 184, 228, 
235 à 260, 269. 

Cuvillers 28 

Cyrille 109, 112 

Dacier 106, 109, 1 19, 

120, 168. 
Van Dalen 142 



Damette 269 

Danckelmann 229 

Dangeau. Voir d'Angeau. 

Daniel 77 

Dareste 269 

David 269 

Delandine 67 

Delalane 269 

Delamonce 269 

Delisle 3o, 40, 52, 55 

Denys 167 

Descartes 27, 3 1 , 5o, 5 1 , 60 

Deseine loi 

Diogène-Laêrce. 1 38, 140, 143, 1 53 

Dion 200 

Dirois 80 

Ditmar 45 

Dodart 167 

Dodwell 29, t35, 167 

Le Doge 225 

Domitia Lucilia 224 

Donat 157, i59 

Doni 123 

Dreyss 1 57 

Dron 22,23,26 

Dubois 200 

Dubos 1 1 5, 228, 229 

Ducange. Voir Du Cange. 
Duchesne. Voir Du Chesne. 
Dufresne. Voir Du Fresne. 

Dughet 269 

Dumay 232, 233 

Dupin 35, 193 

Dupuy 178, 179 

Durban 269 

Eggeling 59, 60 

Elagable. Voir Héliogabale. 

Épictéte i44i H7 

Érasme i35, 171 

Eratonos 259 

Erycius-Putcanus^ 1 78 

Ésope . 57 

D'Esté (Cardinal). 2 1 5 

Estiennot 226, 270 

D'Estrées (Cardinal). 80, 208,210, 
214, 2i5,2i6, 225. 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE PERSONNES. 



279 



Eumenius Pacatus. Voir Hardouin. 

Euripide 166, 171 

Eusébe 1 96 

Faber 24 

Fabretti (Âriodante) 264 

Fabretti (Raphaël) 24,61, 102, 147, 
172, 192, 205, 
207, 208, 210, 
211, 212, 217, 
219, 220, 222, 
242, 263, 270. 

Fabronus 24 

Falconieri i23 

Falliot 270 

Farnése (i) 127, 2o5 

Fatio de Duillers 270 

FayditC2) 47, ^9^ 

Félibien des Avaux 270 

Fell 197 

Fénélon 70, 74,80, 121, i3o 

Ferdinand 1 1 de M édicis. 1 2 5 , 127 

De Fermanel (3) 202 

Ferrari 128 

Ferrin 200 

Filipponi 270 

Fléchier (4) 188, 189 



De Flemming ii3, 114 

Fleutelet 270 

Flourens 78 

Fontanini , 70 

De Fontenay 66 

Formose (pape) 76 

Foucault (5) 94, 93, 96, 

97,98, II 5. 

Foucher 5i, 64 

Fraiser 270 

François 208 

François de Sales (Saint) 226 

Fransz 88, 140, i5i 

Frédéric III 1 1 3, 114 

Frédéric de Brandebourg. ... 229 

Du Fresne 167 

Fronton-du-Duc 28 

Furetière 204 

Furstenberg (Égon de) 2x5 

Fyot 270 

Gale 1 97 

Galée 162,163,191 

Gallaeus 1 52, 1 54, 1 56, 1 57, 

i58, 159, 160 

Galland 95 a 98, m, 11 5, 

184, i85, 270 



(i) Les Cesari in Oro del Museo Farnese^ dont parle Tabbé de Gondi, 
p. 127, ont pour auteur le Père Paolo Pedrusi. 

(2) Voir, dans la Revue des questions historiques d'avril 1878, un article 
de M. Tamizev de Larroque contenant de nouveaux documents sur les 
infortunes de rabbé Faydit. 

(3) L'abbé de Fermanel, du séminaire des missions étrangères de Paris, 
avait été envoyé à Rome pour régler la question du successeur de 
M. d' Héliopolis, et pour trouver les moyens de rétablir la paix dans les 
missions de Chine entre les vicaires apostoliques et les jésuites. Michaud, 
Louis XIV et Innocent III, T. IV, p. 376. 

(4) Nous avons dit, p. i88, que Fléchier est né à Pernes le 10 îuin i632. 
Telle est la date indiquée par les Dictionnaires biographiques d Hoefer et 
de Lalanne, par Ménard, par Ducreux, et, tout récemment, par M.Tabbé 
Fabre, dans son livre sur La jeunesse de Fléchier, Ces autorités, si nom* 
breuses qu'elles soient, ne nous ont pas mis à Tabri de Terreur. M. de 
Joannis, en s' appuyant sur Tacte de baptême de Fléchier et sur le Livre 
de raison du père de Fléchier, vient de prouver que l'illustre orateur est 
né, non pas le 10, mais le 18 juin i632. Voir Revue critique d^ histoire et 
de littérature, 1882, t. XIV, p. 2C>6. 

(5) Foucault est mort le 7 févner 1721, et non pas, comme nous l'avons 
dit p. 96, le 1 7 février. 



Digitized by 



Google 



28o 



LETRRES A L ABBE NICAISE. 



Gallien ii6, 120 

Galliena-Augusta 116, 120 

Galoche 270 

Gassendi 1 80 

Gavotto 270 

Géne'brard 1 96 

Genest 49 

Geoffroy 263 

Georges, Prince d'Anhalt. ... 39 

Geraldi 170 

Gerbillon 66 

Germain 226, 270 

Germanicus 97, 98 

Gervaise 270 

Gewœrts 1 04 

Giambullari 263 

Gibson 167 

Giphanius 88 

Giraud (Charles) 58 

Golius 52, 179 

Gond i (Abbé de) .. . 126 à 131,270 

Gondi, cardinal de Retz 270 

Gordiens ii5, 173,223, 

241, 248 

Gorlœus 244 

Goux de La Berchère (Le)., 270 

Goyerus i56 

Gradi 1 2 3 

Grœvius 24, 39, 40, 47, 57, 

85, 89, 91, 92, io3, 
104, 109, m, 116, 
1 17, 1 19, i32, i35, 
137a 177, 191, 192, 
197, 237, 244, 248, 
249, 25o, 256, 270. 

Graevius (Théodore) 119 

Grandmont 270 

Granvelle 3o, 35 

Graverol 1 84, 189 

Grégoire VII 76 



Grégoire de Naziance 1 96 

Grolier 23 1 

Gronovius (Jacques). 89,91, 119, 

i34, 135,142, 

147, i5o, i63, 

229, 243, 244, 

247, 259. 

Gronovius (Théodore).. 175,229 

Grotius 39, 144, 146, 

148, 149, 178. 

Gruter 207, 237, 263. 

Gudius 47,91,117,170, 

171,172, 174,175,256. 

Guerchin 83 

Guide 83 

Guillaume III... 71,92, 137, 173 
Guillaume d'Avranches (i). . . 226 

Guimet (Emile) 81 

Gustave- Adolphe 148 

Guyer 270 

Guyon (Madame) 70 

Hadrien i58, 198, 223 

Halma 260 

D'Harcourt 216 

Hardouin.. 21, 27, 3o, 36, 

37, 69, io5, 106, 
108, 109, 1 16, 120, 
i35, i36, i52, 161, 
i65, 173,183,218, 
236,238,239,242, 

252. 

De Harlay 100, 228, 229 

Harpocrate 243 

Hartmann 61 

Havercamp 44 

Héfélé 49 

Heinsius 137,140,143,144, 

146, i54, 179, 237. 

Héliogabale 28 

Helmold 45 



(1) Le Tractatus de officiis ecclesiasticis, autrement dit Enchiridton 
consuetudinarium, maintes fois imprimé (Patrologia Latina^ t. 147), est 
toujours attribué à Jean de Bayeux, qui fiit évêque d'Avranches vers 1060 
et archevêque de Rouen en 1069. — Son métropolitain, pendant qu'il 
était évêque d'Avranches, était Maurillus et non pas, comme le dit 
Mabillon, p. 226, Mauritius. 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE PERSONNES. 



281 



De Hennin i35, 168 

Henninius i35 

HenrilV 76 

Henschenius 28 

D'Herbelot 106, 11 1,21 3 

Hérode ' 109, 184 

Hérodote, 32 

Héron 242 

D'Hervault (Ysoré) 21 5 

Hessel 1 70 

Hesychius io3, i54, i63, 164 

Hickès 263, 264 

Hinckelmann 52 

Hippocrate 98 

Hippolyte 161 

Hobbes 3 1 

Hoffmann 71 

Holstenius.... 142, 178 

Homère 142 

Horace 25, 236 

Hottinger 88 

Huber(Ulric) i33 

Hudson 1 67 

Huet 26, 27, 28, 29, 36, 39, 

41, 48,49» 5o, 5 1,52, 
53, 34, 58, 59, 60, 65, 

671 7^» 74» 78, 106, 
m, 

l52, 

160, 

169, 

239, 
D'Humières (Maréchale). 266, 270. 

Huss 49 

Huygens 40 

Hyde 167 

Ignace (Saint) 71,236 

Inchofer 28 



112, 


114, 


116, 


i53, 


i57, 


159, 


161, 


i63, 


i65, 


i83, 


228, 


229, 


25o, 


256, 


270. 



Innocent XI ^5, 52, 214 

Innocent XII 24, 25, 128 

Irmin 58, 60 

Irminsul 58 

Ittig 71 

Janisson 194 

Janniçon 1 94 

Jansenius 88 

Jean d'Avranches ( i ) 226 

Jérôme (Saint) 120 

Jobert 44, i85 

Joly (A.) 194 

Du Jon(2). 39, 86, 87, 90, 154, 

164, 1669 169, 239, 

241 , 242. Voir Junius. 

Josèphe.... 29, 3o, 35, 108, 176 

Joubert. Voir Jobert 44 

Judas 142 

Jules l'Africain 242 

Julien 109, m, 112, 116, 

118, 120, 248. 

Julius Celsus 146 

Julliéron 1 57 

Junius. Voir du Jon. 239, 241, 242 

Jurieu 65, 194 

Justel 64 

Juvénal 236 

Kang-Hi 67 

Kircher 124, 142,179,266 

Kool 1 70 

Koribut (Michel) 122 

KUhn 94, 106, i54, 

23o à 23 1, ,270. 

De La Baume de Suze 270 

Labbe 260 

De La Berchère 270 

De La Chaize 270 

De La Charmoye. Voir Pezron. 



(i) Voir, plus haut, la note sous Guillaume d'Avranches. 

(2) Dans une lettre à Santeul, dont la Bibliothèque nationale possède 
une copie (N. Acq. Françaises, 4218, f»» 83 à 89), Nicaise a écrit : 
« M. Bayle... a fait mention, dans les premiers volumes de son Diction^ 
naire critique^ du silence de M. Graeviusà mon égard, touchant le Junius, 
De Pictura veterum, dont le public a l'obligation à mes soins, sans qu'il ait 
daigné en faire mention dans la préface de cet excellent ouvrage. » 

Académie dt Lyon, clatu des Lettres. l8' 



Digitized by 



Google 



282 



LETTRES A L ABBE NICAISE. 



De La Cour 271 

Lactance. iSy, iSg, 174, 184, 236 

De La Fond (i) 

De La Foucherye 202, 271 

De La Hire 61 

De La Houssaye 72 

De La Lane 269 

Lalanne (Ludovic) 73, 1 57 

De La Loubère 72 

De La Mare. • 3o, 40, 73, 77, 1 1 7, 
118, 124, i38, i39, 
140, 144, 145, 146, 
149, 168, 172, 186, 
192, 193, 242, 271. 

La Mire 68 

De La Monce 269 

De La Monnoye (2).. 19, 20, 137, 

i38, 140, i55, 

195, 196,227, 

228, 271. 

Lamy 220, 27 1 

Lancelot.. 191, 192,205, 206,217 

Languet 7^1 7^, 170» 271 

Lantin 3o, 38, 40,43, 

64, 84, 99, 100, 
i38, 139, 140, 
i5i, i52, 1.54, 
i56, i58, 161, 
168, 172, 176, 
192, 201, 203, 

249. 

De La Toison 140 

De La Tremoille 216 



De Laval rAbbé) 225 

Le Batelier 179, 180 

Lebeurier 180 

Leblanc i65, 218 

Le Camus (Cardinal) ... 215,271 
Leclerc. 134, i35, 173, 237, 271 

Lecorate 66 

Leers 85, 86, 87, 89, 90, 

166, 169, 170, 175, 

241, 25r, 255, 258. 

Le Goux de La Berchére. ... 270 

Legouz 271 

Leibniz. . . 26 à 82, 108, 127, 266 

Le Lorrain.. ...4 ii5 

Le Mire 68 

Le Moyne i5o 

Le Nain (3) 200 

Lenoir 23 1 

Léonard 34, 46, 54 

Le Roy 271 

Le Tellier 81 

LeTourneux 271 

Leutholf 65, 69, 80 

Lèvera 42, 1 24 

Leydecker 88 

Lichfîeld (Évêque de) 182 

Liebhard 41 

Lichtstenstein 216 

Lister 77 

Lloyd 17, 182, 25i,255 

Lomeier i35 

Longepierre 271 

Longin 168 



(i) A la fin du manuscrit français n» q36i, on trouve plusieurs lettres 
adressées par l'intendant De La Fond à M. Nicaise, conseiller au Parlement 
de Besançon. Quelquefois rintendant emploie comme intermédiaire son 
secrétaire Guéneau. Ainsi, dans une lettre du 23 octobre 1701, Guéneau 
exprime au conseiller Nicaise la part que De La Fond prend au chagrin 
que doit lui causer la mort de Tabbé Nicaise. 

(2) Dans le Spectateur de Dijon ^ du 21 février au i^ mars i856. M. Vital 
de Valous a publié, d'après les autographes conservés dans la bibliothèque 
de Lyon (Delandine, Catalogue des manuscrits^ 1. 1*',?. 45 1), vingt et une 
lettres de Bernard de La Monnoye à son fils, le Père de La Monnoye, cor- 
delier à Bar-sur-Aube. Ces lettres vont de nouveau être imprimées, dans 
la Revue lyonnaise, par les soins de M. Beaune. 

(3) Le nom de l'auteur de VHistoire des Empereurs doit être écrit 
Le Nain de Tillemont, et non pas, comme nous l'avons fait, avec la Nou" 
velle Biographie générale^ t. XXX, p, 644, Lenain de Tillemont. 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE PERSONNES. 



283 



Lortet 253 

Lothaire i65 

Louis le Pieux 1 63 

Louis XIV. 99, MO, 157,226, 268 

Louvois 25 

Lubin 2i3, 217, 271 

Luc (saint) i33 

Lucretius 167, 171 

Ludolfi 65, 69, 80 

Ludovici 73 

Ludwig. Voir Ludovici 77 

De Lynden 235 

Lyster. Voir Lister 'j'j 

DeM loi 

Mabillon 33, 58, 126, i3o, 

i65, 191, 2o5, 206, 

212, 226, 271. 

Macrinus 245 

Maersevenius 1 54 

Magalotti 1 29 

Magliabechi (i). .. 91, i3o, 181, 

196, 197, 198. 

Maisne 27 1 

Majoragius 171 

Malalas (Johannes).. 25 1 

Maleteste 266, 27 1 

Mallius (Theodorus) 1 69 

Man 59 

Mancini 217 

Manethon 91 

Mannus 59 

Maracci 52 

Maratti 83, 84 

Marc-Aurèle 22, 104,181 



Mareu 259 

Marie-Kasimire 1 28 

Marracci. Voir Maracci 52 

Marsham 142 

Martial 81 

Martianay 1 20 

Martin d'Alnwick 45 

Martin (Henri) 122 

Martinus Minorita 45 

Marty-Lavaux 73 

Mattaire 176 

Matthaeus 89 

Mattius 89 

Maumenet 27 1 

Du May (2) 179,232,233 

Mecenas 267 

Me'dicis i25, 127, 234 

Meibomius 29, 58, i53 

Meier 53, 60 

Ménage 28, 41, 100, 106, 

138,141,143, 144, 
146, i52, i53, i56, 
157, 159, 162, i63, 
169,184,185,194, 
241,252,271. 

Menhier io3 

Mercœur (Duc de) 21 

Messana 219 

Meursius 143, 146, 147, 148, 

149, i5o, 178,237 

Mezzabarba 24 

Michaud.. 210,214,215,222,225 

Michel (Claude) (3) 82 à 84 

Michon (Pierre) 114 



(i) Les dates que nous avons indiquées, p. i3o, pour la naissance et 
pour la mort de Magliabechi, sont contestables. Cet érudit est-il né le 
28 JMoréri) ou le 29 octobre (Hœfer) ? Est-il mort le 2 juin (Weiss), le 
27 juin (Tiraboschi), le 4 juillet (Hœter),le 14 juillet (Niceron et Moréri)? 
Son épitaphe, qui fixe sa mort au 4 des nones de juin, fournit un argu- 
ment presque cfécisif pour le 2 juin. 

(2J Ce n est pas dans une lettre à Peiresc, c'est dans une lettre à Du Puy 
de Saint-Sauveur^ oue Saumaise a dit, en passant, sur M. Paul du May, 
quelque chose qui fera rire Nicaise {suprà^ p. 179). Cette lettre a été pu- 
bliée, en 1882, par M. Tamizey de Larroque, Claude de Saumaise^ p. i63 
et suiv. ; voir, p. 164 et i65. 

(3) Claude Michel, prieur de Saint- Laurent, diocèse de Besançon, de- 
meurait à Rome en ta Strada Pia, près les Minimes de la Trinité du 
Mont. 



Digitized by 



Google 



284 



LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE. 



Miller 242 

Millin 1 24 

Millotet 27 1 

Modaeus 1 56, 1 64, 1 66 

Moêtjens 235, 238 

Moïse 20, 75, 80 

Molière 44, 260 

Monfalcon 67, 171 

Monnier 271 

Montausier (Duc de). 159, 160, 161, 

i65,232 
Montfaucon.. 246, 247, 252, 253 

Montjeu (Philibert de) 49 

Morau . . . . , 1 58, 160 

Morel(Abbé) 21 5 

Morell ([) 20, 22, 25, 44, 

46, 5o, 55, 69, 
73, 76, 80, 127, 
170, 181, 203, 

243, 248, 252, 
271. 

Moréri 71, 1 68 

Morhof i55, 196 

Morin (2) 196 

Morison 1 67, 1 97 

Moronus 1 24 

Moureau 1 23 

Mouwen 141 



Van der MUlen 1 54, 164 

Munckerus i5i 

Munster (Évêque de) 1 65 

Néron 21,28,200 

De Neunhof 271 

Nicaise. 171, 175, 228 et passim, 
Nicaise (neveu) (3).. 1 18, 266, 271 

Niceron (4) 197 

Nicholas 234,272 

Nicolas 127, 232 à 234 

Nilus 124 

Nodot 35 

Noél (Alexandre) 77 

Nointel 96 

Noris (Cardinal). 17 à 26, 33, 37, 

41, 42, 48, 77, 

80, loi, 109, 112, 

126, 128, 129, i3o, 

172, 181,187, 199, 

219, 245,272. 

Norris 56, 57 

Odescalchi 25 

Omont 179 

Ottoboni 214,225 

Oudin (Casimir) 36 

Oudin (François) 36 

Oudinet 26, 272 

Ouvrard 42, X23, 272 



(i) Sur André Morell, voir, indépendamment de Touvrage cité p. 127, 
Fr. Ravaisson, ^rc/riVe5 de la Bastille^ t. IX, p. 142 et 526. 

(2) Çest par erreur que nous avons attribué, j). 195, à notre compa- 
triote Etienne Morin (né à Caen le i*»' janvier 162 5, mort à Amsterdam 
le 5 mai 1700) le livre gui a pour titre : Antiquitates Ecclesiœ Orientalis.,. 
enucleatœ^ Londres, 1682. L'auteur est Jean Morin, né à Blois en 1591, 
mort à Paris le 28 février 1659. Dans ce volume, publié, après la mort de 
Jean Morin, par les soins de Richard Simon, on trouve, p. 1 19 et suiv., 
la lettre des Sichemites sous ce titre : Epistola Syna^ogœ Samaritanorum^ 
quce est in urbe Sichem, seu NapolouSy ad clarissimum virum Josephum 
Scaligerum^ interprète Joanne Morino.,. « Epistolœ illœ nunquam vene- 
runt in manus Scaligeri; has misit Perescius ad Morinum. Exemplar 
autographum dicitur asservari in Bibliothcca Régis christianissimi. » 

(3) C'est à ce neveu, conseiller au Parlement de Besançon, que sont 
adressées presque toutes les lettres qui se trouvent dans le manuscrit 
français n» 9361, à partir du n» 127. Les signataires de ces lettres sont : 
De La Baume-Saint-Amour, De Harouys, Rémond de La Renouillière, 
Dubois, De La Fond, Régnier-Desmarais et Guéneau. 

(4) Et non pas Nicéron, comme nous Tavons fait imprimer p. 197. 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE PERSONNES. 



285 



Pacatus(Eumenius).Voir Hardouin. 

Pachymeres i25 

Pagi (Antoine I) (i). 76,79, i3o, i55, 

180, 182, 187, 193, 

195 à 201 (2), 228, 

229, 25i, 254, 255, 

257, 272. 

Pagi (Antoine II) 257 

Pagi (François) 79> ^^7, 272 

Paolo-Sarpi 66, 72 

Pallavicini 66 

Papebroch 104 

Papillon 4^ 

Pappus d'Alexandrie 43 

Paruta 189 

Patin i85, 197, 272 

Paul (saint) 25, io5 

Pausanias 106, 23 1 

Payelle 232, 233 

Pedrusi(3) 127, 279 

De Peinier 182 

Peiresc 73, 77, 9 ^ '77» 178, 

179, 180, 182, i85, 
196, 206, 25o, 266. 

Pellisson 29, 233 

Péricaud 3o, 32, 69 

Perizonius... i3i à i36, 147, i5o, 
248, 252, 272 



Perrault i23, 186, 188 

Petau 109, 220 

Petit i5i, i55, i56, i59, 

160, 162, i65, 176, 
192, 199, 272. 

Pétrequin 35 

Pétrone 35 

Peutinger 173, 1 78 

Pezron 32, 72, 75, 76, 

79, 80, 272. 

Phalaris 57, 167 

Phèdre 47> 9^ i'7> ^7'? H^ 

Philibert de Montjeu 49 

Philippe II 53,66 

Philippe Èpiphane 245 

Phorbœus 1 54 

Photius 108 

Picot (Georges) 73 

Pietro-Paolo 262, 263 

Pighius i33 

Pignatelli 25 

Pindare 167, 171 

Pinelli 1 78 

Pinsson (François). 56, 95, 96, 186 
Pinssondes Riolles. 56, 95, 96, 186 

Pizicchius 272 

Placcius 48 

Platon 120 



(1) Le lieu de naissance du Père Pagi est Rogues, et non pas Roques y 
comme on Ta imprimé p. 195. 

(2) On a vu plus haut, p. 196, que le P. Pagi, en imprimant quelques 
vers de La Monnoye, y ajouta ces mots : « Fit allusio ad pisciculum vtam 
balenœ monstrantem. » Le 16 juin 1689, La Monnoye dit à Nicaise ce 
qu'il pensait de cette addition : « Je ne suis guère satisfait de Fusage que 
votre P. Pagi a fait des vers que vous m'aviez demandez pour lui. Outre 
qu'il les a placez dans un endroit où ils ne sont pas trop en vue, et qu'il 
n'a pas suivi le dessein que ie lui avois donné, il les a encore gâtez en 
voulant les expliquer. Y a-t-ii rien de plus monacal que d'aller prévenir 
son lecteur et lui ôter la satisfaction qu il aurait eue d'entendre par lui- 
même le sens d'une allégorie, qui, après tout, n'est pas fort obscure? Le 
P. Noris apparemment n'en usera pas de la sorte ; tout au moins, s'il 

mettoit un argument à mon Epigramme, il le mettroit plus latin » 

Fr.,9359, 181. 

(3) Le Père Paolo Pedrusi est le jésuite dont parle l'abbé de Gondi, 
p. 127; le grand ouvrage, en huit volumes in-folio, qu'il publia à Parme, 

a pour titre : / Cesari in Oro raccoUi nel Farnese MuseOy 1694 et suiv. 

Le Père Piovene y ajouta deux volumes. 



Digitized by 



Google 



286 



LETTRES A L*ABBÉ NICAISE. 



Plaute 21 

Pline 53, 164, 173,257,259 

Pocock 52 

PoUux 94, 100, io3, 106, 

i54, i63, 164, 23o, 

23l. 

Polybe i35 

Polycarpe (saint) 71,193 

Pompée 22 

Pomponius Mêla 180 

Pontanus 88 

Portiand (Comte de) 77 

Portus 167 

Possinus 125 

Pouchard 242 

Pougel 246, 247 

Poussin 266 

Prelard 159 

Prinstet 101,102,272 

Proclus 148 

Prousteau ^. 154, 163,164 

Prunelle 2 1 3 

Ptolémée 173 

Ptolémée Aule'tès 258 

Pufendorf 148, 161, 164 

Du Puy 178, 179 

Pyrrhus 242 

Pythagore 25o 

Quillot 272 

Racine (i) 255 

Rader 226 

Raina 221 

Rainssant 20 

DeRancé 33,43,45, 191, 

192,272. 



Ranuce II Farnèse 1 27 

Raphaél 84 

Rapin i38 

Ray 197 

Rechenberg 161 

Régis (2) 67 

Régnier-Desmarais 272 

Rémond 272 

Renaudot.... io5, 106,246,247 

René (C del) 26 

Renier (Léon) 171 

Retz (Cardinal de) 272 

Ricci 124, 272 

Ricciardi 147 

Richelet 204, 272 

Rigault 144 

Rigord 1 98, 200 

Rivière 241 

Robert (roi) 76 

De Rochas d'Aiglun 242 

Rodolphe II , 21 

Roraulus 147 

Rubens 1 69 

Rufîn 200 

Rumpf 25 1 

Sacchi 83 

Sacripante 1 28 

Saint- Amand (Tristan de)... 104 

Saint-Amour 266 

Sales (saint François de) 226 

Salisbury (Jean de) 35 

Salvator Rosa 84 

Santeul (3) 168 

Sarpi (Paolo) 66, 72 

Sarrau 256 



(i) Cui>er,p. 255, attribue à Racine la traduction du Santolius pœnitens^ 
mais Racine a toujours protesté contre cette attribution, qu'A déclare 
très fausse. Dans une lettre, datée de Versailles, 4 avril 1696, et adressée 
à Boileau, il écrit aue ceux qui le soupçonnent a d'être l'auteur d'un 
pareil ouvrage » méritent d'être réprimandés (Racine, Œuvres complè- 
tes^ i838, t. II, p. 436). 

(2) Le lieu de naissance de Sylvain Régis est appelé La Sauvetat de 
Blanquefori, et non pas La Salvetaty comme nous l'avons dit p. 67. 

(3) A la mort de Santeul, La Monnoye s'amusa à composer, en diver- 
ses langues, toute une série d'épigrammes, qu'il adressa à Nicaise. 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS 

Saumaise (i)...* 3o, 40, 99a loi, 
106, 117, 1 38, 140, 
143,144,147, i5o, 
i5i,i52, i54, i56, 
159, 162, 166, 170, 
172,176, 178,179, 
186, 192,193,237, 
239, 242,248,250, 
254, 272. 

Savile 197 

Saxe (Électeur de) 170 

Scaliger 196, 197 

Scheelstrate 181 

Schefer io3 

Schiller 58 

Schmidt 23o 

Schott 23i 

Schreuder 1 89 

Schwarzburg. . . 44, 170, 243, 248 

Van Scrieck 263, 264 

Scriverius 88, 237 

Scudéry (M"« de) 68, 266 

Scylax i35 

Segrais (2) 98 

Séguier 87, 88 

Seguin 249 



DE PERSONNES. 287 

Selden 178 

Sénèque 21 

Senocq 272 

Septalius 93 

Serapis 1 76 

Servet 78 

Servient 210 

De Seste 21 5 

Settala 93 

Sextus Empiricus 140 

Sfondrati 56, 81, 128 

Sherlock 56 

Siccama 89 

Simon 148 

Siredey 202 

Sirmond 28, 180 

Sladius i5i 

Sloane 263 

De Sluse 42,123,210,272 

Smith 175 

Sobieski 1 28 

Socrate 25o 

Solin 192 

Somner 167 

Southwell 266, 268 

Soyrot 271 



En voici deux spécimens (9359, i58) : 

'Hytoff TOU( àylovçy dcAT o^ fiifoitaxo' HoùA 

a Santeuil, qui loua tant les eaux, 
a Ne but rien moins que de Teau claire, 
a Et fit des cantiques Tort beaux 
Pour des Saints au'il n'imita guère. » 
(i) La lettre, dont Thomassin de Mazaueues parle p. 170, et dans la- 

ÏueUe Saumaise racontait « touts les demesTés qu'il eut en Holande contre 
[einsius », était probablement, comme la lettre sur les Tyrses des an- 
ciens, une simple copie d'une lettre adressée à Jacques Du Puv. Si cette 
conjecture est fondée, cette lettre est la même que celle qui a été publiée 
par M. Tamizey de Larroaue, C/aiiie de Saumaise^ 1882, p. 104a 112. 
(2) Nous avons identifié le Fontenatum^ dont parle Galland, dans son 
épitaphe de Segrais, p. 98, avec Saint-André-de-Fontenay. Ce doit être 
une erreur. Il s'agit plutôt de Fontenay-Le-Pesnel, Fontanetum Paga^' 
nelli, où Segrais possédait une maison de campagne. — Les « Épitapnes 
latins et François a la mémoire de M. de Segrais » conservées dans le ma- 
nuscrit français 9362, 96, ne sont pas inédites; nous les avons trouvées 
dans une des Revues publiées à Caen vers 1840. La note que nous en 
avons prise étant égarée, nous n'osons pas affirmer, mais nous croyons 
que cette Revue est la Reyue du Calvados. 



Digitized by 



Google 



288 



LETTRES A L ABBE NIC AISE. 



. Spanheim. 22,27,30,36,37,41,43, 
45, 5o, 54, 55, 57, 60, 
61, 72, 73, io3 à 121, 
129, 141, 144, l52, 
i56, i57, 160, 161, 
162, i63, 170, 173, 
174, 229, 248, 249, 
255, 256, 263, 272. 

Sparwenfeldt 25i 

Spelmaaus.. 178 

Spinola 128 

Spinosa 5 1 

Spon 143,144, 145, 146, 

149, 171, 175,208, 
239, 270, 273. 

Stace 104 

Stephanus 142, 143, i52 

Strabon .' 200 

Strozzi 220, 222 

Suarez (J.-M.). 121 à 125,148, 273 

Suarez (L.-A.) 273 

Suidas 1 35 

Sulpice Sévère 200 

Tachard 66 

Tacite 21, 53,54,97, 173 

Talon i58, 160 

Tamizeyde Larroque. 73, 77, 177, 
178, 179, 182. 

Tanara 128 

Tarugi 1 28 

Temple 57, 25o 

Térence i52, i53 

Teutzel 181 

Theodorus Mallius 1 69 

Théodose 1 89 

Theseus 143 

Thévenot 96, 157, 159, 160, 

161, 162, i63, i65, 
217, 242. 

Thietmarus. ..••...•.• 45 

Thomassin-Mazaugues. 1 77 à 1 82, 

273. I 



Thucydide 167, 171 

Tibère 97,176,229 

Tite-Live 1 55 

Toinard 20, 29, 35, 37, 107, 

108, 184, 198, 201, 
21 3, 220, 236, 239, 
240, 246, 247, 25 1. 

ToUius 1 34, 168 

Tonnulius i53 

Trajanus Decius 121 

Trebellius PoUio ii6 

Tristan de Saint- Amand (i). . 104 

Tuiston 59 

Turrettini 273 

Tycho-Brahé 88 

Ubaldini 124 

D'Uxelles 217 

Vachiet 273 

Vaillant. . . 20, 22, 26, 27, 28, 3o, 
37, 94, io5, 106, 
108,1 12, II 5, 120, 
1 52,1 55, 201, 2o3, 
204,208,218,220, 
236. 

Valère Maxime i32 

De Vallemont 1 1 5, 1 20 

Valois (Charles de) 266 

Valois (Henri de).. 100, io3, 144, 

i54, i63, 164, 

178, 193, 200, 

266. 

Van Dalen 142 

Van der Meulen i54, 164 

Van der WerfF 86 

Van Dyck 86, 87 

Van Scrieck 263, 264. 

Vargas 53, 66, 71, 72 

Vejelius 39,40 

Del Verme 128 

L. Verus 181 

Verwey 1 54 

Vespasien 223 



(i) Nous avons dit, p. 104, aue Tristan de Saint- Amand mourut en 
i656. Il eût été plus exact de dire qu'il vivait encore en i656, qu'on le 
perd alors de vue et que l'on ne peut préciser la date de sa mort. 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE PERSONNES. 



289 



Vettius Valens 41 

Vexin (Comte du) 226 

De Vilenaux 2o3 

De Vilermont .... 2o5, 217, 219, 

222, 224, 225. 

Villalpando 2o5 

Vincent (Isabeau) 1 94 

Vino 84 

Visdelou 66 

Vitringa i5o 

Vitruve 1 23 

Voiture 260 

Vossius (Gérard-Jean). 161, 162, 164 

Vossius (Isaac). 88, 142, 146, 148, 

161, 220, 256. 

Vulcanius 88 

Wœsberg i32 

De Walcheren 92 



Wehler i65 

Werff (Van der) 86 

Wetstein 94, i32, i53 

De Wilde 169,174,175 

Wisniowieçki 1 22 

Witsen 142 

DeWitt(i).. i9,85à94, io5, i32, 
i58, 161,162,164, 
173, 193, 206,273. 

Witz(De Witt?) 19 

Woltherus 45 

Worm 93 

Wotton 78, 25o 

Wray 197 

Xénophon 167, 171 

Ximénès 188 

Ysoré d'Hervault 21 5 

Zanotti 126 



(i) Sur Jean de Witt, deuxième du nom, voir l'ouvrage que M. Antonin 
Lefêvre-Pontalis vient de consacrer au premier Jean de Witt, 1884, t. II, 
p. 242. 



AcaJémit dt Lyon, classe des Lettres. 



19 



Digitized by 



Google 



TABLE ALPHABÉTIQUE 



DES NOMS DE LIEUX OU DE PEUPLES CITÉS DANS LES LETTRES A l'aBBÉ NICAISE 



Afka 253 

Afrique 35, 258 

Agria 21 

Aix 177, 198 

Alba Regalis 21 

Alba Regia 21 

Albigeois • 258 

Alcala de Hénarès 148 

Aleppo 237,244,245 

Alexandrette 237 

Alexandrie 258 

Algériens 208 

Allemagne. . . 35, 40, 44, 45, 1 12, 
161, 243, 248. 

Allemand 59 

Amsterdam.,. 94, 'i32, i35, i38, 

139, 140, 142, 143, 

147, 148, i53, i55, 

164, i65, 260. 

Ancyre 247 

Anglais 196, 197 

Angleterre,. 56, 73, 91, Î12, 148, 

162, 166, 172, 173, 

2o3y 239. 

Anhalt 39 

Antioche 200, 258 

Anvers io3, 148, i63, 23i 

Aphaca 253 

Arabes 236,238 

Armorique 72 

Arnstadt 44, 127, 170 

Arras i33 

Asaph (Saint-).... 182, 25i, 255 

Asie 21,39,75, 106,147, 

176, 229, 255. 

Asie-Mineure 32, i65 

Assyriens 252 

Athènes 14^) i?^ 



Atrebatensis 1 33 

Attique 147, i5o 

Avranches. ... 26, 27, 28, 29, 36, 

39, 48, 5o, 52, 53, 

54, 58, 60, 67, 72, 

74, III, 114, 116, 

i83, 228, 256 

Babel (Tour de) 252 

Babylone 248 

Babyloniens 252 

Baie 43, 49,52,62, 71, i52 

Baléares , 24 

Basques 72,75 

Bastille 25 

Bataves 19, i32, i52, 173 

Belgique 171 

Berlin.... 61, 104, 107, 170, 248 

Besançon 206, 232 

Beuvron 216 

Biblos 253 

Biscayenne (Langue) 75 

Blois 184 

Bohémiens 49 

Bologne 18, 24, 128 

Bordeaux 1 89 

Bourgogne 146 

Brandebourg.... 33, 34, 36, 129, 

170, 248 

Brème.... 33,34,45,53,59,182 

Bretagne (Basse-) 192 

Bretagne (Grande-) 172 

Bretons 7^> 7^ 

Brunswick ^4, 79 

Bruxelles 104 

Byzance 260 

Caen 58, 95 

Cambrai ... 34, 70, 74, 

80, 121, i3o 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE LIEUX. 



Cambridge i66 

Cammin 33,34 

Carniole 6i 

Caspiennes (Portes-) jS 

Castille 35 

Caucase •••.... 7^ 

Celtes 72, 7^ 7^ 

Cerreto 1 5t6 

Ce'sarée 27, 38 

Champagne 2o3 

Chanaan • 32 

Charmoye (Abbaye de la) . 75, 76, 

79,80. 

Chine 66,67, 80, 81, 141 

Chypre 237 

Cimmériens 32 

Civita-Vecchia 2 1 6, 2 1 9, 22 1 

Clermont (Collège de) 68 

Complutum 14^ 

Constantinople 218, 258 

Coptes 102 

Cos(Ilede) 98 

Coutances 4^9 ^3 

Crest 194 

Crète 122 

Croissy 216, 225 

Dalmatie • 1 65 

Dauphiné 166, 169, 194 

Deventer 238, 246, 249, 

254, 256, 260. 

Dijon.... 40, ii3, 114, i34, 137, 

139, 141, 144, 145, 

149, 166, 172, 177, 

179, i83, 186, 187, 

188, 190, 191, 203, 

227, 240. 

Dordrecht , . 85, 90, io5, i32, 164 

Egypte 66, 94, 142, 167, 

172,187. 

Egypte (Haute-) 259 

Éphèse 21 

Ephka 253 

Erato 259 

Erlau • • 21 

Espagne ••.. 128,216, 25 1 

Espagnols. ..... 53, 66, 204, 2 14 



291 

Ethiopie 69 

Etna 19 

Étrurie 1 25 

Étrusques 61 

Europe 68, 142,146, i55 

Évreux 179 

Faenza. , 24 

Fano 128 

Faventia 24 

Flamand 239 

Florence. 18, 19, 22,26, 127, 128, 
129, i3o, 198, 234. 

Français 214 

France. ... 27, 34, 35, 40,44, 47, 
48, 64, 66, 72, 74, 
81,83,88,122.128, 
i56, 202, 2o3, 207, 
208, 210, 220, 23 1» 
243. 

Francfort ». 62 

Franche-Comté 43, 90, 1 90 

Franeker î33, i5o 

Frascati 201 

Frise .• 173 

Froidmont 216 

Gabala. 22, 23, 245 

Galles (Pays de) 75 

Gallia 142, 146, 179,258 

Gascogne 1 79 

Gaule 142, 146, 179, 258 

Genève 78, 90,91, 166, 206 

Germains. 53, 58, 59 

Germania 161 

Goths 25 1 

Grande-Bretagne 172 

Grèce 75, 76, 106, i65, 

171, 198 

Grecs i5o 

Halberstadt 33, 34 

Halle 73 

Hambourg 36,40 

Hanovre 26, 3o, 37, 41, 46 j 

5o, 55,62,67,68, 
69, 74, 107. 

Havelberg 33, 34 

Hébreux •••.....• 142 



Digitized by 



Google 



292 



TABLE DES NOMS DE LIEUX. 



Héliopolis 253 

Helvétiens., ...•. 53 

Hermaenner , 59 

Herminones 53, 58, 59 

Hermins 54, 58 

Hermunduri 59 

Hildesheim 33, 58 

Hollande.. 27, 38,46, Ï2, 71, io3, 

104, io5, 106, 107, 

109, 1 12, 116, 192, 

199, 206, 208, 220, 

240, 249. 

Hongrie 1 35 

Ilargus 53 

Hier 53 

Illeraha 53 

Inde • 141 

Ingevons 59 

Irlande.... 76, 166, 173 

Istevons 59 

Italie 19, 146, 147, i65, 170 

Italiens 208, 214,218,225 

Itius Portus 168 

Kampen 244 

Kiel i55, 196 

Kœnigsberg 61 

Lacédémone 148 

La Charmoye 75, 76, 79, 80 

La Haye 94, i58, 160, 176, 

237, 238, 240, 255. 

Langres 172, 175 

Laodicea 22 

De Laval 225 

Leipzig 40,43,69,71,109, 

170, 196, 198, 23l, 

252. 

Levant 68 

Leyde 88, i36, 142, 229, 

244, 247. 

Liban 253 

•^Lichfield 182 

Liège 34, 123 

Lithuanie 122 

Livourne 199 

Londres 57, 161,162, 197 

Loo ....» 255 



Louvre 260 

Lubec 33, 34 

Lugdunensis secunda 179 

Lyon 114,148,209,213 

Macédoine 112 

Magdebourg 33, 34 

Majoragio 171 

Malabar 148 

Malo (Saint-) 219 

Malouins 219 

Mareos 259 

Marseille..... 199 

Maures 35 

Mayence 172 

Meaux 70,121,130 

Mecklembourg 34 

Mèdes 252 

Mediolanum 179 

Meissen 33, 34 

Mersebourg 33,34 

Messine 222 

Minden 34 

Milan i25, 187, 225 

Mondruin 25 

Mons • 240 

Monte-Leone 25 

Moustier-en-Champagne . • . . 216 

Munster 34, i65 

Namur i85 

Naples.. 19,24, 25, i23, 176, 229 

Narbonne 122 

Nasone (Tombeaux de) 210, 219, 

221. 

Naumbourg 33, 34 

Nazoni (voir Nasone) 210 

Nîmes 188, 189 

Noirmoutier, 216 

Normandie 116, 117 

Nuremberg 41 

Orléans. 1 54, 2 1 3 

Osnabruck 34 

Over-Yssel 238 

Oxford. ., 29, 161, 166, 171, 197 

Paderborn 34 

Padoue .. 48, i55, 198, 199,214 
Palestine ..r 27, 32 



Digitized by 



Google 



TABLE DES NOMS DE LIEUX. 



293 



Paimyre. 170, lyS, 176, 238, 244, 
245, 247, 253, 255. 

Paimyrène 253, 255 

Paris 17,38,42,60, 70, 72, 

85,86,87,88,90,94, 
95, 96, 97î 98, io5, 
106, 107, 109, IIO, 
III, ii3, 114, 117, 
118, 119, 129, i34, 
147, 148, i5o, i52, 
i53, i56, i57, i58, 
159, 160, 162, 166, 
171, 174, 186. 190, 
195, 199, 201, 203, 
204, 2o5, 206, 208, 
209, 21 3, 21 5, 219, 

221, 225, 229, 232, 

235, 241, 246, 248. 

Parme 127,206 

Pays- Bas 19 

Pérouse i25 

Pharsale, 200 

Phéniciens. • 76 

Philippenses i33 

Pirée 148 

Pise 129 

Pisidie 200 

Pistoia..... 24 

Poitou 97 

Pologne 122, 128, i58, 160 

Portugais 204 

Portugal 208 

Portus Itius 168 

Pouzzoles 176 

Prusse 61 

Pyrénées • 76 

Ratzebourg 33, 34 

Reims 81 

Rhin 76 

Rochefort. i83, 186, 187, 188, 189 
Rome... 19, 22, 24, 25, 32,42, 
66,70, 80, 81, 83,88, 
loi, 114, 121,122, 124, 
128, 147,170,179, 198, 
200, 202, 203, 205,206, 

207, 208,209,213,218, 



219,220, 221, 225,258, 
262. 

Rotomagi 179 

Rotterdam.... 86, i35, 164, 171, 

227,237,238,241, 

251,255,258 

Rouen 97 

Saint- Amand 58 

Saint-Ange (Château) 2o3 

Saint-Asaph 182, 25i, 255 

Saint«-Gabriel (Iles de) 204 

Saint-Gall 128 

Sainte-Geneviève (Pères de). 208 
Sainte-Hélène (cimetière) .... 210 

Saint-Malo 221 

Saint-Marcellin (cimetière).. 210 

Saint- Pierre (cimetière) 210 

Salem 25 

Salisbury 35, 66 

Samarie 1 55, 196, 197 

Saragosse 188 

Sarmatia 122 

Saxe 170 

Saxe (Basse-) 33 

Saxe (Haute-) 33 

Saxons 59 

Schwarzburg.. 44, 170, 243, 248 

Schwerin 33, 34 

Scythes .... 32, 75, 76 

Sères 14» 

Sichem 196 

Sicile 19, 189,217 

Slavons 61 

Smyrne 247 

Soissons.. io6,i52, 159, 160, i63 

Sparta (?) 144 

Strasbourg 58, 23 1 

Stuhlweissembourg 21 

Suéde... 34,37, 147, 25 1 

Sueo-Gothici 25 1 

Suèves 53 

Suisse 43, 166 

Syracuse 19 

Syrie... 18,22,32,112,200,253 

Syro-Macedones 37 

Tarse io5 



Digitized by 



Google 



294 



TABLE DES NOMS DE LIEUX. 



Teano 1 2 5 

Teutoniques 53, 75, 76 

Thermes d'Antonin 224 

Tigurum , 88 

Tœplitz 76 

Toscane 234 

Toulon 2o3 

Tours 123 

Trappe (La) .. . 33, 45,191, 192 

Trente 53,66, 71 

Trêves 32, 45 

Trinacria 19 

Troglodytices Sinus 2 59 

Troisfontaines 68 

Tunbridge 73 

Turcs 39 

Turini 179 

Turquie 122 

Ubii 139 



Utrecht 34, 88, 91,92, i38, 

140, 144, 149, i5o, 
i53, i56, 157, 159, 
161, i63, i65, 168, 
171, 174, 177, 192, 
236, 239, 256, 260. 

Vatican 33,241 

Venise 144, 147 

Vénitiens 204, 2 14 

Verden 34 

Ve'rone 166, 170 

Versailles 114 

Villey-sur-Tille 46 

Visurgis 53 

Weser 53 

Westphalie 34 

Wiseraha 53 

Wolfenbuttel 68, 69 

Zeitz 196 

Zell 71 



Digitized by 



Google 



TABLE PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE 

DES SOIXANTE-SEIZE LETTRES ADRESSÉES A l'aBBÉ NICAISE 



1666. 14 septembre. Lelio Colista 261 

1669. i"août. . . . Jean-Marie Suarez 121 

1682. 3o mars. . • . Graevius 187 

— 14 novembre, Id 139 

i683. i*' décembre . Id 141 

1684. i3 octobre . . Id 145 

i685. 21 avriL . • • Id 149 

1686. 27 mai . . • . X 201 

1687. i**" juillet . • . Noris 17 

1688. 28 mai . • . . Id 19 

— 20 juin . . . • Perizonius i3i 

— 6 octobre . . Pagi 195 

— 12 id. . . X 2o5 

— 24 novembre. Grœvius i5i 

— i**" décembre. Id i53 

— 8 id. Id i56 

— 18 id. Saumaise 99 

— 29 id. Graevius i58 

1689. 17 janvier . . Id 160 

— 2 mars. ... Id 162 

— 7 id Basnage de Beauval 190 

— i5 id Graevius i63 

— 21 id Pagi 199 

— 22 id X 209 

— 22 id Nicolas . 232 

— 2 avril. . . . Spanheim io3 

— 19 mai .... Kûhn 23o 



Digitized by 



Google 



296 

1689. 



lôgi. 
1693. 



TABLE CHRONOLOGIQUE DES LETTRES. 

27 septembre. X 2i3 



1694. 



1695. 



1696 
1697 



29 novembre . 
27 décembre . 
i3 août. . . . 
19 janvier. . . 
5 février. . . 
12 mars . . • 
22 avril. . . . 

25 mai . . • . 
9 octobre . . 

18 mars . . . 

24 juillet . . . 

18 août. . . . 

4 octobre . . 

11 id. 

12 novembre. 
8 décembre . 

26 juillet . . . 
2 août. . . . 

29 id 

8 novembre . 
!•»• décembre . 
16 id. 
i3 août. . . . 
24 septembre. 



Id.. . . 
Id.. . . 

Norîs . 
Leibniz 
Bégon . 
Cuper . 



219 

221 

. . . , 22 

26 

i83 

235 

Spanheim 107 

Leibniz 3o 

Id 37 

Cuper 237 

Id 240 

Id 245 

Graevius 166 

Leibniz 41 

Abbé de Gondi ^ . 126 

Graevius 169 

Cuper 246 

Bégon 186 

Jean de Witt 85 

Michel 82 

Cuper 249 

Abbé de Gondi 128 

Thomassin de Mazaugues .... 177 

Leibniz 46 

— 6 novembre . Cuper 254 



1698. 



3o février. 
21 mai . • 

7 juin . . 

2 juillet . 
14 octobre 
18 janvier 

18 id. 



Leibniz 3o 

Bégon ; 187 

Leibniz 55 

Bégon 188 

Graevius 172 

Abbé de Gondi 1 29 

Bégon 189 



Digitized by 



Google 



1698. 10 mars 

— 3i id. 

— 3i îd. 

— 5 mai . 

— 8 id. . 

— 14 id. . 

— 24 juin . 

— 5 juillet 

1699. 2 janvier 

— 16 juin . 

— i'*" juillet 

— 21 id. 

— 24 id. 

— 16 août. 

— 21 novembre 

1700. 10 janvier . 



TABLE CHRONOLOGIQUE DES LETTRES. 297 

Bayle 227 

Spanheim iio 

Grasvius 174 

Spanheim ii3 

Jean de Witt 90 

Leibniz 62 

Id 68 

Spanheim 117 

Leibniz 69 

Id 74 

Cuper 267 

Bonjour loi 

Abbé de Gondi i3o 

Leibniz 79 

Galland 95 

Perizonius i34 



Digitized by 



Google 



TABLE ALPHABÉTIQUE 

DBS CORRESPONDANTS DE l'aBBÉ NICAISE QUI ONT ÉCRIT LES LETTRES 
CONTENUES DANS CE VOLUME 



Basnage de Beau val (Henri) 190 

Bayle (Pierre) 227 

Bégon (Michel) i83 

Bonjour (Guillaume, père) loi 

Colista (Lelio) 261 

Cuper (Gisbert) 235 

Galland (Antoine) ^ . . . . gS 

Gondi (Charles-Antoine, abbé de) 1 26 

Graevius (Joannes-Georgius) iSy 

Klihn (Joachim) 23o 

Leibniz 26 

Michel (Claude) 82 

Nicolas (Augustin) 282 

Noris (Henri, cardinal) 17 

Pagi (Antoine, père) 195 

Perizonius (Jacobus) i3i 

Saumaise, fils de Claude 99 

Spanheim (Ézéchiel) io3 

Suarez (Joseph-Marie) 121 

Thomassin de Mazaugues (Louis de) 177 

Witt (Jean H de) 85 

X 201 



Digitized by 



Google 



LETTRES INÉDITES 

DU CARDINAL MAZARIN 
AU CARDINAL ALPHONSE DE RICHELIEU 

ARCHEVÊQUE DE LYON 



Les trois lettres de Mazarîn, que nous avons trouvées dans 
un recueil de pièces manuscrites appartenant à la Bibliothèque 
de Lyon, nous paraissent inédites. La troisième, celle du 
21 février 1645, a été seulement anal3'sée par M. Chéruel 
d'après une copie conservée à Paris (i); les deux autres ne 
sont pas même mentionnées à leurs dates dans le volumi- 
neux répertoire de la correspondance du cardinal. 

Mazarin ayant été, pendant les dernières années de la vie 
d'Armand de Richelieu, le confident de ce grand ministre, qui 
le jugeait capable « d'exécuter tous ses projets et de conduire 
son œuvre à la perfection », il n'est pas étonnant que des rela- 
tions amicales se soient établies entre lui et le frère aîné de 
son illustre patron. Plusieurs lettres, déjà connues parce que 
M. Chéruel les a analysées, nous montraient combien ces 
relations étaient intimes. Alphonse de Richelieu envoyait à 
Mazarin de ce bonnes quantités de son vin de la Charité (2) » ; 
de son côté, Mazarin témoignait une bienveillance exception- 
nelle aux protégés du cardinal de Lyon (3). 

(i) Lettres de Majaririy t. II, p. 642. 

(2) Lettre de Mazarin du 4 mars 1644 (Chéruel, I, p. 886). 

(3) Lettre de Mazarin du 28 janvier 1644 (Chéruel, I, p. 884). Cf. 
Lettre du 28 mars 1644 (Chéruel, I, p. 888). 



Digitized by 



Google 



3oO LETTRES INÉDITES DU CARDINAL MAZARIN 

Les nouvelles lettres, en confirmant cette impression, nous 
apportent la preuve de la haute estime du ministre d'Anne 
d'Autriche pour l'ancien chartreux, qui, parvenu aux plus 
hautes dignités de l'Église, regrettait le temps où il était sim- 
plement dom Alphonse, et, se tenant à l'écart des intrigues, 
consacrait sa vie aux pauvres et aux malades. 

De nos trois lettres, deux, la première et la troisième, sont 
intéressantes pour l'histoire générale et méritent d'être inté- 
gralement publiées. Une simple analyse de la deuxième serait 
suflBsante ; mais cette pièce est très courte et nous la repro- 
duisons textuellement. 

E. Caillemer. 



I 

A Mgr. le OK de Lion (i). 

Monseigneur, 

J'ay receu la lettre dont il a plû à V. E. de m'honorer du 
23* du passé. Elle m'a tiré d'une grande inquiétude en 
m'apprenant son heureuse arriuée à Rome et en bonne santé, 
dont je me resjouis infiniment. Les l'res que nous en auions 
par l'ordre précèdent portoient l'aduis de son départ de Gennes 
il y auoit plus de douze jours et cependant on n'auoit nulles 
nouuelles qu'elle eust seulement passé à Ligourne. 

V. E. aura trouué a son arriuée les affaires en estât de se 
rebrouiller plus que jamais, sur les démolitions des fortiflfica- 
tions de Comacchio (2). Mais la Republique ayant enfin con- 

(1) Manuscrit 694, f* 200. 

(2) Le traité de Ferrare, dont le médiateur, au nom de la France, fut 
le cardinal Bichi, venait d'être conclu (3i mars 1644) entre le Pape et 
Odoard Farnèse, duc de Parme. Il s'agissait de retendre aux autres 
États italiens ligués contre le Pape, notamment à Venise. 



Digitized by 



Google 



AU CARDINAL ALPHONSE DE RICHELIEU. 3oi 

senty, selon les nouuelles que nous auons de Venise, que Ton 
passast outre a Texecution de la paix et que ce poinct demeu- 
rast indécis, pour estre mesme, en cas de besoing, jugé par le 
Roy, à qui elle s'en remet, je ne doubte point que ce party ne 
soit embrassé à Rome auec grand plaisir, puisqu'ils obtiennent 
présentement ce qu'ils auoient désiré, et ont obligé la Repub. 
a se relascher d'une prétention ou elle s'estoit engagée bien 
auant. En tout cas, si pour d'au'es fins on faisoit difficulté de 
consentir au lieu ou vous estes a un expédient si juste, sa Ma** 
entend que ses Ministres employent hautement son nom pour 
les y faire condescendre, ne voulant rien obmettre jusqu'au 
bout de ce qui pourra dépendre de ses soings pour donner 
à l'Italie son ancien repos. 

Nous auons eu cette sepmaine deux nouuelles bien impor- 
tantes dont je suis asseuré que V. E. aura grande satisfaction. 

La prem" la prise du fort S' Phlés (i), qui asseure au Roy 
celle de Grauelives, parceque tous les secours de la mer sont 
maintenant bouchés et que le bon estât de n*"* circonuallaon 
et la foiblesse des ennemys leur ostent le moyen d'y songer du 
costé de la terre. Tous les ofi*" qui nous escriuent du camp 
concourent que le Roy en sera maistre dans un mois du jour 
de l'ouuerture de la tranchée qui est aujourd'huy (2). 

La seconde que M. le Mar*^ de Turennes, ayant faict passer 
le Rhin a l'impourueu a quelques troupes de son armée (3), a 
defaict deux mille chevaulx, ayant combatu et rompu le gene- 



(i) Mazarin annonce au cardinal de Lyon la prise du fort Philippe, qui 
eut lieu dans la nuit du 12 au 1 3 juin 1644. Voir Chëruel, Histoire de 
France pendant la minorité de Louis X/V, t. I, 1879, p. 283. Cf. Lettres 
de Ma3[arin, I, p. 755. 

(2) Ces prévisions furent assez bien réalisées, car la place de Gravelines 
capitula le 28 juillet 1644. 

(3) C'est à Hufingen, à peu de distance des sources du Danube, que 
Turenne surprit la cavalerie de Mercy. Voir E. Charvériat, Histoire de la 
Guerre de Trente ans, 1878, t. II, p. 493. 



Digitized by 



Google 



302 LETTRES INEDITES DU CARDINAL MAZARIN 

ral Mercy qui a eu beaucoup de peine à se sauuer (i). Il a faict 
douze cens prisonniers, parmy lesquels il y a nombre d'off'" 
principaux et plus" mesmes de ceux qu'ils auoient à nous 
depuis l'accident de Tutlinguen (2). 

Les remerciemens que V. E. me faict ne sont pas si justes 
que les excuses que je luy doibs de la façon dont je m'asseure 
qu'elle aura esté seruye dans une maison ou je n'ay point esté 
depuis qu'elle est a moi et ou sans doubte tout aura manqué. 
Je conjure V. E. d'y compatir par sa bonté et de me croire 
cependant avec une passion qui ne peut s'esgaler, 
Monseigneur, son 

V" très humble et 

très obbeissant serviteur, 

Le Card^ Mazarini. 
A Ruel, le 16 juin 1644. 



(i) Dans une lettre de juin 1644 au duc d'Espernon (Lettres de Ma* 
s[arin, t. I, p. 786), Mazarin raconte ainsi cette heureuse expédition : 
« M. Le Mareschal de Turenne est allé enlever, à trente lieues de 
France, delà le Rhin, deux mille chevaux qui faisoient la teste de l'armée 
des Bavarois, avec dessein d'aller attaquer de là le quartier où estoit 
leur infanterie, sans l'avis qu'il eut des prisonniers, que la cavalerie enne- 
mie s'assembloit ce jour-là auprès de l'infanterie, ce qui l'obligea de se 
retirer. Il avoit conduit cette entreprise avec un secret et une diligence 
incroyables. » — La retraite de Turenne rendit malheureusement inutile 
ce beau fait d'armes ; car Mercy put aller aussitôt assiéger Fribourg. Voir 
E. Charvériat, La Bataille de Fribourg^ Lyon, i883, p. 6. 

(2) Ce que Mazarin appelle un accident fut un véritable désastre. Un 
corps d'armée, commandé par Rantzau, isolé dans Tutlingen, dut, en effet, 
se rendre à discrétion, le 24 novembre 1643, aux Impériaux dirigés par 
Mercy, Hatzfeld et Jean de Werth. Le taux de la rançon des prisonniers 
fut fixé à un chiffre très élevé, et Maximilien offrit à ceux qui ne pou- 
vaient pas se racheter de servir dans son armée. Tous les Français refu- 
sèrent; mais les mercenaires, allemands, italiens et écossais, acceptèrent. 
Voir E. Charvériat, Histoire de la Guerre de Trente ans^ 1878, t. II, 
p. 480. — Ce sont ces transfuges que Turenne fit à son tour prisonniers. 



Digitized by 



Google 



AU CARDINAL ALPHONSE DE RICHELIEU. 3o3 

II 

Monseigneur (i), 
Je n'ay pu refuser a des personnes que j*aflFectîonne de 
recommander à V. E. le s*" Brulart, dans l'occasion qu'elle aura 
de pourueoir a la recepte générale des hospitaulx et maladeries 
de France, qu'exerçoit le s*" Morestel (2), lequel est mort depuis 
peu de jours (3). Je prens d'autant plus volontiers cette liberté, 
qu'on m'asseure que led' Brulart aura moyen de donner plus 
de satisfaction a V. E. qu'aucun au'e, ayant acquis toute l'expé- 
rience qui y peut estre necess" pendant six ans qu'il a tra- 
uaillé a cela mesmes soubz le d' Morestel. Je prendray grande 
part, Monseigneur, a l'obligation qu'il aura a V. E., si elle a 
agréable de le gratifier dans ce rencontre. Cependant je la 
supplie de me croire toujours. 

Monseigneur, son 

Très humble êtres 

obbeissant seruiteur. 
Le Card^ Mazarini. 
A Paris, le 3* juin 1644. 

III 

A Monseig^. Le CardK de Lyon (4). 
Monseigneur, 
Bien qu'il ne se puisse rienaiouster à la satisfaction qu'on a 
icy de ce que vous auez fait à Rome pour l'honneur et le ser- 

(i) Manuscrit 694, f» 198. 

(2) Ce nom peut être lu Morel, Morest, ou Morestel. 

(3) Le cardinal Alphonse de Richelieu ëtait grand aumônier de France 
depuis le mois de mars i632. 

(4) Manuscrit 694, f» 199. 



Digitized by 



Google 



304 LETTRES INEDITES DU CARDINAL MAZARIN. 

uice de la France, cela neantmoîns n'a esté pour moy rien de 
nouueau. Je Tay considéré comme une chose qui vous estoit 
ordinaire, a quoy vostre Eminence ne pouuait manquer sans 
abandonner son naturel. Cela a obligé la Reyne de désirer que 
dans l'Assemblée que vous fairez tenir pour députer à la gène- • 
ralle du Clergé, vous vous fissiez nommer. Sa Majesté estant 
bienaise qu'une telle occasion luy donne moyen de vous tes- 
moignerpar elle-mesme l'estime qu'elle fait de vostre personne 
et la confiance qu'elle a en vostre zèle et en vostre conduite 
pour ce qui regarde le bien du seruice du Roy et les interests 
de son Estât (i). 

Elle sera aussi bien aise que vous fassiez nommer quelque 
Prélat pour vous estre adioint, qui soit animé du mesme esprit, 
et je pense que M' l'Euesque de Chaalons sera bien propre 
pour cela (2). Cependant j'attendray auec impatience le temps 
de vostre arriuée à la Cour, où j'auray l'honneur de vous 
renouueller les asseurances de l'ancienne et très véritable 
passion auec laquelle je suis et seray tousiours. 
Monseigneur, 

De V. Em. 

Très humble et très 
obbeissant serviteur. 

Le Card^ Mazarini. 
A Paris, ce XXI" fevr. 1645. 

(1) L'assemblée générale du clergé tenue à Paris en 1645 fut en effet 
présidée par le cardinal Alphonse de Richelieu, archevêque de Lyon. 

(2) L'évêque de Chalon-sur-Saône était alors Jacques de Neuchèze. 



Digitized by 



; Google 



NOTE SUR UN POINT RELATIF 

A LA 

BATAILLE DE LA MONTAGNE BLANCHE 

{HOHENLOHE ET HOLLACH) 

LUE A L'aCADÉHIE 0£S SCttIfCCS, UÏLLEfr-LETTKU rr A^TS DE LION 

m. E. CHARVÉRIAT 



L'orthographe des noms propres est une des difficultés de 
rhistoîre d'Allemagne, On y rencontre souvent, en effet, le 
même personnage désigné sous des noms différents, et on 
est quelquefois exposé par là à mettre en scène plusieurs 
acteurs au lieu d'un seul. Tant que la diversité ne consiste 
que dans le remplacement de certaines consonnes par des 
consonnes du même ordre, ou de certaines voyelles par 
d'autres, Terreur n*est guère possible. Ainsi, lorsqu'on 
trouve les mots : Taubald, Toubaiel, Tubadel^ Toiibaî, Tubal, 
Doubatel^ etc,^ comme les mutations de / en rf, d'à en o, â'ou 
en H n'ont rien d'inusité, on voit qu'il s'agit d'un même 
personnage, c'est-à-dire d'un colonel au service de la Suède, 
pont le véritable nom semble avoir été Taupadeî. 

Mais les questions d'identité ne sont pas toujours aussi 
faciles à résoudre. 

Acadimit dt L/w, classe du Lettres. 30 



Digitized by 



Google 



3o6 NOTE. 

On trouve dans divers ouvrages, comme figurant, du côté 
des Bohémiens, à la bataille de la Montagne-Blanche du 
8 novembre 1620, un maréchal de camp nommé Hohenlohe, 
et un général commandant l'aile gauche appelé Hollach. 
Hohenlohe et Hollach sont-ils le même personnage ? 

D'après trois historiens allemands, Schreiber(i),Muller(2), 
du Jarrys, baron de la Roche (3), ce seraient deux person- 
nages différents. Ces auteurs les nomment, en efifet, tous les 
deux, non-seulement dans le récit de la même bataille, ou 
dans une même page, mais dans une même phrase. Ainsi, 
du Jarrys écrit (I, p. 53) : « L'armée bohémienne était com- 
mandée, sous le prince Christian d'Anhalt, par les comtes 
de Hohenlohe^ Thurn, de Solms, de Hollach^ et le jeune 
prince d'Anhalt. » 

C'est une erreur : Hohenlohe et Hollach désignent le 
mêmç personnage et sont le même nom sous deux formes 
dififérentes. Hurter (4), Gindely (5), Heilmann (6) et Krebs (7), 
le dernier auteur qui se soit occupé de] la bataille de la 
Montagne-Blanche, ne parlent que de Hohenlohe. C'est lui 
qui est à la fois maréchal de camp et commandant de l'aile 
gauche (8). 

De plus, les états de troupes donnés par les différentes 
relations mentionnent Hohenlohe ou Hollach, sans jamais 

(i) ScHREiBER. Maximilian I, MUnchen, 1868, p. 223-228. 

(2) MûLLER. F'ùnf Bûcher vom bohmischen Kriege, Dresden und Leipzig, 

1841, p. 434- 

(3) Carl du Jarrys, Freiherr von La Roche. Der dreissigjahrige 
Krieg. Schafïhausen, 1 848-1 852, I, 48, 5i, 53, 56. 

(4) Hurter. Geschichte Kaiser Ferdinands IL Schaffhausen, 1857, I, 
528, 53o. 

(5) Gindely. Geschichte des dreissi g jahrigen Krieges, Prag., 1878,111, 
329 s. 

(6) Heilmann. Kriegsgeschichte von Bayern^ etc. MUnchen, 1868, II, 
76 s. 

(7) Krebs. Die Schlacht am weissen Berge bei Prag. Breslau, 1879. 

(8) L'aile droite, d'après Schreiber, p. 228. 



Digitized by 



Google 



NOTE. 307 

réunîr ces deux noms, et le nombre ainsi que l'espèce et la 
position des troupes que commande Hohenlohe, d'après un 
état, sont le plus souvent les mêmes que ceux des troupes 
que commande Hollach, d'après un autre état. Le corps de 
troupes étant le même, son chef aussi doit être le même ; il 
est seulement désigné sous deux noms différents. 

George-Frédéric de Hohenlohe était un comte d'Empire 
souabe, que les directeurs de Bohême avaient appelé à leur 
aide, sur la recommandation de Télccteur palatin, et auquel 
ils avaient donné le commandement en second de leur 
armée, te prince Christian d'Anhalt étant général en chef (i)> 
Il contribua à la défaite des Bohémiens, d^abord en les 
empêchant d'attaquer les Austro-Bavarois au passage du 
Littowitz (2), et, ensuite, en commandant mal Taile gauche 
qu'Anhak lut avait confiée (3). Il fut mis au ban de TEmpire, 
le 22 janvier 1621, en même temps que l'électeur palatin et 
Anhalt {4), 

M. Gindely a publié un grand nombre de relations de la 
bataille de la Montagne-Blanche (5). Écrites en diverses lan- 
gues : allemand, anglais, tchèque, latin, français, espagnol, 
elles donnent au comte de Hohenlohe les noms les plus 
variés ; Hohenlohe, Hollach^ Hollac ^ Holloc, Hollachu^ 
NoUocke^ Olac^ etc., auxquels on peut ajouter, d'après 



(i) Krebs. Die Schlacht^ etc., p. 3. — Krebs Christian von Anhalt, etc. 
Leipzig, 1872, 56-57. 

(2) Krebs. Die Schlacht, p. 92. 

(3) Idem^ p. 104. 

(4) Gindely. Geschichte etc, I II, 425. 

M. Krebs critique très-vivemcat, et, ce semble, avec assez d'injustice , 
rhistoire de la guerre de Trente ans de M, Gindely (v. Die Schlacht, 
p. 59, note, et p. 1 59 et s.). Il aurait pu aussi être moins sévère pour Tilîy et 
nous donner un meilleur plan de la bataille. 

On doit reconnaîlre^ toutefois^ la haute valeur de son ouvrage, et il 
serait à désirer que toutes les batailles de la guerre de Trente ans de- 
vinssent le sujet de pareils travaux. 

(5) Gindely. Die Berichte ûber die Schlacht auf dem weissen Berge. 
Wien, 1877. 



Digitized by 



Google 



3o8 NOTE. 

M. Brendel (i), le nom de Hoheloch^ qui servirait de pas- 
sage entre les deux formes Hohenlohe et Hollach. Il est 
difficile de déterminer à quelle langue appartiennent ces 
formes diverses. Peut-être pourrait-on rattacher Hohenlohe 
à rallemand et Hollach au tchèque. 

En résumé, si ces deux formes d'un même nom n'avaient 
pas trompé plusieurs historiens allemands et ne leur avaient 
pas fait voir deux personnages là où il n'y en avait qu'un 
seul, elles n'offriraient d'autre intérêt que celui qui s'attache 
à un simple exemple de permutation de lettres. Mais l'erreur 
qu'elles ont causée leur donne une certaine importance (2). 

Quoi qu'il en soit, la forme Hohenlohe semble l'avoir 
définitivement emporté. La maison de Hohenlohe est au- 
jourd'hui représentée en Allemagne par de nombreuses 
branches, et aucune d'elles n'a conservé le nom de Hollach. 



(i) Brbndkl. Die Schlacht am weissen Berge bei Prag, Halle, 1875. 

Le colonel, puis général Henri Holk, qui servit pendant la guerre de 
Trente ans le Danemark et Tempereur, se rattacherait-il à la Emilie de 
Hohenlohe ? 

(2) M. Brendel signale, dans une note, Terreur de Schreiber et de 
MUller (Die Schlacht^ etc., p. 87) ; celle de l'historien militaire du Jarrys 
de la Roche lui a échappé. Je cite MUller d'après Brendel. 



Digitized by 



Google 



LES IDÉES NOUVELLES 

EN ÉCONOMIE POLITIQUE 



J.-C.-Taul %0UGIER 

Avocat, Professeur à la Faculté de droit de Lyon. 



CHAPITRE PREMIER 

DES DIVERGENCES DANS LES DOCTRINES ÉCONOMIQUES 



SostiiAimi. « L Causas dec attaques dîrigici contre l'économto polUîqtie, — Elles tlettacnT «i 
partjc iui fiauiofi} que louJtvq Le prûbJèmi: Je U ré punition Jet ricKesBeSi 

H. Résumé des dactrinet das&iqucs sur « tujeï* — Auaque* dont oUei sont l'ûbjel.-*DMlrlocs 
peiïîmi»te». — L« tisy^pliiirfle. ^ Le lûciAlkme aciud- 

Ul. ProieiUtioni contraires. — Conclusion» opti misiez de la ConiïnJisioii pftfkniefltajre de I&7S. 

— Coînd 11*100 s analogues du livre àc M. P^ t^croy-BeauHeù sur lo répûrtition des ricbesaci. 
^- Sei critiques ■cieatlÉquea des doctrines cluiique* sttt U p^ptilïtion, la rente do k terre et k 
ftftUire. 

IV. Crîtîquci philoiophique* de M. Charles Pcrîn tur î«fl duetrineiévroDOrnique* depuis un liècle. 

— Du parti à prendre çntie ce* 'jpiïiicas divergent e»| paKiculièfcmcût en ce qui tuuche la répaiti- 
tlon dei rif besÉes, 

1 

Parmi les sciences dont la civilisation moderne a le plus 
favorisé répanouisscment , il n*en est pas qui ait plus 
préoccupé, et parfois plus inquiété Topinion publique que 
réconomie politique. Il n*en est pas non plus dont on ait dis- 
cuté davantage et avec plus d'âpreté rimportance et le 
caractère. 

Académie de L/on, classe des Lettres, 31 



Digitized by 



Google 



3 10 LES IDÉES NOUVELLES 

Les attaques dirigées contre Téconoinie politique, les diver- 
gences qui se sont accusées même parmi ses adeptes s'expli- 
quent quand on songe que, née de l'observation et du raison- 
nement, elle date en quelque sorte d'hier, et que, d'autre 
part, elle touche à ce qui nous est le plus précieux, à nos 
moyens d'existence, à la richesse dont elle entend régler 
la production , la distribution et l'emploi ; cependant il 
est reconnu aujourd'hui, grâce à J.-B. Say, que la science 
économique a pour domaine légitime la réponse à ces quatre 
questions : D'où vient la richesse ? comment circule-t-elle ? 
entre quelles mains se répartit-elle ? quel emploi en est-il 
fait? De là cette division classique de la science qui rallie à 
peu près tous ses adeptes : Production, Circulation, Répar- 
tition, Consommation de la richesse. Mais, parmi ces quatre 
termes, il en est deux dont l'importance semble particulière. 

On conçoit, en effet, qu'à nos besoins incessants il faut 
tout d'abord répondre par la production agricole et indus- 
trielle, et que les conditions de son développement soient 
l'objet d'une première étude. Mais on ne tarde pas à se 
demander quelle part doit être faite à chaque homme sur 
l'ensemble des produits. En d'autres termes, comment doit 
se répartir la richesse ? Et cette question s'impose d'autant 
plus en présence de l'inégalité flagrante des conditions et de 
l'âpreté des plaintes qu'elle soulève; qu'importe, en effet, 
que l'humanité sache créer des richesses si, par suite d'une 
injuste répartition, les moyens de vivre manquent aux uns 
et affluent surabondamment aux autres! Sans doute, il faut 
étudier par quelle voie la richesse peut aisément circuler, 
s'échanger et se mettre à la disposition des consommateurs ; 
il n'est pas moins utile de rechercher les principes qui 
doivent régler son emploi, afin d'empêcher qu'entre les 
mains de ceux qui en jouissent la richesse ne se dissipe en 
consommations stériles. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POUTIQUE. 3 I I 

Mais rétude de la circulation et de la consommation des 
produits, quel que soit son intérêt, s'efiFace devant le pro- 
blème de leur équitable répartition, c'est là, en quelque 
sorte, le point culminant de l'économie politique, le but final 
auquel elle tend. C'est aussi celui qui semble avoir été le 
moins étudié. 

Parmi les diverses parties de la science économique, quel- 
ques-unes, en effet, ont été jusqu'à ce jour Tobjet d'innom- 
brables recherches. 

Les premiers économistes, Ad. Smith, J,-B. Say et leurs 
successeurs ont excellé dans la description des éléments de 
la production et du précieux concours que lui apportent les 
agents naturels, le capital, la liberté industrielle, la division 
du travail, l'emploi des machines, la concurrence, etc. 

Des ouvrages plus récents ont fait ressortir, à rencontre 
d'attaques tou)ours renaissantes, le rôle du capital en même 
temps que la nécessité de l'épargne, Timportance des con- 
sommations utiles et les dangers des dépenses stériles. Un 
concours ouvert, it y a peu d*années, par l'Académie des 
sciences morales et politiques, a eu pour heureux résultat la 
publication d'un livre qui^ sous ce titre : Épargne et capital 
ou du Meilleur emploi de la richesse^ résume tout ce que» 
d'après l'histoire, Tobservatton des faits et les doctrines 
diverses, la science économique a formulé sur tes fonctions 
du capital et sur la consommation des richesses, 

La part qui en revient à TÉtat sous forme de contributions 
ou d'emprunts a été aussi scrutée, analysée par d'cminents 
publicistes. Les traités sur les impôts et sur le crédit des 
États ont créé une science financière dont l'existence avait 
été longtemps niée ou combattue par les gouvernements 
eux-mêmes, toujours intéressés, les meilleurs comme les 
pires, à recourir à des expédiées commodes plutôt qu'aux 
voies et moyens réguliers et méthodiques que la doctrine est 
parvenue à formuler* 



Digitized by 



Google 



3 12 LES IDÉES NOUVELLES 

La circulation a inspiré aussi des publications minutieuses 
sur les lois de l'échange, la valeur, les prix, la liberté com- 
merciale, les tarifs de douane, les traités de commerce et les 
moyens presque sans limites de transmission de la richesse 
par la monnaie et le crédit. On peut croire qu'en ces matières 
les théories ont presque dit leur dernier mot. Les moyens 
d'application et leur opportunité semblent seuls désormais 
en discussion. 

Il en est autrement de la répartition de la richesse. 

II 

Entre ceux qui ne possèdent pas et ceux qui possèdent, 
l'abîme reste béant. Tout ce qui a été écrit sur la propriété, 
sur la rémunération de la terre, du capital, du travail, et, 
enfin, sur le paupérisme, n'empêche pas que la question de 
la répartition des richesses ne soit le problème permanent, 
toujours posé quand on croit l'avoir résolu, celui où les don- 
nées les plus sûres de l'observation et de la science risquent 
incessamment d'être méconnues par les intérêts en souf- 
france. 

La juste répartition des richesses reste donc bien la ques- 
tion capitale pour les sociétés , le but auxquels doivent tendre 
toujours les efforts des philosophes et des économistes, de 
tous ceux qui, à des titres divers, se préoccupent de la 
vie des peuples et de la destinée matérielle et morale des 
individus. 

Malheureusement, depuis quelques années, des divergences 
profondes se sont élevées dans la science économique sur la 
manière d'envisager et de résoudre le problème. 

Les formules de Turgot et de l'école anglaise sur les 
éléments du salaire, celles de Ricardo sur la rente de la terre, 
celles de Malthus sur la population ont d'abord prédominé 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 3l3 

sans trop de contestations. Si on y ajoute les principes vrais 
en eux-mêmes de la liberté du travail et de la liberté des 
échanges, sans tenir compte toutefois des effets que ces 
libertés illimitées pourraient avoir , transitoirement au 
moins, sur le sort d'un certain nombre, on a sur la répar- 
tition des richesses toute la doctrine économique des premiers 
maîtres. 

Ni les protestations erronées de Sismondi qui,s*en prenant 
à la liberté, croyait devoir la rendre responsable des égare- 
ments de rintérêt personnel, et s'éleva contre l'emploi des 
machines parce qu'il les considérait à tort comme appelées à 
développer la production au-delà des besoins et à réduire 
nécessairement la part du travail; ni les critiques, les 
alarmes, les aspirations généreuses mais vagues de MM- de 
Gcrando, Joseph Droz et de Villeneuvc-Bargemond ne sont 
parvenues à amoindrir les doctrines primitives de Turgot, 
d'Adam Smith, de Ricardo et de Malthus. 

Mais, avec le temps, des attaques plus véhémentes se sont 
produites. Si Ton en croit un certain nombre d*économistes, 
principalement anglais et allemands, le merveilleux dévelop- 
pement de la richesse publique auquel nous assistons depuis 
un siècle n'aurait eu pour résultat que d'accroître le luxe et 
la jouissance de la classe privilégiée, de celle qui fait tra- 
vailler, mais n'aurait rien ajouté au bien-être de ceux qui 
travaillent. L'industrie manufacturière agglomérée, l'exces- 
sive division, et, par conséquent, l'excessive spécialité du 
travail, la concurrence indéfinie au dedans et au dehors, la 
puissance de l'association qui ne profiterait guère qu'aux 
gros capitalistes, la spéculation qui devient universelle et les 
facilités nouvelles qu'elle trouve: toutes ces circonstances 
caractéristiques de notre temps n'aboutiraient, sous l'empire 
des vieilles lois économiques, qu'à Tinstabilité et à la misère 
pour les uns et à Tenrichissement exclusif et souvent immé< 



Digitized by 



Google 



3 14 LES IDÉES NOUVELLES 

rite pour les autres. De telle sorte qu'avec la liberté prônée 
par une science fausse ou surannée on arriverait à ce résultat 
inévitable qu'on a défini dans la formule suivante : « Les 
riches deviennent chaque jour plus riches et les pauvres 
chaque jour plus pauvres», ce que le peuple exprime par ce 
mot vulgaire mais expressif que, quoi qu'on fasse, « Teau va 
toujours à la rivière ». 

Pour les pessimistes qui, sciemment ou non, marchent à 
la suite des socialistes allemands, rien ne serait plus vrai 
que cette formule dans laquelle il faut voir la conséquence 
des principes économiques sur les salaires admis par Turgot 
et par Técole anglaise ; loi inique, loi d'airain a dit T Allemand 
Lassalle, d'après laquelle il doit arriver, et il arrive que le 
salaire de l'ouvrier ne peut dépasser ce qui lui est nécessaire 
pour se procurer sa subsistance. 

La société tournerait ainsi dans un même cercle, courant 
à la suite d'un progrès qu'elle n'atteint jamais. Cet effort 
impuissant de l'homme qui, par les machines, croit trouver 
les moyens d'abréger sa peine, et dont la peine ni la misère 
en fin de compte ne sont pas moindres, ce mal de l'industrie 
moderne qui n'est autre chose que l'impuissant labeur de 
Sysiphe, et qu'on a dès lors appelé « le Sysiphisme>>^ com- 
ment y remédier, si ce n'est par un changement radical des 
conditions économiques actuelles , c'est-à-dire par le socia- 
lisme révolutionnaire, ou, tout au moins, par l'action de 
l'État ? Ici les formules abondent, depuis le collectivisme (mot 
ingénieux qui déguise la confiscation et le communisme) 
jusqu'à l'intervention sous les formes les plus multiples, de 
l'État, appelé à devenir détenteur du capital et des machines, 
et subventionnant ou commanditant l'industrie ouvrière, 
dont le rêve est de s'affranchir du recours à l'entrepreneur 
et au capitaliste. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 3l5 



III 

A cette école pessimiste dont les adeptes vont croissant, se 
recrutant aisément dans les masses inconscientes, bien qu'au 
point de vue des solutions qu'ils poursuivent ou espèrent, de 
nombreuses nuances les distinguent, on peut opposer des 
affirmations absolument contraires. 

Sans dire qu'il existe en France, à proprement parler, une 
école économique optimiste, il faut cependant compter, tout 
d'abord, avec les constatations de Tenquête parlementaire de 
1872-1875, résumées dans le rapport de M. Ducarre. 

Il en résulte que : dans la petite industrie, pour un patron 
on rencontre en moyenne moins de deux ouvriers, lesquels 
deviennent à leur tour patrons, artisans ou petits industriels; 
dans la grande industrie, s'il y a environ six ou huit ou- 
vriers par usine ou par patron, beaucoup d'entr'eux devien- 
nent contre-maîtres, ou intéressés, ou directeurs, ou associés 
dans la moyenne industrie, ou bien dans la grande usine quit- 
tent le travail à la journée pour la production aux pièces, à la 
tâche, à la façon, dans laquelle se développent leur initiative 
industrielle et, en même temps, leur bien-être et leur indépen- 
dance* 

Suivant la même enquête, les machines, jadis privilège de 
ta grande industrie, diminueraient de volume et de prix, se 
vulgariseraient, se répandraient dans la moyenne et la petite 
industrie. Enfin, même pour les travailleurs qui restent sala- 
riés, la situation ne serait plus ce qu'elle était au milieu du 
siècle, puisque la statistique accuse, en 20 ans, une moyenne 
de 40 7»i soit 2 */û de hausse par année sur les salaires; d*où 
la conclusion que la ci question ouvrière «, envisagée scien- 
tifiquement, perd de son importance ; si elle apparaît, en fait, 
parfois même bruyamment, ce n'est que dans certains grands 



Digitized by 



Google 



3l6 LES IDÉES NOUVELLES 

centres, et encore sous l'influence accidentelle de circons- 
tances locales, ou transitoires, ou politiques; dès lors, en 
laissant Touvrier sous le régime de la liberté individuelle, on 
ne fait tort à personne ^ il y a place au soleil pour tous ceux 
qui recourent aux véritables et uniques sources de la ri- 
chesse, c'est-à-dire au travail. 

Les conclusions du rapport de M. Ducarre ont, à la vérité, 
fait surgir bien des protestations, mais voilà qu'un livre 
rempli de faits et d'idées, récemment publié sous ce titre : 
Essai sur la répartition des richesses et sur la tendance à 
une moindre inégalité des conditions^ tient un langage analo- 
logue. 

Suivant l'auteur, M. Paul Leroy-Beaulieu, que l'on peut 
désormais considérer comme le chef en France de ce qu'on 
appellerait l'Ecole optimiste, il faut considérer que « nous sor- 
tons de la période chaotique de la grande industrie, période 
de transformations, d'agitation, de souffrances, de tâtonne- 
ments qui ont effrayé, à bon droit, Sismondi, Villermé, 
Blanqui l'aîné, et tant d'autres. Ces maux étaient de nature 
temporaire; s'ils n'ont pas encore tous disparu, ils sont en 
train de disparaître. La société moderne reprend sa marche 
vers un état qui sera caractérisé par une beaucoup moins 
grande inégalité des conditions. La question sociale, en temps 
qu'elle est résoluble, se résoudra d'elle-même, graduellement, 
par l'action continue des grandes causes économiques qui 
sont depuis quelques années en travail. Toute action révolu- 
tionnaire de l'Etat pour hâter ce mouvement ne saurait que 
l'entraver et le retarder. » 

Nons serions ainsi bien loin des perspectives désolantes et 
des solutions autoritaires des économistes allemands. Mais ce 
qui rend originale et intéressante au plus haut point l'œuvre 
de M. Paul Leroy-Beaulieu, c'est que, s'attaquant avec indé- 
pendance à l'économie politique orthodoxe et classique, il 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. Siy 

prend à tâche de détruire certains principes de Turgot et de 
TEcole anglaise sur la répartition des richesses, jusqu'ici vé- 
nérés, et enseignés, sous certains tempéraments, par la plu- 
part des économistes français. 

Ainsi il ne faudrait pas s'en tenir aveuglément aux théories 
de Turgot, de Malthus, de Ricardo et de Stuart Mill, sur la 
population, la rente de la terre et le salaire. L'expérience les 
a condamnés. A nouveaux faits, nouveaux conseils ; et les 
faits nouveaux, il faut bien le reconnaître, sont mis en relief 
par M. Leroy-Beaulieu avec une précision et une clarté qui 
ne permettent guère de douter de la justesse de son verdict. 

IV 

Nous aurions donc beaucoup à rabattre de notre admira- 
tion pour quelques-uns des fondateurs les plus illustres de 
la science économique. Mais là ne se bornerait pas le nau- 
frage de nos croyances économiques. Une autre voix se fait 
entendre, suivant laquelle ce n'est pas seulement à quelques 
principes de la science classique et orthodoxe qu'il faudrait 
renoncer, il y aurait à reprendre les affirmations des maîtres, 
depuis Adam Smîth, sans en excepter chez nous J.-B* Say^ 
et à distinguer soigneusement le bon grain de l'ivraie qui 
s'y confondent. Entre les vérités de fait auxquelles l'obser- 
vation les a très-justement conduits, et les erreurs de doc- 
trine qu'une fausse philosophie leur a inspirées, il y aurait 
à faire une sélection; et ce devoir est imposé par les erreurs 
mêmes dans lesquelles sont tombés les socialistes allemands 
et leurs adeptes cosmopolites, dont le nombre s'accroît par- 
tout. C'est, en effet, aux doctrines qu'il faut toujours deman- 
der compte des souffrances ou des prospérités des sociétés. 

Or, si le socialisme, après s'être dérobé quelque temps 
au regard sous le coup des défaites qui ont suivi ses succès 



Digitized by 



Google 



3l8 LES IDÉES NOUVELLES 

de 1848, reparaît aujourd'hui, surtout en Allemagne, moins 
utopique, plus méthodique et, dès lors, plus formidable, 
c'est qu'à côté du mal social, il existe, dans les esprits, un 
mal moral auquel les doctrines économiques dites ortho- 
doxes ont elles-mêmes contribué par leurs liens étroits avec 
les principes de la philosophie sensualiste. 

Il faut remonter le courant et ne conserver de l'économie 
politique que celles de ses affirmations et de ses déductions 
qui, en ramenant l'homme en face de sa destinée morale, 
peuvent, sans l'en détourner, le faire arriver à son perfection- 
nement matériel qui est l'une des fins légitimes, mais non la 
seule, de son existence présente. 

Aussi, c'est en se rattachant sinon à toutes les idées de 
M. Le Play et à ses projets complets de réorganisation de la 
famille, tout au moins à la nécessité d'une réforme morale 
et sociale dans laquelle entreraient désormais le respect et 
l'observation du Décalogue que M. Charles Périn, professeur 
de l'Université de Louvain, a publié à son tour sous le titre : 
Les Doctrines économiques depuis un siècle , un examen cri- 
tique des théories émises jusqu'à ce jour par les maîtres de 
la science. 

L'œuvre est consciencieuse et elle émane d'un homme qui 
n'est ni un contempteur ni un ennemi systématique de 
l'économie politique, dont il veut au contraire la large diffu- 
sion sous l'influence du christianisme. 

Les divergences, on le voit, sont donc profondes, et l'éco- 
nomie politique jusqu'ici déclarée classique et orthodoxe est 
battue en brèche de divers côtés par des adversaires dont les 
uns veulent sa ruine, d'autres seulement sa réforme par suite 
de l'observation de nouveaux faits et l'abandon de quelques 
lois surannées ; d'autres, enfin, le redressement dans ses ten- 
dances morales et philosophiques. 

« On comprendra, — disait récemment, dans la Revue des 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. Sig 

Deux Mondes^ un spirituel écrivain , — qu'en présence de 
cette anarchie quelqu'un qui n'a point l'honneur d'être éco- 
nomiste ne se hasarde pas à donner son opinion. » 

C'est là une fin de non-recevoir qui permet à M. d'Haus- 
sonville d'échapper à une tâche difficile pour laquelle il au- 
rait eu toute compétence, et de se consacrer aux monogra- 
phies si intéressantes qu'il publie sur l'indigence à Paris. 

Il y a, en effet, parallèlement à la recherche des principes 
économiques, des études non moins nécessaires à poursuivre 
sur les misères morales et matérielles, et les institutions de 
prévoyance ou d'assistance qui peuvent les prévenir ou y 
remédier. Ce n'est pas la tâche que nous croyons ici , après 
ravoir tentée ailleurs, devoir en ce moment reprendre. C'est 
là un des chapitres, et des plus importants, de Téconomie 
politique; maïs nous considérons qu'il y a urgence d'étudier 
les divergences signalées plus haut sur le fond même de la 
science, et à voir si, ayant à tenir compte de faits nouveaux 
ou ayant méconnu des vérités d^ordre moral, elle doit revenir 
sur ses affirmations et modifier ses conclusions et ses ten- 
dances. 

Voyons d'abord quels faits ont échappé aux maîtres de la 
science et sont déniés par les pessimistes qui ne voient le 
salut que dans le socialisme. 

Le livre de M. Paul Leroy-Beaulicu va nous servir de base 
pour cette première étude. 

Les personnes les plus étrangères aux études économiques 
n'ont qu'à jeter un regard autour d'elles pour constater que 
dans la société actuelle chacun vit du salaire de son travail 
ou de la rente de ses immeubles, ou de Vîntérêt de ses 
capitaux. 

Quelles que soient les complications que puisse offrir la 
production de la richesse, tout y revient à une somme géné- 
rale de rentes, de salaire ou d'intérêts; on le comprend aisé- 



Digitized by 



Google 



320 LES IDÉES NOUVELLES 

ment quand on considère qu'il n'y a pas d'autres forces 
productives que le travail , le capital et la terre, avec les 
matières premières et les forces diverses qu'elle nous offre, 
et comme chacun de ces agents, en concourant à la produc- 
tion, doit en retirer une rémunération, il est tout naturel que 
du concours de sa terre à la production le propriétaire 
retire une rente comme le capitaliste un intérêt de son 
capital , et le travailleur, quel qu'il soit , un salaire de son 
travail. 

La question est de savoir si la répartition se fait entre eux 
équitablement. 

Actuellement , l'importance en est déterminée par la libre 
concurrence et les mouvements de l'offre et de la demande. 
Là où la terre cultivable et où les agents naturels sont rares ; 
là où les capitaux sont peu nombreux, les rentes et les inté- 
rêts sont élevés ; là où ils abondent , le fermage de la terre 
s'abaisse, les intérêts des capitaux diminuent. Il en est de 
même pour le travail, en quelque ordre qu'il s'exerce. S'il y 
a surabondance de médecins, d'avocats, d'architectes, quelle 
concurrence va exister entre eux et combien s'abaissera ou 
s'annihilera même pour un certain nombre le profit de leur 
profession ! 

Que ce soit le nombre des ouvriers qui s'étende ou se 
restreigne, on assistera à de semblables variations dans les 
salaires, suivant la formule bien connue de Richard Cobden : 
if Quand deux patrons courent après un ouvrier, le salaire 
s'élève; quand deux ouvriers courent après un patron, le 
salaire baisse. » 

En fait, la production sociale, comprenant l'ensemble des 
entreprises particulières, peut être considérée comme une 
seule et même entreprise dans laquelle chaque agent (terre, 
capital ou travail) vient prendre la part proportionnelle à son 
concours. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 33 1 

La formule des saint simoniens : « A chacun selon ses 
capacités , à chaque capacité selon ses œuvres » ; vieille 
comme le monde, existait bien avant eux. Leur prétention 
était seulement d'en soustraire l'application à l'action de la 
libre concurrence, et d'en faire la dévolution à l'État (repré- 
senté pour eux par une sorte de pontife social). 

Mais l'action de la libre concurrence amène-t-elle toujours 
ce résultat exact de l'attribution à chacun de ce qui lui est 
strictement dû ? 

Le propriétaire et le capitaliste ne sont-ils pas bien plus en 
mesure que le salarié de se réserver, d'attendre et de faire 
prévaloir leurs prétentions î n'y a-t-il pas pour eux une 
situation privilégiée qui leur permet d'exercer une prédomi- 
nance, une tyrannie, si Ton veut, dont le travail est le plus 
souvent la victime? S'il en est ainsi, ne faut-il pas soustraire 
celui-ci à cette loi décevante de la libre concurrence qui se 
retourne contre lui î 

Voilà le problème dans les termes où il est communément 
posé. 

Mais il ne saurait être résolu en quelques mots et en 
quelque sorte en bloc. 

Il faut voir ses éléments de plus près; distinguer les 
situations ; étudier la part actuelle et réelle des propriétaires 
fonciers, celle des propriétaires urbains, celle des capitalistes 
ou rentiers, celle des entrepreneurs, celle des ouvriers, 
celle des fonctionnaires et des professions libérales, et c'est 
alors seulement qu'on peut mesurer les prétendues inégalités 
sociales et discerner de quel côté sont aujourd'hui les privi- 
lèges et à qui profitent les progrès de la civilisation. 



Digitized by 



Google 



322 LES IDÉES NOUVELLES 



CHAPITRE II 

LES IDÉES ÉCONOMIQUES NOUVELLES SUR LA PROPRIÉTÉ RURALE 
ET LA RENTE FONCIERE 



Sommaire. — I. Questions à résoudre sur cette matière. — Origine et légitimité de la propriété 
foncière. — Ses adversaires. — Doctrines de M. de Laveleye. — Justification de la propriété indi- 
viduelle par MM. P. Leroy-Beaulieu et Batbie, fondée sur son utilité sociale. 

II. En quoi cette justification est insuffisante. — De la nécessité de faire remonter l'origine de la 
propriété au travail de Thomme. 

III. Caractère particulier du revenu foncier. — > Causes de Tobscurité du problème de la rente 
foncière. — Théorie de Ricardo : f* cause de rente : supériorité naturelle de certaines terres; — 
3* cause : supériorité de situation; 3* cause : infériorité de rendement des capitaux nouvellement 
incorporés au sol. — Conséquences : situation privilégiée du propriétaire. 

IV. Comment Proudhon fait de cette doctrine le point de départ de son attaque contre le revenu 
foncier et le droit de propriété. — Faible réponse de Bastiat ; il croit devoir bien inutilement répu- 
dier la théorie de Ricardo. •— Côté plus vulnérable de cette théorie signalé par Carey, de Phila- 
delphie, et par Hipp. Passy. — Dans quelle mesure la théorie de Ricardo est admise aujourd'hui 
par les économistes, et comment ils considèrent que sa portée pratique disparaît. 

V. Faits nouveaux constatés par M. P. Leroy-Beaulieu. — Ce qu'il faut penser de la plus-value 
de la rente foncière en Angleterre, en Belgique et en France. — Faits qui démontrent que son 
importance réelle est bien inférieure à son augmentation apparente. — Influence des capitaux 
énormes consacrés aux améliorations agricoles. — Décroissance du rapport du revenu brut au 
revenu réel* •— La quote-part perçue sur les prix de vente des produits va en diminuant pour les 
propriétaires, et en augmentant pour les fermiers et les ouvriers agricoles. 

VI. Le privilège de la situation comme celui de la fécondité disparaît pour le propriétaire 
européen. — Influence du peuplement des contrées neuves et des facilités de communication. — 
Loi économique nouvelle : la rente de la terre dans le vieux monde ne peut dépasser le montant 
des frais de transport des produits des contrées lointaines. — Importance des frais de l'agriculture 
américaine et de Tagriculture européenne. 

VII. Comment le propriétaire européen peut réagir contre la concurrence des contrées lointai- 
nes. — Le législateur n'a pas à intervenir pour maintenir le niveau des fermages. — Réduction 
inévitable du revenu des grands propriétaires. — Modifications qui s'imposent à la culture euro- 
péenne. — Préférence à donner à la culture des produits fins et perfectionnés. — Exemples. 

VIII. Prévisions sur la répartition et la tenure de la propriété. — Diminution des grands pro- 
priétaires. — Faveur probable de la moyenne et de la petite propriété. — Apparition des syndicats 
et de la société anonyme ou en commandite dans l'agriculture. — Réunion de l'exploitation et de la 
propriété dans les mêmes mains. — Rôle nouveau de la bourgeoisie rurale. — Moindre inégalité de 
conditions dans les campagnes. 

I 

La situation du propriétaire foncier soulève trois ques- 
tions principales : 

I* Quelle est la légitimité de sbn droit de propriété ? 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 323 

2® Quels sont les caractères du revenu foncier ? 

3* Quels sont les effets de la concurrence des contrées 
nouvelles sur Tessor des propriétaires européens ? 

L'origine et la légitimité de la propriété foncière semblent, 
au premier coup d'œil , n'avoir besoin chez nous d'aucune 
justification. 

Les revendications même les plus ardentes de ceux qui 
en sont dépourvus ne sauraient guère inquiéter les 12 mil- 
lions et demi de propriétaires , grands ou petits , entre les- 
quels, suivant le recensement de 1876, se partagent les 
53 millions d'hectares qui forment le sol cultivable de la 
France. Si l'on considère que, sur ces 12 millions et demi, 
il en est 10 millions 620 mille cultivant eux-mêmes leur 
terre, qui savent quels labeurs elle leur coûte, on se figure 
aisément par quels arguments ils sauraient défendre leur 
domaine contre ceux qui seraient tentés de l'appréhender. 

Il faut, cependant, au moins à titre d'observations préli- 
minaires, avant d'étudier les vicissitudes de leur revenu 
foncier, établir que leur droit de propriété est au-dessus des 
atteintes du législateur lui-même et de toutes velléités 
réformatrices, et qu'il est intimement lié à d'autres droits 
tout aussi inviolables. 

Si d'ailleurs en France le morcellement, peut-être extrême, 
de la propriété foncière lui a créé une armée de défenseurs 
contre lesquels il ne serait guère prudent d'élever un dra- 
peau où serait inscrite la devise : « La propriété c'est le 
vol », il en est autrement dans les pays où Ton voit en sens 
inverse le phénomène de la concentration extrême du sol. 

Il reste, enfin, à défendre la propriété individuelle contre 
les théories des penseurs, qui, comme M. de Laveleye ou 
M. Le Play, lui opposent les avantages de la propriété 
familiale ou communale. 

Aux yeux de M. Emile de Laveleye, chaque homme a 



Digitized by 



Google 



324 LES IDÉES NOUVELLES 

droit à la terre, cette commune nourricière de Thumanité. 
La propriété collective fait, en quelque sorte, partie de la 
conscience confuse de Thumanité ; elle est le fait primordial, 
persistant qui disparaît à peine devant Je fait nouveau rela- 
tivement moderne et presque local de la propriété indivi- 
duelle. 

Avec sa vaste érudition, l'économiste belge fait défiler 
devant son lecteur : l'antiquité classique, le moyen-âge, les 
coutumes du Portugal et de quelques cantons suisses, les 
communautés de village de l'Inde et de Java , le commu- 
nisme agraire des Arabes , le régime terrien de l'Egypte et 
de la Turquie, le mir russe, pour témoigner de l'universalité 
et de la persistance de ce grand fait primordial, la propriété 
collective. ^ 

Ne nous attardons pas devant cet âge d'or de la propriété 
collective qui, suivant M. de Laveleye, faisait régner l'abon- 
dance chez les Germains et les Gaulois par la répartition 
annuelle des terres, mais qui explique si peu les invasions 
des barbares, cherchant une existence meilleure vers les 
régions où les attirait le prestige de la civilisation basée sur 
la propriété privée. 

Ne nous laissons pas davantage impressionner par le ta- 
bleau qu'a tracé M. Le Play du bonheur des habitants de la 
grande steppe de l'Asie centrale. M. Paul Leroy-Beaulieu 
n'y voit que des épisodes poétiques destinés à charmer 
l'imagination et à reposer le lecteur des fatigues d'une lec- 
ture aride. « Des intermèdes, dit-il, ne sont pas des argu- 
ments. » 

D'ailleurs, la propriété collective, qui n'est pas moins 
exclusive et irritante que la propriété privée, serait-elle plus 
juste que celle-ci ? L'égalité d'étendue et de fertilité du sol 
seraient-elles possibles pour chaque commune propriétaire ? 
Comment, en présence d'inégalités inévitables et flagrantes^ 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 325 

s'opposer aux empiétements que tenteraient les collectivités 
pauvres sur les communautés plus riches ? 

Il faut donc trouver une base absolue au droit de pro- 
priété. Or, ce n'est ni par l'occupation seule, fait souvent 
insaisissable variable et éphémère , ni par la volonté si 
mobile du législateur, qu'il peut se justifier. C'est, suivant 
M. Paul Leroy-Beaulieu, par son utilité sociale. 

D'accord en ceci avec M. Batbie, et s' appuyant comme lui 
sur l'autorité des faits, il démontre que la propriété foncière, 
individuelle, perpétuelle, absolue, le jus utendi et abutendi 
est pour le défrichement et le peuplement du sol un instru- 
ment infiniment plus actif, plus rapide et plus puissant que 
la propriété collective. Le pionner de l'Ohio, de Tlllinois, 
de rOregon , du Minnesota , du Manitoba , du Dakota a 
rendu à la civilisation un service de premier ordre en s'ap- 
propriant privativement la terre sur les peuples chasseurs 
qui l'occupaient en commun. 

« Si les famines sont supprimées, n'est-ce pas à lui qu'on 
le doit ? Si, dans les années 1878 et 1879, l'Europe tout 
entière n'a pas été affamée..., quelle en est la cause, quelle 
institution en a le mérite? c'est la propriété foncière, indi- 
viduelle, perpétuelle, absolue , puisque , sans elle , tous ces 
vastes territoires du nouveau monde seraient encore en 
friche. » 

M. Paul Leroy-Beaulieu conclut donc, à l'encontre de 
M. de Laveleye, que partout où se développe la civilisation, 
la propriété collective disparaît devant la propriété privée, et 
qu'à cette disparition ont contribué deux causes qui sont la 
civilisation même : la division du travail et le progrès des 
cultures. 

La division du travail, ce grand principe économique sur 
lequel Adam Smith fait reposer toute la société moderne, 
n'a pas seulement créé les métiers industriels et les profes- 

Académie de Lyon, classe des Lettres, 



Digitized by 



Google 



320 LES IDÉES NOUVELLES 

sîons commerciales, c'est lui qui a fait sortir de terre les 
grandes villes, qui a imposé à une partie de Thumanité 
l'abandon de la culture du sol et Ta partagée ainsi en deux 
fractions, dont Tune se voue à Tindustrie, au commerce, et a 
pour elle la richesse mobilière aujourd'hui presque sans 
limite, et l'autre se livre à la culture et a pour elle la pro- 
priété foncière. 

Comment, enfin, concevoir le progrès des cultures sans la 
propriété privée? Les exemples cités en ce sens par M. Paul 
. Leroy - Beaulieu complètent en tant que de besoin et d'une 
manière définitive les démonstrations naguère si éloquem- 
ment données par M. Thiers et par M. Michelet sur la 
puissance de l'homme qui crée et fait la terre par son tra- 
vail, et dont le travail même n'est efficace qu'en raison de 
l'ardeur qu'il puise dans la puissance et la sécurité de la 
propriété privée. 

II 

L'utilité sociale de la propriété privée suffit à M. Leroy- 
Beaulieu pour établir sa légitimité. Faut-il se contenter de cette 
démonstration ? Qu'y a-t-il de plus contingent, de plus relatif 
que l'utilité ? N'est-il pas évident que pour les peuplades per- 
dues sur un sol immense la propriété collective avec la culture 
extensive est le régime qui s'adapte le mieux à leurs besoins ? 
Donc, l'utilité de la propriété individuelle, incontestable dans 
l'état actuel de la civilisation, ne la défend pas d'une manière 
absolue contre les entreprises d'un législateur qui croirait 
qu'un retour au communisme agraire est plus profitable à l'hu- 
manité que les inégalités irritantes de la propriété privée. La 
justification philosophique du droit de propriété, abstraction 
faite de son utilité, devait donc trouver place dans le livre de 
M. Leroy-Beaulieu sur la répartition des richesses. 

L'auteur n'ignore pas que Locke, Adam Smith, Bastiat et 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 327 

bien d'autres, ont donné à la propriété foncière pour base 
primordiale le travail. Mais il considère que « la terre produit 
souvent plus que la rémunération habituelle du travail » et 
que « la propriété des chutes d'eau, des usines, des terrains 
d'une exceptionnelle situation ou d'une rare fertilité, rapporte 
en général bien au-delà du travail qu'elle a causé », d'où il s'arrête 
devant l'objection consistant à dire que « le propriétaire ne 
devrait pas avoir droit à la plus-value de la terre louée et 
exploitée par un autre ». 

Cette objection trouvera sa place dans la discussion des 
caractères du revenu foncier et de la célèbre théorie de Ricardo 
sur la rente de la terre. Elle ne suffit pas pour faire écarter la 
justification de la propriété tant foncière que mobilière par le 
travail de l'homme. Il faut même remonter plus haut et consi- 
dérer que du devoir que l'homme a de travailler pour assurer 
son existence et accomplir sa destintie, et de la responsabilité 
qui lui incombe découlent son inviolabilité morale, et avec elle 
ses droits les plus imprescriptibles: droit de posséder sa per- 
sonne, de disposer de ses organes^ de ses facultés, des fruits 
de son travail, droit de les échanger librement et au mieux de 
ses intérêts, et sur le marché de son choix. 

C'est ce que le bon sens des masses reconnaît bien quand 
Tappropriation résulte d'un effort visible et immédiat. Tentez 
d'enlever l'engin de pêche ou de chasse à Thomme qui vient 
de le façonner, il n'est personne dans le milieu social le plus 
primitif qui n'affirme, contre son agresseur, le droit exclusif 
de rhomme sur l'outil qu'il a créé. C'est la propricré mobi- 
lière naissant de Teffort personnel et créant un lien, un rap- 
port direct, rationnel, en quelque sorte visible, entre le 
producteur et Tobjet produit* Que Teffort ait été fait par 
un seul homme ou par une collectivité d'hommes sur un sol 
appréhendé, cultivé par eux, un lien existera entre Thomme 
et la terre cultivée. Elle appartient désormais, ainsi que ses 



Digitized by 



Google 



328 LES IDÉES NOUVELLES 

fruits, à celui ou à ceux qui Tont maitrisée et rendue féconde. 
La propriété foncière naît donc du fait de Thomme, elle cons- 
titue pour lui un droit aussi sacré que la propriété qu'il a 
de ses organes et de sa personne. 

Ce droit existe donc par lui-même avant toute démonstra- 
tion des avantages qui en découleront pour le bien-être de 
rhumanité. Ainsi, sans qu'il soit besoin de plus insister, la 
propriété foncière ou mobilière a son fondement dans Tordre 
moral, avant même que son utilité sociale soit analysée et 
décrite. C'est ce que nous aurions aimé à voir affirmer dans 
le livre de M. P. Leroy-Beaulieu. Aucune occasion ne doit 
être perdue d'étayer les vérités économiques sur les princi- 
pes de droit naturel et d'ordre absolu inscrits dans la cons- 
cience de tous. 

La propriété foncière étant légitimée soit par son origine 
dans le travail de l'homme, soit par son utilité sociale, il y 
aurait à démontrer qu'elle est transmissible, et que le droit 
d'en disposer par voie d'échange et de vente ou par donation 
entre vifs ou testamentaire est une faculté naturelle aussi 
absolue et aussi supérieure et antérieure à toute loi positive 
que le droit même de propriété. 

En tous cas, la nécessité sociale de l'hérédité a été si bril- 
lamment exposée par M. Thiers dans son livre sur la pro- 
priété (liv. P% chap. XII) qu'il serait téméraire d'en refaire, 
après lui, à quelque point de vue que ce soit, la démons- 
tration. 

M. Paul Leroy-Beaulieu a, d'ailleurs, hâte d'arriver à 
l'étude des caractères du revenu de la terre. C'est là, en 
effet, que vont apparaître les vraies difficultés. C'est là qu'il 
s'agit de juger, à la lumière de faits nouveaux, des doctrines 
longtemps accréditées, et de voir ce qu'est aujourd'hui, et à 
quoi tend à se réduire dans l'avenir, la part du revenu de la 
terre que peut revendiquer le propriétaire. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 329 

Abordons donc ce fameux problème de la rente foncière 
qui a soulevé tant de controverses où beaucoup d'esprits n*ont 
vu, à tort, que de pures discussions d'école. Reconnaissons 
cependant que les économistes n'y ont pas toujours apporté 
la lumière désirable, et que la langue dont ils se servent a 
parfois une sécheresse qui nuit à sa clarté. Nous voudrions 
être plus heureux et plus clairs même, s'il est possible, que 
M. P. Leroy-Beaulieu. 

III 

Le propriétaire qui cultive lui-même sa terre en perçoit 
tout le revenu sans avoir souci des éléments qui la com- 
posent. 

Il y a lieu, au contraire, de les distinguer lorsque la terre 
est cultivée par un fermier. 

Dans ce cas, le propriétaire perçoit un fermage ou prix 
de location. Quels sont les éléments de ce prix? Que com- 
prend-il ? Le plus souvent le propriétaire ni le fermier ne 
s'en préoccupent. Ils savent seulement que plus la terre est 
bonne, et plus le fermage sera élevé; cela leur suffît. Les 
jurisconsultes, interrogés sur le caractère du fermage, leur 
répondraient, d'ailleurs, que le fermage est simplement le 
loyer ou prix de location du sol cultivable. 

Cette réponse n'a pas satisfait les économistes. Ils aiment 
à se rendre compte de ce qui entre dans un prix. Ils ont 
donc analysé le fermage et y ont vu deux éléments. Le pro- 
priétaire s'y fait payer: i* l'intérêt et l'amortissement des 
capitaux que lui, ou ses auteurs, ont enfouis dans la terre 
pour l'améliorer ; 2"* le droit d'exploiter la fertilité naturelle 
du sol. 

Cette fertilité naturelle existe en principe, et il faut, dès 
lors, en tenir compte ; mais elle est très-variable, il y a de 
bonnes terres, il y en a de mauvaises. L'heureux propriétaire 



Digitized by 



Google 



33o LES IDÉES NOUVELLES 

d'une terre fertile en fait payer au fermier la fécondité 
exceptionnelle. Cette portion du fermage, perçue indépen- 
damment de ce qui peut y représenter Tintérêt et l'amortis- 
sement des capitaux incorporés au sol, constitue la <c rente 
foncière », c'est le prix payé pour les aptitudes particulières 
du sol. Le propriétaire recueille ainsi une redevance qui ne 
provient ni de ses efforts, ni de ses capitaux, c'est un privi- 
lège que lui rapportent les facultés productives de sa terre. 
Elle lui constitue un monopole. 

Qu'y a-t-il là d'étonnant et de critiquable ? Le même phé- 
nomène n'existe-t-il pas autre part ? Prenez deux artistes, 
peintres, sculpteurs ou musiciens, élevés à la même école, 
ayant reçu la même culture professionnelle, et comparez 
leur sort. L'un retirera de son talent tout juste la rémunéra- 
tion de son travail et de ses avances ; l'autre, doué de génie, 
riche de dons naturels, percevra bien au-delà de la rému- 
nération de ses dépenses et de son travail. Celui-ci a un 
monopole; il perçoit une rente exclusivement due à la 
supériorité de ses organes et de ses aptitudes. Quelle diffé- 
rence y a-t-il entre le privilège de l'homme doté de facultés 
supérieures, et celui du propriétaire d'une terre douée d'une 
fécondité exceptionnelle ? Le caractère en est le même, il 
n'y a pas plus lieu de souffrir et de s'indigner à voir un 
chanteur émérite gagner cent mille francs qu'à voir le pro- 
priétaire d'un clos célèbre en retirer un revenu princier. 

Dans un cas comme dans l'autre, la rente perçue est le 
produit des libéralités de la nature, c'est la rémunération 
plus large qu'obtient un instrument supérieur vis à vis de 
ceux de qualité moindre. 

Telle est la vérité que Ricardo a mise en lumière pour 
la terre. Avant lui, West, Anderson, Ad. Smith, Malthus 
l'avaient aussi formulée, mais il l'a assise sur une théorie 
qui a rendu son nom célèbre. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 33 I 

Ricardo considère, en effet, qu'à l'origine la terre, com- 
mune à tous, s'offre libéralement en quantité illimitée. A ce 
moment il y a gratuité complète des agents naturels. Ayant 
le choix du sol, l'homme dirige ses efforts sur les terres de 
première qualité qui lui paraissent les plus fertiles, les 
mieux situées. Si, dans ce choix, il y a des erreurs indivi- 
duelles, la masse ne s'y trompe pas ; elle prend les meil- 
leures terres. Mais la population augmente, le produit des 
terres les plus généreuses devient insuffisant. On attaque 
alors les terres de deuxième qualité, puis celles de troisième 
et de quatrième ordre ; qu'en résultera-t-il ? C'est que le 
privilège des terres de première qualité va s'accroître et se 
consolider. Le produit en sera-t-il, en effet, le même pour 
toutes ? Évidemment non. 

La première terre, plus généreuse, produira, par exemple, 
3o hectolitres de blé, la seconde 20, la troisième 10, la qua- 
trième 2 ou 3, c'est-à-dire à peine quelque chose de plus 
que les frais de culture, et cependant le prix du produit ne 
variera pas. Pourquoi ? parce que, sur un même marché, la 
qualité étant supposée égale, l'acheteur n'examine ni l'ori- 
gine du produit, ni ce qu'il a coûté. Le prix sera uniforme 
parce qu'il est réglé par la relation de l'offre et de la demande. 
Et quel est le prix qui tend à dominer ? celui du produit 
qui a coûté le plus d'efforts et de capitaux. L'offre la plus 
élevée sera donc celle du producteur qui a dépensé le plus, 
c'est-à-dire du propriétaire de la terre la plus ingrate. Si 
son offre est agréée, le prix qu'il retire devient le prix cou- 
rant dont bénéficient plus largement les terres les plus fer- 
tiles. La terre n*" 4 a dépensé 20 fr. et vendu 20 fr., elle 
couvre juste ses frais; la terre n® 3 n'a dépensé que 18 fr., 
elle vend au même prix de 20 fr., elle a donc un excédant 
de 2 fr. dû à sa fertilité naturelle, c'est la rente foncière 
qu'elle tire de sa supériorité sur la précédente ; la terre n* 2 



Digitized by 



Google 



332 LES IDÉES NOUVELLES 

n'a dépensé que i5 fr., elle obtient une rente ou excé- 
dant de 5 fr. ; la terre n"* i n'a dépensé que 12 fr., elle 
obtient une rente de 8 fr. 

La rente résulte donc pour chaque terre, comme on le voit, 
de l'excès ou différence de sa fécondité propre sur les terres 
de qualité inférieure. Voilà la première cause de la rente 
foncière. 

Mais deux autres causes viennent dans le cours de la civi- 
lisation en consacrer l'existence et même en élever le niveau. 

C'est la supériorité de situation et l'infériorité de rende- 
ment des nouveaux capitaux. 

La supériorité de situation, qui est le plus souvent acci- 
dentelle, a une influence considérable sur la rente. Que 
l'on ouvre une route, une voie ferrée qui, avec des débou- 
chés nouveaux, supprime, en quelque sorte, la distance 
entre les lieux de production et le marché, les terres placées 
de manière à bénéficier de ces facilités de circulation peu- 
vent voir doubler désormais la vente de leurs produits. 
Leur valeur et leur rente s'élèveront en proportion. C'est ce 
que les compagnies concessionnaires de chemin de fer savent 
bien objecter devant le jury d'expropriation aux propriétaires 
ruraux qui se plaignent que la voie ferrée leur enlève quel- 
ques parcelles. Elles leur opposent que l'expropriation sera 
bientôt compensée par la plus-value subite du surplus. On 
sait que d'habiles spéculateurs ont su parfois faire fortune 
en achetant des terrains situés dans le rayon d'une expro- 
priation. 

La supériorité de situation naît encore d'une autre cause : 
au fur et à mesure que la population s'accroît, le besoin de 
subsistance fait mettre en culture des terres plus éloignées. 
Les frais de transport élevant le prix de revient de leur pro- 
duit, et s'ajoutant au prix courant sur le marché créent un 
profit nouveau pour les terres qui en sont plus rapprochées. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 333 

Enfin, devant Textension de la population, il se produit 
encore un autre fait. Pour suffire aux besoins croissants on 
consacre de nouveaux capitaux à amender la terre, afin 
d'accroître sa force de production ; or, il y a un phénomène 
certain sur lequel nous aurons à revenir quand nous nous 
occuperons du rapport des subsistances avec la population : 
Taugmentation de capital sur un même fonds ne donne pas 
un accroissement de produits proportionnel. Les agronomes 
en ont fourni la démonstration : « Il vient un moment où 
Taddition d'un capital nouveau n'ajoute rien au produit 
parce que la terre saturée d'avances est arrivée à son maxi- 
mum de fécondité. » 

Mais, ainsi que le fait observer M. P. Leroy-Beaulieu, 
comme le prix des subsistances tend à hausser pour assurer 
à ces capitaux nouveaux venus une rémunération équitable, 
de cette hausse même du prix des subsistances il résulte pour 
les capitaux plus anciennement incorporés à la culture une 
source de bénéfices supplémentaires. De là un nouvel accrois- 
sement de la rente foncière. 

En résumé, donc: trois causes expliquent l'existence et 
la progression du revenu de la terre en dehors du travail de 
celui qui la possède: i* la supériorité intrinsèque du sol; 
2** la supériorité de situation ; 3"* l'infériorité de rendement 
des capitaux nouvellement incorporés au sol. 

Voilà dans son ensemble la théorie de Ricardo. Elle montre 
que le propriétaire bénéficiant légitimement de circonstances 
fortuites peut recueillir ce qu'il n'a pas semé, ce qui n'est 
pas le fruit de son travail. 

Nous laissons de côté des observations précieuses de 
Stuart Mill à Tappuî de la théorie de Ricardo sur la progres- 
sion de la rente, confirmées à leur tour par la hausse qui 
s'est produite depuis le commencement de ce siècle dans le 
revenu foncier de TAngleterre, de la Belgique et de !a France* 



Digitized by 



Google 



334 I-ES IDÉES NOUVELLES 

On a donc pu considérer, jusqu'en ces dernières années, k 
propriétaire foncier comme un être privilégié et, suivant 
Texpression de M. P. Leroy-Beaulieu, comme un favori de 
la civilisation, prélevant une sorte de préciput sur le résul- 
tat des progrès sociaux. Nous verrons bientôt que ce privi- 
lège envié disparaît de plus en plus. 

IV 

Quoi qu'il en soit, c'est ce privilège justifié par la théorie 
de Ricardo qui arma contre l'économie politique Proudhon 
en France et Lassalle en Allemagne. 

Proudhon en fit le point de départ de son attaque contre 
la propriété. Si la fertilité du sol et le privilège de sa situa- 
tion donnent au propriétaire un revenu qui ne provient pas 
de son travail, c'est un don gratuit de la nature, une libéra- 
lité qui doit appartenir à tous et non à quelques-uns. Donc, 
la propriété ou la rente de la terre, c'est le voL 

Proudhon enseignait d'ailleurs que toute richesse vient 
exclusivement du travail, et que la valeur des choses est ce 
qu'elle coûte de temps et de dépenses. Et il niait non-seu- 
lement la rente foncière et le loyer payé au propriétaire, 
mais l'intérêt payé au capitaliste, concluant à la gratuité 
absolue des agents naturels et du capital. 

C'est alors que Bastiat, pour mieux défendre la propriété, 
voyant un danger dans la théorie de Ricardo, crut devoir 
nier la rente foncière. 

Il admet aussi que les dons de la nature sont essentielle- 
ment gratuits et doivent profiter à tout le monde. Que re- 
présente alors le fermage ? uniquement l'intérêt des sommes 
consacrées aux défrichements, aux clôtures, aux construc- 
tions, aux amendements, aux irrigations, etc.; c'est l'intérêt, 
en un mot, de tout ce qui a été dépensé en travail et capital 
pour étendre la fécondité de la terre. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 335 

Oppose-t-on à ce système Texemple du Clos-Vougeot, 
dont le revenu est bien, pour son heureux possesseur, une 
rente due à la supériorité du sol ? Bastîat réplique que le 
Clos-Vougeot peut être assimilé à la découverte fortuite d'un 
diamant. Pour un vigneron qui a réussi à mettre la main sur 
un sol comme celui-là, il y en a cent qui se sont épuisés en 
efforts analogues sans résultats. Le revenu du propriétaire 
du Clos-Vougeot représente non-seulement la rémunération 
de !a peine que lui et ses prédécesseurs ont prise, mais 
encore Vindemnîté pour les risques qu^ils ont courus. Pour- 
suivant cette image, on pourrait dire, pour compléter la 
pensée de Bastiat, que celui de plusieurs artistes ou méde- 
cins, ou avocats, qui, avec une éducation professionnelle égale, 
remporte sur ses rivaux, le doit, non à la supériorité natu- 
relle de ses aptitudes, mais à une réussite heureuse, fortuite, 
et qu'il perçoit, lui aussi, l'indemnité pour les risques 
courus* 

M. P, Leroy- Beau! ieu déclare le raisonnement de Bastiat 
superficie] et insuffisant. Il laisse.^ en effet, subsister cette 
vérité que la valeur de la terre et Timportance de son revenu 
ne viennent pas exclusivement du travail, mais, comme 
nous Tavons vu , de la supériorité de fécondité, de situa- 
tion, etc. 

Il n^étatt donc pas nécessaire de nier Texîstence de la 
rente foncière et d'accuser d'inexactitude la théorie de 
Ricardo pour réduire à néant les attaques de Proudhon, 
puisque, à côté du travail qui est bien le fondement de la 
propriété (que vient justifier encore son utilité sociale), on 
ne peut nier relativement à la rente foncière l'influence 
delà fécondité naturelle, et celle de Theureuse situation du 
sol et de la facilité des débouchés. 

Mais ce qu'il y a à critiquer dans la théorie de Ricardo, 
c'est, tout au moins, l'ordre historique qu'il attribue à la 
culture des terres de différentes qualités. 



Digitized by 



Google 



336 LES ID^ES NOUVELLES 

Cest là le côté vulnérable de la doctrine. Carey, de Phila- 
delphie, est Tun des premiers qui Tait signalé. Sa démons- 
tration a été complétée par M. Hipp. Passy (i). 

Il est acquis aujourd'hui que les populations n'ont pas 
nécessairement cultivé les terres de première qualité, puis 
les terres inférieures. Outre que leur choix a été souvent 
subordonné à des considérations absolument indépendantes 
de la culture (besoin de défense, nécessités stratégiques, 
crainte d'inondations), elles ont dû, au contraire, cultiver 
les terres du rendement le plus faible et qui ne sont pas 
toujours les plus fertiles. Ainsi, les terres de vallée où le sol 
végétal est gras et profond exigent des travaux de dessèche- 
ment, d'assainissement qui supposent une civilisation et 
des moyens d'action déjà avancés. D'autres terres, il y a 
quelques dizaines d'années, dédaignées encore comme infer- 
tiles, sont devenues aujourd'hui fécondes par suite des pro- 
grès et des découvertes de l'agriculture. 

Qu'en résulte-t-il ? C'est que, quel qu'ait été l'ordre des 
cultures, le plus souvent il est impossible de distinguer 
entre la fertilité naturelle pure et la fertilité provenant de la 
consommation par la terre des capitaux qu'on lui a géné- 
reusement livrés. 

L'intérêt de la théorie de Ricardo disparaît donc aussi 
bien que celui des discussions de Proudhon et de Bastiat. 

Le terrain manque aujourd'hui aux adversaires de la pro- 
priété individuelle, pour s'écrier avec Proudhon que le pro- 
priétaire recueille dans le fermage ce qu'il n'a point semé. 
Si, dans le produit net de beaucoup de terres, il y a une 
part d'une importance très-variable, qui représente la supé- 
riorité naturelle de fertilité ou de situation sur d'autres 
terres en culture, il faut reconnaître que l'élévation des fer- 

(i) Des systèmes de culture et de leur influence sur V économie sociale. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POUTIQUE. SSj 

mages dépend plus de la fertilité due aux capitaux dépensés 
par le propriétaire que de la fertilité native, devenue aujour- 
d'hui à peine perceptible. 

Tel est le sentiment général des économistes, et voilà 
comment la théorie de la rente foncière, vraie en elle-même, 
sauf en ce qui concerne Tordre successif des cultures, cesse 
d'être applicable dans Tétat actuel auquel la civilisation a 
amené les terres. 

Mais M. Paul Leroy-Beaulieu va plus loin, et les faits 
récents qu'il a observés lui permettent de formuler une loi 
nouvelle et d'énoncer ce que va être la situation des pro- 
priétaires dans notre monde européen. 



Au premier coup d'œil on est frappé de raugmentation 
du revenu foncier en Angleterre, en Belgique et en France, 
D'après les documents réunis par M. Paul Leroy-Beaulieu, 
dans l'Angleterre proprement dite, (l'Irlande et TÉcosse 
restant en dehors), la rente de la terre était évaluée, en 
1800, à 5oo millions de francs; elle s'élèverait à !,5oo mil- 
lions en 1875 ; elle aurait ainsi presque triplé en trois quarts 
de siècle. Mais, depuis cette époque, sous l'action de diverses 
causes, une baisse très-considérable sV produit. 

En Belgique, de i83o à 1866, le prix moyen des fermages 
a passé de 67 fr. 95 à ro8 fr. par hectare, soit 88 7o d'aug- 
mentation en 38 ans. 

En France, on voit le revenu foncier rural, qui montait 
à 1,200 millions du temps de Lavoisier en X790, s'élever à 
i,5oô milHons en i8i5, a 1,900 millions en i85i, à 2 mil- 
liards 750 millions en 1874, ce qui fait un accroissement de 
i3o 7^ en 84 ans et de 45 7^ en 23 ans. 

Résuke-t-il de ces chiffres que le revenu net du proprîé- 



Digitized by 



Google 



338 LES IDÉES NOUVELLES 

taire foncier ait augmenté d'environ 2 7o par année, sans 
travail ni dépenses de sa part ? ce serait une erreur de le 
croire. L'élévation réelle n'a pas suivi l'élévation apparente, 
à raison de trois faits qui viennent réduire la part nette du 
propriétaire, savoir : 

I** La dépréciation des métaux précieux survenue depuis 
l'exploitation des mines de la Californie et de l'Australie. 
Son efifet a été de réduire la puissance d'acquisition de tous 
les revenus d'environ 25 7© depuis i85o. Le revenu foncier 
des propriétaires n'y a pas échappé, son augmentation réelle 
est donc beaucoup moindre que l'augmentation apparente 
accusée par les statistiques officielles. 

2" L'impôt foncier diminue encore, et bien plus qu'on ne 
le croit, le revenu net du propriétaire. Si le principal de cet 
impôt foncier est resté stationnaire depuis 1821, il n'en est 
pas de même de la partie accessoire et toujours mobile de ce 
même impôt, à savoir les centimes additionnels départe- 
mentaux et communaux. En tenant compte de cette sur- 
charge et de la diminution de la puissance d'acquisition par 
la dépréciation des métaux précédemment indiquée, M. Paul 
Leroy- Beaulieu conclut que l'augmentation du revenu des 
terres en France se réduit à une plus-value de 16 à 18 7©- 
Est - il besoin de dire que dans les régions atteintes par le 
phyloxera, elle a fait place à une pénurie telle que certains 
propriétaires ont vu s'évanouir leur revenu entier, et que 
quelques-uns abandonnent pour le moment toute récolte à 
leur métayer, ou louent leur terre à un fermier sous la seule 
condition d'en payer les impositions. Ce n'est là, espérons- 
le, qu'un désastre transitoire. 

Mais un troisième fait, beaucoup plus caractéristique que 
les précédents, afifecte d'une manière générale la rente fon- 
cière. La presque totalité de son augmentation représente 
uniquement l'intérêt des énormes capitaux consacrés par les 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POUTIQUE. iig 

propriétaires aux améliorations agricoles depuis un quart de 
siècle ou un demi-siècle. C'est ce qui a fait dire à la plupart 
des économistes que la rente foncière proprement dite, c'est- 
à-dire la part de revenu exclusivement due à la supériorité 
native du sol, devient de moins en moins perceptible, et rend 
désormais illusoire et sans portée pratique la théorie de 
Ricardo. 

Mais il s'agissait de déterminer par des chiffres l'impor- 
tance et la progression de ce phénomène nouveau; c'est ce 
que M. P. Leroy-Beaulieu a merveilleusement établi. 

Si, pour l'Angletere, il est presque impossible d'évaluer 
les sommes dépensées dans les gigantesques travaux de dé- 
frichements, de plantations, d'irrigations, de drainage, de 
reboisement, de constructions rurales, de création de che- 
mins d'exploitation qui ont précédé ou suivi les nombreux 
bills de clôture rendus dans le cours de ce siècle et qui ont 
transformé l'aspect du pays, il est plus facile de se rendre 
compte de ce qu'ont coûté à la Belgique la conquête faite 
sur les flots des riches terrains qu'on appelle les polders^ et 
les plantations diverses dans les Flandres. Rien que pour le 
drainage, on y a dépensé 5o millions sur 26,000 hectares. 

En France, où l'on évalue à 1 2 ou i ,5oo millions de francs 
l'épargne annuelle qui vient à la Bourse se fixer en place- 
ments mobiliers, on reste bien en dessous de la réalité en 
estimant à 5oo millions la somme employée chaque année 
dans la propriété foncière en défrichements, plantations, 
drainages, clôtures, constructions neuves, chemins d'exploi- 
tation, etc.; ce serait ainsi à peine 10 fr. par hectare que les 
propriétaires français dépenseraient en améliorations agri- 
coles de toute nature. Or, cette affectation annuelle repré- 
sente, de i85i à 1874, 11 milliards et demi. «Voilà, dit 
M. Paul Leroy-Beaulieu, le minimum des capitaux incorporés 
au sol pendant ces vingt-trois ans , » ce qui représente un 



Digitized by 



Google 



340 LES IDÉES NOUVELLES 

intérêt annuel de SyS millîons de francs , d'où , en ana- 
lysant le revenu foncier actuel, on voit que les proprié- 
taires y retrouvent à grand'peine la représentation des capi- 
taux qu'ils ont engagés dans la terre. 

Mais notre auteur va plus loin dans ses calculs : s'autori- 
sant de la dernière publication, en 1877, de M. Léonce de 
Lavergne, sur l'économie rurale de la France, et des tra- 
vaux de M. de Laveleye, il énonce comme un fait acquis 
que démontrent, d'ailleurs, des exemples tirés de diverses 
régions de la France, que si la culture intensive et les 
améliorations agricoles augmentent d'une manière absolue 
le revenu du propriétaire, elles en diminuent la proportion 
avec la valeur de l'ensemble des produits. La rente de la 
terre s'est donc notablement moins accrue que l'ensemble 
de la production agricole. 

Cette décroissance du rapport du revenu net au revenu 
brut, à mesure que la civilisation se développe, est une loi 
nouvelle prouvée aujourd'hui par l'expérience et qui réduit 
singulièrement le privilège du propriétaire foncier afiBrmé 
par la théorie de Ricardo. 

Les faits soigneusement étudiés démontrent que la quote- 
part perçue par leis propriétaires dans le prix de vente des 
produits va en diminuant , tandis que la quote-part préle- 
vée par les fermiers et celle qui échoit à la main - d'œuvre 
vont au contraire en augmentant. 

C'est, notamment, quant aux salaires, ce qui résulte en 
Belgique d'un examen attentif du rapport publié en 1878 
par M. de Laveleye sur l'agriculture belge; c'est ce qui 
résulte pour la France des documents recueillis après de 
longues recherches par M. de Foville. 

Là où le revenu annuel d'une famille rurale était de 
180 fr. en 1780, il est aujourd'hui de 800 fr. Les salaires 
agricoles sont en moyenne quatre fois plus élevés qu'en 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 341 

1788; ils ont augmenté de 3oo 7©; on peut suivre aisé- 
ment cette progression pendant les 3o dernières années. 
En définitive, si on déduit de l'augmentation du revenu net 
des propriétés l'intérêt de toutes les sommes immobilisées 
en améliorations, on trouve que la progression des salaires 
agricoles est, depuis i852, peut-être décuple de la progres- 
sion spontanée du revenu net des propriétés rurales. 

Ce qui reste acquis, c'est que le propriétaire rural, bien 
loin de voir sa situation relative s'améliorer chaque jour, est 
distancé pour le progrès de son bien-être et de sa fortune 
par le fermier et l'ouvrier des champs. 

La conséquence est que l'École économique anglaise a 
singulièrement exagéré le prétendu privilège du propriétaire 
rural, qui disparaît, au contraire, de plus en plus devant les 
améliorations agricoles, l'abondance des capitaux et la trans- 
formation de la terre. 

VI 

Le privilège de fertilité des terres les premières mises en 
culture, relativement à celles qui attendent encore des culti- 
vateurs, étant écarté, il reste le privilège de situation, indiqué 
comme seconde cause de la rente foncière. Mais celui-ci perd 
aussi chaque jour de sa force. 

Peut-on le reprocher à Ricardo, « qui vivait dans la sphère 
restreinte des vieilles sociétés européennes, alors que la 
vapeur n'était pas inventée, ou ne faisait pas pressentir toute 
la magie de sa puissance » ? Ce qui lui a manqué, aussi bien 
qu'à Malthus, et cela était bien permis dans leur temps, 
c'était d'être géographe. 

Les faits démontrent que l'agriculteur européen a, chaque 
jour, de plus en plus à compter avec la concurrence des pays 
neufs. Peut-il s'en plaindre ? « Pourquoi, — dit M. P. Leroy- 
Beaulieu, — la vallée du Mississipi et de ses affluents, celle 

Académie de Lyon, classe des Lettres. 23 



Digitized 6y 



Google 



$42 LES IDÉES NOUVELLES 

des Amazones, celles du Niger, du Zambèze, du Congo 
seraient-elles moins naturellement fertiles que les vallées du 
Rhin, du Rhône, de la Seine, du Pô, de TElbe ? La vrai- 
semblance est que l'avantage appartiendra aux premiers, 
quand la population sera assez dense dans ces régions, et 
quand les arts techniques seront assez avancés, les capitaux 
assez abondants pour qu'on se livre à la culture régulière 
de ces sols profonds et inépuisables.... Qui sait si, un jour, 
il ne faudra pas compter non-seulement avec la concurrence 
des bassins du Mississipi, du Saint-Laurent, des Amazones, 
du Zambèze, du Congo, mais encore avec celle des rivages 
de rObi ou de ITénisséi et du fleuve Amour ?... Il y a aussi 
les bassins presque stériles de TEuphrate et du Tigre, où 
s'est développée avec tant de puissance la civilisation des 
sociétés primitives. » 

Le vieux monde ne semble plus protégé aujourd'hui con- 
tre la concurrence des pays neufs que par les frais de trans- 
port, ce qui permet de formuler en ces termes une loi 
nouvelle : « La rente de la terre dans le vieux monde ne 
peut dépasser le montant des frais de transport pour amener 
sur nos marchés les produits des sociétés naissantes. » 

Encore n'est-ce là qu'un maximum, et il ne faut même 
pas que les propriétaires européens comptent toujours 
l'atteindre. On doit s'attendre avec les progrès de la civilisa- 
tion à voir s'abaisser les prix actuels de transport des pro- 
duits étrangers. Remarquons, d'ailleurs, combien ces produits 
peuvent, sans en être trop grevés, supporter les prix de trans- 
port. Les territoires neufs permettent la culture errante et 
sans engrais , régime qui réduit singulièrement le prix de 
revient. Il n'y a pas non plus de fermage dans les contrées 
neuves que l'on met en culture. On peut donc dire que dans 
bien des cas les divers avantages des terres vierges ou pres- 
que vierges compensent la plus grande partie du coût de 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 343 

transport. Est-ce à dire que le producteur européen n'ait 
pas, pour sa culture, aussi à supporter des frais de trans- 
ports transatlantiques ? N'oublions pas que c'est au loin, 
non-seulement dans les montagnes de l'Estramadure, mais 
encore aux extrémités du monde, au Pérou, en Bolivie, aux 
Indes, que l'agriculteur du nord de l'Europe va demander 
des phosphates, du guano, des tourteaux fertilisants. Si le 
cultivateur américain supporte les frais de transport sur le 
blé ou la viande qu'il importe en Europe, le cultivateur 
européen le paie sur ses engrais, c'est-à-dire sur ses matières 
premières (i). 

Il s'en faut donc de beaucoup que la rente de la terre en 
Europe puisse toujours équivaloir à la totalité des prix de 
transport qu'ont à payer les produits américains, australiens 
ou autres. Qu'on ne parle donc plus de privilège de situa- 
tion du propriétaire européen, reconnaissons que la rente 
s'évapore presque complètement, et, dans la plupart des cas, 
reste même au dessous de l'intérêt de tous les capitaux 
accumulés depuis des siècles sur son sol. 

La généralité des propriétaires fonciers ne saurait donc 
plus être un objet d'envie. 

VII 

Examinons comment ils peuvent lutter contre cette con- 
currence des contrées nouvelles qui leur fait subir sans 
indemnité une expropriation partielle de leur fermage. En 
tous cas, ce ne peut être par un recours à l'État. 

L'État n'a pas plus à intervenir et à édicter en leur faveur 
des tarifs ou des mesures quelconques de protection, qu'il 



(i) Tandis que le prix du blé ne dépasse pas 5o ou 60 fr. la tonne, de 
l'extrémité du bassin du Saint-Laurent au Havre ou à Anvers, le prix de 
la tonne de guano s'élève au-dessus de 100 fr. 



Digitized by 



Google 



344 LES IDÉES NOUVELLES 

ne l'a pu lorsque les chemins de fer ont tué l'industrie des 
maîtres de poste, et la découverte de l'alizarine artificielle 
compromis la fortune des terres qui produisaient la garance. 

La propriété foncière n'est pas dans une situation autre 
que toutes les entreprises humaines soumises à la loi vitale 
de la concurrence et du progrès. 

Il faut, d'ailleurs, envisager tous les effets bons ou mau- 
vais de la concurrence de la production agricole des pays 
étrangers. 

Pour les consommateurs européens, on ne peut contester 
que ce serait un grand bienfait que l'abaissement du prix du 
pain à 12 ou i5 centimes la livre, et à 5o centimes l'abais- 
sement du prix de la viande. 

Quant aux producteurs européens, ce sont les grands 
propriétaires qui pourront éprouver une dépréciation de 
leurs revenus par la mise en culture régulière des vastes 
territoires étrangers. Et l'on sait qu'en France le nombre 
des grands propriétaires est relativement limité. 

Les moyens et les petits propriétaires s'en apercevront 
d'autant moins qu'ils exploiteront eux-mêmes leurs domaines, 
consommant, en grande partie, leurs produits. On peut, dès 
à présent, asseoir certaines prévisions sur le mode de tenure 
et d'exploitation de la terre à l'avenir, et voir dans quel sens 
et sous quelle forme d'exploitation l'agriculture doit se 
mouvoir. 

Il y a plusieurs aspects à envisager : 

En premier lieu, tout en considérant exactement la situa- 
tion, il ne faut pas se presser de sonner le glas de l'agricul- 
ture européenne. La concurrence américaine ne fera pas 
tomber nos terres en friche et ne dépeuplera pas nos cam- 
pagnes. 

M. P. Leroy-Beaulieu constate la tendance des céréales et 
des autres denrées végétales de grande consommation à 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 345 

baisser, et celle de la viande et des produits fins à hausser 
toujours. Cette double tendance indique la direction que 
doit suivre l'agriculture européenne. 

Dans l'exploitation des céréales et des denrées de grande 
consommation qui formaient autrefois la base de la culture, 
les vieilles contrées n*ont aujourd'hui presque rien à gagner, 
leur approvisionnement à cet égard tend à être de plus en 
plus assuré par l'exploitation des contrées neuves. Elles 
doivent donc peu à peu se retourner d'un autre côté, sans se 
préoccuper des éventualités de guerre. « Même dans cette 
hypothèse extrême, dit notre auteur, un grand peuple euro- 
péen serait toujours en état de faire venir du dehors le com- 
plément nécessaire de ses subsistances en blé, en riz, etc. 
Les craintes à ce sujet sont chimériques. » Même dans les 
temps de guerre, il existe toujours dans les ports et dans les 
magasins des approvisionnements. Le blocus ne peut être 
effectif sur toutes les frontières de mer, et tous les voisins 
d'un grand pays ne peuvent guère être à la fois ses ennemis. 

Spécialement pour !a France, entourée de six pays, l'An- 
gleterre, la Belgique, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espa- 
gne, il suffit, en cas de blocus des ports français, qu'elle 
restât en communications commerciales avec un seul de ces 
pays pour qu'elle pût en tirer des quantités considérables 
de blé. 

Ajoutons, ainsi que nous l'avons démontré dans notre 
ouvrage, sur La liberté commerciale, les douanes et les traités 
de commerce (chapitre XI) que, même là où le blocus est 
déclaré, il est plus fictif que réel. Le commerce parvient tou- 
jours à en éluder les prohibitions. L'Angleterre, de 1808 à 18 14, 
sut franchir les barrières que les décrets de Napoléon I**" 
avaient élevées entre elle et les puissances continentales. 
Or, aujourd'hui quelle guerre européenne, avec les engins 
de destruction actuels, serait aussi prolongée que celles du 



Digitized by 



Google 



346 LES IDÉES NOUVELLES 

premier empire, et pourrait plus efficacement que le blocus 
qui fut alors décrété paralyser les agissements du commerce 
et ses approvisionnements par les moyens de transport si 
prompts et si faciles dont il dispose aujourd'hui ? 

Les contrées européennes peuvent donc sans crainte 
s'adonner à la culture plus rémunératrice des produits fins 
et perfectionnés qui caractérisent une agriculture progres- 
sive et intensive. Ce sont précisément ces produits qui, à la 
fois pour le même espace, exigent le plus de travail et four- 
nissent le plus fort revenu net. La consommation de ces 
produits (fruits, légumes, volailles, beurre, œufs, fromages, 
fleurs même) est presque indéfiniment extensible surtout 
avec la rapidité des transports. La vigne est la plus remar- 
quable de ces productions agricoles perfectionnées. La 
France, après la disparition ou la défaite du phylloxéra, à 
laquelle il faut énergiquement travailler, pourrait fournir 
i5o à 200 millions d'hectolitres de vin. Il y a, enfin, une 
part plus importante à faire aux diverses cultures indus- 
trielles. 

Les vieilles et riches nations n'ont plus, comme jadis, à 
se suffire complètement à elles-mêmes ; leur rôle s'est trans- 
formé et agrandi. Il faut voir en elles, vis-à-vis le reste du 
monde, comme des capitales ou métropoles ayant presque le 
monopole et la concentration des productions qui demandent 
de l'art, de la science, des avances de fonds, et comme les 
magasins et entrepôts d'où ces produits rayonnent jusque 
dans les régions éloignées. 

VIII 

Il y a enfin à prévoir l'influence que la concurrence des 
pays neufs pourra avoir sur le régime de la propriété et le 
mode de tenure et d'exploitation de la terre à l'avenir. 

On comprend que puisque la rente de la terre due au 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 347 

privilège de fertilité naturelle tend progressivement à dispa- 
raître dans le monde européen, que chaque défrichement de 
terres nouvelles, chaque facilité dans les communications 
résultant des progrès de la navigation, de la baisse du prix 
du fret, de la réduction des tarifs de chemin de fer et du 
coût des transports, en général, amènent un nivellement qui 
amoindrit, à son tour, le privilège de situation, les grands 
propriétaires auront certainement à souffrir. Mais la propriété 
individuelle moyenne et petite avec la culture directe par le 
propriétaire n*en sera que plus en faveur. 

La haute classe, aristocratie ou bourgeoisie, peu importe 
son nom, qui détient encore les immeubles ruraux dont elle 
abandonne si aisément la gestion et la culture à des fermiers 
ou à des métayers avec lesquels elle n*a que des rapports 
fugitifs et parfois difficiles, se dessaisira d'autant plus de 
cette richesse immobilière qu'elle en verra la rente s'amoin- 
drir et l'exploitation aboutir rationnellement à une véritable 
profession industrielle. 

Ce mouvement s'accentue déjà sous l'influence de diverses 
causes. La difficulté de partager les domaines fonciers par 
égales parts entre les enfants, aussi bien que la perspective 
du revenu plus large des valeurs mobilières, l'attrait des 
spéculations auxquelles elles se prêtent et leur aptitude à 
être divisées aisément entre les héritiers, déterminent beau- 
coup de propriétaires à céder leurs propriétés foncières qui 
se dépréciant entre leurs mains, se relèveront avec les soins 
du cultivateur vigilant et actif qui vit sur le sol et le harcèle 
par des efforts infatigables. 

On doit se demander cependant quel secours est suscepti- 
ble d'apporter à l'exploitation de la propriété foncière le 
principe de l'association. 

On peut en faire des applications multiples. Déjà nous 
avons personnellement vu se répandre, dans des pays de 



Digitized by 



Google 



348 LES IDÉES NOUVELLES 

vignobles que le phylloxéra n'a point encore détruits, Tidée 
de syndicats entre propriétaires, dans le but d'abord d'assu- 
rer le traitement de leurs vignes menacées, puis la surveil- 
lance et la vente de leurs produits. Pour d'autres régions on 
préconise divers modes d'associations ou d'entente commune 
pour l'emploi des machines agricoles et la généralisation de 
certains procédés 'de culture. On se heurte alors aux diffi- 
cultés et aux questions pratiques qui se rattachent aux 
avantages et aux inconvénients de la grande et de la petite 
culture. 

M. P. Leroy-Beaulieu ne pouvait manquer d'explorer ce 
sujet qui offre un si grand intérêt. Après avoir minutieu- 
sement pesé et discuté tous les avantages de la petite et de 
la grande culture qui sont, on le sait, indépendantes de la 
petite et de la grande propriété, il repousse, comme peu 
pratiques, les associations coopératives agricoles proprement 
dites, malgré tout le bien qu'en ont dit Stuart Mill et M. le 
comte de Paris. Il prévoit cependant et admet comme réa- 
lisable la constitution de quelques grandes propriétés agri- 
coles appartenant à des sociétés anonymes ou confiées, à 
l'aide de commandites, à des cultivateurs intelligents, instruits 
et actifs ; il conclut surtout que la réunion de l'exploitation 
et de la propriété dans les mêmes mains sera chaque jour 
davantage le fait dominant. « Les propriétaires ruraux riches 
devront se faire agriculteurs, mais agriculteurs sérieux, 
pratiques, professionnels, résidant sans absence, prenant 
les mœurs de la vie rurale et se pliant à ses nécessités; ou 
bien encore, ils se feront les associés, les commanditaires 
des paysans, et le métayage renaîtra sous des formes plus 
élastiques et plus variées. Quant à la classe des fermiers, 
elle ne disparaîtra pas à coup sûr, mais il est bien probable 
qu'elle perdra du terrain, à moins que les clauses des baux 
ne se modifient à l'avantage des tenanciers. 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 349 

« Sous le coup de la baisse de la rente de la terre, la face 
des campagnes se renouvellera ; il y aura moins d*inégalité 
de fortune, moins de dissemblance d'habitudes, moins d'écart 
entre Toisiveté des uns et Topîniâtre travail des autres ; il y 
aura aussi plus de capitaux dans les champs, plus d'instruc- 
tion dans la population rurale, plus de goût du progrès, et 
plus de progrès. » 



Digitized by 



Google 



350 LES IDÉES NOUVELLES 

CHAPITRE III 

LES IDÉES NOUVELLES SUR LA PROPRIÉTÉ URBAINE 



Sommaire. — I. Pourquoi la propriété bitte semble devoir échapper aux attaques dirigées contre 
la propriété foncière. — Pourquoi constitue-t>elle un privilège plus irritant ? — Questions à 
étudier. — Cause d'enchérissement des loyers. — Causes de l'accroissement des villes. — Causes 
naturelles. — Causes artificielles. 

II. Effets de Taccroissement des villes et de la cherté des loyers, i* vis-i-vis des propriétaires; 
3* vis-à-vis des locataires. — Le rapport du loyer aux autres dépenses. — Son extension est-elle 
compensée par un surcroît de bien-être ? — Elle pèse davantage sur les habitants dont les revenus 
sont fixes. — Difficultés des locations pour les ménages pauvres. — Les logements en garni. 

III. Remèdes i la cherté des loyers. — De l'achat par l'Etat ou par les villes de la propriété 
foncière urbaine. — Ses effets. — Des sociétés civiles immobilières. — Causes de leur insuccès. — 
Inefficacité de Tintervention de l'Etat pour restreindre la hausse des loyers. — Insuffisance du 
périmètre des villes anciennes. — Nécessité d'augmenter la facilité et le bon marché des transports 
urbains et suburbains. — Taxes i supprimer. — De la création des maisons ouvrières. — Docu- 
ments à consulter pour la région lyonnaise. — Des asiles de nuit. 

Tendance actuelle des loyers. — Avenir probable de la propriété foncière urbaine. — Diminu- 
tion du privilège des quartiers du centre par l'extension des villes dans leur banlieue et dans les 
campagnes environnantes. 

I 

Nous avons vu que la propriété mobilière a soulevé moins 
d'attaques que la propriété foncière, parce que la part du 
travail y est plus apparente. On ne peut sérieusement con- 
tester que rhomme ait un droit exclusif sur Tobjet qu'il a 
façonné suivant ses besoins. Ce qui est le produit direct de 
son travail lui appartient visiblement. 

On en a jugé autrement de la propriété des terres, parce 
que leur appropriation originaire par le travail semble s'effa- 
cer devant le labeur quotidien du fermier comparé à l'oisi- 
veté et à l'indifférence apparente du propriétaire actuel. 

Il semblerait, dès lors, que la propriété bâtie doit échap- 
per aux mêmes attaques. On ne peut dire d'elle, comme on 
le dit de la terre, qu'elle soit un don gratuit et commun de 
la nature à l'humanité. Celui qui, sur un espace nécessaire- 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. ' 35 1 

ment restreint, s'est, de ses propres mains, construit une 
demeure, y a bien un droit exclusif; n'en est-il pas de même 
s'il Ta fait construire à prix d'argent, avec les ressources 
propres qui lui proviennent d'un travail antérieur ? Donc, la 
propriété urbaine est plus inattaquable, s'il se peut, que la 
propriété foncière. 

Elle compte, cependant, d'ardents adversaires et, dans 
certains cas, elle constitue un privilège peut-être, plus irri- 
tant que celui qui résulte de la propriété foncière. Y a-t-il 
situation plus digne d'envie que celle du propriétaire urbain 
recevant sans souci ni travail des mains de son régisseur les 
loyers de son immeuble , tandis qu'à côté de sa quiétude 
existent pour le locataire la servitude et ce qu'on peut 
appeler l'angoisse du loyer? 

L'inégalité sociale existant entre celui qui, dans une ville, 
n'a pas de logement personnel, et le propriétaire maître de 
l'expulser et de saisir ses meubles à défaut de paiement, est 
donc profonde comme un abîme. Mais viendrait-il à l'esprit 
de gens sensés que cet abîme puisse jamais justifier l'expro- 
priation de celui qui possède par celui qui ne possède pas ? 
On pourrait donc, sans être accusé d'injustice ou d'inhuma- 
nité, n'opposer qu'un silence indifférent aux doléances de 
ceux qui, dans les villes, souffrent de cet inévitable antago- 
nisme. 

Il faut cependant mesurer la distance qui sépare le privi- 
lège des uns et la détresse des autres, voir si cette distance 
tend à se restreindre ou à s'agrandir. Il faut, en un mot, 
étudier les causes d'enchérissement des loyers et celles qui 
peuvent y remédier, les mesures utopiques ou rationnelles 
proposées dans ce but, et pressentir ce que sera dans l'ave- 
nir, sous l'action de faits économiques nouveaux, la situa- 
tion du propriétaire urbain. 

Les causes d'enchérissement des loyers sont nombreuses ; 



Digitized by 



Google 



352 LES IDÉES NOUVELLES 

celles indiquées par M. P. Leroy-Beaulieu peuvent se ré- 
duire à cinq : 

I® Les loyers ont une tendance à s*ac croître au fur et à 
mesure de l'agrandissement des villes ; mais c'est là une 
tendance que plusieurs faits peuvent annuler; 

2® Le privilège de situation des terrains et des maisons 
du centre semble aller croissant avec l'extension des villes, 
et cette tendance s'accentue avec les habitudes qui portent 
la population à s'agglomérer en certains quartiers où se 
trouvent les lieux habituels de réunion, de distraction ou 
d'affaires ; 

3® Le taux des loyers a un rapport certain avec les facili- 
tés de transports dans l'intérieur ou la banlieue : que l'on 
puisse se rendre aisément vers le rayon extérieur, aussitôt les 
loyers du quartier du centre tendent à diminuer ou à rester 
stationnaires; 

4"* Le taux des loyers est encore augmenté par les taxes 
directes de voirie urbaine et les tarifs d'octroi sur les maté- 
riaux de construction ; 

5® Tout ce qui renchérit la main - d'œuvre (octrois ou 
impôts sur les objets de consommation) élève avec le salaire 
le coût des transactions nouvelles et les loyers des maisons 
neuves et des maisons anciennes. 

Ce sont, on le voit, des causes qui ne dépendent pas de 
la volonté des propriétaires, mais dont ils bénéficient fortui- 
tement, ou dont l'avantage peut disparaître de même. 

La première, l'extension des villes, attirera plus particu- 
lièrement notre attention. 

Les agglomérations humaines ont plusieurs causes : les 
unes naturelles, les autres artificielles. 

Parmi les premières, il faut ranger : 

I** La prospérité générale d'un pays et le perfectionne- 
ment de ses voies de communication. Arec le développe- 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 353 

ment de l'activité générale et les facilités de transport , elles 
deviennent, en effet, les lieux de concentration et de dépôt, 
et les déversoirs des mille produits de Tindustrie. 

2* Elles appellent à elles le siège des administrations 
diverses, soit de TÉtat et des provinces, soit des grandes 
sociétés commerciales et industrielles : chemins de fer, ban- 
ques, assurances, etc. 

3"* Elles deviennent le berceau d*industries spéciales, 
grandes ou petites, à raison de leur situation topographique, 
ou de leur climat. 

Elles ont alors leur physionomie, leur réputation propre 
qui leur attire de nouveaux éléments de prospérité et d'ac- 
croissement. 

4® Leur mouvement, leur activité sont un attrait qui les 
font rechercher par la classe des oisifs ou des personnes qui 
se sont enrichies ailleurs dans des centres plus restreints. 
Ce sont là des phénomènes économiques naturels dont il n'y 
a lieu que de s'applaudir. 

Les causes artificielles ont un caractère fortuit dont les 
effets sont très-variables. Il y a les faits politiques qui 
peuvent soudain accroître ou diminuer la fortune et la 
population des cités. 

Les unes perdent leur rang de capitale (Versailles, Turin, 
Florence), tandis que les autres prennent parfois, à leur dé- 
triment moral, une importance politique nouvelle. 

Les unes voient leur prospérité dépendre de la présence 
d'une garnison, d'autres ont dû leur extension à de certains 
privilèges fiscaux; nous avons signalé, ailleurs, les effets 
qu'eurent pour Marseille, Bayonne et Dunkerque les édits 
par lesquels Colbert les déclarait ports francs^ exonérés des 
droits de douane qui frappaient sur le littoral les marchan- 
dises venant de l'étranger. 

Il existe encore de notre temps des privilèges locaux, tels 



Digitized by 



Google 



354 ^^S IDÉES NOUVELLES 

que les facultés d'entrepôt (soit réel, soit fictif) et les abon- 
nements que la Régie accorde pour le paiement des droits à 
certains marchandises dont la concentration et le dépôt sont 
ainsi facilités dans certaines villes. M. P. Leroy-Beaulieu 
signale, après l'économiste anglais Cliffe-Leslie, l'influence 
de ces mesures sur l'accroissement des villes. 

Enfin, le développement des grands travaux publics de 
luxe hâte encore leur développement. Les ouvriers en bâti- 
ment qui y arrivent y sont tout aussitôt suivis par une nuée 
de petits commerçants qui les logent et les nourrissent, et, 
définitivement, accroissent avec eux la population flottante 
de la cité. 

Il va de soi que les diverses causes naturelles, politiques 
ou artificielles n'agissent pas toutes à la fois sur le dévelop- 
pement des villes. 

Une conférence de notre confrère M. Lançon, à la Société 
d'Économie politique de Lyon, sur VApenir des contrées de 
Vextrêtne Orient^ nous a montré, ainsi que l'établit à son 
tour M. P. Leroy-Beaulieu , que l'extension subite de cer- 
taines villes nées d'hier, comme Melbourne, Saint-Louis, 
Chicago, etc., est due à ce qu'elles y ont le rôle d'entrepôts 
et d'appareils de distribution des produits. 

Ailleurs, sur le continent européen, Tensemble des causes 
économiques et artificielles sus - indiquées explique l'ac- 
croissement de certaines grandes villes. Ainsi, Paris, qui 
comptait 600,000 habitants en 18 10, en réunit aujourd'hui 
1,988,000, par suite, il est vrai, de l'annexion des com- 
munes qui formaient sa banlieue, mais qui faisaient bien 
partie de la cité, puisqu'aucune interruption dans les cons- 
tructions ne les en séparait. 

De même, Lyon, qui ne comptait que 189,000 âmes en 
1789, en réunit aujourd'hui près de 35o,ooo, sous l'action 
de plusieurs des faits économiques signalés plus haut, et 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 355 

par suite de Tannexion nécessaire des communes subur- 
baines de Vaise, la Croix-Rousse et la Guillotière. 

M. P. Leroy-Beaulieu signale comme le plus merveilleux 
exemple d'augmentation de population urbaine, en France, 
celle de Saint-Étienne, qui, de 9,000 âmes en 1789, atteint 
126,000 en 1876, ce qui s'explique par sa transformation en 
grande cité manufacturière. Marseille, Bordeaux, Lille, 
Toulouse, Nantes ont eu aussi une extension digne de 
remarque, quoique proportionnellement moindre. Nantes et 
Rouen doivent être considérées comme relativement sta- 
tionnaires ; Caen serait en décroissance. Ces deux dernières 
villes sont de celles où, suivant M. P. Leroy-Beaulieu, on 
voit la vieille « prudence normande » s'appliquera détermi- 
ner le nombre des enfants et aboutir, au bout de quelques 
générations, à l'extinction d'un grand nombre de familles. 

Quoi qu'il en soit des causes politiques ou économiques, 
ou morales qui, en France ou ailleurs, amènent la décrois- 
sance des villes, le fait à retenir, c'est que la baisse des 
loyers qui en est la conséquence naturelle ne profite qu'à 
un petit nombre de personnes, tandis qu'à l'inverse la 
hausse nuit presque à tout le monde. 

II 

La hausse des loyers, suite inévitable de l'extension des 
villes, a un double effet : elle augmente considérablement la 
fortune et les revenus des propriétaires urbains, mais elle 
accroît les charges des rentiers ou des ouvriers pour leur 
logement ; de là un écart plus considérable et un antago- 
nisme plus accusé entre la situation des uns et des autres. 

La fortune croissante des propriétaires n'a en elle-même, au 
point de vue moral et économique, rien de critiquable : ils 
bénéficient de circonstances extérieures qui, là, comme en 



Digitized by 



Google 



356 LES IDÉES NOUVELLES 

toute autre matière, agissent sur ce qu'on appelle la valeur. 

Mais le caractère absolument irréprochable de la fortune 
du propriétaire urbain ne dispense pas les économistes d'étu- 
dier dans quelle mesure s'aggrave et comment peut s'atténuer 
la charge du loyer pour ceux qui ne sont pas propriétaires. 

Pour connaître l'aggravation de la charge du loyer, il fau- 
drait savoir dans quelle proportion la location figure, à diffé- 
rentes époques, dans le montant des dépenses annuelles de 
chaque habitant. 

C'était, paraît-il, un axiome de la sagesse de nos pères que 
le loyer ne doit pas dépasser le dixième du revenu. Aujour- 
d'hui toutes les classes de la population, sauf des exceptions 
toutes particulières, mettent à leur logement une proportion 
notablement plus forte. Ce fait universel est attesté pour 
Berlin, Londres et Vienne aussi bien que pour Paris par les 
chiffres que cite M. P. Leroy-Beaulieu, ensuite de nombreux 
documents. 

L'importance relative du loyer ne doit pas, d'ailleurs, être 
considérée comme un mal. Plus un peuple est civilisé, ins- 
truit, délicat, plus le loyer tient de place dans les dépenses 
de la famille. Le goût du logement sain, aéré, propce et 
confortable est le signe le plus sûr du développement des 
habitudes d'ordre, d'activité et du sentiment de la dignité 
personnelle. La proportion de la dépense du loyer aux 
salaires n'est nulle part plus forte qu'aux États-Unis, si nous 
en croyons les rapports des consuls anglais sur la situation 
des classes ouvrières à l'étranger. Ils nous montrent la plu- 
part des ouvriers habiles possédant, dans les grandes villes 
américaines, des logements de plusieurs chambres avec 
jardin auxquels ils consacrent le quart ou le cinquième de 
leur rémunération habituelle. Quelle différence avec ces 
logements d'ouvriers que nous connaissons, où s'accumule 
une seule famille dans la même pièce, grâce à l'usage très- 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUF. 35 J 

lyonnais de ces faux planchers appelés sous-pentes qui 
divisent, sur un point, le logement en deux étages, et eH 
augmentent ainsi la surface habitable sans accroître le volume 
d'air qu'on y respire. Ce qui, dans les villes neuves des 
États-Unis, rend accessible à l'ouvrier l'habitation décente 
et commode, c'est un double fait dont plus loin nous verrons, 
pour nous, les conséquences pratiques : l'étendue de surface 
des villes et la facilité et le bon marché des transports 
urbains et suburbains. 

L'élévation du coût du logement, proportionnellement 
aux autres dépenses, n'est donc pas, en elle-même, un fait 
regrettable. Malheureusement, dans nos villes resserrées sur 
des emplacements trop étroits et qu'il leur est même plus 
ou moins facile de franchir, le logement, pour être plus 
cher, n'en est pas plus commode. 

Le loyer est donc généralement d'un poids plus lourd 
pour le locataire, sans être compensé par un surcroît de 
bien-être. 

La population à qui le fardeau croissant du loyer est le 
plus onéreux est celle dont les revenus fixes^ ou peu suscep- 
tibles de progression, ont perdu de leur puissance d'acqui- 
sition par suite de la dépréciation, précédemment constatée, 
des métaux précieux. 

Ainsi, les rentiers non propriétaires, les pensionnés ou 
retraités, les employés et les ouvriers sont plus particuliè- 
rement frappés, on le comprend, par la cherté du logement. 

Parmi eux il faut, dans les grandes villes, distinguer, 
d'abord, la population sédentaire qui ne peut lutter contre 
le poids du loyer qu'en se logeant dans les quartiers excen- 
triques et les banlieues, ou en s'élevant progressivement 
dans ces étages supérieurs, mansardés ou non, qui se voient 
à Paris, mais dont nos maisons lyonnaises sont surtout 
couronnées. Parmi tant d'habitants sédentaires^ c'est-à-dire 

Académie de Lyon, classe des Lettres, 34 



Digitized by 



Google 



358 LES IDÉES NOUVELLES 

possédant un mobilier et pour qui le paiement régulier d'un 
loyer est un problème difficile, il y a des nuances à Tinfini 
qu'il est superflu d'analyser. On sait ce que sont ces loge- 
ments d'ouvrier où le terme à payer apparaît sans cesse 
comme une menace d'expulsion et de saisie, et dans lesquels 
le locataire est trop heureux quand il peut, simplement 
congédié, enlever sains et saufs ses meubles et ses bardes 
et les transporter dans quelqu'autre gîte dont le propriétaire 
se contente d'une modique avance à titre d'arrhes, ou à- 
compte sur le terme à échoir. 

Il y aurait à faire pour notre population lyonnaise un tra- 
vail de statistique analogue à l'étude très-instructive qu'a 
publiée M. Toussaint, sous-chef du bureau de statistique, 
sur les rues et les maisons de Paris et qui lui a permis de 
déterminer le nombre moyen des logements par chaque 
maison, le nombre moyen d'habitants par local, la valeur 
locative de logements divisés en diverses catégories, le nom- 
bre des logements de chacune. Nous en retenons seulement 
que près des 4/5 de l'ensemble des locaux destinés à l'habi- 
tation des Parisiens comprennent les petits logements de 
3oo à 5oo fr. Aux documents divers (recensements quin- 
quennaux, rôles de l'impôt mobilier, enregistrement des 
baux) que M. P. Leroy-Beaulieu cite dans l'étude qu'il fait 
à son tour des petits logements à Paris, il ajoute, comme 
source à consulter, les rapports ou mémoires de l'assistance 
publique qui, dit-il, étend ses secours sur environ 40,000 mé- 
nages. 

Nous ne mentionnons ce détail, et surtout ce chiffre, que 
parce qu'il fait naître dans notre esprit un douloureux éton- 
nement. La détresse serait-elle proportionnellement pire à 
Lyon qu'à Paris, puisque dans notre ville, dont la population 
est par rapport à celle de Paris dans la proportion de 
35o,ooo à 2,000,000, nous voyons, d'après un rapport de 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 359 

M. le docteur Gailleton, publié dans le Lyon Médical 
d*avril 1878, que l'assistance publique, c'est-à-dire le Bureau 
de bienfaisance, étend ses subsides à 3o,ooo indigents lyon- 
nais ? 

Quoi qu'il en soit, il faut, en outre, et dans toutes les 
grandes villes, tenir compte de la partie nomade de la popu- 
lation qui n'a d'autres logements que les garnis. Un recen- 
sement de 1876, cité par M. P. Leroy-Beaulieu, fixe à 
II 5,000 le nombre des habitants des garnis parisiens. Les 
registres des logeurs permettraient à la municipalité lyon- 
naise de se rendre un compte à peu près exact du nombre des 
habitants nomades, hôtes ordinaires des garnis. 

Cette question des garnis est capitale dans les grandes 
villes, ce n'est pas le lieu de parler ici des jvorkouses et de 
constater qu'à Londres et à Berlin les maux résultant de 
l'accumulation des hôtes des garnis sont pires qu'à Paris. 
La salubrité, l'immoralité, la sécurité publique, c'est-à-dire 
des intérêts de premier ordre, sont engagées dans l'enquête à 
faire sur ces sortes de logements. 

III 

Ce qu'il est le plus urgent d'étudier, ce sont les moyens 
de remédier à la cherté des loyers. 

Les questions qui se posent sont les suivantes : 

Comment, dans les villes, rendre possible pour le plus 
grand nombre un logement sain et salubre ? Quelle est la 
tendance actuelle des loyers ? Quel est l'avenir probable de 
la propriété foncière urbaine ? 

Pour remédier aux inégalités sociales que fait naître la 
propriété urbaine individuelle, certains esprits ont imaginé 
d'y substituer l'État ou les communes. 

Proudhon, on s'en souvient, voulait, en 1848, la suppres- 



Digitized.by 



Google 



360 LES IDÉES NOUVELLES 

sion du loyer, tout comme la suppression de Tîntérêt du 
capital. Aujourd'hui M. Wagner, professeur à l'Université 
de Berlin, conseille le rachat de la propriété urbaine par 
rÉtat ou par les municipalités. Il admet cependant que cette 
expropriation motivée par l'intérêt public ne devrait pas se 
faire sans une juste indemnité. 

Si ce projet, si monstrueux qu'il paraisse, était motivé par 
des avantages réels et décisifs, il n'y aurait pas à l'écarter 
par la question préalable de l'énormité du prix que l'État 
ou les municipalités auraient à payer. Mais, au fond, quels 
seraient les effets d'une telle concentration de la propriété 
urbaine ? 

Les maisons d'habitation appartenant à l'État ou aux 
communes par suite d'un rachat, ou parce que les construc- 
tions nouvelles seraient élevées à l'aide des fonds publics, 
n'en seraient pas moins louéçs aux particuliers. Or, qu'arri- 
verait-il ? L,e loyer des petits logements serait abaissé dans 
l'intérêt des classes peu aisées, celui des grands appartements 
serait maintenu ou même progressivement élevé en raison 
de la fortune présumée des locataires. On en viendrait pour 
les premiers à des exceptions de loyer arbitraires. La ma- 
jeure partie de la population, si prompte à se faire illusion, 
verrait bientôt dans le loyer, non plus la rémunération d'un 
service rendu, mais l'acquittement d'un impôt abusif et exa- 
géré dont, par tous les moyens, on tenterait de s'affranchir. 

Comment, d'ailleurs, serait administrée la propriété 
urbainç concentrée aux mains de l'État ou des municipa- 
litca ? La gestion en serait fort défectueuse. M. P. Leroy- 
Bcaulieu signale la mollesse et les capitulations de la 
municipalité parisienne, qui, pour les grands travaux qu'elle 
fait ej^écuter depuis trente années, établit périodiquement 
des tarifs de salaires qu'on appelle « la série des prix de la 
ville de Paris » sur lesquels, dans les cas de grève, elle fait 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 36 1 

ensuite des concessions regrettables qui compromettent les 
conditions de Tindustrie privée. <c II n'est pas bien, dit-il, 
qu'un État ou qu'une municipalité soit le grand régulateur 
des salaires. » 

Les sociétés civiles immobilières, soit propriétaires, soit 
gérantes d'immeubles urbains, n'apportent pas davantage à 
leur gestion la vigilance du propriétaire individuel ou du 
régisseur de profession. Des exemples nombreux à Paris, 
dans certaines grandes villes de France et à l'étranger, en 
Allemagne, en Autriche en ont fourni la preuve. La propriété 
collective d'immeubles urbains ne se conçoit dans des con- 
ditions de prospérité que pour certaines constructions ayant 
un caractère spécial, telles que certains hôtels gigantesques 
ou les placements en maison dans lesquels les Compagnies 
d'assurances trouvent un placement avantageux pour leurs 
capitaux. 

Donc aucun mode de propriété dans les villes n'est préfé- 
rable à la propriété individuelle. 

Mais alors, comment remédier à l'antagonisme profond 
qui existe entre l'intérêt du propriétaire et l'intérêt général? 

Ne mentionnons que pour en rappeler l'inefficacité les 
ordonnances rendues dans le cours du XVII* siècle (1622, 
i633^ 1649) contre la hausse des loyers, en présence de 
l'accroissement de la population de Paris. 

Ce qu'il faut demander à l'État et aux municipalités, c'est 
de s'abstenir des agissements irréfléchis qui contribuent à 
la croissance anormale et subite des grandes villes et à la 
hausse des loyers. La municipalité parisienne a fourni 
depuis 3o ans trop d'exemples de ces mesures qui ne font 
qu'augmenter l'inégalité des richesses et l'instabilité du tra- 
vail : M. P. Leroy-Beaulieu condamne absolument ces travaux 
publics entrepris hâtivement, avec exagération, à l'aide d'im- 
pôts excessifs ou niai assis qui, pour le plus grand profit des 



Digitized by 



Google 



362 LES IDÉES NOUVELLES 

entrepreneurs, des capitalistes et des banquiers, font d'une 
ville un vaste chantier où la population en quête de domicile 
s'accroît des ouvriers convoqués en grande masse et des 
habitants délogés par la démolition soudaine des vieux 
quartiers. 

Ce qu'il faut encore demander aux municipalités, c'est de 
ne pas accroître leur dette dont le service d'intérêt, ajouté 
aux charges ordinaires, exige le maintien et souvent l'éléva- 
tion des droits d'octroi qui ont pour résultat de rendre la 
vie plus difficile et plus coûteuse et de renchérir le prix des 
constructions par la hausse même des salaires. 

M. P. Leroy-Beaulieu voudrait donc voir disparaître 
moins encore les taxes sur les spiritueux que celles sur les 
matériaux de construction, les fourrages, les entreprises de 
transports urbains. 

Nous touchons là à la solution la plus efficace des diffi- 
cultés que fait naître la question du logement. Ce qui, nous 
l'avons vu, dans les villes neuves des États-Unis, rend pos- 
sible à l'ouvrier un domicile commode et salubre, c'est 
l'espace sur lequel les cités ont pu se développer et la faci- 
lité des transports urbains et suburbains. 

.Dans nos vieilles villes d'Europe, plus l'emplacement est 
exigu, plus le terrain à bâtir est cher, plus chères aussi sont 
les constructions. En même temps la demande de logements 
supérieure à l'offre élève le loyer et augmente encore d'autant 
l'insuffisance et l'incommodité des demeures, surtout pour 
l'ouvrier. 

Les habitations de toutes les classes sont, d'ailleurs, affec- 
tées, au point de vue de la salubrité et du confortable, par 
l'exiguïté de l'emplacement des villes. La génération actuelle 
commence à perdre le souvenir de ce qu'étaient les habita- 
tions du centre de Lyon resserré depuis des siècles entre nos 
deux rivières, et dont la principale et presque Tunique 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 363 

artère était la rue Mercière, avant l'ouverture des rues Cen- 
trale, Impériale et de THôtel-de- Ville, et Télargissement des 
voies transversales (i). 

Il ne suffit pas de régénérer les vieilles cités par rétablis- 
sement de voies nouvelles dans les quartiers trop resserrés 
et la création de maisons neuves dans les régions suburbaines, 
il faut surtout multiplier les moyens de transport dans Tin- 
térieur et dans les banlieues, réduire, supprimer même les 
taxes sur les passages, les voitures, les droits de stationne- 
ment, tout ce qui peut enchérir la locomotion; alors seule- 
ment la population des grandes villes pourra se loger dans 
les banlieues plus confortablement et à moins de frais (2). 

M. P. Leroy- Beaulieu recommande encore les œuvres et 
associations privées tendant à la création de maisons ou- 
vrières. L'Alsace en a donné l'exemple à Mulhouse, à 
Colmar, à Guebwiller, à Thann. Paris a vu se fonder la 
Société des habitations économiques et la Société de Passy- 
Auteuil pour la construction de maisons ouvrières. L'étude 
de ces institutions, d'initiative privée, celle de l'ouvrage de 

(i) Voyez, en ce qui concerne l'hygiène et la salubrité des habitations 
lyonnaises, les vœux exprimés par MM. les docteurs Rougier et Glénard 
dans leur ouvrage intitulé : Hygiène de Lyon, i vol. in-8« de 576 pages. 
Lyon, A. Vingtrinier, imprimeur, 1860. 

Une grande partie du plan de régénération de Lyon, tracé par M. le 
docteur Rougier dans cet ouvrage, p. 38 et suivantes, reste encore à 
réaliser. 

(2) On peut se rendre compte de tous les progrès qui restent à réaliser 
en étudiant Texcellent ouvrage couronné par l'Académie des sciences 
morales et politiques : La transformation des moyens de transport et les 
conséquences économiques et sociales^ par M. de Foville, ancien élève de 
rÉcole polytechnique, professeur à l'École des sciences politiques, i vol. 
in-80. Guillaumin et C>«, Paris, 1881. 

On consultera aussi avec profit dans le numéro du mois d'août 1881, 
du Bulletin de statistique et de législation comparée du Ministère des tra- 
vaux publics^ les documents résumés par M. P. Leroy-Beaulieu dans un 
article de V Économiste français du i»»* octobre suivant, sous ce titre: 
De V industrie des tramways et de sa productivité. 



Digitized by 



Google 



364 LES IDÉES NOUVELLES 

MM. MuUer et Cacheux sur les Habitations économiques^ 
auxquelles il faut ajouter pour notre région les essais faits à 
Montchat, ceux de la Cité-Rambaud, les documents réunis par 
M. le docteur Penot, directeur de notre École de commerce, 
ancien directeur de TÉcole de commerce de Mulhouse ; les 
idées émises après enquête par le Comité général des Prési- 
dents de Sociétés de secours mutuels de la ville de Lyon, et 
les communications qui y ont été recueillies sur les acqui- 
sitions partielles d'étages dans certaines maisons de la 
Croix-Rousse : voilà la base d'un travail d'ensemble à faire 
sur la multiplication possible des petits logemens à l'inté- 
rieur ou autour de l'agglomération lyonnaise. Cette matière 
est d'ailleurs fort délicate à traiter, car il y a à compter avec 
les goûts et les convenances qui font que la fixité définitive 
du logement dans un quartier ne sourit pas toujours à 
l'ouvrier. 

Parmi les institutions qui peuvent encore rendre des ser- 
vices, M. P. Leroy-Beaulieu cite les asiles de nuit destinés 
à fournir un abri passager aux personnes momentanément 
sans gîte. Mais il fait des vœux pour que leur création reste 
l'œuvre de la charité privée, qui, mieux que l'État ou les 
communes, est apte à empêcher que ces asiles augmentent 
la population nomade et le vagabondage. 

Reste à examiner la tendance actuelle des loyers et l'ave- 
nir probable de la propriété foncière urbaine. 

L'auteur, dont nous croyons si utile de faire connaître et 
de vulgariser les idées, estime que l'accroissement des 
grandes villes ne peut continuer avec la rapidité et l'inten- 
sité qu'on a constatées pendant la dernière période de 40 
ou 5o ans. Le développement de la valeur des propriétés 
urbaines et la hausse des loyers , si on examine attentive- 
ment les causes qui en ont été signalées plus haut, parais- 
sent se rattacher à des circonstances économiques d'un 



Digitized by 



Google 



EN ÉCONOMIE POUTIQUE. 365 

caractère passager. La plus-value des maisons situées dans 
le centre des villes diminuera successivement avec la ten- 
dance des populations à se répandre dans les quartiers 
excentriques. La vie de famille ne peut que gagner à cette 
extension des diverses classes d'habitants dans la périphérie 
des grandes villes. 

L'insuffisance des moyens de communication a certaine- 
ment augmenté le privilège de situation des immeubles 
immédiatement situés autour des centres de réunion, d'af- 
faires, de plaisir. En déplaçant ces centres, en créant de 
nouveaux quartiers sur les confins des anciens, en les reliant 
par un réseau plus complet de moyens de transports com- 
modes et à bon marché, on arrivera à réaliser un certain 
nivellement dans le chiffre des loyers, surtout pour les loca- 
tions inférieures, qui intéressent la plus forte partie de la 
population. 

En résumé , on peut croire que de même que le privilège 
de la propriété foncière s'est amoindri et disparaîtra de plus 
en plus devant la concurrence des pays nouvellement mis 
en culture, de même, avec le temps, celui de la propriété 
urbaine s'atténuera devant la concurrence que sont appelées 
à faire aux anciens quartiers la banlieue des villes et même 
les campagnes environnantes. 



Académie de Lyon, ctaue de$ Lettres. 25 



Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN 

ÉPISODE DE L'HISTOIRE DE LYON AU IX« SIÈCLE (i) 

PAR 

E. CAILLEMER 

Doyen de la Ftcnlté de droit. 



La bibliothèque du couvent de Saint- Marien d'Auxerre 
possédait autrefois un manuscrit contenant quelques extraits 
de canons et de constitutions impériales faits par le diacre 
Florus. Ces extraits, publiés dans le Spicilegium de l'illustre 
bénédictin dom Jean-Luc d'Achery (2), ont pour rubrique : 
(c Haec a domno Floro, viro prudenti, collecta sunt ex lege 
et canone. » C'est la connaissance de cet opuscule qui a 
permis aux savants auteurs de YHistoire littéraire de la 
France (3) d'écrire que Florus était très-versé dans l'étude 
des canons et des lois civiles. 

Parmi les extraits figurent des fragments des première, 

(i) M. Frédéric Maassen, professeur de droit romain et de droit cano- 
nique à r Université de Vienne, a publié dans les Sitiungsberichte der 
kaiserlichen Akademie der Wissenschaften de Vienne (t. XCII, p. 3oi- 
324), un savant mémoire ayant pour titre : Ein Commentar des Florus 
von Lyon f w einigen der sogenannten Sirmond'schen Constitutionen, 
Nous nous faisons un devoir de reconnaître que nous avons beaucoup 
emprunté à cette remarquable dissertation. 

(2) Tome XII, p. 48-53; cf. 2« édition, 1723, in-folio, t. I, p. 597 
et suiv. 

(3) Tome V, p. 225 et 237. 



Digitized by 



Google 



368 FLORUS ET MODUIN. 

troisième, sixième et onzième constitutions dites de Sirmond, 
un résumé de la quinzième, un fragment et une courte 
amplification de la vingtième. Tous ces textes, sauf le der- 
nier, sont relatifs à la juridiction ecclésiastique et se trouvent 
dans un précieux manuscrit du VIII* siècle, c'est-à-dire 
antérieur au célèbre diacre lyonnais ; manuscrit faisant au- 
jourd'hui partie de la riche bibliothèque de Cheltenham, 
mais qui était autrefois à Lyon, et que Sirmond a décrit et 
analysé sous le nom de Codex Lugdunensis (i). On pourrait, 
sans trop d'invraisemblance, soutenir que c'est de ce ma- 
nuscrit que Florus a tiré ses extraits. 

Dans un autre manuscrit, du X* siècle, appartenant à la 
Bibliothèque ambrosienne de Milan , on trouve également, 
mais sans nom d'auteur, la même série d'extraits. 

Les variantes existant entre les deux textes ont une assez 
grande importance, et prouvent que ces textes sont d'origines 
diverses; chacun d'eux contient quelques passages qu'on ne 
trouve pas dans l'autre. La différence la plus notable entre le 
manuscrit d'Auxerre et le manuscrit de Milan, c'est que, 
dans celui de Milan, chacun des extraits est accompagné 
d'un court commentaire. 

Mais , précisément , le commentaire de la vingtième 
constitution. est formé, en majeure partie, de la petite ampli- 
fication que nous avons déjà signalée dans le manuscrit 
d'Auxerre. 

Le commentaire doit, comme les extraits eux-mêmes, être 
l'œuvre du diacre Florus; nous allons essayer de l'établir. 



Il convient tout d'abord de mettre en parallèle, sous les 
yeux du lecteur, nos deux textes. 

(i) Voir nos Notices et Extraits de manuscrits de la Bibliothèque de 
Lyotty 1881, p. 28-3o. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. 



369 



TEXTE D'AUXERRE 

d'après d'achery 

IVetV 

CONSTANTINUS, AD FELICEM, PILEFEC- 
TUM PRiETORIO. 

Sanxîmus namquc^ sicut edicti 
nostri forma déclarât, sentendas 
episcoporum, quolibet génère illa- 
tas^ sine aliqua tetatis discretione 
in viola tas semper incorrupiasque 
servari ; scilîcet pro sanctis semper 
ac venerabilibus habcatur quidquid 
cpiscoporum fuerit sententia ter- 
mlnaium, sive utiquclnter minores, 
sive inter majores ab episcopts fucrit 
judïcatum apudvos, qui judidorum 
summam tenelis, et apud c^eteros 
omnes judices ad exequutionem 
volumus pertinere ...,,, 



TEXTE DE MILAN 
d'après m. maassen (i) 

I 

IMPERATOR CONSTANTINUS 
AUGUSTUS (2). 



Pro sanctis semper 

ac venerabilîbus habeatur quicquid 
episcoporum fuerit sententia ter- 
mînatum« * - • 



Multa eoim quae in judicio cap- 
tiosEe prœscriptionis vincula pro mi 
non patiuntur, investigat et promit 
sacrosanctœ religionis aucioritas. 
Omnes utique causœ, quse vel pnt- 
torio jure vel civili tractaniur, 
episcoporum sententiis termtnatm, 
perpetuo siabilitatis jure firmantur, 
nec liccat ulierius rétracta ri nego- 
tium, quod episcoporum sententia 
deciderit. 

Testimonium etiam, ab uno licet 
episcopoperhi bit unQf omnes judkes 



, , , Quicumque itaque litem 
habens, sive possessor sive petitor 
erit, inter initia litis vel decursis 
temporum curriculîs^ sive cura 
negotium pérora Cur, sive cum jam 
ceperit promi sententia, judicium 
eligit sacrosanctae legis antistitls) 
illico sinealii^uadubitatione, etiamsi 
alla pars refragatur, ad cpiscopum 
cum sermone litigantium dirigatur. 



Omnesque causas, quae vel pr^etorio 
jure vel civili tractaniur, episcopo^ 
mm scntentiis terminata*, perpetuo 
stabiîitads jure firmentur, nec liceat 
ulterius retractari negotium^ quod 
episcoporum sententia décident. 



(i) Le commentaire est imprimé en caractères italiques. 

(2) Corutituttones Sirmondi^ I, édition Hcnel, p. 445 et suiv. 



Digitized by 



Google 



SyO FLORUS ET MODUIN. 

iadubitanter accipiant, nec alius 

audîatur, cum testimonium épis- 

copi a qualibet parte fuerit repro- 

missum. Illud est enim veritatis 

auctoritate firmatum, illud incor- • 

ruptum, quod a sacrosancto homine 

conscientia mentis illibato protule- 

rit. Hoc quod nos edicto salubri 

aliquando censuimus, hac perpétua 

lege firmamus. 

Christiantssimus iste imperator 
in publico liti gantes^ etiam si judi- 
cialis jam sententia proferatur^ si 
una pars ad episcopum proclama- 
verit, continuo etiam nolente alia 
sœculares ad ecclesiasticum judi- 
cium dirigit. Noster vero prœto- 
rialis episcopus ecclesiasticos ad 
seculare examen ire compellit. 
Apparet^ quantum status ecclesiœ 
dilapsus sity quando venerabilius 
sentit de honore ecclesiœ imperator 
nuper ex pagano conversus quam 
episcopus ab infantia ecclesiœ lacté 
nutritus, 

IX II 

IMPERATORES VALENTINIANUS, THEO- IMPERATORES VALENTINIANUS, THEO- 
DOSIUS ET ARCADIUS. DOSIUS ET ARCADIUS (l). 



Continua lege sanximus nomen 
episcoporum vel eorum qui ecclesiae 
necessltatibus serviunt, ne ad judicia 
sive ordinariorum sive extraordina- 
riorum judicum pertrahantur. Ha- 
bentilli judices suos, necquidquam 
hispublicis commune cum legibus. 



Continua lege sancimus, ut nullus 
episcoporum vel eorum, qui ecclesiœ 
necessitatibus serviunt, ad judicia 
sive ordinatoriorum, sive exordi- 
natoriorum (judicum) pertrahantur. 
Habent illi judices suos, nec quic- 
quam his publicis commune cum 
legibus 

Si omnes ecclesiastici habent uti^ 
que in ecclesia judices suos, cur ad 
alienos judices impellantur} 



(I) Eod, Loc.f III, p. 453 et suiv. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. 



371 



X et XI III 

IMPERATOR THEODOSIUS ET VALENTI- IMPERATOR THEODOSIUS ET VALENTl- 
NIANUS CiESAR. NIANUS CiESAR (l). 

Privilégia ecclesiarum vel cleri- Privilégia ecclesiarum vel cleri- 

corum omnium. i, proaa devo- coru m omnium, quîE siecuIo aostro 

tionc revûcamuSj scilicet ut quid- tirannus inviderat, prona devoîione 
quid a divis principibus sïnguli revocamus, Scilicet m, quicquid a 
quiquc anîisiîtcs impetrarunt, jugi divis principibus singuU quique an- 
soliditatc serve tur, nec cujusquam tlstites iiDpetrarunt, jugi solidîdate 
audeat titillare pra^sumptio, ia que servetur nec cuiquam audeat titil- 
nos nobis magis prœstituin coafi- lare praïsumptio» in quo nobis ma- 
temur, gis pr:e^titum confitemur. 

Clericos Igîtur omnes quos indis- Clericos igitur omnes» quos in- 
crete et ad sasculares judices debere discreum ad ssecularcs judices de- 
deduci, infaustus prECSumptor edi- bere deduci înfaustus praesumptor 
xerat, episcopali audicntiae reser* edixerat, episcopali audientise re- 

vamus servamus, his manentlbus quae cîrca 

eos sanxtt antiquiias. 

. . - . -, Quid clarius^ quid religwsîtts dtci 

. * . potuii? 

Fas enim non est ut divtni muneris Fas enim non est ui divinî mu- 

mi nis tri lÊmporaltum potcstatum ne ris ministri temporalium potes- 
su bdaotur arbitrio, tatum subdantur arbiirio. 

Si tirannus invidens et infaus~ 
tus prœsumptor ecctesiasticos deho' 
n^sUvit^ yideat episcopus si mi Hier 
ûgens ne simiîiter cognominari me- 
reatur. 



m 

IMPERATOR HONORIUS ET THEODOSIUS 

AUGUSTUS. 

YaCÊiit ecclesia: soUs quibus bene 
conscia? sunt divinae pnedicationis 
officiis. Cuncti in orationibus cele- 
brandis horarum omnium momenta 
consumant. Gaudeant nostra in per- 
petuum liberalicate munit^, qua- 
rum nos erga cul tu m pie ta te et 
aeterna devotione gaudemus. 



ÏV 

IMPERATOR WONOflJUS ET THEOI>OSIUS 

AUGUSTUS (3). 

Vacent ecclesiœ solis , quibus 
beoe conscientiae sunt, divine P^^' 
dtcationis offidis, cuncta in oratio- 
nibus celé brandis horarum omnium 
momenta consument-Gaudeant nos- 
tra (in) perpetuum liberalitate mu- 
niiaCj quarum nos crga cultum pic^ 
tatis acterna devotione gaudemus. 



(I) Eod, Loc., VI, H«iel, p. 456 et sulv. 
(9) Eod. Loc,, XI, Hcnel, p. 464. 



Digitized by 



Google 



372 



FLORUS ET MODUIN. 



Hanc vacationem prcedicationum 
et orationum perturbât episcopuSy 
qui et ceteros ad sœcularia jurgia 
pertrahit et ipse contempta quiète 
ac verecundia ecclesiastica contenu 
tionibus insanis et spectaculis gla-- 
diatoris prcesidet. 



XIII 

IMPERATOR HONORIUS ET THEODOSIUS. 

Episcopos vel presbytères, dia- 
conos et quoscumque inferioris locl 
christianae legis ministros, ab epis- 
copis solum, non ab alio oportet 
accusatos audiri. 



IMPERATOR HONORIUS ET THEODOSIUS 
AUGUSTUS (l). 

Episcopos, presbyteros, diaconos 
et quoscumque inferioris loci Chris- 
tianae legis ministros ab episcopis 
solum, non ab alio, oportet accu- 
satos audiri. 

Luce clarior sententia^ quam in 
his regionibus etiam a laicis hacte^ 
nus observatam nunc per episco- 
pum metuimus subruendam. Qui 
cum boni nihil statuât^ miror^ cur 
bene statuta convellit? 



(1) Eo4, Loe,, XV, Haenel, p. 47i- 
(3) Eod, Loe., XVII, H«nel, p. 475. 



IMPERATOR 



VI 

CONSTANTINUS 
TUS (2). 



AUGUS • 



Judex pro sua soUicitudine obser- 
vare debebit, ut , si a se ad episco- 
pos provocetur, silentium accomo- 
det. Et si quis ad legem Christianam 
negotium transferre voluerit et illud 
judicium observare, audiatur, etiam 
si negotium apud judicem sit in- 
choatum, et pro sanctis habeatur, 
quicquid ab his fuerit judicatum. 

Hoc apertius et absolutius hac 
lege precipitur^ quod in alio prag- 
mate superiiis paulo obscurius fue- 
rat promulgatum. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. 



373 



XIV ET XV 

THXODOSIUS ET VALBNTINIANUS 

AUGUSTUS. 

Audemus quidem sermonem fa- 
cere sollicite, plus timoré capti de 
sanctis venerabilibus sacerdotibus, 
et secundis sacerdotibus , vel etiam 
levitis, et eos cum omni timoré 
nominare, quibus terra caput incli- 
nât. 

Et post pauca ; quod in sacerdoti- 
bus ecclesîa constaL 

De obnùxiis vero inqutuni : SI 
qui ambulaveriÈ cum episcopo , vel 
cum presbytero, vel etiam cum dia* 
cono, sive in platea, sive in agro, 
sive in quolibet loco, nuUo pacto 
eos rétine ri vel obstringi jubemus. 
Quoniam in sacerdotibus ecclesia 
constat, 

K. Reges isti christianissimit qui 
tanta revcrentia de ecclesia loquun- 
tur, non frustra audterunt: Et mtnc 
reges inteîtigiie^ trudimïni qui ju- 
dicatis terrant ; serviie Domino in 
timoré^ et exuîtate et in tremore. 
Mira autem et vera sententia, quod 
ecclesia non tam in lapidfbus quam 
in sacerdotibus constat. Et ideo 
juste nu ne et religiose sancitur, ut 
reverentia, quœ altari et templo 
exhibetur, eadem sacerdotibus exhi* 
beatur ; et sicut hoc est, ut juxia 
templum vel al tare ibi nemo reum et 
crimini vel etiam morti obnoxium 
contingat, iia nequc a latere epis- 
copi, presbyte ri et diaconi quolibet 
loco abriperc vel contingere au- 
deat... 



VII 

THEODOSIUS ET VALBNTINIANUS 
AUGUSTUS (l). 

Audemus quidem sermonem fa- 
cere sollicite plus timoré capti de 
sanctis ac venerabilibus sacerdoti- 
bus et secundis sacerdotibus vel 
etiam levitis et eos cum omni 
timoré venerari, quibus terra caput 
inclinât.,. 

Et rosT pauca: 

De obûoxiis vero inquiunt: Si 
qui ambulaverint cum episcopo vel 
cum presbytero (vel) etiam cum 
diacono , sive in platea , sive in 
agro, sive in quolibet loco, nullo 
pacto eos rétine ri vel obstringi vo- 
lumus, quoniam in sacerdotibus 
ecclesia consistât, 

Reges isti Christîûnissimi, qui 
ianta reverentia de ecdesia locun* 
tur, non frustra audierant : Et nunc 
reges^ intellîgite , erudimini , qui 
judicatis ierram^ servi te Domino 
in timoré et exuUate ei in tremore^ 
Mira autem et vera sententia^ quod 
ecclesia non tam in lapidibus quam 
in sacerdotibus constat. Et ideo 
juste nunc ei religiose sancitur^ ut 
reverentia^ qui^ altari et templo 
exhibetur^ eadem sacerdotibus exhi' 
beatur. Et sicut ibi nemo reum et 
crimini vel etiam morti obnoxium 
contingiî, ita neque a latere epis^ 
copi, presbyteri et diaconi quolibet 
loco ahriperç vel contingere au~ 
deant. Sed quomodo per eos alii 
protegentur, qttns a stculari violen~ 
tia non evangelica, non apostolica^ 
non canonicij ^ non romana jura 
prœmuniunt? Viderit hujus auctor 
inquietudinis ^ quid conetur^ nam 
spicua ratione his omnibus con» 
traire convincitur. 



(1) £oi. iof., XX| H«ii«l, Corjmt hgitm, p. Mi< 



Digitized by 



Google 



374 FLORUS ET MODUIN. 



Le commentaire est un acte d'accusation d'une violence 
extrême contre un évêque qui se montre plus dévoué aux 
tribunaux séculiers qu'aux tribunaux ecclésiastiques. 

Cet évêque, que l'auteur appelle par dérision un prœto^ 
rialis episcopus^ oblige les clercs à porter leurs procès devant 
les tribunaux séculiers : c< Ecclesiasticos ad seculare examen 
ire compellit... Ad secularia jurgia pertrahit. » Il faut que 
l'Église soit bien déchue de son ancienne grandeur, pour 
qu'un évêque, nourri dès son enfance du lait de l'Église, 
ait moins de déférence pour cette Église que n'en avait 
Constantin, à peine sorti du paganisme : « Apparet quantum 
status Ecclesiae di lapsus sit, quando venerabilius sentit de 
honore Ecclesiae Imperator nuper ex pagano conversus, quam 
episcopus ab infantia Ecclesiae lacté nutritus. » Théodose et 
Valentinien qualifient de tyran envieux, de sinistre usurpa- 
teur, l'empereur Jean (423-425), qui a dépouillé les églises 
et Jes clercs de quelques-uns de leurs privilèges. Voyez 
si les mêmes qualifications ne vous conviennent pas, à vous, 
évêque, qui marchez sur les traces de Jean ? <c Si tirannus 
invidens et infaustus praesumptor ecclesiasticos dehonesta- 
vit, videat episcopus, similiter agens, ne similiter cognomi- 
nari mereatur ! » 

Non-seulement vous attirez devant des juges, qui ne sont 
pas faits pour eux, les clercs, naturellement justiciables de 
leurs propres juges, les juges ecclésiastiques ; mais encore, 
au mépris des convenances, au mépris du recueillement 
qu'impose TÉglise, vous présidez les débats insensés des 
cours séculières, ces débats qui rappellent les luttes des 
gladiateurs : <c Omnes ecclesiastici habent utique in Ecclesia 
judices suos; cur ad alios judices impellantur?... Episco- 



Digitized by 



Google 



FLORUS-ET MODUIN. SyS 

pus, contempta quiète ac'verecundia ecclesîastica, contentio- 
nibus insanis et spectaculis gladiatoris prœsidet. » 

Jusqu'à ce jour, les clercs ont vécu paisibles, se consacrant 
tout entiers à l'instruction des fidèles et à la prière, comme 
le voulaient Honorius et Théodose. C'est un évêque qui 
vient les troubler dans l'accomplissement de leurs devoirs ! 
« Hanc vacationem praedicationum et orationum perturbât 
episcopus ! » 

Une règle, admise sans difficulté, dans toute la région, par 
les laïques eux-mêmes, cette règle que les évêques, les 
prêtres, les diacres et même les ministres inférieurs de la loi 
du Christ ne doivent être jugés que par les évêques, nous 
avons tout lieu de craindre qu'un évêque ne la détruise! 
ce Luce clarior sententia^ quam in hîs regionibus etiam a lai- 
cis hactcnus observatam, nunc per episcopum metuimus 
subruendam. » 

Ni le droit évangélîque, ni le droit apostolique, ni le droit 
canonique, ni le droit romain ne protègent plus les clercs 
contre les violences séculières* Comment pourront*ils main- 
tenant exercer le droit d'asile personnel que Théodose et 
Valentinien leur ont accordé ? Les Empereurs veulent qu'un 
accusé, même poursuivi pour un crime capital, ne puisse 
pas être saisi, en quelque lieu que ce soit, dès qu'il est aux 
côtés d'un évêque, d'un prêtre ou d'un diacre. Voici aujour- 
d'hui un évêque qui permet aux autorités séculières de saisir 
le prêtre lui-même! « Quomodo per sacerdotes alii prote- 
gentur, quos à seculari violcntîa non evangelica, non apos- 
tolica, non canonica, non romana jura pra^muniunt ? » 

Que cet évêque ne fasse rien de bien, soit! Maisi au moins, 
qu'il laisse subsister le bien fait par ses prédécesseurs: « Qui 
cum boni nîhil statuât, mîror cur bene statuta convelHt î *> 



Digitized by 



Google 



376 FLORUS ET MODUIN. 



Cet évêque néfaste, dont le commentateur ne prononce pas 
une seule fois le nom, est facile à reconnaître. C'est évidem- 
ment Moduin, évêque d'Autun. — Dans le recueil des 
poésies latines de Florus, nous avons un poème dans lequel 
le diacre de TÉglise de Lyon formule, en termes plus décla- 
matoires, les mêmes accusations (i). Dans ce poème, l'ac- 
cusateur et l'accusé sont nominativement désignés. C'est 
Florus qui se plaint des injustices commises par Moduin 
contre l'Église de Lyon. Les griefs sont identiques ; leur 
expression seule varie et encore y a-t-il des similitudes éton- 
nantes. 

<c Que t'a donc fait cette Église de Lyon, ta nourrice et 
notre mère, pour justifier le traitement que tu lui infliges ? 
Tu déchires les lois, tu détruis le droit sacré des canons en 
broyant les entrailles de ta mère. Oh I mon fils Moduin, te 
dit-elle, toi qui es mon enfant, toi que j'ai réchauffé dans 
mon sein, pourquoi viens-tu troubler le repos dans lequel, 
depuis si longtemps, vivent mes autres enfants ? Pourquoi 
les obliges-tu à sortir de leurs tranquilles demeures ? Jus- 
qu'ici les clercs avaient leurs juges particuliers, les laïques 
avaient les leurs ; une haie, un mur de clôture séparaient les 
deux ordres. Pourquoi veux-tu abattre cette haie, renverser 
ce mur ? Pourquoi veux-tu effacer les vieilles limites de mon 
domaine et permettre à tous d'y entrer librement? — Arrête- 
toi I suspends ton œuvre ! tu ne parviendras pas à me dé- 
pouiller de mon privilège, appuyée que je suis sur le bras 
de Dieu. J'ai pour moi l'Évangile, les apôtres, les canons ; 
j'ai même pour moi les constitutions de Constantin., de 

(i) «Ad Moduinum, Augustodunensem episcopum , de injusta vexatione 
Ecclesise Lugdunensis», dans Migne^ Patrologia latina^ t. CXIX,p. a53-256. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. Syy 

Théodose, d'Arcadius et d'Honorius (i). Si tu ne connais 
pas les règles édictées par ces hommes pieux, étudie à loisir 
un petit livre dans lequel elles sont brièvement résumées. — 
Tu ne crois pas que les clercs aient droit à une juridiction 
particulière; tu veux que tous soient justiciables du même 
tribunal. A part les abbesses et les prélats, tous les membres 
du clergé ne sont que poussière à tes yeux. Oublies-tu que 
tu es le père du clergé ? Si tu es son père, ne le méprise pas 
et ne t'élève pas en dignité pour mieux l'opprimer (2). » 

Avions-nous tort de dire que les ressemblances sont frap- 
pantes ? Le poète , comme le commentateur, reproche à 
Tévêque de ne pas respecter TÉglise , qui Ta nourri de son 
lait lorsqu'il était enfant; de troubler le pieux repos dans 
lequel vivent les clercs et de les jeter dans le tourbillon des 
luttes séculières; de ne pas tenir compte des limites qui 



(i) « Post evangeJicos cl)rpcos, post tela corusca 

Oris apostolicî, post pia jura Dei, 
Me Constantinus reverendo munit ab ore, 

Me quoque Theodosius protegit ore pio ; 
Arcadio dulch perdulcis Honorius hœrens 
Me duld eloquio laudat^ honorar, amar. * 
(2) Cette longue épître, dont nous n'avons cité que les passages les plus 
saillants, est sévèrement qualifiée par les Bénédictins : « La muse du 
poète, disent-ils, était de bien mauvaise humeur; elle ti'use d'aucun 
ménagement pour son adversaire ; elle le traite avec dureté, a Florus a 
beau protester de son amour pour Moduin^ tout juge impartial dira qu'il 
dépasse les bornes dans lesquelles une pole'mique courtoise doit se ren- 
fermer, lorsqu'il écrit : 

n Tunde tgitur tetrum rostri damnabilis uncuni 
Et fuge germana vivere carne ferox ! k 
Ou bien encore : 

ff Nec m étuis démens cakes illidere Christo.*. 

Et bos 

Cornipeta in Dominum turgtda colla vibras. * 
Tel n'est pas, cependant, l'avis de M. Tabbé Reure, qui trouve que, 
dans cette épttre , u Florus ménage un peu Modoin , son Tjeux frère 
d'armes, » et que « ses reproches ont encore quelque chose d^une mélan* 
colie caressant c.^ *» Un CoÛège à Lyon au IX*" sièch^ 1881, p 40, 



Digitized by 



Google 



378 FLORUS ET MODUIN. 

séparent les deux ordres, limites que les laïques eux-mêmes 
n'essaient pas de franchir; de méconnaître le droit évangé- 
lique, le droit apostolique, le droit canon, le droit romain, 
et, par droit romain, le poète entend les constitutions de 
Constantin, de Théodose, d'Honorius et d'Arcadius, c'est-à- 
dire précisément les constitutions qui figurent dans les 
extraits de Florus. 
Et lorsque le poète dit à Tévêque : 

Si veterum nescis pia jura piorum, 

Desine quod nescis dilaniare bonum, 
Et cape tranquillus brevibus quod pagina verbis 

Altéra pacifico suggerit en studio, 

ne le renvoie-t-il pas précisément au Recueil dans lequel, lui, 
Florus, a réuni et commenté les pia jura veterum piorum? 



Les deux adversaires sont bien connus et ont, Tun et 
l'autre, une place dans l'histoire littéraire de la France. 

Moduin, que l'on appelle aussi Modoin ou Mautwin, avait 
été élevé dans l'Église de Lyon, et, avant d'occuper le siège 
épiscopal d'Autun, il fut abbé de Saint-Georges. Nous igno- 
rons la date précise de son élévation à l'épiscopat et celle de 
sa mort; nous savons seulement, par une charte de Louis- 
le-Pîeux ou Débonnaire, qu'il était évêque en 81 5; un autre 
document, daté de l'année 843, nous montre son successeur 
Altée, dans l'exercice de ses fonctions. 

Pendant cette longue période, Moduin jouit toujours d'une 
grande influence auprès de l'Empereur, qui reconnaissait en 
lui l'un de ses serviteurs les plus dévoués, et surtout les plus 
fidèles ; jamais l'évêque d'Autun ne s'associa aux évêques, 
qui, comme l'archevêque de Lyon Agobard, prenaient le parti 
des factieux contre l'Empereur. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. 879 

Son crédit est attesté par plusieurs témoignages. Lorsque 
Théodulfe, évêque d'Orléans, accusé d'avoir trempé dans la 
révolte de Bernard, fut chassé de son diocèse et enfermé dans 
le monastère d'Angers, ce fut à Moduin qu'il s'adressa pour 
fléchir la colère de l'Empereur. Moduin lui répondit en 
vers élégiaques, qui nous ont été conservés, et, dans cette 
pièce, unique témoignage des aptitudes poétiques de l'évêque 
d'Autun, nous lisons que Moduin ne cesse d'intervenir en 
faveur de son malheureux collègue ; mais il est convaincu que 
le seul moyen pour Théodulfe d'apaiser Louis est d'avouer 
simplement son crime. L'Empereur lui a promis de se mon- 
trer favorable dès que la faute aura été confessée. 

Le même poème nous montre Moduin en relations suivies 
avec le favori de l'Empereur, le puissant comte Matfrid. 

Walafrid Strabi compare l'évêque d'Autun au matelot qui 
observe les écueils et les signale au pilote ; c'est lui qui, dans 
l'Empire, joue le rôle de vigie, de proreta^ au milieu des 
tempêtes qui menacent de tout briser. 

Florus, lui-même, dans une autre de ses oeuvres, vante les 
services éclatants rendus par Moduin. 

Lorsque Ebbon , évêque de Reims , fut accusé d'avoir 
adhéré à la révolte de Lothaire, Moduin fut l'un des trois 
juges choisis par l'inculpé. 

Lupus rapporte, enfin, que, quand Pépin fut chassé de 
l'Aquitaine, Charles-le-Chauve partagea ce royaume en trois 
gouvernements, ayant pour sièges Clermont, Limoges et 
Angoulème; le gouvernement de Clermont fut divisé entre 
Moduin et Au tbert, comte d'Avallon. 

L'évêque d'Autun n^était pas tendre pour les clercs de son 
temps. Dans sa lettre à Théodulfe, il écrit : « C'est la faute 
des prêtres, si le clergé est méprisé, si aucun prctre ne 
paraît digne de confiance. Les clercs ne s'inquiètent pas des 
misères de leurs frères; ils ne pensent qu'aux gains de ce 



Digitized by 



Google 



380 FLORUS ET MODUIN. 

monde et ne reculent devant nul effort pour acquérir les 
biens périssables. » 

Les Bénédictins pensent que les reproches, trop vifs et 
trop aigres, de Florus, furent motivés par la conduite de 
Moduin pendant Texil d'Agobard, de 835 à SSy. « En qualité 
de premier suffragant de la province, Tévêque d'Autun se 
trouva alors chargé de veiller sur T Église de Lyon. Peut- 
être y voulut-il s'arroger des droits défendus par les canons, 
et même y faire quelques vexations (i). » 

Il est notable, sans doute, que, dans les doléances de 
Florus, le nom de Tarchevêque ne soit pas prononcé. Le 
prélat aurait souffert, plus que tous les autres membres de 
son Église, des prétendues violences de Moduin. Agobard 
n'était pas plus indulgent que Moduin pour les abus qui 
régnaient alors dans le clergé; mais ce fécond écrivain ne 
serait pas resté indifférent devant des attaques dirigées 
contre ses prêtres. On peut donc admettre, avec les Béné- 
dictins, que les griefs de l'Église de Lyon, dont Florus se fit 
l'interprète , coïncident avec l'absence du chef de cette 
Église. 

Mais nous ne croyons pas que Moduin fût à Lyon comme 
vicaire ou suppléant d' Agobard. C'est plutôt comme missus 
dominicus de l'Empereur qu'il vint dans notre ville pour 
rendre la justice. C'est en cette qualité de missus dominicus 
qu'il pouvait présider les tribunaux séculiers et obliger les 
clercs à se soumettre aux juridictions laïques. 

La vie de Florus eut moins d'éclat extérieur que celle de 
Moduin (2). Simple diacre pendant la plus grande partie de 
son existence, maître Florus, magister Florus^ comme l'ap- 
pelaient ses contemporains, fut élevé si tard au sacerdoce 
que le titre de prêtre ne lui fut presque jamais donné. Il se 

. (1) Histoire littéraire^ t. IV, p. 548. 

(2) Voir V Histoire littéraire de la France^ t. V, pages 21 3 à 240. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. 38 1 

consacra principalement à l'étude , à renseignement et à la 
composition d'ouvrages très-variés. On vante son ardeur, 
son assiduité au travail, sa piété, son exactitude, son ortho- 
doxie ; on parle de son empressement à réunir des livres 
choisis et corrects, de son obligeance à les communiquer; 
mais c'est surtout comme auteur qu'il est connu. Ses œuvres 
sont nombreuses et plusieurs, comme celle qui nous occupe, 
sont des œuvres de polémique. Amalaire, qui donnait de 
certaines parties de la liturgie des explications allégoriques, 
eut, plus encore que Moduin, le don d'irriter Florus ; celui-ci 
l'attaqua, sans aucun ménagement, dans les assemblées de 
Thionville et de Quierzy-sur-Oise, et, à force d'instances, 
obtint qu'il fût censuré. Le fameux sophiste Jean Scot 
Érigène excita également la verve querelleuse de Florus par 
ses doctrines sur la prédestination. Il est vraisemblable que 
notre diacre ne fut pas étranger à la rédaction du Traité tou- 
chant les trois lettres d'Hincmar, de Pardule et de Raban, 
traité qui parut vers 853 sous le nom de l'Église de Lyon, et 
dans lequel on retrouve la dureté d'expressions qu'offrent ses 
autres opuscules. 

Une œuvre, moins ardente, est le conimentaire des Épîtres 
de saint Paul, tiré des Œuvres de saint Augustin, compila- 
tion dont la Bibliothèque de Lyon possède peut-être un 
exemplaire original (i). 

(i) Telle est du moins la conjecture de M. Lëopold Delisle. Dans 
l'étude qu'il a consacrée à notre manuscrit n^SS (414 du Catalogue Delan- 
dine), Tëminent Directeur de la Bibliothèque nationale s'exprime ainsi : 
« L'exécution de ce volume doit être rapportée au IX« siècle. Il est très- 
possible que ce soit un exemplaire original de la compilation de Florus ; 
l'auteur, qui a été l'une des lumières de l'Église de Lyon dans la pre- 
mière moitié du IX« siècle, l'aurait donné ou légué au clergé de la 
cathédrale de Lyon » (Notices et Extraits des Manuscrits de la Biblio^ 
thèque nationale^ t. XXIX, 2« partie, p. 402). 



Académie de Lyon, classe des Lettres. 36 



Digitized by 



Google 



382 FLORUS ET MODUIN. 



Le grief principal de Florus contre Moduin, c'est que 
Moduin attire les clercs devant les tribunaux séculiers, tandis 
que les clercs ont pour tous les cas des juges naturels, qu'il 
s'agisse de procès civils, ou de procès criminels. Ces juges 
sont les juges d'Église. « Omnes ecclesiastici habent utique 
in ecclesia judices suos. » Il empiète donc sur les droits de 
l'Église en attribuant compétence aux tribunaux laïques. 

Il méconnaît les constitutions des Empereurs de Rome, 
qui, toutes, proclament le privilège pour les évêques, les 
prêtres , les diacres , même pour les simples clercs, d'être 
jugés par les évêques, à l'exclusion de tous autres juges: 
« Episcopos, presbyteros, diaconos et quoscunque inferioris 
loci Christianse legis ministros ab episcopis solum, non ab 
alio, oportet accusatos audiri. » 

Il rend vaines les faveurs accordées par Théodose et 
Valentinien à la personne des clercs. Ces Empereurs, pleins 
de respect pour le christianisme, ont étendu le droit d'asile 
des églises aux membres du clergé : « Ecclesia non tam in 
lapidibus quam in sacerdotibus constat. Et ideo reverentia 
qufle altari et templo exhibetur , eadem sacerdotibus exhi- 
beatur. » Lorsqu'un accusé, même poursuivi pour un crime 
capital, s'attachera à la personne d'un évêque, d'un prêtre 
ou d'un diacre, la juridiction séculière ne pourra pas le sai- 
sir, lors même qu'il serait rencontré sur une place publique 
ou dans la campagne. — Que devient, avec Moduin, ce pri- 
vilège des clercs ? Comment leur personne restera-t-elle 
assimilée. à un asile, si eux-mêmes deviennent justiciables 
des tribunaux séculiers et peuvent être saisis par les officiers 
des pouvoirs laïques ? 

Nous devinons aisément quelle était la réponse de Moduin 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. 383 

à rargumentation de Florus. Vous me reprochez, pouvait-il 
dire, de ne pas appliquer les constitutions impériales ; mais 
ces constitutions ne sont pas ma règle. Le droit que j'observe, 
c'est le droit de l'Empire franc. Or, d'après ce droit, en 
matière civile, lors même que le procès intéresse des clercs, 
la juridiction appartient toujours aux tribunaux séculiers (i). 
Il est vrai que, si le défendeur est un membre du clergé, on 
devra fournir k Tévêque le moyen de tenter la conciliation 
des parties. Les plaideurs se rendront devant lui, soit direc- 
tement, soit sur Tordre du juge. Mais,, si la tentative de 
conciliation n'aboutit pas, le procès suivra son cours (2), 

(i) Les juges les plus autorisés sont d*accord pour recoanaître que 
M. Sohm a victorieusement réfuté, dans la Zeitschrîft fi'tr Kîrchettrecht^ 
u IX, p. 199 et suiv.^ Topinion de ceux qui croient que, dans l'Empire 
franc, les tribunaux ecclésiastiques avaient seuls compétence pour juger 
les procès civils entre deux clercs, et que, pour les contestations entre un 
laïque et un clerc, la compétence appartenait à un tribunal mixte. La 
thèse de M, Sohm se résume en ces mois : a Im frcenkischen Reich, dcr 
Kirche eine Gerichtsbarkett in Civilsachen nicht zustand. » CL Lœning, 
Geschichte des deutschen Kirchenrechis^ L II, 1878, p, 5o8 ; Maassen, 
Sitjungsbenchte der Akademie der Wissenscha/ten^VÏQnne^ XCIl, p, 3i i 
eî suiv., etc. 

{2) Le I 4 de Tédit de Glotaire H, du 18 octobre 614; (t Ut nullus 
judicum de quolibet ordine clericos de civilibus causls, prêter criminalia 
negotia, per se distringere aut damnare pra^sumat », ne doit pas être 
séparé du 6* canon du Concile de Paris de 6j4, qui en indique nettement 
la signification: « Ut nullus judicum neque prcsbytcrum neque diaconem 
aut clericum uîlum aut juniores ecclesiœ, sine scientia ponîifcis, per se 
distringat aut condemnare prœsumat. n Œ le g 17 du Capitulaire général 
de Charlemagne de 769 ; « Ut nullus judex neque presbyîerum, neque 
diaconum aut cl e rie u m aut junior em eccleîîi^ie ûJrtra conscîeniiam ponîi'* 
ficis per se distringat aut condemnare praesumat.n II faut que Tév^que soit 
averti, afin qu^ii essaie de concilier les parties; une procédure officieuse 
devant Tévèque doit précéder Tinstance devant le juge séculier. Mais, si 
le procès n'est pas terminé en présence de l'évèque* f si negotium cleri- 
corum in episcopi prœsentia non tiniatur » , on ira devant le juge 
laïque, sans avoir même à solliciter lautorisation de Tévéque, « Durch 
daa Edict von G 14. wurde das gerichtlicbe Verfahren gegen Geistliche 
nicht an die Erlauhniss des Bischofls geknUpft, wie die frllheren Conci- 
lîen es verlangt halten , sondern nur daran dass dcm Bischoff vorher 
MittheiluDg gemacht worden sei» i [Lœning, toc. ctL^ p. 5i3^ note i J 



Digitized by 



Google 



384 FLORUS ET MODUIN. 

L'évêque devra même veiller à ce que le clerc comparaisse 
devant le tribunal séculier. Les clercs devront se présen- 
ter personnellement devant les tribunaux laïques. Il n'y a 
d'exception que pour les évêques, les abbés et les abbesses, 
qui pourront se faire suppléer par leurs procureurs. 

Les deux opuscules de Florus nous prouvent que Moduin 
observait scrupuleusement toutes les prescriptions légales. 
Il reconnaissait la compétence des tribunaux séculiers pour 
juger tous les procès civils des clercs ; il obligeait ceux-ci à 
paraître en justice : « Ecclesiasticos ad seculare examen ire 
compellit », en respectant toutefois le privilège des évêques, 
des abbés et des abbesses. 

Nam nisi cœnobium mater muliebre gubernans 
Et sacer antistes, cetera pulvis erunt (i). 

On ne pouvait donc sérieusement faire un grief à Moduin 
de ce qu'il se conformait au droit en vigueur et jugeait, 
comme juge séculier, les contestations pendantes entre les 
clercs. 

Avait-il également compétence pour juger, en la même 
qualité, les délita des clercs ? Les auteurs contemporains sont 
très-divisés sur le point de savoir à qui appartenait le juge- 
ment des affaires criminelles, lorsque l'accusé était un clerc. 
La majorité se prononce en faveur d'un tribunal mixte. Dove 
pense que, en pareil cas, l'Église seule pouvait juger le 
clerc. Sohm distingue entre l'instruction et le jugement; 
l'instruction était du domaine des juges séculiers; l'applica- 
tion de la peine était réservée aux juges ecclésiastiques. Pour 

(i) M. Maassen, Loc. cit.^ p. 3 12, remarque que le texte de Florus, 
pris à la lettre, pourrait même recevoir cette interprétation : Moduin ne 
limitait pas le privilège des évêques, des abbés et des abbesses, au droit 
de se faire représenter en justice ; il retendait jusqu'à Texemption de 
toute juridiction séculière. Nous croyons que, en faisant la part d'une 
certaine licence poétique, on ne trouvera pas de contradiction véritable 
entre le droit en vigueur et la pratique attribuée par Florus à Moduin. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. 385 

Lœning, après comme avant Tédit de Clotaîre, les clercs 
accusés de délits furent justiciables des tribunaux laïques ; 
seulement, depuis Tédit de 614, le clerc condamné par le 
juge séculier devait être renvoyé au juge ecclésiastique pour 
que sa faute fût jugée disciplinairement et pour qu'on lui 
appliquât les peines canoniques (i). 

Cette variété d'opinions prouve que les textes manquaient 
de précision. Moduin était sans doute partisan de l'opinion 
la plus favorable au pouvoir laïque , et faisait juger par les 
juges ordinaires les procès criminels des clercs (2). 

En somme, pour les procès civils , la conduite de Moduin 
était irréprochable. Pour les procès criminels, elle pouvait 
peut-être donner prise à des objections ; mais elle n'autori- 
sait pas les violences de langage du diacre Florus. 

(i) Nous serions enclin à croire, avec M. Lœning, que les tribunaux sé- 
culiers étaient compétents pour juger et punir les membres du clergé. 
Un précieux document, que Ton rapporte habituellement au IX« siècle, 
la Lex Romana Curiensis ou Utinensis, que M. Hœnel a publié, sous le 
nom d'Epitome de Saint-Gall, dit nettement : « Si criminales causas clerici 
commiserint, ante provinciales judices finiantur. » A l'autre extrémité de 
la France, la charte 202 du Cartulaire de l'Abbaye de Saint-Sauveur de 
Redon nous montre, sous la date du 24 février 858, un clerc, nommé 
Anauan, condamné à perdre la main droite, comme punition d'une ten- 
tative d'homicide sur un prêtre nommé Anauhoiarn; Anauan avait donc 
été jugé et condamné par un tribunal séculier, et la peine lui eût été 
appliquée s'il ne l'eût rachetée par l'abandon d'une vigne qu'il possédait 
à Tréal (Morbihan). — Nous devons toutefois faire une réserve pour le 
premier de ces témoignages. M. Schupfer a récemment publié dans les 
mémoires de la Real Accademia dei Linceiy anno CCLXVIIIy une disser- 
tation dans laquelle il cherche à établir que la Lex Romana Utinensis ou 
Curiensis a été faite pour la Haute-Italie et non pas pour la Suisse. Voir 
le Centralblatt fur Rechtswissenschaft^ décembre 1881, p. 92. Si on 
admet l'opinion de M. Schupfer, la Lex Curiensis ne peut pas fournir un 
argument pour la France orientale. 

(2) M. Maassen, Loc. cit,^ p. 3 14, ne croit pas qu'il résulte nécessai- 
rement du texte de Florus que Moduin admit la compétence des tri- 
bunaux séculiers pour punir les délits des clercs. « Wessen Florus den 
Modoinus beschuldigt, das kann ebensowohl von Zwangsmassregeln, die 
zur Einleitung des Verfahrens dienen, als von eigentlichen Strafen vers- 
tanden werden. » 



Digitized by 



Google 



386 FLORUS ET MODUIN. 



En composant son recueil d'extraits, Florus a-t-il agi avec 
une entière bonne foi? Il est permis d*en douter. 

Les Bénédictins ont déjà remarqué que, dans son opuscule 
sur rélection des évêques, le diacre lyonnais n'a pas exacte- 
ment exposé la vérité, lorsqu'il paraît supposer « que l'élec- 
tion et la consécration de l'évêque de Rome se faisaient et 
s'étaient toujours faites sans l'avis de l'Empereur » (i). 

Nous allons constater plusieurs fautes non moins graves (2). 

Florus invoque d'abord une constitution du 5 mai 33 1, 
dans laquelle Constantin recommande aux préfets du Pré- 
toire et à tous les juges laïques de faire exécuter scrupuleu- 
sement les sentences des évêques (3). L'Empereur ajoute : 

(i) Histoire littéraire^ V y p. 218. 

(2) On peut s'étonner, à première vue , de ce que Florus ait invoqué, à 
Tappui de sa thèse, les constitutions des Empereurs romains , alors qu'il 
trouvait, dans les Capitulaires, des arguments que beaucoup de nos con- 
temporains ont jugés décisifs. Sans parler du § 4 de Tédit de Clotaire, du 
18 octobre 6 14, sur lequel nous reviendrons bientôt, on pourrait citer : i« le 
§ 18 d'un Capitulaire de Pépin, daté de Vernon, 14 juillet 755 : « Ut nul- 
lus clericus ad judiciorum laicorum publica non conveniat sine jussione 
episcopi sui vel abbatis * ; — 2« le § 38 du Capitulaire ecclésiastique de 
789 : « Ut clerici et ecelesiastici ordines, si culpam incurrerint, apud 
ecclesiasticos judicentur, non apud saeculares » ; — 3» le | 3o du Capi- 
tulaire de Francfort de 794 ; a De clericis ad invicem altercantibus aut 
contra episcopum suum agentibus, sicut canones docent ita omnimodis 
peragant. Et si forte inter clericum et laicum fuerit orta altercatio, epis- 
copus et comes simul conveniant, et unanimiter inter eos causam diffi- 
niant secundum rectitudinem » ; — 4<* le § 3 des Statuta Rhispacensia et 
Frisingensia du 20 août 799 : « Statuerunt ut nullus inter ecclaesiasticos 
ordines pro qualibet causa absque judicio episcopi sui vel etiam métro- 
politani consensu ad judicia secularia minime audeat accedere, etc. » — 
Florus pensa sans doute que ces textes , contenant simplement des pré- 
ceptes de conduite pour les clercs, mais sans grande autorité pour les 
juges séculiers, n'arrêteraient pas Moduin. Il aima mieux recourir à des 
textes moins connus. 

(3) D'éminents historiens traitent d'apocryphe la constitution de Tan- 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. 38j 

« Tout plaideur, défendeur ou demandeur, pourra, quelle 
que soit la hauteur de la procédure, se soumettre au juge- 
ment de révêque. Le juge laïque devra immédiatement se 
dessaisir, malgré toutes les résistances de la partie adverse, et 
déférer le procès à la juridiction épiscopale.» — Florus établit 
aussitôt entre TEmpereur et Moduin un parallèle qui n'a rien 
de flatteur pour Tévêque d'Autun. — Mais il se garde bien de 
dire que d'autres constitutions, notamment une constitution 
qui, comme la précédente, se trouve dans les dix-huit consti- 
tutions du Codex Lugdunensis édité par Jacques Sirmond, ont 
abrogé la règle formulée par Constantin. Le i3 décembre4o8, 
Arcadius, Honorius et Théodose limitèrent le droit pour les 
évêques d'Occident de juger les procès des laïques au cas où 
les parties étaient d'accord pour se soumettre à la juridiction 
épiscopale: « Episcopale judicium ratum sit omnibus, qui 
se audiri a sacerdotibus acquieverint, » L'évêque a donc cessé, 
dès l'année 408, d'être un juge privilégié; ce n'est plus qu'un 
arbitre choisi par les plaideurs (i). 



née 33 1 De confirmando judicio episcoporum ; telle est encore aujourd*hu 
l'opinion de M. Duruy : « On fabrique des lois telles que la trop fameuse 
constitution De confirmando (Séances et travaux de l'Académie des 
sciences morales, 1882, I, p. 186). » — Mais les juges les plus compé- 
tents se prononcent, en Allemagne, dans le sens de Tauthenticité : la 
conclusion d'Hasnel : a Hanc constitutionem non suppositam, sed Cons- 
tantin! legem censeo » (Novellœ Constitutiones^ 1844, p. 439) est généra- 
lement enseignée par les professeurs des Universités allemandes. Voir 
notam ment Lœnmg, Gcsch ich ie d es de u isch û n Klrch en r ech ts , i B 78 , 
t. I, p- 290 et suiv\, et Schulte, Geschichie der Quel f en und Literaîur des 
canonischen Rechts, IIU i, t88o, p. 573. 

(i) Constiîutioties SirmoaJ. XVI IIp Heenel, p, 476; cf, L» 8, Codejusti- 
nien, De episcopMî audientia^ I, 4. — Cette constitution du i3 dé- 
cembre 408 Étend à î* Empire d'Occident la règle édictée, dix ans plus tôt, 
pour l'Empire d'Orient, par une constitution du 37 juiUet 3^8 (L, 7, Code 
Justinien, De episcopati audîeniia, 1,4); constitution que tous les édi- 
teurs datent de Milan, mais qui doit être certainement datée de Mni^us 
(Galatiel , puisque c'est de cette ville de Mnizus que sont datées quatre 
autres constitutions du même jour (Hmntl^ Indejc Legum^ p, 62), — 



Digitized by 



Google 



388 FLORUS ET MODUIN. 

La constitution de Valentinien, Théodose et Arcadius, du 
4 février 884, loin d'être favorable à la thèse soutenue par 
Florus, la condamne expressément. Elle limite, en effet, la 
compétence des juges ecclésiastiques aux causes ecclésias- 
tiques : « Continua lege sancimus nomen episcoporum vel 
eorum qui ecclesiae necessitatibus serviunt, ne ad judicia 
sive ordinariorum sive extraordinariorum judicum pertraha- 
tur. Habent illi judices suos nec quicquam his publicis com- 
mune cum legibus : quantum ad causas tamen ecclesiasticas 
pertinet, quas decet episcopali auctoritate decidi. Quibus- 
cunque igitur mota fuerit qusestio, quse ad Christianam per- 
tineat sanctitatem, eos decebit sub eo judice litigare, qui 
prœsul est in suis partibus omnium sacerdotum, id est per 
-Egyptidiœcesim... »(i). — Mais Florus a grand soin de ne pas 
transcrire intégralement le texte ; il se borne à reproduire le 
principe et laisse complètement dans l'ombre l'addition par 
laquelle les Empereurs déterminent la sphère d'application 
de ce principe. A en juger par le texte de Florus, les tribu- 
naux séculiers ne pourraient jamais statuer sur les procès 
des clercs; les clercs auraient des juges spéciaux pour toutes 
les affaires qui les intéressent, tandis qu'en réalité la compé- 
tence de droit commun appartient aux tribunaux séculiers. 
Le tribunal ecclésiastique n'a qualité que « quantum ad 
causas ecclesiasticas pertinet, et si quœstio mota ad Christia- 



M. Lœning, qui enseigne que la juridiction fut accordée aux ëvêques par 
Constantin, pour mettre les hauts dignitaires de l'Église catholique sur 
un pied d'égalité avec les patriarches juifs déjà dotés de la juridiction, fait 
remarquer très- justement que ces patriarches furent dépouillés en même 
temps que les évêques d'Orient du privilège dont ils jouissaient. La loi 10, 
Code théodosien, de Jurisdictione^ 2, i, est du 3 février 898 (Geschichte 
des deutschen KirchenrechtSj t. I, 1878, p. 298). — Vers la fin du 
IV« siècle, la juridiction avait donc cessé d'appartenir aux dignitaires 
ecclésiastiques, et, comme elle ne leur fut jamais restituée, la constitution 
de 33 1 ne pouvait justifier le grief de Florus contre Moduin. 
(i) Hœnel, p. 452 et s. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. SSq 

nam pertîneat sanctitatem.» — L'omission est grave et ne 
peut pas être involontaire. 

L'interprétation donnée par Florus à la constitution du 
9 Juillet 425, œuvre de Théodose et de Valentinien, en exa- 
gère la portée. L'Empereur Jean, pendant son règne éphé- 
mère, avait enlevé aux clercs le privilège dont ils jouissaient, 
d'être seulement justiciables des tribunaux ecclésiastiques 
pour les affaires ecclésiastiques. Grâce à cette innovation, les 
clercs devaient toujours sans exception aller devant les juges 
séculiers : « Clericos... indiscretim ad seculares judices 
debere deduci infaustus prœsumptor edixerat», tandis que, 
précédemment, les juges séculiers n'avaient compétence que 
pour les procès civils et les procès criminels. — Théodose et 
Valentinien révoquent une mesure qui leur paraît contraire 
à la dévotion due à l'Église: ils rétablissent les prérogatives 
dont les clercs jouissaient avant l'apparition de Jean : « Privi- 
légia ecclesiarum vel clericorum omnium, quse saeculo nostro 
tirannus inviderat, prona devotione revocamus.» A l'avenir, 
les clercs seront jugés devant le tribunal de l'évêque, sans 
que , toutefois , rien soit changé aux anciens règlements : 
« Clericos autem omnes episcopali audientiae reservamus, his 
manentibus quœ circa eos sanxit antiquitas. » La compé- 
tence reconnue aux évêques par Théodose et Valentinien est 
limitée aux questions qui touchent à l'organisation chré- 
tienne, aux causes dites ecclésiastiques. Florus ne pouvait 
donc pas se servir de cette constitution pour démontrer que 
jamais les clercs ne doivent être justiciables des tribunaux 
séculiers. 

L'argument tiré de la constitution du 18 décembre 43o est 
moins probant encore. Voici le texte exact du passage invo- 
qué par Florus : « Impp. Theodosius et Valentinianus A A. 
ad Albinum,PO... Deobnoxiis vero,si quiambulaverint cum 
episcopo, vel cum presbytero, vel etiam diacono, sivein platca, 



Digitized by 



Google 



j 



SgO FLORUS ET MODUIN. 

sive in agro, sive in quolibet loco, nullo pacto eos retineri vel 
adducî jubemus, quoniam in sacerdotibus ecclesia constat. 
Dat. XV Kal. Jan. Ravenna,Theodosio XIII et Valentiniano III 
AA. Coss. (i). » — Cette constitution tomba presque immédia- 
tement en désuétude (2). Ni dans les historiens , ni dans les 
textes du droit, on n'en trouve d'application; aucune allu- 
sion n'est faite à cet asile personnel. Toujours le droit 
d'asile paraît limité à l'enceinte des Églises. Dès le 23 mars 
43 1, Théodose et Valentinien renouvellent la défense de 
porter des mains sacrilèges sur les fugitifs ; mais ils ne 
parlent que des confugientes que protège le voisinage du 
lieu saint (3). — La Lex Romana Wisigothorum reproduit 
textuellement cette constitution de43i, avec cette Interpre- 
tatio : (c Ecclesiœ ac loca Deo dicatareos, qui ibidem compulsi 
timoré confugerint, ita tueantur, ut nulli locis sanctis ad 
direptionem reorum vim ac manus afferre présumant ; sed 
quicquid spatii vel in porticibus, vel in atriis, vel in domi- 
bus, vel in areis ad ecclesiam adjacentibus pertinet, velut 
interiora templi prsecipimus custodiri , ut reos timoris né- 
cessitas non constringat circa altaria manere et loca vene- 
ratione digna polluere (4) ». — La Lex Romana Burgundionum 
suppose toujours que celui qui veut se soustraire aux pour- 
suites de l'autorité séculière a ad ecclesiam confugit^ intra 
ecclesiam setueritentavit(5).)) — Mêmes dispositions dans la 
Lex Alamannorum^ qui ne protège que celui qui « infra januas 



(i) Haenel, Corpus Legunty p. 241. 

(2) Lœning, Geschichte des deutschen Kirchenrechts, I, p. 32 1, dit à 
propos de la constitution de 480 : « Doch verlor dièse Vorschrift jeden- 
jalls schon 438 ihre Geltung. » 

(3) L. 4 , Code théodosien. De his qui ad ecclesias con/ugiunt^ 9, 45 ; 
L. 3, Code Justinien, De his qui ad ecclesiam^ 1,12. 

(4) Lex Romana Wisigothorum^ L. i, C. Th., IX, 35, édition Hœnel, 
p. 210. 

(5) Lex Romana Burgundionum^ titre II, c. 3 et 6 ; titre IV, c. 2. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. Sq I 

ecclesîae confugit (i) », et dans la Decretio Childeberti régis 
du 29 février 596 : « Si ad ecclesiam confugium fecerit... (2)» 
— Le privilège personnel des clercs n'existait plus ; Moduîn 
n'avait pas à s'en inquiéter ni à examiner si ce privilège se- 
rait compromis par la jurisprudence dont il était l'organe. 

Les autres extraits de Florus pourraient donner lieu à 
des observations analogues. Il suffit de les comparer aux 
constitutions originales pour voir quelles différences existent 
entre leur valeur réelle et la valeur que leur attribue le 
diacre lyonnais. 



Ce procédé d'argumentation aurait-il aujourd'hui des par- 
tisans? Il faudrait être très-convaincu qu'une bonne fin jus- 
tifie l'emploi des moyens les plus répréhensibles pour se 
décider à l'approuver. 

Mais, au IX" siècle, on était moins scrupuleux qu'on ne 
l'est aujourd'hui ; les contemporains de Florus ne croyaient 
pas être coupables en altérant des textes. Le célèbre arche- 
vêque de Reims, Hincmar (806-882), le montra bien, le jour 
où il invoqua près du Souverain-Pontife une lettre du pape 
Benoît III, qu'il avait altérée et tronquée en plusieurs en- 
droits. Nicolas i" lui reprocha sa maladresse plus encore 
que la falsification elle-même : « Vous savez que, selon une 
ancienne coutume de l'Église romaine, nous conservons 
dans des registres la copie des actes expédiés par le 
Saint-Siège. Comment pouvez-vous donc vous fonder sur 
un titre, dont les mutilations et les falsifications apparais- 
sent, dès que nous le comparons à l'acte émané de nos pré- 
décesseurs ? (3) » — Hincmar n'était pas le seul coupable ; la 

(i) Pertz, Monumenta^ Leges^ III, p. 47. 

(2) Decretio, § 4, dans Pertz, Monumenta^ Leges, I, p. 9. 

(3) Nicolai Papa I Epistola CVIII: <r Cum nobis, quos nosti utique 



Digitized by 



Google 



392 FLORUS ET MODUIN. 

correspondance du plus grand Pape du IX* siècle, Nicolas P"" 
(858-867), "^"s montre combien les falsifications de textes 
étaient nombreuses , et combien elles préoccupaient ce 
Souverain-Pontife (i). A l'archevêque de Mayence il écrit: 
« Votre bonne foi a été surprise ; la lettre que Tabbé Grimold 
vous a présentée n'émane pas de notre chancellerie ; c'est 
l'œuvre d'un faussaire et d'un menteur (2). » Il informe 
l'archevêque de Vienne que la lettre pontificale dont un 
clerc, nommé Alvicus, s'est prévalu, pour demander à con- 
tracter mariage, est supposée, et il l'invite à faire une enquête 
pour découvrir le coupable (3). Il se plaint de ce que deux 
archevêques, Theutgaud et Gonthaire, chargés de lui porter 
les décisions du synode réuni à Metz pour juger la reine 
Theutberge, femme de Lothaire, ont altéré le texte authen- 
tique, en grattant, à l'aide d'un canif, quelques mots et en 
les remplaçant par un texte de fantaisie (4). 



prisco Ecclesiae romanae more in regestis exemplaria scriptorum, quse a 
sede dantur apostolica reservare, et quos conjicere potuisti, cum tempore 
decessoris mei darentur, ea etiam praesentialiter intuitos esse, sic mutila- 
tum et depravatum idem institutum mittere non formidaveris, quam 
depravatum et defraudatum nullam hujus experientiam habentibus ad 
subversionem vim patientium forsitan exhibuisti. » (Migne, Patrologia^ 
t. CXIX, p. 1106.) 

(i) Voir Rocquain, La Papauté au moyen-âge^ 1881, pages 17-20; cf. 
p. i27-i3o. 

(2) Nicolai Papœ I Epistola XXVI: « Epistola, quam vobis quasi a 
nobis missam Grimoldus obtulit abbas , nunquam nostro est scrinio 
scripta, neque a nobis édita, neque a nostra sede directa , sed omnimodis 
falsitatis argumento plena, et mendacii constructa demonstratur tenore.» 
(Migne, Patrologia^ CXIX, p. 809.) 

(3) Epistola LIX: Alvico nunquam «uxoremducendilicentiamdedimus. 
Nam exemplar epistolae quod misistis neque recognovimus, sed nec illius 
stylum a nobis directum fuisse meminimus. Quo circa vestra fraternitas 
sollicita investigatione perquirat, ut quis auctor illius epistolse fuerit valeat 
inveniri... » (Eod. loc.^ p. 870.) 

(4) Epistola CLV: « Theutgualdus et Guntharius, arrepto cultello , 
omne quod antistes providus ad deliberationem nostram servandum esse 
descripserat , raserunt, nomine solo episcopi relicto, caetera sicut ipsi 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. SgS 

Il y a donc pour Florus des circonstances qui atténuent 
la trop grande liberté dont il use avec les textes dans son 
argumentation contre Moduin. 

N'oublions pas, d'ailleurs, que les populations, effrayées 
par les guerres incessantes qui désolaient l'Empire, et redou- 
tant les vengeances politiques des juges séculiers, n'étaient 
pas hostiles au développement de l'autorité épiscopale. Sans 
aller aussi loin qu'Ozanam, qui ne voit que de simples 
supercheries, parfaitement naturelles, dans les tentatives 
faites pour placer les empiétements du pouvoir ecclésias- 
tique sous la protection des monuments de l'antiquité (i), 
au moins faut-il reconnaître que l'heure devait paraître 
propice aux membres les plus distingués du clergé pour se 
mettre au-dessus du pouvoir séculier. 

Louis-le-Pieux passait des heures entières à prier et à 
pleurer, le front sur le pavé des églises ; ses conseillers inti- 
mes devaient parfois lutter contre lui pour l'empêcher de des- 
cendre du trône et d'aller s'ensevelir au fond d'un monastère. 
Il se soumettait spontanément à des pénitences publiques, 
à des pratiques rigoureuses, que les rudes guerriers d'Aus- 
trasie qualifiaient sévèrement, mais qui étaient la preuve de 
rinfluence toujours croissante des membres du clergé sur 
l'esprit de l'Empereur, 

Pourquoi les clercs n'auraient - ils pas profité de cette 
influence pour obtenir de grands privilèges ? 

Déjà Florus avait composé sur l'élection des évêques un 
traité dans lequel il essayait d'établir, contrairement à la 
pratique de Charlemagne, que les évêques pouvaient être 



voluerunt temere perscribentes. » (Eod, loc.^ p. 1170). — Cf. Epistola 
XCVIII: Nicolas parle d'une lettre qu'il a écrite à T Empereur de Cons- 
tantinople, a epistola falsata per Rhadoaldum et Zachariam episcopos » 
(Eod. loc,^ p. 102 1). 
(i) Ozanam, Études germaniques^ 3« édition, t. II, p. 289. 



Digitized by 



Google 



$94 FLORUS ET MODUIN. 

élus sans que l'Empereur eût été consulté. Le Capîtulaire 
d'Attignî, en 822, avait consacré la thèse soutenue par le 
diacre de Lyon (i). 

Le succès dut l'encourager à poursuivre son oeuvre en 
s'efForçant de soustraire les clercs à la juridiction des tribu- 
naux séculiers. Il espérait par là, avec beaucoup de raison, 
secouer le joug que Charlemagne avait fait peser sur le 
clergé. 

Il n'était pas seul à méditer ce dessein. En lisant les 
opuscules de Florus, on songe naturellement à deux autres 
œuvres du IX' siècle, les fausses décrétales et les faux capi- 
tulaires. 

Il y eut toutefois entre Florus, d'une part, et, d'autre part, 
Benedictus Levita et le Pseudo - Isidore, une dififérence 
curieuse. 

Florus essaya de justifier sa thèse au moyen de constitu- 
tions impériales, inexactement reproduites ou mal inter- 
prétées, mais parfaitement authentiques. Pour découvrir 
l'erreur, il suffisait de se reporter aux textes originaux, de 
les lire attentivement et de préciser leurs solutions. 

Les autres furent plus habiles. L'un démontra sa thèse à 
l'aide de prétendus capitulaires des rois francs ; l'autre 
l'appuya sur de pures élucubrations auxquelles il donna le 
titre respectable de décrétales des Souverains - Pontifes. 
Habilement mêlées à des pièces authentiques, les pièces 
apocryphes furent acceptées de confiance, et, malgré quel- 
ques protestations isolées, tenues pour sincères. Le succès 
fut même très-rapide; car les pseudo -décrétales ont été 
rédigées dans la province de Reims, de 847 à 853, proba- 
blement vers 85 1 ou 852, et, avant la fin du IX' siècle, sous 

(i) Les auteurs de V Histoire littéraire^ t. V, p. 218, pensent que le Capi- 
tulaire d'Attigni a précédé Técrit de Florus ; mais de graves objections 
peuvent leur être adressées. 



Digitized by 



Google 



FLORUS ET MODUIN. Sgb 

le pontificat de Jean VIII (872-882), elles sont incontesta- 
blement admises à Rome. D'excellents auteurs croient même 
que leur marche fut plus prompte et reconnaissent leur 
influence dans les actes de Nicolas P*" (858-867) ^t d'Adrien II 
(867-872). 

Le but que Florus avait en vue dans sa lutte contre 
Moduin était maintenant atteint. Lorsqu'il mourut vers 
860, la règle que les clercs ne sont pas justiciables des juges 
séculiers commençait à prévaloir. Bien que la victoire fût 
due à d'autres armes que les siennes, le vieux diacre lyon- 
nais dut assister avec joie au triomphe de la cause pour la- 
quelle il avait combattu. Il pouvait enfin dire avec vérité : 

« Et gallîna pios pennarum tegmine fétus 
Mystica mundanis texit ab insidiis. » 



Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 



TABLE DES MATIÈRES 

PAR NOMS D'AUTEURS 
DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XXI* 



CAILLEMER. — L*abbé Nicaise et sa correspon- 
dance I 

— Lettres inédites du cardinal Mazarin au cardinal 

Alphonse de Richelieu, archevêque de Lyon. . . . 299 

— Florus et Moduin. (Épisode de l'histoire de Lyon 

au IX* siècle) 367 

CHARVÉRIAT. — Note sur un point relatif à la 

bataille de la Montagne Blanche 3o5 

ROUGIER. — Les idées nouvelles en économie poli- 
tique 309 



FIN DE LA TABLE PAR NOMS d' AUTEURS 



Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 



TABLE DES MATIÈRES 

CONTENUES DANS LE TOME XXI* 



État de r Académie au i'"" janvier i885 

Prix décernés par l'Académie 

L'abbé Nicaise et sa correspondance, par M. E. Cail- 

LEMER I 

Lettres inédites du cardinal Mazarin au cardinal Al- 
phonse de Richelieu, archevêque de Lyon, par 
M. E. Caillemer 299 

Note sur un point relatif à la bataille de la Montagne 

Blanche, par M. Charvériat 3o5 

Les idées nouvelles en économie politique, par M. Paul 

RouGiER 309 

Florus et Moduin (Épisode de l'histoire de Lyon au 

IX* siècle, par M. E. Caillemer 367 



Lyon, Astoc. typ., rue de la Barre, 12. — F. Plan, directeur. 



Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 



Digitized by 



Google 





Digitized by 



Google 



ilUiilil 



3 2044 090 852 815 



v:«v^-v^^-'^^ 



'^. *^ '♦,•: 



^r-^ 



«...' -nA. 



"^u- 















•^"i^ 



I 






.^_/ 



i^ î^/'. -^ 



*^ i ^ 







l'^^^"^^^^^^^